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CJUE (5e ch.), 16 juillet 2015

Nature : Décision
Titre : CJUE (5e ch.), 16 juillet 2015
Pays : UE
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (5e ch.)
Demande : C 584/13
Date : 16/07/2015
Numéro ECLI : ECLI:EU:C:2015:488
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 19/11/2013
Décision antérieure : CASS. COM., 13 novembre 2013, CASS. COM., 24 novembre 2015, CASS. COM., 24 novembre 2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8394

CJUE (5e ch.), 16 juillet 2015 : Affaire C‑584/13

Publication : Rec.

 

Extrait : « L’article 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, doit être interprété en ce sens que constitue une opération d’assurance exonérée, au sens de cette disposition, la prestation de services consistant, pour un opérateur économique indépendant du revendeur d’un véhicule d’occasion, à garantir, moyennant le versement d’une somme forfaitaire, la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces de ce véhicule. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, au regard de circonstances telles que celles des affaires au principal, la prestation de services en cause au principal est une telle prestation. La fourniture d’une telle prestation et la vente du véhicule d’occasion doivent, en principe, être considérées comme des prestations distinctes et indépendantes devant être appréhendées séparément du point de vue de la taxe sur la valeur ajoutée. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard aux circonstances particulières des affaires au principal, la vente d’un véhicule d’occasion et la garantie fournie par un opérateur économique indépendant du revendeur de ce véhicule sur la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces de celui-ci sont à ce point liées entre elles qu’elles doivent être regardées comme constituant une opération unique ou si, au contraire, elles constituent des opérations indépendantes. ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

CINQUIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 16 JUILLET 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Dans l’affaire C‑584/13, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 13 novembre 2013, parvenue à la Cour le 19 novembre 2013, dans les procédures

Directeur général des finances publiques

contre

Mapfre asistencia compania internacional de seguros y reaseguros SA,

et

Mapfre warranty SpA

contre

Directeur général des finances publiques,

 

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas (rapporteur), E. Juhász et D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. V. Tourrès, administrateur,

Vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 novembre 2014,

considérant les observations présentées :

- pour Mapfre asistencia compania internacional de seguros y reaseguros SA et Mapfre warranty SpA, par Maître G. Hannotin, avocat,

- pour le gouvernement français, par MM. J.‑S. Pilczer et D. Colas, en qualité d’agents,

- pour la Commission européenne, par Mmes C. Soulay et L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 février 2015,

rend le présent

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2 et 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991 (JO L 376, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre de litiges opposant, d’une part, le Directeur général des finances publiques à Mapfre asistencia compania internacional de seguros y reaseguros SA (ci-après « Mapfre asistencia »), société de droit espagnol, et, d’autre part, Mapfre warranty SpA (ci-après « Mapfre warranty »), société de droit italien, au Directeur général des finances publiques, au sujet de l’imposition des opérations effectuées par ces deux sociétés.

 

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3. L’article 2 de la sixième directive énonce :

« Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée [ci-après la « TVA »] :

1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel ;

2. les importations de biens. »

4. Aux termes de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive :

« Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels :

a) les opérations d’assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance ».

5. L’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive dispose :

« Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l’introduction par un État membre de taxes sur les contrats d’assurance, sur les jeux et paris, d’accises, de droits d’enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n’ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.»

 

Le droit français

6. L’article 256, I, du code général des impôts, dans sa version applicable aux litiges au principal (ci-après le « CGI »), prévoit :

« Sont soumises à la [TVA] les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel. »

7. L’article 261 C du CGI dispose :

« Sont exonérées de la [TVA] :

[...]

2° Les opérations d’assurance et de réassurance ainsi que les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et intermédiaires d’assurances.

[...] »

8. L’article 991 du CGI prévoit :

« Toute convention d’assurance conclue avec une société ou compagnie d’assurances ou avec tout autre assureur français ou étranger est soumise, quels que soient le lieu et la date auxquels elle est ou a été conclue, à une taxe annuelle et obligatoire moyennant le paiement de laquelle tout écrit qui constate sa formation, sa modification ou sa résiliation amiable, ainsi que les expéditions, extraits ou copies qui en sont délivrés, sont, quel que soit le lieu où ils sont ou ont été rédigés, exonérés du droit de timbre et enregistrés gratis lorsque la formalité est requise.

La taxe est perçue sur le montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré. »

9. L’article 1001, 5° bis, du CGI précise que le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d’assurances est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur.

10. Il ressort par ailleurs de l’article 1001, 6°, du CGI que le tarif de droit commun de la taxe spéciale sur les contrats d’assurances est fixé à 9 %.

 

Les litiges au principal et la question préjudicielle

11. Il ressort de la décision de renvoi que des garagistes revendeurs de véhicules d’occasion ont proposé aux acheteurs de ces véhicules, en faisant intervenir la société NSA Sage, devenue Mapfre warranty, une garantie de réparation des pannes mécaniques affectant lesdits véhicules.

12. Estimant réaliser une prestation de services, Mapfre warranty a collecté la TVA. Mapfre asistencia s’est, pour sa part, acquittée de la taxe sur les conventions d’assurance, au taux de droit commun de 9 %, sur les primes versées par Mapfre warranty.

13. L’administration fiscale a notifié à Mapfre warranty une proposition de rectification qualifiant les prestations effectuées par celle-ci d’opérations d’assurance soumises à la taxe sur les conventions d’assurance en vertu de l’article 991 du CGI, au taux de 18 %, prévu, pour les assurances automobiles, par l’article 1001, 5° bis, du CGI.

14. Considérant, en outre, que Mapfre warranty avait souscrit une assurance pour compte au bénéfice des acheteurs de véhicules auprès de Mapfre asistencia, dont l’objet était la couverture du risque de pannes mécaniques, ladite administration a notifié à Mapfre asistencia un redressement, calculant la taxe sur les conventions d’assurance au taux de 18 % sur les sommes versées par ces acheteurs.

15. Après le rejet de leur réclamation, ces deux sociétés ont saisi le tribunal de grande instance de Lyon, puis la cour d’appel de Lyon, afin d’être déchargées de ces impositions.

16. Elles ont fait valoir que les revendeurs de véhicules d’occasion sous-traitaient à Mapfre warranty une partie de leur service après-vente et que celle-ci avait assuré auprès de Mapfre asistencia son risque de perte financière.

17. Par deux arrêts du 22 septembre 2011, la cour d’appel de Lyon a confirmé les deux jugements rendus par le tribunal de grande instance de Lyon le 31 mars 2010 et retenant, pour le premier, la qualification d’opérations d’assurance, soumises à la taxe sur les conventions d’assurance au taux de 18 %, en ce qui concerne les prestations effectuées par Mapfre warranty et, pour le second, le taux de 9 % pour la taxe sur les conventions d’assurance incombant à Mapfre asistencia.

18. Il ressort des moyens des parties au principal annexés à la décision de renvoi que la cour d’appel de Lyon a notamment constaté que, lorsque l’acheteur d’un véhicule d’occasion décidait de souscrire la garantie complémentaire proposée par le revendeur, il se voyait remettre, en contrepartie du paiement du supplément demandé, un bulletin d’adhésion figurant dans un carnet de garantie à l’en-tête de NSA Sage, devenue Mapfre warranty. Selon cette juridiction, cette dernière recevait le rapport de panne du garage agréé auquel l’acheteur avait eu recours, vérifiait la validité de la garantie et s’assurait que le coût du devis était conforme aux normes, puis autorisait la réparation ou le remplacement de la pièce défectueuse.

19. La cour d’appel de Lyon a souligné qu’il ne résultait d’aucune stipulation citée par les parties, ni d’aucun autre élément de la procédure que l’acquéreur disposerait du droit d’exiger du revendeur qu’il assure la prestation en cas de défectuosité entrant dans les prévisions de la garantie, notamment dans le cas où le débiteur désigné au contrat viendrait à être défaillant. Selon cette juridiction, le revendeur ne saurait être considéré comme ayant sous-traité l’exécution d’une obligation dont il n’était pas tenu. En revanche, un lien contractuel direct se serait formé entre l’acheteur et Mapfre warranty lors de la remise du carnet de garantie, puisque l’acheteur pouvait exiger de cette société, et d’elle seule, qu’elle procède à l’intervention promise et en supporte le coût. Conclu entre l’acheteur et un intervenant qui n’était pas partie à la vente, cet engagement contractuel poursuivrait un objectif propre et constituerait une fin en soi. Dans la mesure où, moyennant le paiement d’une somme convenue, Mapfre warranty s’engageait, en cas de survenance, aléatoire, d’un sinistre à la chose assurée, à procurer à l’assuré la prestation convenue lors de la conclusion du contrat, elle se serait livrée à une activité d’assurance.

20. Par ailleurs, la cour d’appel de Lyon a constaté que Mapfre warranty avait souscrit auprès de Mapfre asistencia une police d’assurance dont l’objet était de garantir le remboursement des pertes financières occasionnées au titre d’une panne garantie par contrat sur les véhicules achetés chez un garagiste revendeur et pour lesquels un carnet de garantie avait été délivré. Selon la cour d’appel de Lyon, cette police n’instituait toutefois pas une « assurance pour compte » et ne relevait pas des risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur visés à l’article 1001, 5° bis, du CGI.

21. Mapfre warranty s’est pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Lyon ayant qualifié ses prestations d’opérations d’assurance, soumises à la taxe sur les conventions d’assurance au taux de 18 %.

22. Le Directeur général des finances publiques s’est, pour sa part, pourvu en cassation devant la juridiction de renvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Lyon ayant considéré que le taux de la taxe sur les conventions d’assurance incombant à Mapfre asistencia était non pas de 18 %, comme l’avait estimé l’administration fiscale, mais de 9 %.

23. Compte tenu de la connexité de ces deux pourvois, la juridiction de renvoi a décidé de les joindre.

24. Éprouvant des doutes quant à l’interprétation de la notion d’opérations d’assurance, qui n’est pas définie par la sixième directive, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 2 et 13, B, sous a), de la sixième directive doivent-ils être interprétés en ce sens que la prestation consistant, pour un opérateur économique indépendant du revendeur de véhicules d’occasion, et moyennant le versement d’une somme forfaitaire, à garantir la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces du véhicule d’occasion entre dans la catégorie des opérations d’assurance exonérées de TVA ou, au contraire, entre dans la catégorie des prestations de services ? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur la question préjudicielle :

25. Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, B, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que constitue une opération d’assurance exonérée, au sens de cette disposition, la prestation de services consistant, pour un opérateur économique indépendant du revendeur d’un véhicule d’occasion, à garantir, moyennant le versement d’une somme forfaitaire, la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces de ce véhicule.

26. À titre liminaire, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les termes employés pour désigner les exonérations figurant à l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte. Toutefois, l’interprétation de ces termes doit être conforme aux objectifs poursuivis par lesdites exonérations et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA. Ainsi, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées audit article 13 doivent être interprétés d’une manière qui priverait celles-ci de leurs effets (voir, notamment, arrêt Zimmermann, C‑174/11, EU:C:2012:716, point 22 et jurisprudence citée).

27. Par ailleurs, les opérations faisant l’objet des exonérations prévues à l’article 13 de la sixième directive constituent des notions autonomes du droit de l’Union, afin d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à l’autre (voir, en ce sens, arrêts CPP, C‑349/96, EU:C:1999:93, point 15; Taksatorringen, C‑8/01, EU:C:2003:621, point 37; Commission/Grèce, C‑13/06, EU:C:2006:765, point 9, et BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 56).

28. S’agissant, plus précisément, de la notion d’«opérations d’assurance», figurant à l’article 13, B, sous a), de la sixième directive, qui ne fait l’objet d’aucune définition dans cette directive, la Cour a itérativement jugé qu’une opération d’assurance se caractérise, de façon généralement admise, par le fait que l’assureur se charge, moyennant le paiement préalable d’une prime, de procurer à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat (voir, en ce sens, arrêts Taksatorringen, C‑8/01, EU:C:2003:621, point 39; Commission/Grèce, C‑13/06, EU:C:2006:765, point 10, et BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 58).

29. La Cour a précisé que les opérations d’assurance impliquent, par nature, l’existence d’une relation contractuelle entre le prestataire du service d’assurance et la personne dont les risques sont couverts par l’assurance, à savoir l’assuré (voir arrêts Skandia, C‑240/99, EU:C:2001:140, point 41; Taksatorringen, C‑8/01, EU:C:2003:621, point 41, et BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 58).

30. En outre, ladite notion d’opérations d’assurance est en principe suffisamment large pour inclure l’octroi d’une couverture d’assurance par un assujetti qui n’est pas lui-même assureur, mais qui, dans le cadre d’une assurance collective, procure à ses clients une telle couverture en utilisant les prestations d’un assureur qui se charge du risque assuré (voir, en ce sens, arrêts CPP, C‑349/96, EU:C:1999:93, point 22, et BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 59).

31. S’agissant de l’examen de la présente demande de décision préjudicielle, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour et d’une jurisprudence constante que, afin de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national, la demande de décision préjudicielle doit, premièrement, contenir un exposé sommaire de l’objet du litige au principal ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi, ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées. Elle doit, deuxièmement, comprendre la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer dans l’affaire au principal et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente. Troisièmement, la juridiction de renvoi doit exposer les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (voir, notamment, ordonnance Municipiul Piatra Neamț, C‑13/14, EU:C:2014:2000, point 10 et jurisprudence citée).

32. Or, la juridiction de renvoi n’a, dans la demande de décision préjudicielle, notamment, pas constaté d’éléments factuels portant sur la nature de la prestation de services en cause au principal, mais s’est limitée à annexer à sa décision de renvoi les moyens du pourvoi soulevés devant elle, de sorte que la Cour ne peut pas juger, en définitive, si une prestation de services telle que celle en cause au principal constitue effectivement une opération d’assurance exonérée au sens de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive, au sens de la jurisprudence citée aux points 28 et 29 du présent arrêt.

33. En raison de l’esprit de coopération qui préside dans les rapports entre les juridictions nationales et la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle, l’absence des constatations factuelles nécessaires par la juridiction de renvoi ne conduit pas nécessairement à l’irrecevabilité de la demande de décision préjudiciel si, malgré ces défaillances, la Cour, eu égard aux éléments qui ressortent du dossier, estime qu’elle est en mesure de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi (voir, en ce sens, arrêt Azienda sanitaria locale n. 5 « Spezzino » e.a., C‑113/13, EU:C:2014:2440, point 48).

34. S’agissant d’une prestation telle que celle en cause au principal, il ressort du dossier soumis à la Cour que Mapfre warranty s’engage, moyennant le paiement préalable d’une somme forfaitaire, à couvrir le coût de la réparation d’un véhicule d’occasion en cas de survenance d’une panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces de ce véhicule et définie dans un « carnet de garantie » remis à l’acheteur dudit véhicule.

35. Cependant, Mapfre warranty et Mapfre asistencia contestent l’existence, dans les affaires au principal, d’une relation contractuelle entre Mapfre warranty et l’acheteur du véhicule d’occasion. Ces deux sociétés soulignent notamment qu’un lien contractuel n’existe qu’entre Mapfre warranty et le revendeur de ce véhicule. Ce dernier confierait simplement à Mapfre warranty la tâche d’exécuter envers l’acheteur les obligations qui lui incombent, en tant que revendeur, en vertu de dispositions légales ou contractuelles. Selon Mapfre warranty et Mapfre asistencia, c’est également le revendeur du véhicule d’occasion qui est débiteur, à l’égard de Mapfre warranty, du montant de la prime due au titre de la garantie fournie par cette société. Le revendeur déduirait ce montant de la marge réalisée, et ce afin d’augmenter l’attractivité du véhicule d’occasion.

36. À cet égard, sous réserve d’une vérification, par la juridiction de renvoi, de la nature exacte des relations entre les différentes personnes intervenant dans le contexte de la prestation en cause au principal, il ressort du dossier soumis à la Cour, d’une part, que le revendeur du véhicule d’occasion ne participe pas à la mise en œuvre de la convention de garantie. En effet, en cas de survenance d’une panne mécanique couverte par la garantie, l’acheteur du véhicule d’occasion concerné n’est pas obligé de faire réparer ce véhicule dans un garage appartenant à ce revendeur ou que celui-ci lui aurait indiqué. Le garage auquel a recours l’acheteur dudit véhicule en vue de la réparation de celui-ci doit, quant à lui, prendre directement contact avec Mapfre warranty afin que cette société valide le devis proposé par ce garage.

37. D’autre part, même si, comme le soutiennent Mapfre warranty et Mapfre asistencia, la somme forfaitaire donnant droit à la garantie est incluse dans le prix de vente du véhicule d’occasion, ladite somme est, en définitive, payée par l’acquéreur de ce véhicule.

38. En tout état de cause, indépendamment de la question de savoir si une convention est conclue entre l’acheteur du véhicule d’occasion et Mapfre warranty, le revendeur de ce véhicule n’ayant qu’un simple rôle d’intermédiaire, ou si ce revendeur conclut la convention en son nom propre mais pour le compte de l’acheteur, ou encore si le revendeur transfère à l’acheteur les droits issus de la convention qu’il a conclue en son nom propre et pour son propre compte avec Mapfre warranty, il ressort notamment de la jurisprudence citée aux points 28 et 30 du présent arrêt que la notion d’«opération d’assurance», au sens de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive, est suffisamment large pour couvrir chacune de ces situations.

39. En effet, les éléments caractéristiques de l’opération d’assurance, tels que dégagés par la jurisprudence citée au point 28 du présent arrêt, sont présents dans chacune de ces situations. Ainsi, l’assureur, en l’occurrence Mapfre warranty, est un opérateur économique indépendant du revendeur du véhicule d’occasion et l’assuré est l’acheteur de ce véhicule. En outre, le risque consiste en la nécessité pour l’acheteur du véhicule d’occasion de payer les réparations en cas de survenance d’une panne mécanique relevant de la garantie, dont l’assureur s’engage à couvrir le coût. Enfin, la prime est constituée par la somme forfaitaire payée par l’acheteur du véhicule d’occasion, que ce soit dans le prix d’achat de ce véhicule ou en supplément.

40. La présence de ces éléments permet, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, de conclure qu’existe entre l’assureur et l’assuré la relation juridique exigée par la jurisprudence de la Cour pour considérer une prestation comme une « opération d’assurance » au sens de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive.

41. En outre, contrairement à ce que soutiennent en substance Mapfre warranty et Mapfre asistencia, la qualification d’une prestation d’« opération d’assurance », au sens de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive, ne saurait dépendre de la manière dont l’assureur gère l’importance du risque qu’il s’engage à couvrir et calcule le montant exact des primes.

42. À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 28 de ses conclusions et ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 28 du présent arrêt, l’essence même de l’«opération d’assurance», au sens de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive, réside dans le fait que l’assuré se protège du risque de pertes financières, qui sont incertaines mais potentiellement importantes, moyennant une prime dont le paiement est, quant à lui, certain mais limité.

43. En l’occurrence, il semble ressortir du dossier soumis à la Cour que le montant facturé par Mapfre warranty sous la forme d’une prime n’est pas remboursé à l’acheteur d’un véhicule d’occasion si, à l’issue de la période de garantie, aucune panne n’a été constatée ou si le coût des réparations a été inférieur à cette prime. De même, en cas de panne dont le coût dépasse le montant de la prime versée, l’acheteur du véhicule n’est pas tenu de payer la partie excédentaire de ce coût. Les primes facturées par Mapfre warranty apparaissent ainsi, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, comme constituant de véritables primes d’assurance, dont le paiement libère entièrement l’assuré du risque couvert. Mapfre warranty a d’ailleurs assuré, auprès de Mapfre asistencia, le risque de pertes financières qu’elle subit elle-même à cet égard.

44. Dans ce contexte, la méthode de calcul des primes et de gestion des coûts de réparation est une question qui relève de l’organisation interne de Mapfre warranty et qui ne saurait déterminer la qualification que doivent recevoir les prestations qu’elle fournit.

45. Enfin, Mapfre warranty et Mapfre asistencia font valoir que, lorsque les fabricants ou les revendeurs de véhicules proposent eux-mêmes à leurs clients une garantie complémentaire, ces opérateurs sont considérés comme proposant des services après-vente, soumis à la TVA, alors qu’ils fournissent pourtant une prestation semblable à celle offerte par Mapfre warranty aux acheteurs de véhicules d’occasion. Or, de telles prestations devraient subir un traitement identique.

46. Il importe de constater, d’une part, que cet argument repose sur des éléments factuels, en particulier le traitement fiscal de garanties fournies par le revendeur, qui ne figurent pas dans la décision de renvoi, et, d’autre part, que cette dernière ne contient aucun exposé d’un tel argument. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 31 du présent arrêt, il découle de l’article 94 de son règlement de procédure que, en l’absence desdits éléments, la Cour ne peut répondre à un tel argument.

47. Il résulte des considérations qui précèdent qu’une prestation telle que celle en cause au principal apparaît, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, pouvoir relever de la notion d’«opération d’assurance», au sens de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive.

48. Il convient toutefois de relever que Mapfre warranty et Mapfre asistencia font encore valoir que, à supposer qu’une telle prestation doive être qualifiée d’opération d’assurance, elle n’en est pas moins soumise à la TVA car elle est liée de façon indissociable à la vente du véhicule d’occasion et doit, dès lors, être soumise au même traitement fiscal que celle-ci.

49. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux fins de la TVA, chaque opération doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, ainsi qu’il découle de l’article 2, point 1, de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêts Aktiebolaget NN, C‑111/05, EU:C:2007:195, point 22; Field Fisher Waterhouse, C‑392/11, EU:C:2012:597, point 14, et BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 29).

50. Néanmoins, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et ainsi donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes. Il s’agit d’une opération unique, notamment, lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel. Tel est également le cas dans l’occurrence où un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, un ou des éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale (voir arrêt BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 30 et jurisprudence citée).

51. S’agissant des opérations d’assurance, la Cour a déjà jugé que toute opération d’assurance présente, par sa nature, un lien avec le bien qu’elle a pour objet de couvrir. Néanmoins, un tel lien ne saurait suffire, en lui-même, pour déterminer s’il existe ou non une prestation unique complexe aux fins de la TVA. En effet, si toute opération d’assurance était soumise à la TVA en fonction de la soumission à cette taxe de prestations portant sur le bien qu’elle couvre, l’objectif même de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive, à savoir l’exonération des opérations d’assurance, se trouverait remis en cause (voir, en ce sens, arrêt BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 36).

52. En application de la règle mentionnée au point 49 du présent arrêt, selon laquelle chaque opération doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, il convient de relever que, en principe, la vente d’un véhicule d’occasion et la fourniture, par un opérateur économique indépendant du revendeur de ce véhicule, d’une garantie relative à la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces dudit véhicule ne peuvent être considérées comme étant si étroitement liées qu’elles forment une opération unique. En effet, le fait d’apprécier séparément de telles prestations ne saurait constituer, par lui-même, une décomposition artificielle d’une opération économique unique, susceptible d’altérer la fonctionnalité du système de TVA.

53. Cela étant, il convient d’examiner s’il existe des raisons propres aux circonstances en cause au principal qui conduiraient à considérer que les éléments concernés constituent une opération unique (voir, en ce sens, arrêt BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 40).

54. Dans cette optique, il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon la jurisprudence de la Cour relative à la notion d’opération unique, telle que rappelée au point 50 du présent arrêt, une prestation est considérée comme accessoire à une prestation principale notamment lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal (voir arrêt BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 41).

55. S’il est vrai que, grâce à une garantie telle que celle en cause au principal, le risque de pertes financières auquel est confronté l’acheteur d’un véhicule d’occasion est réduit par rapport au risque encouru dans une situation où une telle garantie fait défaut, il n’en demeure pas moins que cette circonstance découle de la nature même de la garantie. Or, ladite circonstance, à elle seule, n’implique pas qu’il convienne de considérer qu’une telle prestation présente un caractère accessoire par rapport à la vente du véhicule d’occasion.

56. Ainsi qu’il semble ressortir du dossier soumis à la Cour, la garantie en cause au principal est fournie à l’acheteur d’un véhicule d’occasion par un opérateur qui est indépendant du revendeur de ce véhicule et qui n’est pas partie à la vente, de sorte que cette garantie ne saurait, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, être considérée comme une garantie fournie par le revendeur. En outre, l’acheteur d’un véhicule d’occasion peut acheter ce véhicule sans souscrire à cette garantie et dispose également de la faculté, sans passer par l’intermédiaire du revendeur dudit véhicule, de conclure une convention de garantie avec une autre société que Mapfre warranty. Enfin, il ressort du carnet de garantie présenté à la Cour par le gouvernement français lors de l’audience que Mapfre warranty se réserve, dans certaines circonstances, le droit de résilier la convention de garantie, sans qu’une telle résiliation apparaisse affecter le contrat de vente du véhicule.

57. Dans ces conditions, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, une garantie telle que celle en cause au principal n’apparaît pas si étroitement liée à la vente du véhicule d’occasion que ces deux opérations, de surcroît fournies par deux prestataires différents, constitueraient une prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel. Par conséquent, elles doivent, en principe, être considérées comme des opérations distinctes et indépendantes aux fins de la TVA.

58. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 13, B, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que constitue une opération d’assurance exonérée, au sens de cette disposition, la prestation de service consistant, pour un opérateur économique indépendant du revendeur d’un véhicule d’occasion, à garantir, moyennant le versement d’une somme forfaitaire, la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces de ce véhicule. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, au regard de circonstances telles que celles des affaires au principal, la prestation de services en cause au principal est une telle prestation. La fourniture d’une telle prestation et la vente du véhicule d’occasion doivent, en principe, être considérées comme des prestations distinctes et indépendantes devant être appréhendées séparément du point de vue de la TVA. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard aux circonstances particulières des affaires au principal, la vente d’un véhicule d’occasion et la garantie fournie par un opérateur économique indépendant du revendeur de ce véhicule sur la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces de celui-ci sont à ce point liées entre elles qu’elles doivent être regardées comme constituant une opération unique ou si, au contraire, elles constituent des opérations indépendantes.

 

Sur les dépens :

59. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

L’article 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, doit être interprété en ce sens que constitue une opération d’assurance exonérée, au sens de cette disposition, la prestation de services consistant, pour un opérateur économique indépendant du revendeur d’un véhicule d’occasion, à garantir, moyennant le versement d’une somme forfaitaire, la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces de ce véhicule. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, au regard de circonstances telles que celles des affaires au principal, la prestation de services en cause au principal est une telle prestation. La fourniture d’une telle prestation et la vente du véhicule d’occasion doivent, en principe, être considérées comme des prestations distinctes et indépendantes devant être appréhendées séparément du point de vue de la taxe sur la valeur ajoutée. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard aux circonstances particulières des affaires au principal, la vente d’un véhicule d’occasion et la garantie fournie par un opérateur économique indépendant du revendeur de ce véhicule sur la panne mécanique susceptible d’affecter certaines pièces de celui-ci sont à ce point liées entre elles qu’elles doivent être regardées comme constituant une opération unique ou si, au contraire, elles constituent des opérations indépendantes.

Signatures