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CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 18 mai 2020

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 18 mai 2020
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 18/04505
Décision : 20/79
Date : 18/05/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/10/2018
Numéro de la décision : 79
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8424

CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 18 mai 2020 : RG n° 18/04505 ; arrêt n° 20/79 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Si ces dispositions sont de nature à faire échec à la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales de vente, il doit être constaté qu'elles concernent des demandes tendant à l'indemnisation du préjudice causé par le fait dommageable défini au 1° et 2° du texte de loi. Force est en l'espèce de constater qu'alors que la demande principale a été introduite aux fins d'obtenir l'exécution d'obligations dans le cadre d'un contrat de vente, la Sarl Socausud ne formule pas à titre reconventionnel de demande en dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 précité, sa seule demande indemnitaire étant fondée sur le retard que la Sa Beiser Environnement aurait apporté à la livraison de la commande, une première fois refusée, et non sur un préjudice découlant d'obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a retenu sa compétence pour statuer sur le litige et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à voir renvoyer la procédure devant la cour d'appel de Paris. »

2/ « Aux termes des observations qu'elle formule à titre subsidiaire, la Sarl Socausud maintient le caractère abusif des conditions générales de vente mais n'articule au soutien de ses prétentions aucun autre fondement que celui découlant de l'article L. 442-6 du code de commerce, dont la présente juridiction ne peut connaître.

Il sera rappelé par ailleurs qu'aux termes d'une jurisprudence constante, le fait qu'une clause soit le cas échéant déclarée abusive n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de l'intégralité des conditions générales du contrat, seule la clause litigieuse devant être déclarée non écrite, sans que l'appelante puisse se prévaloir d'un arrêt rendu par la Cour de Justice de l'Union Européenne le 15 mars 2012, en ce qu'il s'est borné à ne pas exclure la possibilité pour un Etat de prévoir qu'en cas de stipulation d'une clause abusive, la sanction encourue était la nullité du contrat dans son entier, étant précisé que cet arrêt s'inscrivait dans le cadre de relations entre professionnel et consommateur et que tel n'est pas le cas en l'espèce. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 18 MAI 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 3 A 18/04505. Arrêt n° 20/179. N° Portalis DBVW-V-B7C-G4IU. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 septembre 2018 par le tribunal d'instance de SAVERNE.

 

APPELANTE :

SARL SOCAUSUD

prise en la personne de son représentant légal, [adresse], Représentée par Maître Guillaume H., avocat au barreau de COLMAR

 

INTIMÉE :

SA BEISER ENVIRONNEMENT

prise en la personne de son représentant légal, [...], Représentée par Maître Patricia C.-G., avocat au barreau de COLMAR

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 9 mars 2020, en audience publique, devant la cour composée de : Mme MARTINO, Présidente de chambre, Mme FABREGUETTES, Conseiller, Mme ARNOLD, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme NEFF

ARRÊT : - contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Annie MARTINO, présidente et Mme Nathalie NEFF, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon devis accepté le 8 juillet 2017, la Sarl Socausud a commandé à la Sa Beiser Environnement une remorque pour le prix de 4.914,46 € TTC, payable en un chèque de 1.514,46 € à la commande et en un chèque de 3400 € à la livraison.

Par acte du 3 octobre 2017, la Sa Beiser Environnement a assigné la Sarl Socausud devant le tribunal d'instance de Saverne, aux fins de se voir donner acte de ce qu'elle tient à la disposition de la défenderesse en ses ateliers les matériels refusés par ses soins, et aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 3.400 € au titre du solde du prix, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 22 juillet 2007, la somme de 1.700 € au titre de la clause pénale, la somme de 40 € par application des dispositions de l'article D. 441-5 du code de commerce, la somme de 163,03 euros par jour à compter du 22 juillet 2017 et ce jusqu'à enlèvement des matériels après complet paiement des sommes dues, au titre des dispositions contractuelles relatives à l'indemnité d'occupation, la somme de 1.507 € au titre du préjudice matériel lié à la double manutention des marchandises et du coût du transport autour de la commande, la somme de 1.507 € au titre de la relivraison de la commande et la somme de 2.000 € titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a fait valoir qu'aucune date de livraison n'a été contractuellement prévue ; que cependant, la Sarl Socausud a refusé indûment la commande qui lui a été livrée courant juillet 2017, réclamant que cette livraison ait lieu le 1er octobre 2017 ; qu'elle est fondée à assigner la défenderesse devant le tribunal de Saverne, compte tenu de la clause attributive de compétence figurant dans ses conditions générales de vente.

La Sarl Socausud a soulevé l'incompétence du tribunal d'instance de Saverne au profit du tribunal de commerce de Paris. Subsidiairement, elle a demandé qu'il soit dit que les clauses des conditions générales de vente sont abusives, de constater qu'elles sont réputées non écrites, de rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires formulées par la Sa Beiser Environnement, à défaut de limiter la clause pénale à la somme d'un euro et demande qu'il soit ordonné à la Sa Beiser Environnement de livrer la remorque à ses frais à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 € par jour de retard. Elle a sollicité enfin condamnation de la demanderesse au paiement d'une somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 10 septembre 2018, le tribunal d'instance de Saverne :

- s'est déclaré compétent,

- a dit n'y avoir lieu à application de la clause pénale contractuelle,

- a condamné la Sarl Socausud à payer à la Sa Beiser Environnement une somme de 3.014 € portant intérêt au taux légal à compter du jugement,

- a condamné la Sarl Socausud à payer à la Sa Beiser Environnement d'une somme de 400 € portant intérêt au taux légal à compter du jugement,

- a condamné la Sarl Socausud à payer à la Sa Beiser Environnement un montant de 40 € par application des dispositions de l'article D. 441-5 du code de commerce,

- a ordonné l'exécution provisoire,

- a condamné la Sarl Socausud à payer à la Sa Beiser Environnement un montant de 1.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la Sarl Socausud aux dépens.

[*]

La Sarl Socausud a interjeté appel de cette décision le 22 octobre 2018.

Par dernières écritures transmises le 2 juillet 2019, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

Vu les conditions générales de vente,

Vu les dispositions des articles 1119 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 42 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles L. 721-3 et L. 442-6 du code de commerce,

Sur appel incident de la Sa Beiser Environnement,

- débouter l'intimée de l'intégralité de ses fins et conclusions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- se déclarer incompétente au profit de la cour d'appel de Paris,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que les clauses des conditions générales de vente sont abusives,

- constater qu'elles étaient réputées non écrites,

- prononcer la nullité des conditions générales de vente,

- rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires formées par la Sa Beiser Environnement,

- condamner la Sa Beiser Environnement à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts,

En tout état de cause,

- condamner la Sa Beiser Environnement à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sa Beiser Environnement aux entiers dépens.

Elle fait valoir que le premier juge n'est pas compétent pour connaître du litige, alors qu'il porte sur la contestation des conditions générales de vente de la Sa Beiser Environnement sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 1° et 2°, ce qui relève de la seule compétence des juridictions spécialisées en pareille matière, en l'espèce le tribunal de commerce de Paris, sans que les dispositions spécifiques applicables à l'Alsace-Lorraine puissent y déroger ; qu'elle n'a de plus pas signé les conditions générales de vente, qui ne lui sont dès lors pas opposables, notamment la clause attributive de compétence ; qu'il ne peut être considéré qu'elle a accepté les conditions générales de vente par un mail de sa gérante du 7 août 2017 qui fait référence à une acceptation du 5 juillet 2017 alors que la commande date du 8 juillet 2017 ; que la Sa Beiser Environnement ne peut se fonder sur des conditions générales signées par la comptable de la Sarl Socausud, qui n'a pas le pouvoir d'engager la société ; que la Sa Beiser Environnement ne démontre nullement qu'elle a pu croire au mandat donné à cette employée et ne peut se prévaloir de la théorie du mandat apparent.

Elle soutient que les articles 6 et 12 des conditions générales de vente sont manifestement disproportionnés et créent un déséquilibre significatif entre les parties ; qu'ils doivent être considérées comme non écrits.

Elle précise qu'elle a réglé le prix de la remorque en octobre 2017 et que le matériel a été livré le 5 décembre 2018.

À titre subsidiaire, si la cour devait se déclarer compétente, elle fait valoir que la somme demandée à titre de clause pénale en vertu de l'article 9 des conditions générales de vente n'est pas due, car la clause n'a pas vocation à s'appliquer dans la mesure où aucun retard de paiement ne peut lui être reproché, puisqu'elle a réglé l'intégralité du prix de la remorque en octobre 2017 ; que le premier juge a à juste titre rejeté l'application de cette clause mais aurait dû constater de ce fait la nullité de l'entier contrat, ainsi qu'il résulte d'un arrêt de la cour de justice de l'union européenne du 15 mars 2012 ; que l'article 5 des conditions générales de vente, qui stipule que les délais de livraison ne peuvent être qu'indicatifs et que leur non-respect n'engage pas la responsabilité de la Sa Beiser Environnement, est abusif et crée un déséquilibre significatif entre les parties ; que la Sa Beiser Environnement n'était pas fondée à livrer le matériel de sa propre initiative le 22 juillet 2017, alors que dès le 12 juillet, la Sarl Socausud lui avait indiqué qu'elle voulait pas être livrée avant le 1er octobre 2017 ; que la Sa Beiser Environnement n'est pas fondée à obtenir paiement de la somme de 3014 € au titre des frais de livraison ; que les frais de gardiennage de 163,03 euros par jour, ramenés à la somme forfaitaire de 4.000 € par la Sa Beiser Environnement, ne sont pas plus justifiés, car fondés sur une clause abusive et donc non écrite ; qu'ainsi, en raison de la nullité des conditions générales de vente, les demandes indemnitaires de la Sa Beiser Environnement ne peuvent prospérer.

Elle soutient qu'elle a subi un préjudice en ce que la remorque était destinée à améliorer les conditions de travail d'un employé handicapé et qu'il n'a pas pu l'utiliser, compte tenu de la rétention abusive qu'en a fait la Sa Beiser Environnement ; qu'alors que la totalité des sommes dues a été réglée en octobre 2017, la remorque n'a été livrée qu'un mois et demi après, à la suite d'une mise en demeure adressée à l'appelante.

[*]

Par écritures du 30 octobre 2019, la Sa Beiser Environnement a conclu à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il :

- s'est déclaré compétent,

- a condamné la Sarl Socausud à lui payer la somme de 3.014 € au titre des frais de relivraison,

- a condamné la Sarl Socausud à lui payer la somme de 40 € par application des dispositions de l'article D 441-5 du code de commerce,

- a condamné la Sarl Socausud à lui payer la somme de 1.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Elle a conclu à l'infirmation du jugement entrepris pour le surplus et demande à la cour de :

- condamner la Sarl Socausud au paiement d'un montant de 2.047,69 € au titre de la clause pénale contractuelle,

- condamner la Sarl Socausud au paiement d'un montant de 4.000 € par application de l'indemnité d'immobilisation contractuelle,

- débouter la Sarl Socausud de toutes ses demandes, comme irrecevables ou mal fondées,

- condamner la Sarl Socausud au paiement d'un montant de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl Socausud aux entiers frais et dépens de la procédure.

Elle fait valoir que les conditions générales de vente, qui se trouvent en page 3 du devis du 4 avril 2017, ont été signées par Madame B., comptable de la Sarl Socausud ; que par ailleurs, par courriel du 7 août 2017, la gérante de l'appelante a admis avoir accepté les conditions générales le 5 juillet 2017 ; que lesdites conditions sont donc parfaitement opposables à la Sarl Socausud ; qu'elles contiennent un article 17, qui précise que les parties conviennent que la validation éventuelle de certaines des conditions générales ne remettra pas en cause la validité des autres dispositions, ni la relation contractuelle elle-même ; qu'elle est fondée à se prévaloir de la clause attributive de compétence.

Elle soutient que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ne donnent compétence à des juridictions particulières que lorsque l'action porte à titre principal sur l'engagement de la responsabilité de l'auteur d'un fait visé par cet article ; que tel n'est nullement le cas en l'espèce.

Elle maintient que la Sarl Socausud a refusé à tort la livraison du matériel, fourni dans les meilleurs délais ; qu'elle est de même pas fondé à arguer d'un préjudice du fait d'un délai de relivraison excessif, transport ayant été planifié dès confirmations du paiement du solde de la facture ; qu'elle est en droit d'obtenir le montant de la clause pénale, contenue dans les conditions générales de ventes qui font la loi des parties et qui est due indépendamment de tous dommages et intérêts complémentaires ; qu'il n'y a pas lieu de la modérer ; que l'indemnité de transport est de même due en raison du refus de livraison, qui a entraîné la réutilisation de l'emplacement du matériel dans ses locaux et un préjudice équivalent au coût du transport retour et la double manutention ; qu'elle a également subi un préjudice lié à l'immobilisation du matériel, dont le montant retenu par le premier juge a été sous-évalué.

Elle fait valoir que la demande en dommages et intérêts formée par la Sarl Socausud est nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, dans la mesure où elle est fondée sur un rapport antérieur au débat devant le premier juge ; qu'elle est en tout état de cause abusive, l'appelante ayant elle-même refusé la première livraison.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 janvier 2020 ;

 

Sur la compétence :

En vertu des dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, toute clause qui déroge, directement ou indirectement, aux règles de compétence territoriale est valable si elle a été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle a été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la Sarl Socausud a accepté le devis daté du 4 avril 2017, soumis par la Sa Beiser Environnement, portant sur la commande d'une remorque au prix de 4.914,46 €.

Il est spécifié sur le document que la signature du devis engage à une commande ferme et définitive et vaut acceptation des conditions générales de vente qui ont été communiquées.

La Sa Beiser Environnement verse en outre lesdites conditions générales de vente et prestations associées, portant la mention « bon pour accord, lu et approuvé » avec une signature dont il n'est pas contesté qu'elle émane de Madame X., également signataire du devis, et qui est comptable de la Sarl Socausud.

Dans la mesure où la signature apposée pour approbation des conditions générales de vente émane de la comptable de la Sarl Socausud, qui est également signataire du devis, dont la Sarl Socausud ne soutient pas qu'il ne l'a pas engagé et alors que le montant de la commande est modéré, la Sa Beiser Environnement a pu légitimement croire au pouvoir de cette employée d'engager la société et ce d'autant que par courriel du 7 août 2017, la gérante de la Sarl Socausud a indiqué à la Sa Beiser Environnement que leurs relations étaient strictement définies par la commande, son courriel du 12 juillet « valant avenant » et par les conditions générales de vente et prestations associées qui ont été acceptées le 5 juillet.

La Sarl Socausud ayant ainsi admis avoir été en possession des conditions générales de vente et les avoirs approuvées, la Sa Beiser Environnement peut se prévaloir de la clause attributive de juridiction y figurant de façon apparente.

L'article L. 442-6-I, 1° et 2° du code de commerce, relatif aux pratiques restrictives de concurrence, dispose que : - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation ou de promotion commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins, du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat ou de la rémunération de services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires, en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ;

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Il prévoit par ailleurs en sa partie III des règles de compétence territoriale particulières pour statuer sur ces dispositions, déterminant huit tribunaux de commerce habilités à en connaître et disposant que la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître en appel des décisions rendues par ces juridictions.

Si ces dispositions sont de nature à faire échec à la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales de vente, il doit être constaté qu'elles concernent des demandes tendant à l'indemnisation du préjudice causé par le fait dommageable défini au 1° et 2° du texte de loi. Force est en l'espèce de constater qu'alors que la demande principale a été introduite aux fins d'obtenir l'exécution d'obligations dans le cadre d'un contrat de vente, la Sarl Socausud ne formule pas à titre reconventionnel de demande en dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 précité, sa seule demande indemnitaire étant fondée sur le retard que la Sa Beiser Environnement aurait apporté à la livraison de la commande, une première fois refusée, et non sur un préjudice découlant d'obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a retenu sa compétence pour statuer sur le litige et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à voir renvoyer la procédure devant la cour d'appel de Paris.

 

Au fond :

Aux termes des observations qu'elle formule à titre subsidiaire, la Sarl Socausud maintient le caractère abusif des conditions générales de vente mais n'articule au soutien de ses prétentions aucun autre fondement que celui découlant de l'article L. 442-6 du code de commerce, dont la présente juridiction ne peut connaître.

Il sera rappelé par ailleurs qu'aux termes d'une jurisprudence constante, le fait qu'une clause soit le cas échéant déclarée abusive n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de l'intégralité des conditions générales du contrat, seule la clause litigieuse devant être déclarée non écrite, sans que l'appelante puisse se prévaloir d'un arrêt rendu par la Cour de Justice de l'Union Européenne le 15 mars 2012, en ce qu'il s'est borné à ne pas exclure la possibilité pour un Etat de prévoir qu'en cas de stipulation d'une clause abusive, la sanction encourue était la nullité du contrat dans son entier, étant précisé que cet arrêt s'inscrivait dans le cadre de relations entre professionnel et consommateur et que tel n'est pas le cas en l'espèce.

Au demeurant, il résulte des articles 1152 et 1231 anciens du code civil devenus 1231-5, que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d'office, être diminuée par le juge à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier.

La Sa Beiser Environnement, s'appuyant sur ses conditions générales de vente, sollicite notamment paiement de frais de relivraison, d'une clause pénale contractuelle et d'une indemnité d'immobilisation contractuelle.

Le devis signé pour approbation par la Sarl Socausud ne comporte aucune date de livraison contractuellement définie. Il s'en déduit que la société vendeuse devait exécuter sa prestation dans les meilleurs délais.

Ce n'est que par un courriel du 12 juillet 2017 que l'appelante a prétendu avoir appelé le 5 juillet le collaborateur de la Sa Beiser Environnement pour lui demander un effort supplémentaire quant à la remise accordée sur le prix de la remorque commandée ; qu'il lui aurait été répondu que le modèle n'était plus disponible sur le parc. Elle affirme que du fait d'une livraison en principe retardée, les parties sont convenues d'un règlement en deux fois, à raison de 30 % d'acompte et le solde par chèque encaissable à la livraison. Elle poursuit en indiquant avoir appris le 7 juillet que le matériel allait lui être livré sous quelques jours et qu'il était donc disponible lors de son appel du 5 juillet et elle a demandé que la livraison du matériel soit effectuée au 1er octobre et « en aucun cas maintenant », sauf remise supplémentaire ou escompte pour paiement comptant.

Contrairement à ce qu'affirme la Sarl Socausud, ce courriel, qui ne constitue qu'une tentative de l'appelante d'obtenir une ristourne commerciale supérieure à celle consentie par la société vendeuse et acceptée par elle au titre du devis approuvé, ne peut valoir avenant au contrat, à défaut d'acceptation du terme de livraison par la Sa Beiser Environnement.

Dès lors, l'appelante était tenue d'accepter la livraison du matériel, effectuée une première fois dans le courant du mois de juillet 2017 et refusée à tort par elle.

Dans la mesure où par son fait fautif, ayant constitué en un refus indu de la livraison effectuée courant juillet 2017, la Sarl Socausud a contraint la Sa Beiser Environnement à procéder à une seconde livraison du matériel, effectuée en décembre 2017, l'appelante n'est pas fondée à se réclamer du caractère gratuit de la livraison, qui ne peut concerner que la première tentative. De plus, l'article 5 des conditions générales de vente, qui stipule qu'en cas de relivraison rendue nécessaire du fait du client, les frais inhérents supplémentaires seront à la charge du client, ne présente aucun caractère abusif en ce qu'il n'est destiné qu'à compenser un coût supplémentaire induit par la faute du cocontractant.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la Sarl Socausud les frais de relivraison de 1.507 €, calculés au coût de 2,20 € du kilomètre sur une distance de 686 kilomètres.

Il sera retenu en revanche que la société intimée ne justifie nullement d'un préjudice supplémentaire lié au fait du coût du transport retour et à la double manutention, qu'elle chiffre à la somme supplémentaire de 1507 €, étant relevé que la première livraison étant gratuite, la vendeuse ne peut demander paiement du transport retour et qu'il n'est pas démontré que les frais de retour, qu'elle aurait en tout état de cause dû exposer, même si la remorque n'avait pas été refusée, ont été majorés du fait du refus de livraison du matériel. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a tenu compte de ce montant dans la condamnation prononcée à l'encontre de la Sarl Socausud.

Concernant la clause pénale, l'article 9 des conditions générales de vente prévoit qu'en toute hypothèse de retard ou d'incident de paiement, une indemnité forfaitaire et irréductible, fixée à 50 % du prix, sera versée par le client à raison des retards ou incidents de paiement et ce sans préjudice des indemnités légales et conventionnelles de retard de paiement.

À défaut de démonstration du caractère abusif de cette clause, qui est susceptible de modération, c'est à tort que le premier juge a dit n'y avoir lieu à son application.

La Sarl Socausud ne peut prétendre que cet article serait inapplicable en l'espèce, au motif qu'aucun incident de paiement n'est intervenu, alors qu'aux termes du devis, le paiement du solde du prix de la remorque devait intervenir lors de la livraison ; que le chèque de 3.400 € que la Sarl Socausud avait remis en paiement à la Sa Beiser Environnement pour solde du prix lors de la commande et qui devait être encaissé lors de la livraison est revenu impayé en raison d'une opposition pour perte, manifestement fallacieuse ; qu'il se déduit bien de ces éléments que la Sa Beiser Environnement a déploré un retard dans le paiement du matériel qu'elle avait livré à bon escient le 22 juillet 2017 et qui a été refusé à tort.

Néanmoins, compte tenu du paiement du solde du prix par virement du 2 octobre 2017, il convient de retenir le caractère excessif de la clause pénale au regard du préjudice réel subi par l'intimée, qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 500 €, portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur le fondement de l'article 6 des conditions générales de vente, la société vendeuse réclame paiement d'une indemnité d'immobilisation à raison d'une somme journalière de 4 % du prix de vente depuis le refus de livraison, soit 163,03 euros par jour depuis le 22 juillet 2017, qu'elle a ramenée à la somme forfaitaire de 4.000 €.

Cette stipulation constitue une clause pénale en ce qu'elle prévoit l'indemnisation contractuelle d'un manquement de la partie adverse et est donc susceptible de modération, conformément aux articles précités.

C'est à ce titre par une exacte appréciation des faits de la cause, en l'absence de justification particulière d'un préjudice plus important, que le premier juge, par une décision qui sera confirmée sur ce point, a fixé à 400 € la réparation de ce dommage.

Le jugement déféré sera de même confirmé en ce qu'il a pris en compte les frais de recouvrement de 40 €, conformément aux dispositions de l'article D. 441-5 du code de commerce.

 

Sur la demande de dommages et intérêts formés par la Sarl Socausud :

La Sarl Socausud réclame la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts au motif qu'elle n'a pu utiliser la remorque, commandée pour améliorer les conditions de travail d'un employé handicapé, du fait de la rétention abusive qu'en a fait la Sa Beiser Environnement.

Outre que cette demande est particulièrement infondée en raison du refus illégitime de la Sarl Socausud de recevoir livraison du matériel dès le 22 juillet 2017, il sera retenu que cette demande, qui se fonde sur une synthèse d'intervention d'une société Sameth datée du 18 juillet 2017, soit antérieurement à la date des débats devant le premier juge à l'audience du 25 juin 2018, est nouvelle à hauteur d'appel et qu'elle est en conséquence irrecevable au regard des dispositions des articles 564 et suivants du code de procédure civile.

 

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Succombant essentiellement en la procédure, la Sarl Socausud sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera en revanche fait droit à la demande sur le même fondement formée par l'intimée, au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour défendre ses droits en appel, à hauteur de la somme de 1.200 €.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de la clause pénale contractuelle et en ce qu'il a condamné la Sarl Socausud à payer à la Sa Beiser Environnement une somme de 3.014 € (trois mille quatorze euros) en principal,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la Sarl Socausud à payer à la Sa Beiser Environnement la somme de 500 € (cinq cents euros), portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre de la clause pénale figurant dans les conditions générales de vente,

REJETTE la demande de la Sa Beiser Environnement tendant au paiement de la somme de 1507 € (mille cinq cent sept euros) au titre du transport retour et de double manutention,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DECLARE irrecevable la demande en dommages-intérêts formée par la Sarl Socausud,

CONDAMNE la Sarl Socausud à payer à la Sa Beiser Environnement la somme de 1.200 € (mille deux cents euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

REJETTE la demande de la Sarl Socausud fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sarl Socausud aux dépens de l'instance d'appel.

La Greffière,                         La Présidente de chambre,