CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 12 mars 2020

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 12 mars 2020
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 3
Demande : 18/08848
Décision : 2020/102
Date : 12/03/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 25/03/2018
Numéro de la décision : 102
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8376

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 12 mars 2020 : RG n° 18/08848 ; arrêt n° 2020/102

Publication : Jurica

 

Extrait : « Mais, si l'activité principale d'un architecte, qui est essentiellement une œuvre intellectuelle, réside effectivement dans la conception de projets architecturaux, elle comporte également l'établissement, notamment, de plans et dessins architecturaux qui en sont la matérialisation. Et, si les plans peuvent encore selon les cas être, comme le font valoir les intimés, dressés à la main, ce n'est désormais plus un usage habituel, et le matériel de reprographie constitue, ainsi qu'ils le reconnaissent par ailleurs, un de leurs outils de travail.

Mme X. et M. Y., qui ne le contestent pas, utilisaient d'ailleurs, antérieurement au bon de commande du 13 octobre 2014, un tel matériel, et y ont eu recours postérieurement, ainsi que cela résulte des différentes factures qu'ils versent aux débats, notamment celle émanant de la société Konica Minolta.

Etant surabondamment observé que cette dernière fait référence à un contrat de crédit-bail signé le 12 juillet 2012, d'une durée de 63 mois, il ne peut qu'être constaté qu'il ressort du bon de commande litigieux lui-même que les intimés disposaient d'une expérience en ce qui concerne la location d'un photocopieur, contrat qui en tout état de cause ne requiert aucune compétence particulière.

Dans ces conditions, il apparaît que l'objet du contrat, qui participe à la satisfaction des besoins quotidiens de leur activité professionnelle d'architectes ainsi que le relève valablement l'appelante, entre dans le champ de l'activité principale de Mme X. et M. Y., lesquels ne sont donc pas fondés à se prévaloir des dispositions précitées du code de la consommation.

Ainsi, les intimés ne pouvaient prétendre user d'un droit de rétractation dont ils ne disposaient pas, et la convention signée le 13 octobre 2014 fait la loi des parties. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-3

ARRÊT DU 12 MARS 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/08848. Arrêt n° 2020/102. N° Portalis DBVB-V-B7C-BCP5W. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 18 avril 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le R.G. n° 15/05650.

 

APPELANTE :

SARL SOCIÉTÉ DE REPROGRAPHIE ÉLECTRONIQUE

dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Roselyne S.-T. de la SCP B. S.-T. J., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

INTIMÉS :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Emilie P., avocat au barreau de NICE substituée par Maître Marie-Monique C., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Emilie P., avocat au barreau de NICE substituée par Maître Marie-Monique C., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société CABINET Z.

dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Emilie P., avocat au barreau de NICE substituée par Maître Marie-Monique C., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre, Madame Françoise PETEL, Conseiller, Madame Anne DUBOIS, Conseiller.

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 février 2020 prorogé au 12 mars 2020.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 mars 2020, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 13 octobre 2014, l'entreprise [Z. Architectes] a signé auprès de la SARL Société de Reprographie Electronique (SRE) un bon de commande portant sur un photocopieur MFP Xerox 7220 moyennant un loyer mensuel de 385 euros hors taxes, la durée de la location étant de 63 mois, avec option d'achat du matériel pour 1 euro à la fin du contrat.

Sur le bon de commande figuraient également l'existence d'un contrat de maintenance, le coût respectif d'une copie noir et blanc et d'une copie couleur, la « participation du solde de vos contrats » pour un montant de 13.248 euros hors taxes.

Le 14 octobre 2014, M. Y., au nom de [Z. Architectes], a adressé à la SARL SRE un courrier pour lui indiquer qu'ils ne souhaitaient pas donner suite à cette commande, invoquant à cet égard l'article 4 des conditions générales, et d'autre part les dispositions des articles L. 121-21 et L. 121-16-1 du code de la consommation.

Par courrier recommandé du 16 octobre 2014, la SARL SRE, faisant part de sa surprise, a informé l'entreprise [Z. Architectes] de ce que la commande de ses matériels avait déjà été traitée, lui a rappelé les dispositions de notamment l'article 1134 du code civil, et demandé d'honorer sa commande.

Par acte du 2 décembre 2014, la SARL SRE a fait assigner le cabinet [Z. Architectes] en paiement devant le tribunal de commerce de Grasse, lequel, par jugement du 5 octobre 2015, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Grasse.

M. Y. et Mme X. sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugement du 18 avril 2018, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- reçu M. Y. et Mme X. épouse Y. en leur intervention volontaire,

- rejeté la demande en paiement de la SARL Société de Reprographie Electronique au titre du contrat du 13 octobre 2014,

- rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la SARL Société de Reprographie Electronique au titre de la résistance abusive,

- condamné la SARL Société de Reprographie Electronique à payer à M. Y. et Mme X. épouse Y. la somme totale de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Société de Reprographie Electronique aux entiers dépens,

- rejeté le surplus des demandes.

[*]

Suivant déclaration du 25 mai 2018, la SARL Société de Reprographie Electronique a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 21 octobre 2019, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris et rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 18 avril 2018 en toutes ses dispositions,

- dire recevable l'action par elle diligentée,

- débouter le Cabinet d'Architecte Z., M. Y. et Mme Y. de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner solidairement Mme Y., M. Y. et le Cabinet d'Architecte Z. à lui verser la somme de 24.255 euros HT en application du contrat conclu entre les parties le 13 octobre 2014,

- lui donner acte de ce qu'elle s'engage à installer le matériel commandé au sein du Cabinet d'Architecte Z. dès la réception de la contrepartie financière,

- condamner solidairement Mme Y., M. Y. et le Cabinet d'Architecte Z. à lui verser la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral et d'une résistance abusive évidente,

- condamner solidairement Mme Y., M. Y. et le Cabinet d'Architecte Z. à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

[*]

Par conclusions notifiées et déposées le 3 mai 2019, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société de fait Z., Mme X. et M. Y. demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 18 avril 2018, en toutes ses dispositions,

- débouter la Société de Reprographie Electronique de toutes ses demandes,

- dire que le bon de commande du 13 octobre 2014 a été signé hors établissement,

- dire que l'activité de copie et d'impression n'entre pas dans le champ d'activité principale de la profession d'architecte,

- dire que M. et Mme Y., architectes, ont agi hors de leur champ d'activité principale lors de la signature de ce bon,

- dire que M. et Mme Y. ont la qualité de consommateurs dans le cadre de la signature du bon de commande du 13 octobre 2014,

en conséquence,

- dire que la demande de rétractation de M. et Mme Y. est parfaitement recevable et a été accomplie dans les délais,

- débouter la Société de Reprographie Electronique de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,

- condamner la Société de Reprographie Electronique à leur verser une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

L'appelante reproche au premier juge d'avoir considéré que les époux X. pouvaient se prévaloir du droit de rétractation posé par le code de la consommation au motif que du matériel de reprographie n'entrerait pas dans le champ de l'activité principale du professionnel qu'est l'architecte.

Elle fait valoir qu'en effet, la précision figurant sur le bon de commande selon laquelle elle participe au solde des contrats existants prouve qu'elle reprenait du matériel de même nature et de même technicité aux architectes, que ceux-ci ont donc effectivement besoin dans le cadre de leur activité de ce type de machine.

La Société de Reprographie Electronique soutient que, s'il est d'ailleurs évident, ainsi que l'a indiqué le tribunal, de dire que l'activité première d'un architecte est la conception ou le conseil de projet architecturaux et d'urbanisme, il a cependant besoin d'un appareil de reprographie pour éditer ses différents plans ou aménagements, et déposer un dossier de permis de construire auprès d'une collectivité territoriale, que, au regard de la nécessité qu'il a d'avoir un appareil lui permettant d'imprimer ses plans pour déposer les dossiers auprès de diverses administrations, le photocopieur est dans le champ de l'activité d'architecte, tout comme l'ordinateur, le courriel ou tout autre outil informatique.

Rappelant qu'ils exercent, en nom propre et à titre individuel, l'activité d'architecte au sein d'une société de fait, qu'ils sont les deux seuls architectes de leur agence et n'emploient aucun salarié, Mme X. et M. Y. répliquent qu'ils sont fondés à se prévaloir du droit de rétractation prévu par les dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation, lesquelles sont, selon les dispositions de l'article L. 121-16-1-III du même code tel que modifié par la loi du 17 mars 2014, étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Mais, si l'activité principale d'un architecte, qui est essentiellement une œuvre intellectuelle, réside effectivement dans la conception de projets architecturaux, elle comporte également l'établissement, notamment, de plans et dessins architecturaux qui en sont la matérialisation.

Et, si les plans peuvent encore selon les cas être, comme le font valoir les intimés, dressés à la main, ce n'est désormais plus un usage habituel, et le matériel de reprographie constitue, ainsi qu'ils le reconnaissent par ailleurs, un de leurs outils de travail.

Mme X. et M. Y., qui ne le contestent pas, utilisaient d'ailleurs, antérieurement au bon de commande du 13 octobre 2014, un tel matériel, et y ont eu recours postérieurement, ainsi que cela résulte des différentes factures qu'ils versent aux débats, notamment celle émanant de la société Konica Minolta.

Etant surabondamment observé que cette dernière fait référence à un contrat de crédit-bail signé le 12 juillet 2012, d'une durée de 63 mois, il ne peut qu'être constaté qu'il ressort du bon de commande litigieux lui-même que les intimés disposaient d'une expérience en ce qui concerne la location d'un photocopieur, contrat qui en tout état de cause ne requiert aucune compétence particulière.

Dans ces conditions, il apparaît que l'objet du contrat, qui participe à la satisfaction des besoins quotidiens de leur activité professionnelle d'architectes ainsi que le relève valablement l'appelante, entre dans le champ de l'activité principale de Mme X. et M. Y., lesquels ne sont donc pas fondés à se prévaloir des dispositions précitées du code de la consommation.

Ainsi, les intimés ne pouvaient prétendre user d'un droit de rétractation dont ils ne disposaient pas, et la convention signée le 13 octobre 2014 fait la loi des parties.

Ceci étant, aux termes de l'article 4 des conditions générales de vente versées aux débats, le contrat prend effet, selon le type d'équipement, à la date de signature par le client du bon de livraison de l'équipement ou à la date du procès-verbal d'installation de l'équipement.

Or, le matériel commandé n'a jamais été livré ni installé, et la Société de Reprographie Electronique ne justifie pas avoir mis en demeure les époux X.-Y. de le recevoir.

Dès lors, et même si, selon l'article 3 des dites conditions générales, le client ne peut, ainsi qu'elle le fait justement valoir, refuser la livraison du matériel que pour le seul motif de sa non-conformité au bon de commande, l'appelante, qui n'a d'ailleurs pas davantage établi une quelconque facturation, n'est pas fondée, au regard du seul bon de commande, à solliciter la somme de 24.255 euros qu'elle réclame en application du contrat.

En revanche, en réparation du préjudice matériel qu'elle a subi du fait, imputable aux intimés, de l'inexécution de la convention signée le 13 octobre 2014, il convient d'allouer à la Société de Reprographie Electronique une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Dit que Mme X. et M. Y. ne sont pas fondés à se prévaloir du droit de rétractation prévu par les dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation,

Condamne in solidum Mme X. et M. Y. à payer à la Société de Reprographie Electronique la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Les condamne à payer à la Société de Reprographie Electronique la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne Mme X. et M. Y. aux dépens.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT