CA MONTPELLIER (4e ch.), 8 janvier 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8298
CA MONTPELLIER (4e ch.), 8 janvier 2020 : RG n° 16/08901
Publication : Jurica
Extrait : « Que si l'appelant invoque ces dispositions pour la première fois en cause d'appel, il s'agit non pas d'une prétention nouvelle dès lors que la demande tend comme en première instance à obtenir la condamnation de l'assureur à fournir la garantie qu'il revendique, mais d'un moyen nouveau en conséquence recevable par application de l'article 563 du code de procédure civile ;
Attendu toutefois que l'article 17.4 litigieux définit la garantie incapacité temporaire totale de travail qui constitue en l'occurrence l'objet principal du contrat d'assurance au sens de l'alinéa 7 du texte visé ci-dessus ; Et que cette clause qui subordonne le bénéficie de cette garantie à l'impossibilité absolue médicalement constatée d'exercer une activité professionnelle quelconque à temps plein ou à temps partiel, est claire, précise et dépourvue d'ambiguïté dès lors que l'emploi de l'article indéfini « une » et de l'adjectif indéfini « quelconque » manifeste de manière explicite et non équivoque que cette notion s'apprécie par référence à une activité professionnelle, quelle qu'elle soit, et non en fonction des répercussions de l'accident sur celle que l'assuré exerçait au moment du sinistre ;
Qu'il n'existe notamment aucune contradiction entre cette définition et l'article 19.4 mentionnant les formalités à remplir en cas d'ITT qui exigent la production d'une attestation médicale d'incapacité complétée et signée par l'assuré et son médecin, d'une attestation d'arrêt de travail et de la copie de décomptes de prestations en espèces de la sécurité sociale depuis l'arrêt de travail, qui n'ont d'autre objet que de permettre à l'assureur d'instruire le sinistre au regard des conditions de mobilisation de la garantie et non d'en réduire le champ d'application à l'emploi exercé par l'assuré au moment du sinistre ;
Qu'il s'ensuit du tout que la clause litigieuse ne saurait être déclarée abusive et doit en conséquence recevoir application ».
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
QUATRIÈME CHAMBRE
(ANCIENNEMENT PREMIÈRE CHAMBRE B)
ARRÊT DU 8 JANVIER 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/08901. R.G. n° 16/08901. N° Portalis DBVK-V-B7A-M6SH. Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 OCTOBRE 2016, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 15/07345.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse], Représenté par Maître Nathalie D., avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
SA CNP ASSURANCES
représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé, [adresse], Représentée par Maître Catherine G. de la SCP DORIA AVOCATS, avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 5 novembre 2019
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 NOVEMBRE 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre et Monsieur Christian COMBES, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, Monsieur Christian COMBES, Conseiller, Monsieur Frédéric DENJEAN, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Madame Henriane MILOT.
ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Madame Henriane MILOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 20 juin 2013, la CAISSE D'ÉPARGNE LANGUEDOC ROUSSILLON a consenti à M. X. le prêt de la somme de 90.000 € destiné à financer l'acquisition d'un immeuble d'habitation remboursable en 120 échéances mensuelles de 908,73 €.
A cette occasion, M. X. a adhéré au contrat d'assurance collectif souscrit par le préteur notamment auprès de la SA CNP ASSURANCES au titre des garanties décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité totale de travail consécutive à un accident.
L'assureur a refusé de lui accorder sa garantie à la suite d'un arrêt de travail, le 7 avril 2014.
C'est dans ces conditions que M. X. l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Montpellier, lequel selon jugement rendu le 24 octobre 2016, vu la notice d'information et notamment son article 17.4, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et dit n'y avoir lieu à expertise médicale.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. X. a relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables.
Par conclusions dernières en date du 9 septembre 2019, il relate les raisons successivement opposées par l'assureur à sa demande de prise en charge en soulignant la volonté de ce dernier d'échapper à ses obligations.
Il soutient qu'à l'issue du rapport déposé le 5 juin 2018 par l'expert C. désigné par le conseiller de la mise en état, il est en droit de faire valoir la garantie contractée pour la période du 4 avril 2014 au 4 mars 2015 soit 11 mois, sur laquelle l'assureur ne s'est acquitté le 3 octobre 2018 que de la somme de 1.908,33 €.
A titre principal, il demande de juger abusive au sens de l'ancien article 132-1 du code de la consommation la clause figurant à l'article 17.4 du contrat d'assurance définissant l'ITT dès lors que celle-ci restreint considérablement l'exercice de la garantie pour la réduire à néant et crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel.
A titre subsidiaire et interprétant la clause dont il estime qu'elle n'est ni claire ni compréhensible, il soutient que la notion d'arrêt de travail, qui est déterminé en fonction des exigences du métier exercé, est différente de celle e l'impossibilité absolue d'exercer une activité professionnelle et demande d'écarter les conclusions de l'expert aux termes desquelles il aurait pu effectuer une activité administrative de surveillance entre le 5 mars 2015 et le 15 juin 2017 alors qu'il est inapte à tout effort physique dans un cadre professionnel et que son niveau d'instruction lui interdit d'exercer une autre activité que celle de docker occasionnel qui est la sienne.
Poursuivant l'infirmation de la décision déférée, il considère que la garantie doit s'appliquer à compter du 7 septembre 2014 jusqu'à la consolidation de son état de santé le 15 juin 2016 et demande de condamner l'assureur à lui payer une indemnité de 19.083,33 € au titre des échéances du prêt dues entre le mois de septembre 2014 et celui de juin 2016, ainsi que les sommes de 1.500 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
* * *
Par conclusions dernières en date du 14 octobre 2019, la SA CNP ASSURANCES rappelle que M. X. occupait déjà un poste aménagé qu'il était selon les conclusions de l'expert apte à reprendre à partir du 5 mars 2015.
Elle soutient que la demande d'annulation de la clause figurant à l'article 17.4 est nouvelle et donc irrecevable alors que l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne peut porter selon l'alinéa 7 du même texte, ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert et qu'elle est rédigée de façon claire et compréhensible, ajoutant qu'elle ne saurait réduire la garantie à néant, à preuve le fait que l'assuré a pu en bénéficier pour un temps donné.
Elle indique ainsi, une fois connues les conclusions du Docteur Z., avoir versé la somme de 1.908,33 € correspondant à la prise en charge de la mensualité de remboursement de 908,73 € durant la période d'ITT retenue par celui-ci du 4 septembre 2014 au 4 mars 2015, déduction faite du délai de franchise.
Poursuivant la confirmation de la décision déférée, elle demande de rejeter l'ensemble des demandes formées par son adversaire, sauf à dire que toute éventuelle prise en charge ne pourrait intervenir que dans les termes et conditions contractuels, et de le condamner à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu en premier lieu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi ;
Qu'en l'occurrence et aux termes de l'article 4.2 des conditions générales du contrat figurant dans la notice d'information, l'assuré est en état d'incapacité temporaire totale de travail lorsqu'à l'expiration d'une période d'interruption d'activité de 120 jours, appelée délai de franchise, et avant son 65ème anniversaire, il se trouve par suite d'une maladie ou d'un accident, dans l'impossibilité absolue médicalement constatée, pour un assuré exerçant une activité professionnelle ou en recherche d'emploi au jour du sinistre, d'exercer une activité professionnelle quelconque à temps plein ou à temps partiel ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que toutefois l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensibles ;
Que si l'appelant invoque ces dispositions pour la première fois en cause d'appel, il s'agit non pas d'une prétention nouvelle dès lors que la demande tend comme en première instance à obtenir la condamnation de l'assureur à fournir la garantie qu'il revendique, mais d'un moyen nouveau en conséquence recevable par application de l'article 563 du code de procédure civile ;
Attendu toutefois que l'article 17.4 litigieux définit la garantie incapacité temporaire totale de travail qui constitue en l'occurrence l'objet principal du contrat d'assurance au sens de l'alinéa 7 du texte visé ci-dessus ;
Et que cette clause qui subordonne le bénéficie de cette garantie à l'impossibilité absolue médicalement constatée d'exercer une activité professionnelle quelconque à temps plein ou à temps partiel, est claire, précise et dépourvue d'ambiguïté dès lors que l'emploi de l'article indéfini « une » et de l'adjectif indéfini « quelconque » manifeste de manière explicite et non équivoque que cette notion s'apprécie par référence à une activité professionnelle, quelle qu'elle soit, et non en fonction des répercussions de l'accident sur celle que l'assuré exerçait au moment du sinistre ;
Qu'il n'existe notamment aucune contradiction entre cette définition et l'article 19.4 mentionnant les formalités à remplir en cas d'ITT qui exigent la production d'une attestation médicale d'incapacité complétée et signée par l'assuré et son médecin, d'une attestation d'arrêt de travail et de la copie de décomptes de prestations en espèces de la sécurité sociale depuis l'arrêt de travail, qui n'ont d'autre objet que de permettre à l'assureur d'instruire le sinistre au regard des conditions de mobilisation de la garantie et non d'en réduire le champ d'application à l'emploi exercé par l'assuré au moment du sinistre ;
Qu'il s'ensuit du tout que la clause litigieuse ne saurait être déclarée abusive et doit en conséquence recevoir application ;
Attendu en second lieu que l'expert Z. retient que sont survenues, à la suite de l'accident de travail dont M. X. a été victime le 7 avril 2014, des cervicalgies avec cervico brachialgie du côté droit ; qu'il souligne que l'état clinique de la victime ne lui a pas permis, du 7 avril au 3 septembre 2014, de reprendre une activité professionnelle de docker occasionnel sur poste aménagé avec absence de port de charges lourdes, travail en cale et de conduite de chariot élévateur qu'il occupait avant l'accident, ni du 3 au 8 septembre 2014 durant la période d'hospitalisation, ni enfin jusqu'au 4 mars 2015, en raison de la persistance de cervicalgies avec douleurs irradiées au niveau du membre supérieur droit ; qu'il estime toutefois que M. X. n'est pas dans l'impossibilité d'exercer une quelconque activité professionnelle à partir de la fin du sixième mois post opératoire, soit à partir du 5 mars 2015, et qu'il pouvait alors reprendre son poste aménagé jusqu'à la fin de son arrêt de travail le 15 juin 2017 ;
Que l'expert a maintenu ses conclusions après réception des éléments encore actuellement invoqués par M. X., qui ne conteste du rapport que cette dernière mention, alors au demeurant que les fiches d'aptitude qu'il produit ne concernent que l'interdiction du port de charges lourdes, travail en cale et conduite de chariot élévateur, déjà présentes en 2008 après un premier antécédent médical, à l'exception donc d'une activité administrative ; et que ni l'extrait de la convention collective (page 8), ni l'attestation d'un contremaître indiquant qu'il ne serait pas prioritaire par rapport aux dockers mensualisés ne peuvent sérieusement contrarier l'avis de l'expert judiciaire alors de surcroît que l'appelant ne justifie pas de l'activité qui a été la sienne postérieurement au 15 juin 2017 ;
Que M. X. ne fait donc pas la preuve de l'obligation à garantie de l'assureur autrement que pour la période comprise entre le 4 septembre 2014 et le 4 mars 2015 et que ce dernier a exécuté le 3 octobre 2018 à la suite du dépôt de son rapport par le Docteur Z. le 5 juin précédent ;
Attendu que si M. X. ne caractérise en rien la résistance abusive de son adversaire, il ressort du tout que le refus opposé par ce dernier, injustifié au regard de ce qui précède pour partie de la demande de prise en charge, a rendu le procès nécessaire ;
Et que succombant au moins partiellement la SA CNP ASSURANCES doit les dépens en ce compris les frais d'expertise, ainsi que le paiement à son adversaire d'une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Déclare les appels tant principal qu'incident recevables en la forme,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit que la SA CNP ASSURANCES doit sa garantie au titre de l'incapacité temporaire totale pour la période comprise entre le 4 septembre 2014 et le 4 mars 2015,
Constate que celle-ci s'est libérée de cette obligation en cours d'instance,
Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties,
Condamne la SA CNP ASSURANCES aux dépens ainsi qu'à payer à M. X. la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6355 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de personne - Assurance individuelle de prévoyance