CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CASS. CIV. 2e, 17 mai 2018

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 2e, 17 mai 2018
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 2
Demande : 17-14291
Décision : 18-668
Date : 17/05/2018
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:C200668
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 668
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8359

CASS. CIV. 2e, 17 mai 2018 : pourvoi n° 17-14291 ; arrêt n° 668

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Vu l’article 528-1 du code de procédure civile ; Attendu que si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai ; qu’il en résulte que lorsqu’une partie forme un appel, même irrecevable, dans le délai de deux ans du prononcé de la décision, ce délai de forclusion n’est pas applicable ; […] ;

Attendu que pour déclarer irrecevable cet appel, l’arrêt retient que le jugement rendu le 8 janvier 2014 par le tribunal de commerce de Versailles n’a pas été signifié, que l’article 528-1 du code de procédure civile dispose que si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai, qu’il s’agit d’un délai de forclusion, que ce délai a expiré le 8 janvier 2016 ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle relevait que la société ADP avait, dans les deux ans suivant son prononcé, interjeté un premier appel du jugement qui lui était déféré, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 MAI 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 17-14291. Arrêt n° 668.

DEMANDEUR à la cassation : Société Associés design production conseil - ADP

DÉFENDEUR à la cassation : Société Imball Center

Mme Flise (président), président. SCP Gaschignard, SCP Richard, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d’office après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article 528-1 du code de procédure civile ;

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai ; qu’il en résulte que lorsqu’une partie forme un appel, même irrecevable, dans le délai de deux ans du prononcé de la décision, ce délai de forclusion n’est pas applicable ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Associés design production conseil (la société ADP), qui avait conclu, avec la société Imball Center (la société Imball), deux mandats de partenariat de distribution exclusive, reprochant à sa cocontractante d’avoir distribué des produits par l’intermédiaire de la société Saciso en violation de ces mandats, a assigné ces sociétés Imball et Saciso devant le tribunal de commerce de Versailles à fin de les voir condamnées à des dommages-intérêts ; que la société ADP a interjeté appel du jugement contradictoire l’ayant déboutée de ses demandes devant la cour d’appel de Versailles, qui, par un arrêt du 12 janvier 2016 rendu au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, a déclaré cet appel irrecevable ; que la société ADP a alors relevé un second appel de ce jugement, le 9 février 2016, devant la cour d’appel de Paris ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour déclarer irrecevable cet appel, l’arrêt retient que le jugement rendu le 8 janvier 2014 par le tribunal de commerce de Versailles n’a pas été signifié, que l’article 528-1 du code de procédure civile dispose que si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai, qu’il s’agit d’un délai de forclusion, que ce délai a expiré le 8 janvier 2016 ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle relevait que la société ADP avait, dans les deux ans suivant son prononcé, interjeté un premier appel du jugement qui lui était déféré, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 janvier 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Imball Center aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Associés design production conseil la somme de 3.000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-huit.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Associés design production conseil.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir annulé l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 28 juin 2016 et, statuant à nouveau, déclaré irrecevable l’appel formé le 9 février 2016 par la société ADP Conseil à l’encontre du jugement rendu le 9 février 2016 par le tribunal de commerce de Versailles ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE la cour d’appel de Versailles, dans son arrêt en date du 12 janvier 2016, a déclaré irrecevable l’appel formé par le SARL ADP Conseil contre le jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 8 janvier 2014 au visa des dispositions de l’article D. 442-3 du code de commerce qui donne compétence exclusive à la cour d’appel de Paris pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 dudit code ; que cet arrêt a été signifié à la SARL ADP Conseil par la SARL Imball Center le 8 février 2016, à la suite de quoi la SARL ADP Conseil a formé le 9 février 2016 le présent appel devant la cour d’appel de Paris ; que pour déclarer cet appel recevable, le conseiller de la mise en état, relevant que le jugement du 8 janvier 2014 n’a pas été signifié, a dit qu’en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2241 du code civil, la demande en justice devant la cour d’appel de Versailles, irrecevable en raison de l’incompétence de la juridiction saisie, a interrompu le délai de forclusion jusqu’à l’arrêt du 12 janvier 2016, de telle sorte que l’appel formé le 9 février 2016, soit avant l’expiration du délai d’un mois prévu à l’article 538 du code de procédure civile, est recevable ; que la SARL Imball Center fait valoir qu’à la date de l’appel du 9 février 2016, l’instance était éteinte depuis le 8 janvier 2016 en l’absence de notification du jugement rendu le 8 janvier 2014, conformément aux dispositions de l’article 528-1 du code de procédure civile puisque son précédent appel du 30 janvier 2014 devant la cour d’appel de Versailles a été définitivement rejeté par une fin de non-recevoir n’ayant pas interrompu ce délai, de telle sorte que le jugement du 8 janvier 2014 a acquis autorité et force de chose jugée par l’effet de la signification, le 8 février 2016 de l’arrêt rendu le 12 janvier 2016 par la cour d’appel de Versailles déclarant l’appel irrecevable ; que la SARL ADP Conseil fait valoir quant à elle que c’est à juste titre que le conseiller de la mise en état a relevé que la cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 12 janvier 2016, a déclaré son appel irrecevable en raison de l’incompétence de la juridiction saisie, de telle sorte que son appel du 30 janvier 2014 a interrompu le délai d’appel et qu’un nouveau délai n’a pu commencer à courir au plus tôt qu’à la date du prononcé de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 12 janvier 2016 ; qu’ainsi elle affirme que le présent appel interjeté le 9 février 2016 est bien recevable ; qu’il est constant que le jugement rendu le 8 janvier2014 par le tribunal de commerce de Versailles n’a pas été signifié et que l’article 528-1 du code de procédure civile dispose que « Si le jugement n‘a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n‘est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai » ; qu’il s’agit d’un délai de forclusion ; que si l’article 2241 du code civil dispose que « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion » et qu’il en est de même lorsqu‘elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure », l’article 2243 précise que « L‘interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée » ; que l’article 2243 ne distingue pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir, de telle sorte que l’effet interruptif de forclusion de la déclaration d’appel est non avenu si cet appel est déclaré irrecevable ; qu’en l’espèce l’inobservation de la règle d’ordre public investissant la cour d’appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce est sanctionnée par une fin de non-recevoir relevée d’office et non par une décision d’incompétence ; que c’est bien en ce sens qu’a statué la cour d’appel de Versailles qui, dans son arrêt du janvier 2016 ne s’est pas déclarée incompétente mais a déclaré irrecevable l’appel de la SARL ADP Conseil ; que dès lors l’interruption du délai de forclusion de l’article 528-l du code de procédure civile résultant de la déclaration d’appel du 30 janvier 2014 devant la cour d’appel de Versailles est non avenue, en raison de l’arrêt du 12 janvier 2016 qui a retenu cette fin de non-recevoir ; qu’en conséquence ce délai de forclusion, dont l’inobservation constitue également une fin de non-recevoir, a expiré le 8 janvier 2016 et que le présent appel, interjeté le 9 février 2016 ne peut qu’être déclaré irrecevable en vertu des dispositions de l’article 528-1 précité ; qu’en conséquence l’ordonnance déférée rendue le 22 juin 2016 par le conseiller de la mise en état sera annulée et que, statuant à nouveau, l’appel de la SARL ADP Conseil sera déclaré irrecevable ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1° ALORS QUE la demande en justice formée même devant un juge incompétent interrompt la prescription jusqu’au prononcé d’une décision ; que cette interruption ne peut [être] regardée comme non avenue lorsqu’il n’est pas fait droit à la demande en raison de l’incompétence de la juridiction saisie ; qu’il résulte des constatations de la cour que si, dans son arrêt du 12 janvier 2016, la cour d’appel de Versailles a déclaré irrecevable l’appel de la société ADP Conseil à l’encontre du jugement rendu le 8 janvier 2014, c’est uniquement en raison de son incompétence, la cour estimant que la cour d’appel de Paris était, en vertu de l’article D. 442-3 du code de commerce, tel qu’alors interprété par la Cour de cassation, seule compétente pour connaître en appel des litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce, et que la méconnaissance de cette règle de compétence était sanctionnée par une fin de non-recevoir ; qu’en jugeant que la première déclaration d’appel de la société ADP Conseil n’avait pas interrompu le délai d’appel et que celui-ci était donc expiré lorsque celle-ci a formé une seconde déclaration d’appel devant la cour d’appel de Paris le 9 février 2016, soit moins d’un mois après le prononcé de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, la cour d’appel a violé l’article 2243 du code civil par fausse application et l’article 2241 du code civil par refus d’application, ensemble les articles 528-1 et 538 du code de procédure civile ;

2° ALORS, subsidiairement, QUE la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; que toute partie qui a relevé appel d’un jugement est irrecevable, faute d’intérêt, à former un second appel contre ce même jugement tant que la juridiction primairement saisie ne s’est pas prononcée sur la recevabilité du premier appel formé ; qu’il résulte des constatations de la cour que la société ADP Conseil a relevé appel, le 30 janvier 2014, du jugement rendu le 8 janvier 2014 par le tribunal de commerce de Versailles, et que la cour d’appel de Versailles a déclaré cet appel irrecevable, en raison de son incompétence, par un arrêt rendu le 12 janvier 2016 ; qu’ainsi, le délai d’appel de deux ans qui a commencé à courir le 8 janvier 2014 s’est trouvé suspendu à compter du 30 janvier 2014 et jusqu’au 12 janvier 2016, la société ADP Conseil étant irrecevable, pendant cette période, à former tout nouvel appel ; qu’en jugeant néanmoins que l’appel formé par cette dernière le 9 février 2016 était irrecevable comme tardif, la cour d’appel a violé l’article 2234 du code civil, ensemble les articles 546 et 528-1 du code de procédure civile ;

3° ALORS, plus subsidiairement encore, QUE méconnaît les exigences résultant de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme la juridiction qui fait des règles de procédure une application si excessivement rigoureuse qu’elle prive le justiciable de son droit d’accès au juge qu’après que le premier appel qu’elle avait formé, le 30 janvier 2014, contre le jugement du 8 janvier 2014 a été déclaré irrecevable comme porté devant une juridiction incompétente par un arrêt du 12 janvier 2016, la société ADP Conseil a formé, le 9 février 2016 un second appel devant la cour d’appel de Paris désignée comme compétente par l’arrêt du 12 janvier 2016 ; qu’en déclarant irrecevable ce second appel en raison de sa tardiveté, la cour d’appel, qui a fait une interprétation exagérément rigoureuse des règles de procédure et n’a pas tenu compte de la durée de la procédure devant la cour d’appel de Versailles, a privé la société ADP Conseil de son droit à exercer, de manière effective, un recours au fond contre le jugement du 8 janvier 2014 et a ainsi méconnu son droit d’accès à un tribunal tel qu’il est garanti par l’article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.