CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 28 mai 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8427
CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 28 mai 2020 : RG n° 18/04301
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.
Le fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du code de la consommation est insuffisant à révéler à l'emprunteur les vices affectant ce bon. »
2/ « Commet une faute de nature à le priver de sa créance de restitution le prêteur qui libère les fonds prêtés sans vérifier la régularité du contrat principal souscrit à l'occasion du démarchage au domicile de l'emprunteur, vérifications qui lui auraient permis le cas échéant de constater que le bon de commande était affecté d'une cause de nullité.
Commet également une faute la banque qui libère les fonds sur une attestation de livraison ne comprenant pas toutes les informations nécessaires à l'identification de l'opération concernée ou ne lui permettant pas de s'assurer du caractère complet de l'exécution de la prestation, ni de s'en convaincre légitimement.
Lorsque le bien a été livré et la prestation fournie conformément aux stipulations contractuelles, et que l'installation objet du contrat principal fonctionne, l'emprunteur qui ne subit aucun préjudice, ne saurait être dispensé de rembourser à la banque le capital prêté. »
3/ « A l'appui de sa demande de condamnation de la société Eco environnement à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge à quelque titre que ce soit, la société Cofidis s'appuie (page 36 de ses écritures) sur le dernier paragraphe d'un article 6 « Risques - Responsabilité du vendeur » d'une convention de Crédit Vendeur signée le 1er décembre 2015 entre elle et le vendeur, lequel stipule :
« Le vendeur est responsable à l'égard de COFIDIS de la bonne exécution des obligations mises à sa charge lors de l'accord de crédit et plus généralement au titre de la présente convention. Il assume les conséquences financières qui pourraient découler du non-respect de ces obligations par lui et par ses préposés et supportera toute perte pouvant en résulter pour les établissements de crédit, en capital, intérêts et frais ».
La société Eco environnement soutient que ce dernier paragraphe de l'article 6 « Risques - Responsabilité du vendeur » présente un caractère abusif et créé une situation de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties à cette convention et vise l'article L. 442-6 du code de commerce et l'article 1171 du code civil. Or ces deux articles n'ont pas vocation à s'appliquer. En effet, l'article L. 442-6 du code de commerce ne permet qu'une action en responsabilité civile et non de réputer une clause non écrite. Quant à l'article 1171 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation, il n'est pas applicable au contrat conclu le 1er décembre 2015, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la réforme. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 28 MAI 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/04301. N° Portalis DBVT-V-B7C-RXQ5. Jugement (R.G. n° 17-001659) rendu le 06 avril 2018 par le tribunal d'instance de Lille.
APPELANTE :
SA Cofidis venant aux droits de la SA Groupe Sofemo
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [adresse], [...], représentée par Maître Virginie L., avocat au barreau de Douai, ayant pour conseil Maître Xavier H., avocat au barreau d'Essonne
INTIMÉES :
Madame X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée et assistée de Maître Laura M., avocat au barreau de Lille
SAS Eco Environnement
prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse], [...], représentée par Maître Anne-Sophie V., avocat au barreau de Lille, ayant pour conseil Maître Paul Z., avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 30 janvier 2020 tenue par Marie-Hélène Masseron magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Marie-Hélène Masseron, président de chambre, Emmanuelle Boutié, conseiller, Marie-Laure Aldigé, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 mai 2020 après prorogations du délibéré en date du 12 mars 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Hélène Masseron, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 janvier 2020
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant bon de commande en date du 22 décembre 2015, Mme X. a conclu avec la société Eco Environnement, dans le cadre d'un démarchage à domicile, un contrat de fourniture et de pose de panneaux photovoltaïques moyennant un coût de 25.000 euros, financé par un crédit affecté du même montant souscrit le même jour auprès de la société Sofemo.
Mme X. a, par actes d'huissiers de justice en date du 6 avril 2017, fait assigner respectivement devant le tribunal d'instance de Lille la société Eco Environnement et la société Cofidis, venant aux droits de la société Sofemo, aux fins d'obtenir l'annulation du contrat principal et du crédit affecté.
Par jugement du 6 avril 2018 le tribunal d'instance a :
- débouté Mme X. de sa demande de nullité du contrat conclu avec la société Eco environnement ;
- prononcé la résolution du conclu entre la société Eco environnement et Mme X. ;
- condamné la société Eco environnement à payer à Mme X. la somme de 3.540,13 euros au titre de la dépose de l'installation et de la remise en état des lieux ;
- prononcé la résolution du contrat de crédit affecté conclu entre la Sofemo, enseigne de la société Cofidis, et Mme X. ;
- condamné la société Cofidis à verser à Mme X. la somme correspondant au montant total des sommes versées par elle au titre du contrat de crédit ;
- condamné la société Eco environnement à verser la somme de 25.000 euros à la société Cofidis ;
- débouté la société Cofidis du surplus de ses demandes ;
- donné mainlevée à la saisie conservatoire autorisée par le juge de l'exécution de Bobigny le 8 février 2017 à la demande de Mme X. sur les comptes de la société Eco environnement ;
- débouté Mme X. de ses demandes de dommages et intérêts ;
- débouté la société Eco environnement de toutes ses demandes ;
- débouté Mme X. du surplus de ses demandes ;
- condamné in solidum la société Eco environnement et la société Cofidis à verser à Mme X. la somme de 2.000 euros au titre des frais non répétibles ;
- fait masse des dépens et condamné in solidum la société Eco environnement et la société Cofidis à ceux-ci ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
[*]
La banque a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 décembre 2019, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :
à titre principal
- dire n'y avoir lieu à nullité ou résolution des conventions pour quelque cause que ce soit ;
- en conséquence, condamner Mme X. à reprendre séance tenante le paiement des échéances mensuelles et à restituer toute somme qui aurait pu lui être restituée et cela dans un délai de quinzaine à compter de l'arrêt à intervenir ;
à titre subsidiaire, si la cour prononçait la nullité ou la résolution des conventions,
- condamner Mme X. à lui rembourser le capital emprunté d'un montant de 25.000 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées après avoir retenu soit son absence de faute soit l'absence de préjudice compte tenu du fait que la société Eco environnement est in bonis ;
à titre plus subsidiaire
- condamner la société Eco environnement à lui payer la somme de 35.302,80 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
à titre infiniment subsidiaire
- condamner la société Eco environnement à lui payer la somme de 25.000 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
en tout état de cause
- condamner la société Eco environnement à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge à quelque titre que ce soit ;
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel et dire que l'avocat soussigné pourra se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 décembre 2019, Mme X. demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande tendant à titre principal à obtenir la nullité du contrat principal ;
- l'a déboutée de sa demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts ;
- n'a condamné solidairement la société Eco environnement et la société Cofidis qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre des frais non répétibles.
Elle demande à la cour, statuant à nouveau de ces chefs, de :
- constater la nullité du contrat de vente conclu pour non-respect des dispositions du code de la consommation ;
- condamner la société Eco environnement à lui régler la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral ;
- condamner la société Cofidis à lui régler la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice ;
- condamner solidairement la société Eco environnement et la société Cofidis à lui verser la somme de 2.600 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- condamner solidairement la société Eco environnement et la société Cofidis à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- condamner solidairement la société Eco environnement et la société Cofidis à payer les entiers frais et dépens de première instance (en ce compris les frais de constat d'huissier et les frais de saisie conservatoire) et ceux de l'appel.
[*]
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 décembre 2019, la société Eco Environnement demande à la cour d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a privé la société Cofidis de sa créance de restitution. Elle demande à la cour, statuant à nouveau des autres chefs, de :
- rejeter toutes les prétentions de Mme X. ;
- rejeter l'intégralité des prétentions formées à son encontre par la société Cofidis ;
- débouter Mme X. de ses demandes d'annulation et de résolution ;
A titre subsidiaire, si la cour considérait que le bon de commande n'était pas conforme aux prescriptions du code de la consommation, elle lui demande de juger que Mme X. a tacitement couvert la nullité et de la débouter en conséquence de sa demande d'annulation.
A titre infiniment subsidiaire, sur les demandes indemnitaires formulées par la banque à son encontre, elle demande à la cour de :
- juger qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de vente conclu,
- juger que la société Cofidis a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel de crédit ;
- réputer non écrite la clause de responsabilité du vendeur invoquée par la société Cofidis en raison de son caractère manifestement abusif ;
- juger que les contestations relatives à la convention de crédit vendeur du 1er décembre 2015 relève de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Lille ;
- juger qu'elle n'est pas tenue de restituer à la société Cofidis les fonds empruntés par Mme X. augmenté des intérêts ;
- juger qu'elle ne sera pas tenue de restituer à la société Cofidis les fonds perçus ;
- juger qu'elle ne sera pas tenue de garantir la société Cofidis ;
- débouter la société Cofidis de toutes ses demandes formulées à son encontre.
En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner Mme X. à lui payer les sommes suivantes :
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour l'exposé des moyens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Sur la validité du contrat principal :
A titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code de la consommation dans leur version issue de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014.
En vertu de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter notamment, à peine de nullité, les informations relatives à l'identité du démarcheur et ses coordonnées, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix du bien ou du service, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; la faculté de rétractation du consommateur prévue à l'article L. 121-21 du code de la consommation et les conditions d'exercice de cette faculté. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l'article L. 121-17, lequel doit être détachable pour permettre au consommateur d'adresser au professionnel sa rétractation.
Sur ce :
Mme X., la société Cofidis et la société Eco Environnement produisent chacune le bon de commande n° 27107 signé par Mme X. le 22 décembre 2015.
Tout d'abord, il convient d'observer que les parties ne disposent pas d'une version identique du bon de commande. En effet, l'exemplaire produit par la société Cofidis comprend plusieurs mentions manuscrites qui n'apparaissent pas sur les exemplaires produits par la société Eco Environnement et par Mme X. Il s'agit notamment du délai de livraison, la marque, le taux de TVA et le mode de règlement, alors que sur le sien, il est bien fait mention de la marque des panneaux, de la marque de l'onduleur, du taux de TVA, du prix HT, du prix TTC et des conditions particulières du crédit.
Il s'en déduit que ces mentions obligatoires ont nécessairement été ajoutées après que Mme X. ait signé le bon de commande.
Il s'ensuit que l'exemplaire du bon de commande n° 27107 remis à Mme X., et également en possession de la société Eco environnement, n'est pas conforme aux dispositions légales précitées. En effet, la désignation de la nature et des caractéristiques des biens offerts n'est pas précisément indiquée puisque que ni la marque ni le modèle de la centrale photovoltaïque ne sont mentionnés.
Si les conditions générales de vente indiquent au paragraphe «5- Marques» que les marques et appellations commerciales indiquées au présent contrat pour désigner les matériels proposés seront livrées dans la limite des stocks disponibles ou selon des produits au moins équivalent et certifiés CE, cette stipulation contractuelle ne permet pas au consommateur de connaître précisément le matériel qui lui sera livré ni de demander la livraison d'un matériel similaire dans la marque de son choix.
Puis, si les conditions générales de vente du bon de commande n° 27107 remis à Mme X., et également en possession de la société Eco environnement, indiquent au paragraphe « 4-Délais » que le délai de livraison est donné à titre indicatif et ne peut dépasser une limite de 200 jours à compter de la prise d'effet du contrat, force est de remarquer que la date de livraison n'a pas été renseignée et n'est pas mentionnée, tant dans le bon de commande n° 27107 en possession de Mme X. et de la société Eco environnement que dans celui produit par la société Cofidis, et qu'aucune indication n'est fournie sur la date de prise d'effet du contrat. Il s'ensuit que le consommateur n'est pas en mesure de connaître avec exactitude la date limite de livraison du bien acquis.
Ensuite, sur le bon de commande n° 27107 remis à Mme X., et également en possession de la société Eco environnement, le prix global à payer et les modalités de paiement n'apparaissent pas en ce sens que ni le taux nominal, ni le taux effectif global ni le coût total du règlement à crédit ne sont indiqués, de telle sorte que l'acheteur emprunteur n'est pas en mesure d'évaluer le coût global de l'opération, en intégrant les intérêts, les assurances, les éventuels frais de dossier.
Enfin, la seule mention d'un prix TTC de 25.000 euros sur le bon de commande n° 27107 remis à Mme X., et également en possession de la société Eco environnement, est encore insuffisante pour satisfaire à l'exigence d'indication du prix des biens et du service, cette seule mention ne permettant pas de distinguer le coût des biens vendus et celui de la main d’œuvre nécessaire à l'installation de la centrale photovoltaïque, étant encore souligné qu'aucune précision n'est donnée sur le taux de TVA applicable.
Il s'ensuit que le bon de commande n° 27107 remis à Mme X., et également en possession de la société Eco environnement, n'est pas conforme aux exigences de formalisme prévues par le code de la consommation à peine de nullité.
Sur la confirmation de la nullité alléguée par le prêteur :
Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.
Le fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du code de la consommation est insuffisant à révéler à l'emprunteur les vices affectant ce bon.
Il en résulte que faute pour Mme X. d'avoir eu connaissance du vice affectant le bon de commande, aucun de ses agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité qu'il s'agisse de l'absence d'exercice de la faculté de rétractation, de la signature du contrat de crédit affecté, de la délivrance d'une notice d'information précontractuelle ou d'une fiche de dialogue le même jour de la signature du bon de commande, ou de la signature de l'attestation de livraison et d'installation le 13 février 2016.
Il résulte de surcroît des lettres recommandées avec accusé de réception du 5 juillet 2016 et du 17 juillet 2016 que Mme X. a écrit à la société Eco environnement pour, d'une part, souligner l'absence de raccordement de l'installation photovoltaïque au réseau ERDF en raison de la distance séparant la centrale photovoltaïque du réseau public de distribution d'électricité, et, d'autre part, demander le démontage des panneaux photovoltaïques, ceux-ci ayant été installés sans autorisation préalable de services d'urbanisme de la mairie de Verlinghem. La cour observe que la centrale photovoltaïque a été installée le 13 février 2016 alors même que la première déclaration préalable de travaux a été déposée la veille en mairie. Il convient encore de souligner que Mme X. s'est rapprochée d'une association de protection de consommateurs pour obtenir, selon le courrier envoyé par cette dernière le 5 décembre 2016 à la société Eco environnement, le démontage des panneaux photovoltaïques. Enfin, le conseil de Mme X., par LRAR du 27 janvier 2017, a sollicité de la société Eco environnement la dépose de la centrale photovoltaïque.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, aucune confirmation de la nullité ne saurait être caractérisée.
En conséquence, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de sa demande de nullité du contrat n° 27107 conclu le 22 décembre 2015 avec la société Eco environnement, et par voie de conséquence, il sera infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat n° 27107 du 22 décembre 2015 conclu entre la société Eco environnement et Mme X.
Statuant à nouveau de ces deux chefs infirmés, la cour prononcera l'annulation du contrat n° 27107 conclu le 22 décembre 2015 par Mme X. avec la société Eco environnement.
Sur les conséquences de l'annulation dans les relations entre Mme X. et la société Eco Environnement :
L'annulation entraînant la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats. C'est donc à raison que le tribunal a condamné la société Eco environnement à payer à Mme X. le coût de la remise en état évalué à la somme TTC de 3.540,13 euros selon le devis de l'entreprise Les Cheminées Nordistes produit au débat, à charge pour la société Eco environnement de venir récupérer l'installation une fois qu'elle aura été démontée.
Par ailleurs, l'annulation entraîne de plein droit pour la société Eco Environnement l'obligation de restituer le prix. Le jugement déféré sera ainsi infirmé en ce qu'il a débouté Mme X. de sa demande de condamnation de la société Eco environnement à lui restituer la somme de 25.000 euros. La cour, statuant à nouveau, condamnera la société Eco Environnement à payer à Mme X. la somme de 25.000 euros en restitution du prix.
Sur l'annulation du contrat de crédit accessoire :
En application du principe de l'interdépendance des contrats consacré par l'article L. 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 alors applicable à l'espèce, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Cette disposition n'est applicable que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.
L'effet attaché à l'interdépendance des contrats de vente et de crédit accessoire implique de prononcer l'annulation du contrat de crédit accessoire conclu entre Mme X. et la banque par suite de la nullité prononcée du contrat n° 27107 conclu le 22 décembre 2015 par Mme X. avec la société Eco environnement.
Le jugement dont appel sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de crédit accessoire ; statuant à nouveau de ce chef, l'annulation du contrat de crédit accessoire sera prononcée par la cour.
Sur les conséquences de l'annulation du contrat accessoire :
Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, l'annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de prestations de services qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur. Elle emporte pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.
Néanmoins, étant rappelé qu'en application de l'article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable en l'espèce, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation, le prêteur qui commet une faute dans la délivrance des fonds se voit priver des effets de la possibilité de se prévaloir à l'égard de l'emprunteur des effets de l'annulation du contrat de prêt dès lors que le bien n'a pas été livré de manière conforme ou la prestation totalement fournie à l'emprunteur, lequel subit alors un préjudice consistant à supporter le poids du financement d'une installation inexistante ou défectueuse.
Commet une faute de nature à le priver de sa créance de restitution le prêteur qui libère les fonds prêtés sans vérifier la régularité du contrat principal souscrit à l'occasion du démarchage au domicile de l'emprunteur, vérifications qui lui auraient permis le cas échéant de constater que le bon de commande était affecté d'une cause de nullité.
Commet également une faute la banque qui libère les fonds sur une attestation de livraison ne comprenant pas toutes les informations nécessaires à l'identification de l'opération concernée ou ne lui permettant pas de s'assurer du caractère complet de l'exécution de la prestation, ni de s'en convaincre légitimement.
Lorsque le bien a été livré et la prestation fournie conformément aux stipulations contractuelles, et que l'installation objet du contrat principal fonctionne, l'emprunteur qui ne subit aucun préjudice, ne saurait être dispensé de rembourser à la banque le capital prêté.
Sur ce :
En l'espèce, aucun élément ne permet de déterminer à quel moment et par qui les mentions manuscrites qui ne figurent pas sur les bons de commande communiqués par Mme X. et par la société Eco environnement ont été ajoutées. Pour autant, même l'exemplaire du bon de commande produit par la banque ne respecte pas les prescriptions du code de la consommation puisqu'il ne mentionne pas la date de livraison. Dès lors, le prêteur qui a versé les fonds au prestataire de services sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal alors que l'irrégularité du bon de commande était manifeste a commis une faute.
Il a également commis une faute en délivrant les fonds sur la base de l'« attestation de livraison et d'installation « demande de financement » signée le 13 février 2016 par Mme X.. En effet, cette attestation se borne à reproduire une mention stéréotypée selon laquelle le consommateur-emprunteur « confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises » et « constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés » sans détailler les travaux et prestations alors même que celles comprenaient la réalisation de démarches administratives, l'obtention de l'attestation de conformité du photovoltaïque au consuel, l'obtention du contrat d'obligation d'achat ERDF pendant 20 ans et des frais de raccordement ERDF. Force est donc de constater que la banque a délivré les fonds au vu d'une attestation signée par l'emprunteur certifiant la livraison du bien et l'exécution de la prestation de service ne comportant pas toutes les informations nécessaires à l'identification de l'opération concernée et ne permettant pas légitimement au prêteur de se convaincre de l'exécution complète du contrat.
Pour autant, par l'effet de plein droit de l'annulation prononcée, la société Eco environnement, qui ne fait l'objet d'aucune procédure collective et qui est in bonis, doit restituer le prix à Mme X., lequel correspond au capital emprunté. Par ailleurs, l'entreprise est en mesure d'exécuter son obligation de remise en état des lieux, en payant à Mme X. le coût de cette remise en état puis en venant récupérer le matériel démonté. Il en résulte que Mme X. ne subit pas de préjudice et ne saurait être dispensée de rembourser au prêteur le capital versé.
C'est donc à raison que la banque fait valoir que la société Eco environnement étant in bonis, Mme X. peut parfaitement récupérer les fonds directement entre les mains de ladite société, à charge pour elle de rembourser la banque. La société Eco environnement a d'ailleurs été condamnée à rembourser le prix à Mme X. Elle ne saurait donc être condamnée à rendre cette somme à la banque.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dispensé Mme X. de rembourser le capital prêté et a condamné la société Eco environnement à verser la somme de 25 000 euros à la société Cofidis.
Statuant à nouveau de ce chef, la cour condamnera Mme X. à rembourser à la société Cofidis le montant du capital prêté et déboutera cette dernière de sa demande de paiement formée à l'encontre de la société Eco environnement.
En revanche, c'est à raison que le tribunal a condamné la société Cofidis à rembourser à Mme X. les échéances du crédit affecté déjà payées. La compensation sera ordonnée entre ces deux condamnations.
Sur les demandes de dommages et intérêts formées par Mme X. :
S'agissant de la demande de dommages et intérêts formée par Mme X. contre la société Eco environnement au titre de son préjudice moral, la cour observe qu'elle ne rapporte pas la preuve de la réalité de celui-ci, causé selon elle par le déplacement de son compteur électrique externe en zone inondable, alors que, d'une part, cette circonstance ne repose que sur ses affirmations selon les dires mêmes de l'huissier de justice, et d'autre part, elle ne démontre pas l'existence de coupures de courant ou de l'exercice d'une activité de chambres d'hôte sur sa propriété.
S'agissant de la demande de dommages et intérêts formée par Mme X. contre la société Cofidis, sans précision de la nature de son préjudice, force est de constater qu'en tout état de cause, elle ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice causé directement par la faute de la banque.
C'est à raison que le tribunal a débouté Mme X. de ses demandes de ce chef.
Sur la demande de garantie de la société Cofidis à l'encontre de la société Eco environnement :
A l'appui de sa demande de condamnation de la société Eco environnement à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge à quelque titre que ce soit, la société Cofidis s'appuie (page 36 de ses écritures) sur le dernier paragraphe d'un article 6 « Risques - Responsabilité du vendeur » d'une convention de Crédit Vendeur signée le 1er décembre 2015 entre elle et le vendeur, lequel stipule :
« Le vendeur est responsable à l'égard de COFIDIS de la bonne exécution des obligations mises à sa charge lors de l'accord de crédit et plus généralement au titre de la présente convention. Il assume les conséquences financières qui pourraient découler du non-respect de ces obligations par lui et par ses préposés et supportera toute perte pouvant en résulter pour les établissements de crédit, en capital, intérêts et frais ».
La société Eco environnement soutient que ce dernier paragraphe de l'article 6 « Risques - Responsabilité du vendeur » présente un caractère abusif et créé une situation de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties à cette convention et vise l'article L. 442-6 du code de commerce et l'article 1171 du code civil. Or ces deux articles n'ont pas vocation à s'appliquer. En effet, l'article L. 442-6 du code de commerce ne permet qu'une action en responsabilité civile et non de réputer une clause non écrite. Quant à l'article 1171 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation, il n'est pas applicable au contrat conclu le 1er décembre 2015, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la réforme.
Ensuite, si la société Eco environnement se prévaut de l'article 12 « Election de domicile » pour arguer de la compétence du tribunal de commerce de Lille, la cour rappelle qu'elle connaît des appels de toutes les juridictions de l'ordre judiciaire en raison de la plénitude de juridiction dont elle bénéficie.
Pour autant, ce contrat n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce dans la mesure où la société Cofidis ne subit aucune perte résultant d'une inexécution contractuelle de la société Eco environnement. En effet, elle est seulement condamnée à restituer les échéances déjà perçues, effet automatique de l'annulation du contrat de crédit, tandis que le capital prêté lui est restitué par l'emprunteur.
En conséquence, la société Cofidis sera déboutée de sa demande de garantie à l'encontre de la société Eco environnement.
Sur la demande en dommages et intérêts pour action abusive formée par la société Eco Environnement contre Mme X. :
En application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol ; l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute et l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, la société Eco Environnement échouant en ses prétentions, elle n'est pas fondée à solliciter de Mme X. des dommages et intérêts pour procédure abusive, et il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il y a lieu d'infirmer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles, et statuant à nouveau, de condamner solidairement la société Cofidis et la société Eco Environnement au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme X. la somme de 2.600 au titre des frais non compris dans les dépens de première instance.
Il convient également de condamner solidairement la société Cofidis et la société Eco environnement à payer à Mme X. la somme de 2.000 euros au titre des frais non répétibles d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Prononce l'annulation du contrat n° 27107 conclu le 22 décembre 2015 entre Mme X. et la société Eco environnement ;
Condamne la société Eco environnement à payer à Mme X. la somme de 25.000 euros au titre de la restitution du prix ;
Condamne la société Eco environnement à payer à Mme X. la somme de 3.540,13 euros correspondant au coût de la remise en état et dit qu'il incombera à la société Eco environnement de venir récupérer l'installation une fois qu'elle aura été démontée ;
Prononce l'annulation du contrat de crédit accessoire conclu entre Mme X. et la société Cofidis le 22 décembre 2015 ;
Condamne Mme X. à rembourser à la société Cofidis la somme de 25.000 euros au titre de la restitution du montant du capital prêté ;
Condamne la société Cofidis à rembourser à Mme X. les échéances déjà payées au titre de ce crédit ;
Ordonne la compensation entre ces deux condamnations ;
Déboute Mme X. de ses demandes de condamnation de la société Eco environnement à lui payer la somme de 1.000 euros pour son préjudice moral et de la société Cofidis à lui payer la somme de 5.000 euros pour son préjudice ;
Déboute la société Cofidis de sa demande de condamnation de la société Eco environnement à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge à quelque titre que ce soit ;
Déboute la société Eco environnement de sa demande de condamnation de Mme X. à lui payer la somme de 5.000 euros au titre d'une procédure abusive ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne in solidum la société Cofidis et la société Eco Environnement au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme X. la somme de 2.600 euros au titre des frais non compris dans les dépens de première instance ;
Condamne in solidum la société Cofidis et la société Eco Environnement à Mme X. la somme de 2.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.
Le greffier, Le président,
Delphine Verhaeghe. Marie-Hélène Masseron.
- 5828 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : renonciation après la conclusion du contrat
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)