CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 6 février 2020

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 6 février 2020
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 3
Demande : 18/06453
Décision : 2020/43
Date : 6/02/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/04/2018
Numéro de la décision : 43
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8332

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 6 février 2020 : RG n° 18/06453 ; arrêt n° 2020/43

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La demande de M. X. tendant à voir reconnaître le caractère abusif de certaines clauses du contrat d'assurances et les voir réputer non écrites, n'est pas soumise à la prescription quinquennale ».

2/ « Les clauses incriminées, qui concernent la définition de l'une des garanties du contrat, ses modalités de mise en œuvre et les conditions de son application, portent sur l'objet principal du contrat. Telles que reproduites ci-dessus, chacun des mots employés n'autorise qu'une acception et il n'existe aucune autre interprétation possible que celle qui résulte de ces phrases. Rédigées en des termes clairs, compréhensibles et dépourvus d'ambiguïté, quand bien même elles définiraient très strictement l'ITT, laquelle ne se confond pas avec l'invalidité ou un déficit fonctionnel, ces clauses ne sauraient être qualifiées d'abusives. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-3

ARRÊT DU 6 FÉVRIER 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Rôle N° RG 18/06453. Arrêt n° 2020/43. N° Portalis DBVB-V-B7C-BCIZP. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 27 mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le R.G. n° 15/03273.

 

APPELANT :

Monsieur X.

demeurant [adresse], représenté par Maître Romain C. de la SELARL LEXAVOUE B. C. I., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Maître Michel O. de la SELARL JUDICIAL, avocat au barreau de NICE substitué par Maître Ouassini M., avocat au barreau de NICE,

 

INTIMÉES :

SCOP LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE,

dont le siège social est sis [adresse], représentée et assistée de Maître Marc D. de la SELARL HAUTECOEUR - D., avocat au barreau de NICE

SA CNP ASSURANCES,

dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Charles T. de la SCP T. P. V., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Philippe D., avocat au barreau de NICE substitué par Maître Sylvain M., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 26 novembre 2019 en audience publique devant la cour composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre, magistrat rapporteur, Madame Françoise PETEL, Conseiller, Madame Anne DUBOIS, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 6 février 2020.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 6 février 2020, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. X. a souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur :

- le 15 mai 2006 un prêt immobilier n° 006XXX269 d'un montant de 209.700,00 € au taux d'intérêt annuel de 3,8 % d'une durée de 240 mois, destiné à l'acquisition d'un bien immobilier à [ville V.],

- le 26 décembre 2006 un prêt immobilier n° 0060YYY040 d'un montant de 230.000,00 € au taux d'intérêt annuel de 4,00 %, d'une durée de 240 mois, destiné à l'acquisition d'un bien immobilier situé à [ville S.],

- le 5 mai 2010, un prêt immobilier n° 006ZZZ4574 d'un montant de 530.000,00 € d'une durée de 300 mois, au taux d'intérêt annuel fixe de 4,00 % destiné à l'acquisition d'un bien immobilier à [ville V. M.].

Pour chacun de ces prêts, M. X. a adhéré à l'assurance groupe souscrite par la banque auprès de la SA CNP Assurances.

Les échéances des prêts n'étant plus réglées, la CRCAM PCA a mis M. X. en demeure de payer par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2014.

Rencontrant des problèmes de santé l'ayant contraint à cesser son activité professionnelle, M. X. a sollicité la prise en charge des mensualités des prêts par la SA CNP Assurances.

La SA CNP Assurances a pris en charge les mensualités du prêt n° 006ZZZ4574 souscrit le 5 mai 2010 jusqu'au 7 janvier 2015. Elle a cessé la prise en charge à la suite de l'examen médical de M. X. par son médecin conseil le 8 janvier 2015 qui concluait à son aptitude à reprendre une activité.

La CRCAM PCA a adressé à M. X. une nouvelle mise en demeure le 15 mai 2015 et l'a fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance de Nice.

Parallèlement, M. X. a contesté le refus de prise en charge par la SA CNP Assurance et a fait assigner la banque et l'assureur devant le tribunal de grande instance de Nice pour les voir condamner à prendre en charge les mensualités des trois prêts au titre de l'ITT et voir réparer son préjudice.

Les instances ont été jointes devant le tribunal de grande instance de Nice lequel a, par jugement du 27 mars 2018 :

- débouté M. X. X. de sa demande tendant au constat de la prescription de l'action en paiement engagée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur à son encontre,

- déclaré irrecevable car prescrite l'action en responsabilité engagée par M. X. à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur et de la SA CNP Assurances du chef de manquements au devoir de mise en garde, au devoir d'information et à raison de l'existence de clauses abusives,

- condamné M. X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, au titre du prêt n° 006XXX269 de 209.700 €, la somme de 182.368,64 € avec intérêts contractuels à compter du 9 février 2016,

- condamné M. X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, au titre du prêt n° 0060YYY040 de 230.000 €, la somme de 212.216,11 € avec intérêts contractuels à compter du 9 février 2016,

- débouté M. X. de ses demandes autres ou plus amples,

- condamné M. X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X. à payer à la SA CNP Assurances la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné M. X. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. X. a interjeté appel par déclaration du 12 avril 2018.

[*]

Par conclusions du 20 décembre 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. X. demande à la cour de :

1/ pour les prêts souscrits en 2006 :

- dire et juger prescrite l'action en paiement au titre des 2 prêts de 2006, engagée par la CRCA, conformément aux dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation,

- en conséquence, réformer le jugement du 27 mars 2018,

- dire et juger que le point de départ de la prescription quinquennale soulevée par CNP et CRCA se situe à la date où le dommage s'est révélé à M. X. c'est-à-dire au moment des premières difficultés de paiement de ses prêts, soit au mois de février 2013,

subsidiairement :

- dire et juger que lors de la souscription des offres de prêt et en l'absence de remise de notice distincte des conditions générales d'assurance, M. X. ne pouvait déceler par lui-même les irrégularités affectant les garanties d'assurance souscrites, le délai de prescription n'ayant pu commencer à courir,

en conséquence,

- dire et juger que le délai de prescription de 5 ans au jour de l'assignation de M. X. à l'encontre de CRCA et CNP n'est pas acquis,

- réformer le jugement du 27 mars 2018

en conséquence,

- dire et juger que pour les 2 prêts souscrits en 2006, CNP assurances et la Banque CRCA n'ont pas remis de notice d'assurance distincte des conditions générales du contrat,

- dire et juger que de ce fait, le délai de prescription n'a pu commencer à courir,

- dire et juger que CNP assurances et la banque CRCA ont manqué à leur obligation précontractuelle d'information,

- dire et juger que la fiche d'information remise par la banque CRCA à M. X. manque de clarté, et que ce manque de clarté s'apprécie selon le critère du consommateur,

vu l'arrêt de la Cour de cassation du 30 septembre 2015 n° 14-18854 :

- dire et juger que la banque CRCA a manqué à son obligation d'information et de conseil qui doit être délivrée à tous les emprunteurs fussent-ils avertis indépendamment de tout risque d'endettement excessif,

- dire et juger que la souscription d'une assurance destinée à garantir le remboursement d'un prêt n'est pas déterminé par le niveau d'endettement de l'emprunteur mais par la perspective d'un risque dont la couverture apparaît opportune lors de la souscription du prêt,

- dire et juger que la CRCA s'est abstenue d'éclairer M. X. sur l'adéquation des risques couverts par l'assurance à sa situation personnelle pour les 2 prêts souscrits en 2006,

- dire et juger que la CRCA s'est abstenue d'éclairer M. X. de l'absence de garantie ITT pour les 2 prêts de 2006 et des conséquences en découlant en cas de maladie ou d'accident,

- dire et juger en conséquence que M. X. a subi une perte de chance d'assurer les 2 prêts souscrits en 2006 n° 0060YYY040 et 0060078269 au titre de l'ITT et de la perte d'emploi,

- dire et juger que la CRCA s'est abstenue de mettre en œuvre la caution de CAMCA au titre de la garantie des 2 prêts de 2006,

en conséquence,

- condamner la banque CRCA à payer à M. X. la somme de 180.000 euros pour le prêt n° 0060YYY040 (de 230.000 €) à titre de dommages et intérêts pour perte de chance et la somme de 155.000 euros pour le prêt n° 0060007829 à titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

en conséquence,

- réformer le jugement du 27 mars 2018,

- débouter la CRCA de toutes ses demandes fins et conclusions,

subsidiairement :

- dire et juger manifestement excessives les clauses pénales contenues aux 2 prêts de 2006,

en conséquence,

- dire et juger que les clauses pénales seront ramenées à l'euro symbolique,

- réformer en conséquence le jugement du 27 mars 2018,

2/ pour le prêt souscrit en 2010

- dire et juger que la prescription ne commence à courir qu'à la date du refus de prise en charge des échéances du prêt par CNP soit le 3 février 2015, conformément aux dispositions de l'article L. 114-1 al 1 du code des assurances et des arrêts de la Cour de cassation en date du 27 mars 2001 n° 98-15940 et du 6 février 2014 n° 13-13870,

- dire et juger que la date du refus de la prise en charge des échéances du prêt par CNP Assurances constitue le point de départ de la prescription,

- dire et juger que l'action de M. X. n'est pas prescrite puisque son assignation a été délivrée au mois de juin 2015,

en conséquence,

- réformer le jugement du 27 mars 2018,

- dire et juger que pour le prêt de 2010, la fiche d'information remise par la banque CRCA ne contient pas les dispositions essentielles du contrat d'assurance et n'est pas conforme au modèle de fiche standard,

- dire et juger que la banque CRCA n'a pas remis de notice distincte des conditions générales du contrat d'assurance et a donc manqué à son obligation précontractuelle d'information,

- dire et juger que le docteur L., médecin mandaté par l'assureur des autres prêts souscrits par M. X. (et pris en charge par l'assurance) a estimé que l'état de santé de M. X. nécessitait une ITT de travail du 4 novembre 2013 au 30 avril 2015 et qu'à compter du 1er mai 2015, M. X. a été considéré en invalidité permanente partielle,

en conséquence,

- dire et juger que CNP Assurances doit prendre en charge l'intégralité des échéances du prêt de 2010 à hauteur de 80 % depuis le 7 janvier 2015 jusqu'au 30 avril 2015 au titre de l'ITT et à compter du 1er mai 2015 au titre de l'IPP,

en conséquence,

- condamner la CNP à régler à la CRCA le montant des échéances du prêt de 2010 à hauteur de 80 % à compter du 7 janvier 2015,

vu l'arrêt Van Hope/CNP de la CJUE et le jugement du tribunal de grande instance de Nîmes définitif du 23 mai 2016

vu l'arrêt de la Cour de cassation 1ère chambre du 14 avril 2016 n°15-19107,

- dire et juger que les clauses suivantes contenues au contrat CNP Assurances :

- 4.3.1.1 : pour la mention « Il (l'assuré) se trouve à la suite d'un accident ou d'une maladie, dans l'incapacité reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque professionnelle ou non, même à temps partiel « 

- 4.3.3 pour la mention « l'assureur n'est pas tenu de suivre les décisions de la Sécurité Sociale ou d'un organisme assimilé » ;

- et la clause 4.3.4 pour la mention « la prise en charge cesse également dès le moment où après contrôle médical initié par l'assureur, l'assuré est reconnu capable d'exercer une activité professionnelle ou non professionnelle même partielle »

ne sont pas claires et compréhensibles pour le non professionnel ou consommateur qu'est M. X. et ne définissent pas précisément l'ITT de sorte qu'elles entraînent une restriction substantielle de garantie et ont pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les parties au contrat d'assurance,

en conséquence,

- déclarer abusives les 3 clauses susvisées,

- déclarer les 3 clauses ci-dessus non écrites,

en conséquence,

- condamner CNP assurances à prendre en charge au titre de l'ITT les échéances du prêt n° 006ZZZ4574 depuis le mois de janvier 2015,

- la condamner en conséquence, à payer lesdites échéances directement à la banque CRCA, à compter du mois de janvier 2015,

subsidiairement, dans l'hypothèse où la banque ferait valoir la déchéance du terme du prêt de 2010 :

- condamner CNP Assurances à payer le solde du prêt 006ZZZ4574 restant dû à la CRCA à compter du mois de janvier 2015,

en tout état de cause :

- débouter la CRCA et CNP Assurances de toutes leurs demandes fins et conclusions,

- condamner in solidum la CRCA et CNP assurances à payer à M. X. la somme de 50.000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts outre la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Lexavoué, Aix-en-Provence.

[*]

Par conclusions du 7 février 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur demande à la cour de :

- dire et juger que l'action en responsabilité de M. X. à l'encontre du Crédit Agricole est prescrite ;

- dire et juger que l'action du Crédit Agricole à l'encontre de M. X. n'est pas prescrite ;

- constater que le Crédit Agricole a remis à M. X. les notices d'assurances et les fiches d'informations concernant les trois prêts que ce dernier a souscrits ;

- constater que le Crédit Agricole a informé M. X. des risques garantis et l'a éclairé sur l'adéquation de sa situation personnelle aux contrats d'assurance en couverture de prêt ;

- dire et juger que le Crédit Agricole a respecté son obligation d'information précontractuelle et son obligation légale d'information ;

- constater que M. X. n'apporte ni la preuve du préjudice moral qu'il a hypothétiquement subi, ni la preuve d'une faute du Crédit Agricole ;

- constater que dans l'hypothèse où M. X. aurait souscrit la garantie ITT pour les deux prêts acceptés en 2006, il ne pourrait actuellement pas obtenir la prise en charge des prêts par la CNP Assurances ;

en conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 27 mars 2018 ;

- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes,

subsidiairement, si par extraordinaire la cour de céans constate un manquement du Crédit Agricole à son obligation d'information,

- constater que les dommages et intérêts doivent être évalués à la valeur de la chance perdue et non à l'avantage que cette chance aurait procuré,

- dire et juger que le Crédit Agricole ne peut qu'être condamné au paiement de dommages et intérêts dont le montant correspond à la valeur de la chance perdue de souscrire un contrat qui lui aurait offert une meilleure couverture ;

- débouter M. X. de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 180.000 € et 155.000 €,

- condamner M. X. au paiement de la somme de 3.500,00 € en application de l'art. 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution (sic) ;

- condamner M. X. en tous les dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SELARL Hautecoeur - D., société d'avocats inscrite au Barreau de Nice dont le siège social est [...], représentée et postulant par le ministère de Maître Marc D. avocat associé inscrit audit Barreau qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Par conclusions du 3 octobre 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA CNP Assurances demande à la cour de :

- débouter M. X. de son appel,

- constater que le jugement du 27 mars 2018 est définitif en ce qu'il a mis hors de cause CNP IAM,

- confirmer le jugement du 27 mars 2018

Vu les articles 1134 et 1315 du code civil,

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu les articles L. 112-2 et L. 141-4 du code des assurances, et l'article L. 312-9 du code de la consommation,

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation,

- donner acte à CNP Assurances qu'elle s'en rapporte à la décision de la cour, au vu du jugement et des réponses du Crédit Agricole, sur la demande de M. X. de prescription de l'action de cette banque,

- dire et juger que si M. X. obtient satisfaction sur cette demande de prescription, il ne doit plus aucune somme à cette banque, et dès lors ses demandes à l'égard de CNP Assurances n'ont plus à être examinées,

- sur le rejet des demandes de garanties de M. X. :

- constater que M. X. ne bénéficie pas de la garantie ITT pour les deux contrats souscrits en 2006,

- dire et juger que M. X. ne rapporte aucune preuve pour contester les conclusions du Docteur Z. selon lesquelles il est apte à exercer partiellement une activité à compter du 8 janvier 2015, et qu'il ne remplit donc plus les conditions de la garantie ITT pour le contrat souscrit le 1er juin 2010, à compter de cette date,

- dire et juger que M. X. ne rapporte aucune preuve de l'évolution de son état de santé depuis le 8 janvier 2015,

- dire et juger que M. X. ne rapporte pas la preuve de pouvoir bénéficier des garanties contractuelles,

- débouter M. X. de ses demandes,

sur la confirmation du jugement sur le rejet des demandes de M. X. tant sur un manquement au devoir d'information, que sur le caractère soi-disant abusif des clauses critiquées :

- dire et juger que l'action de M. X. est prescrite à l'égard de CNP Assurances tant pour ses allégations ou le manquement au devoir d'information, que sur le caractère soi-disant abusif des clauses critiquées,

- dire et juger que la CNP a parfaitement rempli ses obligations à l'égard de M. X.

en tout état de cause,

- débouter M. X. de toutes ses demandes, fins, et conclusions qui sont infondées,

- condamner M. X. à payer à la CNP Assurances la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP T. - P. V. - B. B.-T., avocats associés, sous sa due affirmation de droit,

à titre subsidiaire, si la juridiction entend ordonner une expertise,

- donner acte à la CNP de ce qu'elle ne s'oppose pas, si la cour l'estime nécessaire, à une mesure d'expertise de M. X. qui devra toutefois être aux frais exclusifs de celui-ci,

- dire et juger toutefois que la mission de l'expert devra être celle proposée ci-dessus,

à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la prise en charge ne peut se faire que dans les termes et limites contractuels, et qu'au profit de l'organisme prêteur bénéficiaire du contrat d'assurance, à charge pour ce dernier de rembourser à M. X. les sommes dont il aurait fait l'avance,

- dire et juger que le contrat pour le prêt de 530.000 € prévoit notamment la quotité assurée n'est que de 80%.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur les prêts n° 006XXX269 et n° 0060YYY040 souscrits en 2006 :

1. Sur la prescription :

1-1 Sur la prescription de l'action en paiement de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur :

M. X. soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'action en paiement exercée par la banque n'était pas prescrite alors qu'en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, la prescription biennale court à compter du premier incident de paiement non régularisé, soit en l'espèce février 2013.

La CRCAM conclut à la confirmation du jugement.

Aux termes de l'article L. 137-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. S'agissant en l'espèce d'un prêt immobilier, payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.

Il résulte des mises en demeure de payer et des décomptes des sommes dues au titre de chacun des prêts que la première échéance impayée non régularisée est celle de janvier 2014 pour le prêt du 26 décembre 2006 et celle de février 2014 pour le prêt du 15 mai 2006, la déchéance du terme ayant été prononcée par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2015. L'action en paiement, tant des échéances impayées que du capital restant dû, introduite par acte du 11 juin 2015, n'est pas prescrite.

Le jugement est confirmé sur ce point.

 

1-2 Sur la prescription de l'action en responsabilité de M. X. :

M. X. recherche la responsabilité de la CRCAM PCA et de la SA CNP Assurances pour avoir manqué à leur obligation précontractuelle d'information, prévue aux articles L. 312-9 du code de la consommation et L. 112-2 du code des assurances, en ne lui remettant pas de notice distincte des conditions générales du contrat, mais ne sollicite de dommages et intérêts qu'à l'encontre de la seule banque. Il soutient que cette action n'est pas prescrite, le point de départ de la prescription quinquennale devant être fixé au jour où le dommage lui a été révélé, soit le jour du refus de prise en charge par la SA CNP Assurances.

Le délai d'une telle action en responsabilité court à compter du jour de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu connaissance.

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil consiste en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter une garantie d'assurance supplémentaire, s'est manifesté en l'espèce dès la signature du bulletin d'adhésion par M. X. les 3 mai et 15 décembre 2006.

En effet, pour chacun des deux prêts, ce bulletin mentionne qu'il lui a été remis les conditions générales, lesquelles valent notice d'assurance, et particulières du contrat, précisant chacune des garanties et les exclusions, et stipule que l'appelant renonce expressément, par une signature sous une mention, en caractères apparents, dans un encadré en milieu de page, qu'informé des conséquences de son choix, il demande l'admission à l'assurance pour les seules garanties décès et PTIA et « renonce définitivement à la garantie de l'incapacité temporaire totale ».

C'est par conséquent à cette date que doit être fixé le point de départ de la prescription, laquelle est acquise depuis le 19 juin 2013 et l'action engagée par M. X. par acte du 10 juin 2015 est irrecevable ; le jugement est confirmé de ce chef.

 

2. Sur la demande en paiement :

M. X. ne conteste pas les décomptes produits par la banque mais demande à ce que les clauses pénales de chacun des prêts souscrits en 2006 soient qualifiées de manifestement excessives et ramenées à la somme symbolique de un euro.

La banque s'y oppose.

La clause pénale, fixée en conformité avec les dispositions des articles L. 313-51 et R. 313-8 du code de la consommation, n'a aucun caractère manifestement excessif. La demande est rejetée.

 

II - Sur le prêt n° 006ZZZ4574 :

1. Sur la prescription :

Dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour, M. X. invoque d'une part le non-respect de son obligation d'information par la CRCAM PCA, qui ne lui a pas remis une fiche d'information conforme aux prescriptions légales et sollicite, d'autre part, l'exécution du contrat d'assurance par la SA CNP, soit la prise en charge par celle-ci des mensualités du prêt.

Les deux actions reposent sur des fondements différents et doivent être examinées de manière distincte.

 

1.1 L'action en responsabilité exercée contre la banque :

La banque oppose la prescription de l'action exercée à son encontre.

Comme rappelé ci-dessus, le délai de prescription de l'action en responsabilité ainsi engagée, d'une durée de cinq années en application de l'article 2224 du code civil, court à compter du jour où le titulaire d'un droit à connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Contrairement à ce que soutient l'appelant, son action dirigée contre la banque pour violation des dispositions de l'article L. 312-9 du code de la consommation, n'est pas une action dérivant du contrat d'assurance qui serait soumise comme telle aux dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances.

M. X. a signé sa demande d'adhésion à l'assurance groupe le 1er juin 2010, attestant qu'il lui avait été remis la notice d'information et les dispositions particulières du contrat d'assurance. Il était en mesure par conséquent, dès cette date, de vérifier la conformité de la notice que lui avait remise la banque aux dispositions des articles L. 313-8 et L. 313-10 du code de la consommation.

Le point de départ de l'action en responsabilité dirigée contre la banque doit par conséquent être fixé à cette date et l'action engagée le 9 juin 2015 est donc prescrite.

 

1.2 L'action dirigée contre la SA CNP Assurances :

La demande de M. X. tendant à voir reconnaître le caractère abusif de certaines clauses du contrat d'assurances et les voir réputer non écrites, n'est pas soumise à la prescription quinquennale.

L'action exercée par M. X. à l'encontre de la SA CNP Assurance qui vise à condamner à exécuter le contrat est soumise à la prescription biennale édictée à l'article L. 114-1 du code des assurances court, en cas de manquement de l'assureur à ses obligations, du jour où l'assuré a eu connaissance de ce manquement et du préjudice en étant résulté pour lui, soit, en l'espèce, du jour où l'assureur lui a notifié qu'il ne remplissait plus les conditions de la garantie le février 2015. L'action engagée par acte du 10 juin 2015 à l'encontre de la SA CNP Assurances n'est donc pas prescrite.

 

2. Sur les demandes dirigées contre la SA CNP :

2.1 Le caractère abusif des clauses du contrat d'assurance :

M. X. soutient que les clauses suivantes :

- 4.3.1 : un assuré est en état d'ITT lorsque « il se trouve à la suite d'un accident ou d'une maladie, dans l'incapacité reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel »,

- 4.3.3 : « l'assureur n'est pas tenu de suivre les décisions de la Sécurité Sociale ou d'un organisme assimilé »,

- 4.3.4 : « la prise en charge cesse également dès le moment où après contrôle médical initié par l'assureur, l'assuré est reconnu capable d'exercer une activité professionnelle ou non professionnelle même partielle »,

sont abusives en ce qu'elles « ne sont pas claires du tout dans la prise en charge de l'ITT », que la 1ère et la 3èmeclause « vident totalement la garantie de sa substance puisqu'elles laissent clairement entendre que dans l'hypothèse où l'assuré pourrait avoir une vague activité de bénévolat dans une association (au demeurant sans avoir besoin de sortir de chez lui), il ne pourrait bénéficier de la prise en charge au titre de l'ITT alors que cela est totalement absurde puisque cette clause permet de considérer qu'une « activité non rémunérée » pourrait exclure la garantie ITT. Or une activité par essence non rémunérée ne doit pas être prise en compte, puisque l'objet de la garantie est en fait la diminution ou l'absence de revenus qui permettent à l'emprunteur de rembourser son crédit (en l'espèce immobilier) et l'assurance se substitue à l'emprunteur pour régler à la banque les échéances ».

Il ajoute que la seconde clause critiquée est en outre contraire à la première et qu'elles créent toutes un déséquilibre significatif entre les parties au contrat.

La SA CNP Assurances réplique que la clause ITT, qui définit l'objet principal du contrat, est rédigée de manière claire et qu'il y a lieu dès lors d'appliquer l'exception prévue à l'article L. 132-1 alinéa 7 du code de la consommation. Elle ajoute qu'en toute hypothèse, il n'y a pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties du fait de ces trois clauses.

En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au jour de la souscription du contrat, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (…) L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Les clauses incriminées, qui concernent la définition de l'une des garanties du contrat, ses modalités de mise en œuvre et les conditions de son application, portent sur l'objet principal du contrat. Telles que reproduites ci-dessus, chacun des mots employés n'autorise qu'une acception et il n'existe aucune autre interprétation possible que celle qui résulte de ces phrases. Rédigées en des termes clairs, compréhensibles et dépourvus d'ambiguïté, quand bien même elles définiraient très strictement l'ITT, laquelle ne se confond pas avec l'invalidité ou un déficit fonctionnel, ces clauses ne sauraient être qualifiées d'abusives.

Le moyen est rejeté.

 

2.2 L'application du contrat et le refus de prise en charge :

M. X. soutient que c'est à tort que la SA CNP a refusé la prise en charge du prêt à compter de janvier 2015 au vu du rapport d'examen du docteur Z., alors que ses autres assureurs l'ont indemnisé tant au titre de l'ITT qu'au titre de l'IPP et qu'un autre médecin conseil d'assureur n'a pas eu le même avis que le docteur Z., ce qui permet de s'interroger sur les critères objectifs retenus pour déterminer l'ITT. Il soutient qu'il aurait dû être pris en charge au titre de l'ITT jusqu'au 1er avril 2015 puis au titre d'une invalidité permanente partielle.

Mais il doit être rappelé d'abord que l'ITT est en l'espèce définie contractuellement, sans qu'il soit possible de faire une quelconque référence à des contrats conclus avec des tiers.

En l'espèce l'assureur a produit le rapport médical lequel comprend la description des affections présentées par M. X. et, conformément au contrat, l'avis du médecin s'agissant de la possibilité d'exercer la profession exercée le jour du sinistre, une autre activité professionnelle ou des activités privées non professionnelles. M. X. ne conteste aucune des énonciations de ce document.

La possibilité pour M. X., reconnue par le médecin, d'exercer une autre activité que la sienne au moins partiellement, ou une activité privée non professionnelle n'est combattue par aucun autre document médical et c'est donc dans le respect des clauses contractuelles que la SA CNP Assurances a cessé de prendre en charge des échéances du contrat.

Le fait que d'autres contrats d'assurances, dont les conditions de garanties ITT sont différentes permettent de considérer qu'il était en ITT jusqu'au 1er avril 2015 est sans incidence sur la définition de l'ITT résultant du contrat de la SA CNP Assurances auquel il a adhéré.

La notion d'IPP est en l'espèce totalement inopérante, M. X. n'ayant souscrit aucune garantie pour ce risque, mais seulement la garantie perte totale et irréversible d'autonomie, nullement applicable.

Les demandes de M. X. au titre du prêt n° 006ZZZ4574 sont rejetées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 27 mars 2018 en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de M. X. au titre du prêt n° 006ZZZ4574 dirigée contre la SA CNP Assurances,

Statuant à nouveau,

Déboute M. X. de ses demandes dirigées contre la SA CNP au titre du prêt n° 006ZZZ4574,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur la somme de deux mille euros,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X. à payer à la SA CNP Assurances la somme de deux mille euros,

Condamne M. X. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER        LE PRÉSIDENT