CASS. CIV. 1re, 25 mars 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8407
CASS. CIV. 1re, 25 mars 2020 : pourvoi n° 18-2245 ; arrêt n° 237
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « 3. Aux termes de ce texte, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
4. L’opérateur de pompes funèbres qui conclut un contrat de prestations funéraires avec un consommateur lui fournit un service, ce dont il résulte que l’action en paiement qui procède de ce contrat est soumise à la prescription biennale.
5. Il importe peu que la créance relève des frais funéraires, dès lors que, les dettes successorales ne faisant l’objet d’aucun régime de prescription dérogatoire, le seul fait qu’une dette puisse être mise à la charge d’une succession ne la soumet pas à un régime différent de celui qui s’applique en raison de sa nature. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 25 MARS 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : A 18-22451. Arrêt n° 237 FS-P+B.
DEMANDEUR à la cassation : Madame X.
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur U.
Mme Zatut (président), président. Maître Brouchot, Maître Le Prado, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Mme X, domiciliée [adresse], a formé le pourvoi n° A 18-22.451 contre le jugement rendu le 20 juillet 2018 par le tribunal d’instance de Limoges, dans le litige l’opposant à M. U., domicilié [...], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de Mme X., de Me Brouchot, avocat de M. U., et l’avis de Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 25 février 2020 où étaient présents Mme Zatut, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes Canas, Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Limoges, 20 juillet 2018), rendu en dernier ressort, Mme X., héritière de sa tante décédée, a formé opposition à une ordonnance d’injonction de payer une certaine somme au titre d’un contrat de prestations funéraires conclu avec M. U., opérateur de pompes funèbres.
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Examen du moyen :
Enoncé du moyen
2. Mme X. fait grief à l’arrêt d’accueillir la demande en paiement de M. U., après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, alors « que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu’en retenant, pour écarter cette prescription, que la créance de M. U. n’était pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d’un contrat classique de droit de la consommation, tandis qu’il constatait qu’elle était née d’un contrat conclu entre un consommateur, Mme X. et M. U., professionnel des pompes funèbres, chargeant ce dernier de prestations pour l’inhumation de Mme Z., le tribunal d’instance, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par refus d’application l’article L. 218-2 du code de la consommation. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
3. Aux termes de ce texte, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
4. L’opérateur de pompes funèbres qui conclut un contrat de prestations funéraires avec un consommateur lui fournit un service, ce dont il résulte que l’action en paiement qui procède de ce contrat est soumise à la prescription biennale.
5. Il importe peu que la créance relève des frais funéraires, dès lors que, les dettes successorales ne faisant l’objet d’aucun régime de prescription dérogatoire, le seul fait qu’une dette puisse être mise à la charge d’une succession ne la soumet pas à un régime différent de celui qui s’applique en raison de sa nature.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
6. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, le jugement retient que la créance litigieuse n’est pas née d’un contrat de consommation et que, dépendant du passif de la succession, les frais funéraires obéissent à la prescription quinquennale de droit commun.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
7. En statuant ainsi, alors qu’il relevait que le contrat litigieux avait été conclu entre un professionnel et un consommateur aux fins de prestations funéraires, le tribunal, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation :
8. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. La facture litigieuse a été établie le 12 novembre 2013. Le délai de prescription biennale de l’action en recouvrement de cette facture était donc expiré lorsqu’a été signifiée, le 4 septembre 2017, l’ordonnance d’injonction d’en payer le montant. Il en résulte que l’action en paiement de M. U. est prescrite.
11. Mme X. se borne à soutenir que l’action en paiement de M. U. est abusive, sans caractériser un tel abus, de sorte que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il reçoit l’opposition formée par Mme X. et déclare non avenue l’ordonnance d’injonction de payer du 2 août 2017, le jugement rendu le 20 juillet 2018, entre les parties, par le tribunal d’instance de Limoges ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
Déclare prescrite l’action en paiement de M. U. ;
Rejette la demande de dommages-intérêts de Mme X. ;
Condamne M. U. aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par Maître Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche au jugement attaqué, D’AVOIR rejeté l’exception d’irrecevabilité tirée de la prescription soulevée par Mme X. et de l’avoir condamné au paiement d’une somme de 2.778,50 euros en principal ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance ; que la créance de M. U. n’est pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d’un contrat classique de droit de la consommation, les dispositions de l’article L. 218-2 du code de la consommation ne sont donc pas applicables ; que Mme X. est l’unique héritière de sa tante Mme Z., et tenue à ce titre du passif et des dettes successorales ; que les frais funéraires ou d’obsèques font partie du passif de la succession, ils bénéficient à ce titre de la prescription quinquennale des créances de l’article 2224 du code civil ; que les factures litigieuses datent respectivement du 12 novembre 2013 (n° 756) et du 5 décembre 2013 (n°759) et la citation en justice du 2 octobre 2017 interruptive de la prescription (article 2244 du code civil) a été délivrée à l’intérieur du délai de 5 ans ; que la prescription de l’action avait déjà été interrompue par la signification de l’ordonnance d’injonction de payer intervenue le 4 septembre 2017 ; que la jurisprudence décide qu’en termes d’injonction de payer, ce n’est pas la requête qui doit être considérée comme une demande en justice interrompant la prescription, mais la signification de l’ordonnance portant injonction de payer (cf. pour illustration Cour de cassation 1re chambre civile 11 mars 2010, pourvoi n° 09-12346) ; que l’action en paiement de M. U. à l’encontre de Mme X. n’est pas atteinte par la prescription et la fin de non-recevoir tirée de la prescription - et l’irrecevabilité à laquelle elle ten - sera rejetée ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu’en retenant, pour écarter cette prescription, que la créance de M. U. n’était pas née de la relation entre un professionnel et un consommateur ou d’un contrat classique de droit de la consommation, tandis qu’il constatait qu’elle était née d’un contrat conclu entre un consommateur, Mme X. et M. U., professionnel des pompes funèbres, chargeant ce dernier de prestations pour l’inhumation de Mme Z., le tribunal, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par refus d’application l’article L. 218-2 du code de la consommation.