CA METZ (3e ch.), 23 janvier 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8338
CA METZ (3e ch.), 23 janvier 2020 : RG n° 17/02570 ; arrêt n° 20/00016
Publication : Jurica
Extrait : « En l'espèce, la clause litigieuse selon laquelle la SA Credipar est subrogée dans tous les droits et actions du vendeur nés de la clause de réserve de propriété en application de l'article 1250 alinéa1 du code civil, en ce qu'elle laisse faussement croire à Mme X., emprunteuse devenue propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, entrave l'exercice par celle-ci de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
TROISIÈME CHAMBRE - TI
ARRÊT DU 23 JANVIER 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/02570. Arrêt n° 20/00016. N° Portalis DBVS-V-B7B-ER4C. Jugement Au fond, origine Tribunal d'Instance de SAINT AVOLD, décision attaquée en date du 27 juillet 2017, enregistrée sous le R.G. n° 11-15-263.
APPELANTE :
SA CREDIPAR
[adresse], Représentée par Maître Jean-Philippe E., avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
Madame X.
[adresse], Représentée par Maître Philippe K., avocat au barreau de METZ (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 14 Novembre 2019 tenue par Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, Monsieur Olivier MICHEL et Madame Sylvette MIZRAHI, Magistrats, pour l'arrêt être rendu le 23 Janvier 2020.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
CONSEILLERS : Monsieur Éric LAMBERT, Conseiller, Monsieur Olivier MICHEL, Conseiller
GREFFIER : Madame Nejoua TRAD-KHODJA
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre préalable de prêt signée le 14 mars 2013 la SA Credipar a consenti à Mme X. un prêt d'un montant de 10.000 euros remboursable en 60 mensualités avec intérêt au taux contractuel de 11,60 % l'an, affecté à l'achat d'un véhicule Peugeot 207 SW acquis auprès de la SAS B.
En application de la clause de réserve de propriété du contrat de prêt, le véhicule a fait l'objet d'une ordonnance de saisie-appréhension le 15 décembre 2014, qui a été contestée par l'emprunteuse.
Par jugement mixte du 9 février 2017, le tribunal d'instance de Saint-Avold a déclaré recevable la demande en paiement de la SA Credipar, prononcé la déchéance du droit aux intérêts de SA Credipar au titre du prêt souscrit par Mme X. le 14 mars 2013 à compter de cette date, avant dire droit ordonné la réouverture des débats pour recueillir les observations des parties sur le caractère abusif de la clause de réserve de propriété, enjoint à la SA Credipar de produire un décompte précis faisant apparaître les sommes prêtées et celles réglées par Mme X. avec ventilation des intérêts et du capital afin de déterminer le montant de la créance après la déchéance du droit aux intérêts et réservé le surplus des demandes et les dépens.
Par jugement du 27 juillet 2017, le tribunal d'instance a débouté la SA Credipar de sa demande en paiement, déclaré non écrite la clause prévoyant la subrogation de la SA Credipar dans la réserve de propriété, débouté la SA Credipar de sa demande de restitution du véhicule et l'a condamnée à verser à Mme X. la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le tribunal a relevé que la SA Credipar n'avait produit aucun décompte permettant de calculer le montant de sa créance et a rejeté la demande en paiement. Sur la restitution, il a déclaré la clause non écrite comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et a rejeté la demande de ce chef.
Par déclaration d'appel déposé au greffe de la cour le 21 septembre 2017, la SA Credipar a interjeté appel du jugement rendu le 27 juillet 2017 en ce qu'il a rejeté sa demande principale en paiement au motif que le décompte n'était pas précis, rejeté la demande de restitution du véhicule, annulé la clause de réserve de propriété comme abusive, l'a condamnée à verser 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté sa demande de ce chef.
Elle conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de :
- condamner Mme X. à lui verser la somme de 8.993,89 euros avec intérêts au taux contractuel de 11,60 % à compter du 27 octobre 2014,
- valider la saisie appréhension ordonnée le 15 décembre 2014,
- ordonner la restitution du véhicule 207SW immatriculé XX à son bénéfice,
- condamner Mme X. à lui verser 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle expose que sa demande n'est pas forclose et est bien fondée sur les articles L. 311-24 et L. 311-30 du code de la consommation et sur l'article 2367 du code civil. Elle précise que, si par jugement avant dire droit du 9 février 2017, le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts au motif que l'offre de prêt n'était pas conforme au corps 8, elle produit une liasse originale vierge permettant de constater la conformité de l'offre, ainsi qu'une attestation de l'imprimeur, ajoutant que la production de pièces numérisées a pu altérer le corps du caractère. Elle en déduit qu'elle n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts. Sur l'autorité de chose jugée du jugement du 9 février 2017, l'appelante fait valoir que cette décision n'est pas définitive puisque seul le jugement du 27 juillet 2017 lui a été notifié et estime que ses arguments sont valables.
Mme X. conclut à la confirmation du jugement de première instance et demande à la cour de condamner la SA Credipar à lui verser 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en application de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridictionnelle du 10 juillet 1991.
Elle expose qu'aux termes de son appel la SA Credipar se contente de dire qu'elle n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts, alors qu'elle n'est pas recevable à remettre en cause ce qui a été tranché par le jugement mixte du 9 février 2017 qui est revêtu de l'autorité de chose jugée à cet égard. En l'absence d'élément nouveau et de critique sur le jugement dont appel, elle conclut à sa confirmation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les écritures déposées le 15 mars 2018 par Mme X. et le 6 novembre 2018 par la SA Credipar, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 septembre 2019 ;
Sur la demande en paiement :
Il est constant que la SA Credipar a interjeté appel du jugement du 27 juillet 2017 et non du jugement du 9 février 2017 ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts, de sorte qu'elle ne peut remettre en question dans le cadre de la présente procédure, les dispositions du jugement antérieur qui n'a pas été frappé d'appel. En conséquence, ses observations sur le fait qu'elle n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts sont inopérantes.
Eu égard au fait que par jugement du 9 février 2017, qui n'a pas été frappé d'appel, le tribunal d'instance a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu et les sommes perçues au titre des intérêts seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Il résulte du décompte de créance (pièce n° 5) que Mme X. a cessé de régler les échéances du prêt d'un montant mensuel de 266 euros à compter du 10 juin 2014 et il ressort du listing des règlements effectués (pièce n° 7) qu'elle a versé la somme totale de 4.314,07 euros au titre du remboursement du prêt. Après imputation de cette somme sur le capital emprunté de 10.000 euros, l'intimée reste devoir la somme de 5.685,93 euros.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner Mme X. à verser à la SA Credipar la somme de 5.685,93 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt.
Selon l'article 23 de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 du Parlement européen et du conseil de l'UE concernant les contrats de crédit aux consommateurs, les états membres définissent le régime des sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'elles soient appliquées, les sanctions devant être effectives, proportionnées et dissuasives. Selon l'article 27 de la directive, les états membres doivent adopter et publier avant le 11 juin 2010 les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive et appliquer ces dispositions à compter du 11 juin 2010. Enfin l'article 30 relatif aux mesures transitoires, précise que la présente directive ne s'applique pas aux contrats de crédit en cours à la date d'entrée en vigueur des mesures nationales de transposition.
Il en découle que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels du prêteur doit demeurer effective, proportionnée et dissuasive et le droit de ce dernier à percevoir néanmoins les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer en application de l'article 1153 du code civil, ne doit pas lui permettre de bénéficier de sommes d'un montant équivalent à celui des intérêts conventionnels dont il a été déchu.
L'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, portant majoration de 5 points des intérêts au taux légal à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, conduirait à permettre au prêteur de percevoir au titre des intérêts au taux légal majoré des sommes d'un montant qui serait équivalent à celui dont il aurait pu bénéficier au titre des intérêts conventionnels qu'il a perdu le droit de percevoir.
En conséquence, afin d'assurer l'effectivité et le caractère proportionné et dissuasif de la sanction prononcée, il convient d'écarter au profit de Mme X. la majoration du taux d'intérêts légal prévue par l'article L. 313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier.
Sur la saisie du véhicule :
Le contrat de prêt signé le 14 mars 2013 comporte une clause de réserve de propriété entre le vendeur et l'acheteur, et une clause de subrogation selon laquelle, dès réception du solde du prix de vente par le prêteur, le vendeur subroge ce dernier conformément à l'article 1250 alinéa 1 du code civil dans tous ses droits et actions nés de la clause de réserve de propriété, jusqu'au remboursement complet de sa créance. Il est également indiqué que l'acheteur reconnaît avoir été informé de la subrogation ainsi stipulée.
Le tribunal a exactement dit que cette clause était abusive et ne pouvait être appliquée, étant observé qu'en appel la SA Credipar ne développe aucun moyen pour critiquer le jugement sur ce point. En effet, pour que la subrogation conventionnelle prévue à l'article 1250 alinéa 1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, soit valable il faut que le créancier subrogeant reçoive son paiement d'une tierce personne. Cependant le prêteur, en ce qu'il se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, n'est pas l'auteur du paiement, l'emprunteur et acheteur étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, de sorte qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule.
En l'espèce, la clause litigieuse selon laquelle la SA Credipar est subrogée dans tous les droits et actions du vendeur nés de la clause de réserve de propriété en application de l'article 1250 alinéa1 du code civil, en ce qu'elle laisse faussement croire à Mme X., emprunteuse devenue propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, entrave l'exercice par celle-ci de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Il s'ensuit que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré cette clause réputée non écrite et a débouté la SA Credipar de sa demande de restitution du véhicule, objet du crédit affecté.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il n'y a pas lieu en équité de faire application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel et il convient de partager les dépens par moitié entre les parties.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME partiellement le jugement déféré en date du 27 juillet 2017 en ce qu'il a déclaré non écrite la clause prévoyant la subrogation de la SA Credipar dans la réserve de propriété et débouté la SA Credipar de sa demande de restitution du véhicule ;
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,
CONDAMNE Mme X. à verser à la SA Credipar la somme de 5.685,93 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt, sans application de la majoration du taux d'intérêts légal prévue par l'article L. 313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel ;
CONDAMNE chaque partie à supporter la moitié des dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de METZ et par Madame TRAD-KHODJA, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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