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CA RENNES (2e ch.), 30 avril 2020

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 30 avril 2020
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 16/09480
Décision : 20/212
Date : 30/04/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 212
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8412

CA RENNES (2e ch.), 30 avril 2020 : RG n° 16/09480 ; arrêt n° 212 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Mais le paiement n'est effectué par un tiers au sens de l'article 1250-1° du code civil ancien que dans la mesure où le tiers règle la créance avec ses propres fonds. Tel n'est pas le cas du prêteur qui procède, à la demande de l'emprunteur, au versement du capital emprunté entre les mains du vendeur, ce paiement étant réputé effectué par le débiteur lui-même. Il en résulte qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule. Cette clause doit être réputée non écrite comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 en ce qu'elle laisse faussement croire à l'emprunteur que la sûreté a été régulièrement transmise au prêteur alors que l'emprunteur est devenu régulièrement propriétaire du bien dès le paiement. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 30 AVRIL 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/09480. Arrêt n° 212. N° Portalis DBVL-V-B7A- NRR4.

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller, rédacteur,

Assesseur : Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère,

GREFFIER : Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé.

DÉBATS : A l'audience publique du 13 février 2020, devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial.

ARRÊT : Rendu par défaut, prononcé publiquement le 30 avril 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], [adresse], Représentée par Maître Eric LE L., avocat au barreau de QUIMPER (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2016/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

 

INTIMÉS :

Monsieur Y.

[adresse], Assigné par acte d'huissier en date du 15 mars 2017, délivré en l'étude, n'ayant pas constitué

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

dont le siège social est [adresse], [...], Représentée par Maître Erwan L. de la SCP L., C., avocat au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant offre préalable du 18 janvier 2014, la SA Cetelem a consenti à Mme X. et M. Y. un crédit d'un montant de 4.000 euros remboursable en 48 mensualités de 99,59 euros au taux nominal annuel de 8 % et affecté à l'achat d'un véhicule Ligier comprenant une clause de réserve de propriété avec subrogation au bénéfice du prêteur.

Alléguant la défaillance des emprunteurs, le prêteur a prononcé la déchéance du terme suivant courrier du 6 octobre 2015 et par acte du 25 juillet 2016 a fait assigner les emprunteurs devant le tribunal d'instance de Quimper qui par jugement du 28 octobre 2016 a :

- Condamné solidairement Mme X. et M. Y. à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Cetelem les sommes de :

- 3.080,32 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 1 euro au titre de la clause pénale,

- Ordonné à Mme X. et M. Y. de restituer à la SA BNP Paribas Personal Finance le véhicule Ligier.

- Débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande d'astreinte,

- Débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Prononcé l'exécution provisoire,

- Condamné Mme X. et M. Y. aux dépens.

[*]

Mme X. est appelante du jugement et par dernières conclusions signifiées le 10 mars 2017 à la SA BNP Paribas Personal Finance et le 15 mars à M. Y., elle demande de :

- Réformer le jugement

- Dire que l'action de la société BNP Paribas Personal Finance est forclose

- Débouter la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de restitution.

Subsidiairement

- Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur et réduit à 1 euro le montant de l'indemnité de défaillance.

- Débouter la société BNP Paribas Personal Finance de toutes autres demandes.

- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 5 juillet 2017 à Mme X. et le 16 mai 2017 à M. Y., la SA BNP Paribas Personal Finance demande de :

- Réformer le jugement en ce qu'il a déchu le prêteur de son droit aux intérêts et réduit la clause pénale et le confirmer en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule.

- Débouter Mme X. et M. Y. de toutes leurs demandes.

- Condamner solidairement Mme X. et M. Y. à payer BNP Paribas Personal Finance la somme de 4.157,77 euros et ce avec intérêts au taux contractuel de 8 % à compter du 10 octobre 2016.

- Condamner in solidum Mme X. et M. Y. à payer à BNP Paribas Personal Finance la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

M. Y. n'a pas constitué avocat.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la forclusion :

Mme X. soulève la prescription de l'action du prêteur au visa de l'article L. 311-52 du code de la consommation en faisant valoir que le 8 août 2014, la société Cetelem leur adressait une mise en demeure de payer la somme de 229,92 euros correspondant à deux échéances impayées ; qu'il en ressort que la première échéance impayée était celle du 5 juillet 2014 et que faute de régularisation de cet arriéré, l'assignation en paiement du 25 juillet 2016 a été délivrée plus de deux ans après le premier incident de paiement.

Mais il ressort de l'examen de l'historique de compte que postérieurement à la délivrance de la mise en demeure du 8 août 2014, les emprunteurs ont réglé les échéances des mois de mars, juillet et août 2015 de telle sorte que les deux échéances impayées des mois de juillet et août 2014 ont été régularisées.

Il en résulte que le prêteur a délivré son assignation dans les deux ans de la défaillance des emprunteurs et que son action est recevable.

 

Sur la demande de restitution du véhicule :

Le premier juge a fait droit à la demande de restitution formée par le prêteur au visa d'une clause du contrat de prêt instituant une clause de réserve de propriété du véhicule au profit du vendeur avec subrogation au bénéfice du prêteur.

Mme X., se référant à l'avis rendu par la Cour de Cassation le 28 novembre 2016, soutient le caractère abusif d'une telle clause.

La SA BNP Paribas Personal Finance soutient la validité de la clause en faisant valoir que les dispositions de l'article 1250 1° du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 reçoivent application dès lors que le créancier reçoit paiement d'un tiers comme en l'espèce peu important qui est le propriétaire des fonds.

Mais le paiement n'est effectué par un tiers au sens de l'article 1250-1° du code civil ancien que dans la mesure où le tiers règle la créance avec ses propres fonds. Tel n'est pas le cas du prêteur qui procède, à la demande de l'emprunteur, au versement du capital emprunté entre les mains du vendeur, ce paiement étant réputé effectué par le débiteur lui-même.

Il en résulte qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule.

Cette clause doit être réputée non écrite comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 en ce qu'elle laisse faussement croire à l'emprunteur que la sûreté a été régulièrement transmise au prêteur alors que l'emprunteur est devenu régulièrement propriétaire du bien dès le paiement.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule en exécution de la clause subrogation de réserve de propriété.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le premier juge a retenu que le prêteur n'avait pas justifié de la consultation du FICP en violation des dispositions de l'article L 312-16 du code de la consommation.

Par application des dispositions de l'article L 311-48 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010 est déchu de son droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, le prêteur qui n'a pas respecté les obligations prévues aux articles L. 311-8 et L. 311-9 du code de la consommation.

Pour justifier avoir satisfait à l'obligation de consulter le FICP, la SA BNP Paribas Personal Finance produit aux les relevés de consultation effectués le 22 janvier 2014.

Mme X. conteste la valeur probante des documents produits qui ne permettent pas d'identifier l'emprunteur.

Les documents de consultation produits par le prêteur portent le logo de la Banque de France et précisent : « dossier non trouvé sous la clé BDF : XXA. et YYL. ».

Le prêteur explique sans être contredit sur ce point, que la consultation s'opère sur un code constitué des 6 chiffres de la date de naissance de l'emprunteur et des 5 premières lettres de son nom de famille.

Il apparaît ainsi que le prêteur a effectivement consulté le FICP avant l'octroi du crédit de sorte que la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue.

En outre, les emprunteurs ont signé le 18 janvier 2014 la fiche de renseignements soumise par le prêteur attestant de leurs revenus. Si Mme X. soutient que ses revenus étaient inférieurs à ceux déclarés, il sera d'une part constaté qu'elle ne fournit aucun élément de nature à l'établir et qu'en tout état de cause, elle ne saurait se prévaloir des déclarations erronées qu'elle a elle-même attestées.

 

Sur le fond :

Il ressort des pièces produites, à savoir, le contrat de crédit, l'historique des versements, le tableau d'amortissement, la mise en demeure du 15 octobre 2015 et le décompte de créance que les emprunteurs sont redevables des sommes suivantes :

- Echéances échues et impayées : 1.408,68 €

- Capital restant du : 2.539,90 €

Total : 3.948,58 €

outre les intérêts au taux du contrat à compter du 10 octobre 2016 conformément à la demande.

Le prêteur peut également prétendre au paiement d'une indemnité de défaillance d'un montant de 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance soit la somme de 203,19 € sans qu'il y ait lieu de réduire le montant de l'indemnité due de ce chef.

Mme X. qui succombe sera condamnée aux dépens de l'instance et à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance une indemnité de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 octobre 2016 par le tribunal d'instance de Quimper et statuant à nouveau sur l'entier litige ;

Condamne solidairement Mme X. et M. Y. à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 4.151,77 euros et ce avec intérêts au taux contractuel de 8 % à compter du 10 octobre 2016 sur la somme de 3.948,58 euros et au taux légal à compter du présent pour le surplus ;

Condamne Mme X. à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme X. et M. Y. aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Rejette toutes autres demandes.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,