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CA LYON (3e ch. A), 16 janvier 2020

Nature : Décision
Titre : CA LYON (3e ch. A), 16 janvier 2020
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 3e ch. civ. sect. A
Demande : 18/01862
Date : 16/01/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/03/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8306

CA LYON (3e ch. A), 16 janvier 2020 : RG n° 18/01862 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En outre, l'activité principale de la société Au royaume du pneu qui exploite un garage n'est pas en lien avec la fourniture de site objet du contrat.

Par ailleurs, la société Au royaume du pneu démontre que le nombre de salariés employés par elle est inférieur ou égal à cinq, en premier lieu, par le fait que le contrat mentionne une croix cochant la case « moins de 5 salariés » après la phrase dactylographiée « L'abonné/Locataire certifie sur l'honneur à la date de signature du contrat embaucher... » et en second lieu, par la communication du registre du personnel dont l'examen révèle qu'à l'époque de la signature du contrat, 5 salariés œuvraient dans l'entreprise. Etant observé qu'aucune contradiction n'existe entre ces deux éléments dès lors que le choix de cocher sur le contrat le nombre de salariés ne fait référence qu'à « moins de 5 salariés » et à « plus de 5 salariés », sans proposer de choix pour une présence de 5 salariés. En tous cas, la case « plus de 5 salariés » n'a pas été cochée.

En conséquence, le contrat conclu entre la société Au royaume du pneu et la société Meosis aux droits de qui vient Locam, entre dans le champ d'application des articles précités et à défaut de contenir les informations précontractuelles obligatoires et notamment les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type de rétractation, ce contrat est nul. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 16 JANVIER 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/01862. N° Portalis DBVX-V-B7C-LSRW. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE, Au fond, du 30 janvier 2018 : RG n° 2018j44.

 

APPELANTE :

SARL AU ROYAUME DU PNEU

[...] [...], Représentée par Maître Baptiste B. de la SELARL B. - C. ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 428

 

INTIMÉE :

SAS LOCAM

[...] [...], Représentée par Maître Michel T. de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE

 

Date de clôture de l'instruction : 1er février 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 novembre 2019

Date de mise à disposition : 16 janvier 2020

Audience tenue par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et Pierre BARDOUX, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier. A l'audience, Anne-Marie ESPARBÈS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne-Marie ESPARBÈS, président, - Hélène HOMS, conseiller, - Pierre BARDOUX, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société « Au royaume du pneu » (SARL), gérée par M. X., exerce une activité de garage mécanique.

Après mise en demeure de payer des loyers impayés et se prévalant de la clause résolutoire visée à un contrat de licence d'exploitation de site internet conclu le 10 mai 2016 entre la société Au royaume du pneu et la société Meosis stipulant un paiement par 48 loyers mensuels de 265 € HT et 318 € TTC outre frais d'adhésion ou de mise en ligne de 492 € TTC, ainsi que d'un procès-verbal de livraison et de conformité en date du 31 mai 2016, la société Locam a fait assigner la société Au royaume du pneu devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne en paiement de la somme de 15.741 € au titre des loyers impayés et des indemnités contractuelles par acte du 18 octobre 2017.

Par jugement réputé contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 30 janvier 2018, le tribunal de commerce a condamné la société Au royaume du pneu à payer à la société Locam la somme de 14.310 € + 1€ à titre de clause pénale, outre intérêts au taux légal à dater de l'assignation et aux dépens, disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Au royaume du pneu a interjeté appel par acte du 12 mars 2018.

[*]

Par conclusions déposées le 2 novembre 2018, fondées sur les articles 1108, 1128, 1134 et 1193 du code civil et sur les articles L. 221-3, L. 221-4, L. 221-5 et L. 221-20 du code de la consommation, la société Au royaume du pneu demande à la cour de :

- réformer intégralement le jugement déféré sur ses condamnations et statuant à nouveau :

- à titre principal, juger nul le contrat signé le 10 mai 2016 par la société Meosis et M. Y. à défaut de capacité du salarié engagé par la société, et en conséquence, rejeter toute demande de la société Locam à son encontre,

- à titre subsidiaire, juger que les dispositions protectrices concernant les contrats conclus à distance et hors établissement s'appliquent au contrat à l'époque souscrit, que la société Meosis n'a pas fourni les informations relatives au droit de rétractation, et en conséquence, juger que le contrat a été résilié ensuite de sa rétractation qu'elle a adressée à la société Meosis le 10 novembre 2016 et à tout le moins, du fait de l'accord des parties pour cette résiliation,

- rejeter toute demande de la société Locam présentée à son encontre,

- plus subsidiairement, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a réduit à l'euro symbolique la clause pénale de 10 %,

- en tout état de cause, rejeter toute demande contraire de la société Locam, juger abusive la procédure engagée par celle-ci à son encontre et condamner la société Locam à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi suite à cette action,

- condamner la société Locam à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- et en tous les dépens y compris ceux de première instance.

[*]

Par conclusions déposées le 6 août 2018, au visa des articles 1103, 1382 ancien du code civil et L. 221-3 du code de la consommation, la société Locam SAS demande à la cour de :

- dire non fondé l'appel de la société Au royaume du pneu, débouter celle-ci de toutes ses demandes,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit à l'euro symbolique la clause pénale de 10 %, condamner la société Au royaume du pneu à lui régler la somme complémentaire de 1.431 €,

- outre une indemnité de procédure de 2.000 €,

- et charge des entiers dépens d'instance et d'appel.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Les demandes de la société Au royaume du pneu tendant à la nullité du contrat du 10 mai 2016 qui est dit par Locam avoir été souscrit avec la société Meosis, visent en conséquence la société Locam en sa qualité de cessionnaire, que Locam revendique selon ses écritures en application de l'article 14 dudit contrat.

L'appelante fonde son moyen de nullité au principal sur le défaut de capacité du signataire du contrat M. Y. salarié dans l'entreprise et fils du gérant, auquel la société Locam oppose le mandat apparent. Subsidiairement, elle plaide le non-respect des dispositions protectrices relatives à la signature d'un contrat hors établissement, en soutenant une résiliation du contrat.

Il est retenu que cette résiliation n'est pas intervenue amiablement comme le soutient à juste titre Locam au visa des courriers des 10 et 23 novembre 2016, aucune acceptation en ce sens n'ayant été dite par Meosis ou Locam.

Ces dispositions protectrices précitées étant d'ordre public, la cour doit procéder à leur examen avant le moyen de nullité tiré du défaut de capacité.

Elles conduisent en cas de non-respect à la sanction de nullité du contrat, non pas celle de la résiliation.

Selon les dispositions de l'article L. 221-1 du code de commerce, sont considérés comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :

a) dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;

(...).

Ce même texte définit le contrat de fourniture de services comme celui par lequel le professionnel s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix.

L'article L. 221-3 étend l'application des dispositions précitées aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet des contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

L'article L. 221-4 alinéa 2 dispose que les dispositions du chapitre Ier relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement s'appliquent (...) également aux contrats portant sur la fourniture de contenu numérique indépendamment de tout support matériel.

L'article L. 221-5 prévoit que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations qu'il énumère dont celles relatives au droit de rétraction lorsqu'il existe ainsi qu'un formulaire type de rétractation.

Selon l'article L. 228-8, les mêmes informations doivent être remises dans le cas d'un contrat conclu hors établissement et en outre un tel contrat, pour lequel un droit de rétractation existe, doit être accompagné du formulaire type de rétractation prévu à l'article L. 221-5.

En l'espèce, l'objet du contrat litigieux à savoir une licence d'exploitation de site internet correspond à une fourniture de contenu numérique indépendante de tout support matériel. Il ne s'agit pas d'un service financier comme le prétend la société Locam pour viser l'exclusion de l'article L. 121-16-1.

Le contrat, qui est à en-tête de la société Meosis, a été souscrit suivant ses mentions sur le lieu du garage situé à [ville A.], lieu de son siège social, tandis que la société Locam est domiciliée à Saint-Étienne (42) et que la société Meosis est domiciliée à [ville 68].

Il a donc été conclu hors établissement.

Il a été conclu entre deux professionnels, la société Au royaume du pneu et la société Meosis, aux droits de qui vient Locam, qui est aussi un professionnel.

En outre, l'activité principale de la société Au royaume du pneu qui exploite un garage n'est pas en lien avec la fourniture de site objet du contrat.

Par ailleurs, la société Au royaume du pneu démontre que le nombre de salariés employés par elle est inférieur ou égal à cinq, en premier lieu, par le fait que le contrat mentionne une croix cochant la case « moins de 5 salariés » après la phrase dactylographiée « L'abonné/Locataire certifie sur l'honneur à la date de signature du contrat embaucher... » et en second lieu, par la communication du registre du personnel dont l'examen révèle qu'à l'époque de la signature du contrat, 5 salariés œuvraient dans l'entreprise. Etant observé qu'aucune contradiction n'existe entre ces deux éléments dès lors que le choix de cocher sur le contrat le nombre de salariés ne fait référence qu'à « moins de 5 salariés » et à « plus de 5 salariés », sans proposer de choix pour une présence de 5 salariés. En tous cas, la case « plus de 5 salariés » n'a pas été cochée.

En conséquence, le contrat conclu entre la société Au royaume du pneu et la société Meosis aux droits de qui vient Locam, entre dans le champ d'application des articles précités et à défaut de contenir les informations précontractuelles obligatoires et notamment les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type de rétractation, ce contrat est nul.

L'appelante a alors sollicité à bon droit le débouté des prétentions de Locam, dont les moyens contraires sont rejetés, sans réclamer cependant la restitution des 3 loyers payés.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris rendu en l'absence de la société Au royaume du pneu, sans besoin d'examiner le surplus des moyens.

L'appelante sollicite la condamnation de la société Locam à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi suite à cette action. Cependant, elle ne caractérise pas un abus du droit d'ester en justice pour la société intimée susceptible de lui allouer un droit à indemnisation, sa demande est rejetée.

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Locam, partie perdante, doit supporter les dépens, garder à sa charge les frais non répétibles qu'elle a exposés et verser à la société Au royaume du pneu une indemnité de procédure pour les frais non répétibles qu'elle l'a contrainte à exposer.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de location conclu le 10 mai 2016 entre la société Au royaume du pneu et la Meosis qui a cédé son contrat à la société Locam,

Déboute la société Au royaume du pneu de sa demande de dommages-intérêts,

Déboute la société Locam de toutes ses demandes,

Condamne la société Locam à verser à la société Au royaume du pneu une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Locam aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,                           Le Président,