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CA PARIS (23e ch. sect. B), 3 mars 2005

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (23e ch. sect. B), 3 mars 2005
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 23e ch. sect. B
Demande : 04/09407
Date : 3/03/2005
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 25/03/2004
Décision antérieure : TGI PARIS, (8e ch. 1re sect.), 16 décembre 2003
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 846

CA PARIS (23e ch. sect. B), 3 mars 2005 : RG n° 04/09407

Publication : Juris-Data n° 267070

 

Extrait : « Qu'en effet, l'activité du syndic pour engager le recouvrement des sommes dues constitue un acte élémentaire d'administration de la copropriété faisant partie de ses fonctions de base ; que le fait que le contrat de syndic - versé aux débats - prévoit une rémunération spécifique au titre d'honoraires supplémentaires de cette activité n'en change pas la nature ; que, dès lors, ces frais ne sont pas des frais nécessaires au sens de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 exposés par le syndicat des copropriétaires pour le recouvrement d'une créance à l'encontre d'un copropriétaire ; Que cette analyse de la Cour est partagée par la commission des clauses abusives qui a, naguère, estimé (cf. sa recommandation n° 96-01 du 24 janvier 1996) que constituent des clauses abusives celles qui ont pour effet de restreindre la notion de gestion courante par l'accumulation de prestations particulières telle que celle, notamment, qui fait supporter au copropriétaire défaillant une rémunération au profit du syndic à l'occasion de frais de relance et de recouvrement ; Que l'introduction au sein de la loi du 10 juillet 1965 d'un nouvel article 10-1 ne remet pas en cause le sens de cette recommandation ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

VINGT TROISIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 3 MARS 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 04/09407. Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 décembre 2003 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 8ème Chambre 1ère Section - RG n° 200203576.

 

APPELANT :

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES Y.

représenté par son syndic, le Cabinet LESCALLIER, ayant son siège social [adresse], représenté par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour, assisté de Maître Sophie BILSKI du Cabinet BONITEAU BILSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : R 93.

 

INTIMÉES :

- Maître Liliane V.

ès-qualité de mandataire liquidateur de Mademoiselle X., demeurant [adresse],

- Mademoiselle X.

demeurant [adresse], représentée par la SCP REGNIER - SEVESTRE-REGNIER - LAMARCHE-BEQUET, avoués à la Cour, assistée de Maître Renaud THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque C 1583.

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 - 1er alinéa du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 janvier 2005, en audience publique, devant Monsieur DELANNE, président, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur DELANNE, président, Monsieur RICHARD, conseiller, Monsieur RAGUIN, conseiller.

Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.

ARRÊT : Contradictoire, - prononcé publiquement par Monsieur DELANNE, Président. - signé par Monsieur DELANNE, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 16 décembre 2003 qui a statué ainsi qu'il suit :

- déboute le syndicat des copropriétaires du Y. de l'ensemble de ses demandes,

- condamne le syndicat des copropriétaires aux dépens.

Vu l'appel du syndicat des copropriétaires en date du 25 mars 2004 ;

Vu ses dernières conclusions du 20 janvier 2005 aux termes desquelles il demande à la Cour de :

- ordonner la mise hors de cause de Maître Liliane V. compte tenu des termes du jugement du 25 octobre 2004 rendu par le Tribunal de grande instance de Toulouse,

[minute page 3] En conséquence.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes,

- condamner Mademoiselle X. à lui payer la somme de 19.136,50 € au titre des charges de copropriété appelées entre le 1er trimestre 1997 et le 1er trimestre 2005 avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2002,

- condamner Mademoiselle X. à lui payer la somme de 6.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner Mademoiselle X. à lui payer la somme de 6.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de Mademoiselle X. et Maître Liliane V. en date du 18 janvier 2005 demandant à la Cour de :

- prononcer la mise hors de cause de Maître Liliane V. dont la mission de mandataire liquidateur de l'exploitation de Mademoiselle X. a pris fin,

- déclarer le syndicat des copropriétaires mal fondé en son appel du jugement entrepris,

- l'en débouter,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- subsidiairement, et pour le cas où le syndicat des copropriétaires présenterait un décompte clair des charges effectivement dues par Mademoiselle X.,

Vu l'article 10-1 dernier alinéa de la loi du 10 juillet 1965,

- dire que les frais de recouvrement exposés par le syndicat des copropriétaires ne seront pas imputés à Mademoiselle X.,

- débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

[minute page 4] La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Considérant qu'il résulte des termes du jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 25 octobre 2004 que celui-ci a prononcé la clôture pour extinction du passif des opérations de liquidation judiciaire de l'exploitation agricole de Mademoiselle X. ;

Que, de ce fait, la mission de Maître Liliane V., mandataire liquidateur de Mademoiselle X., a pris fin et que celle-ci doit être mise dorénavant hors de cause ; que la situation juridique de Mademoiselle X. est désormais dépourvue d'ambiguïté et qu'il convient dès lors d'infirmer de ce chef le jugement entrepris ;

Considérant que le syndicat des copropriétaires demande la condamnation de Mademoiselle X. à lui payer le montant de ses charges de copropriété échues et non réglées afférentes aux lots 9 et 21 pour la période comprise entre le premier trimestre 1997 et le premier trimestre 2005, soit la somme de 19.136,50 € ;

Que le syndicat des copropriétaires justifie du montant de sa créance par la production aux débats des appels individuels de charges, des comptes généraux de la copropriété et des procès-verbaux des assemblées générales de copropriétaires ayant approuvé ces comptes ou, s'agissant des derniers appels de fonds, ayant approuvé le budget prévisionnel proposé par le syndic ;

Que la somme demandée (19.136,50 €) se décompose en charges de copropriété proprement dites (13.743,19 €, frais de contentieux (5.761,82 €) et frais divers (5.581,15 €) dont il y a lieu dé soustraire les règlements intervenus au cours de la période en tant qu'ils sont relatifs à celle-ci (5.949,66 €) et non à la période précédente, désormais entièrement apurée ;

Qu'il convient d'écarter les frais de contentieux :

- remboursables au titre des dépens (signification d'acte d'huissier du 18 février 1998 : 59,40 € ; assignation du 18 février 2002 : 79,66 €),

- afférents aux frais d'avocat qui relèvent de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (honoraires d'assignation du 18 février 2002 : 550,16 € ; placement de l'assignation du 7 mars 2002 : 204,32 € ; honoraires conclusions devant le tribunal de grande instance du 14 janvier 2003: 371,72 € ; [minute page 5] honoraires perçus par l'avocat pour l'inscription d'hypothèque du 11 avril 2003 : 379,76 € ; honoraires conclusions du 8 juillet 2003 : 380,72 € ; honoraires du 6 octobre 2003 : 379,60 € ; honoraires du 29 avril 2004: 825,24 € ; honoraires du 4 août 2004 : 825,24 € ; honoraires de la même date : 483,21 €),

- sur la nature desquels aucune explication n'est donnée à la Cour (« pièces 5920 X. » : 183,48 €),

- enfin de « suivi » non susceptibles d'être imputés au copropriétaire - et pas davantage, du reste, ainsi qu'il sera développé ci-dessous, au syndicat des copropriétaires - (84,77 € le 30 juin 2002 ; 16,61 € à la même date ; 84,77 € le 30 septembre 2002 ; 16,61 € à la même date ; 84,77 € le 31 décembre 2002 ; 16,61 € à la même date ; 103,91 € le 31 mars 2003 ; 103,91 € le 12 juin 2003 ; 103,91 € le 3 septembre 2003 ; 103,91 € le 2 décembre 2003 ; 106,51 € le 12 mai 2004 ; 106,51 € le 12 octobre 2004 ; 106,51 € le 17 décembre 2004) ;

Qu'en effet, l'activité du syndic pour engager le recouvrement des sommes dues constitue un acte élémentaire d'administration de la copropriété faisant partie de ses fonctions de base ; que le fait que le contrat de syndic - versé aux débats - prévoit une rémunération spécifique au titre d'honoraires supplémentaires de cette activité n'en change pas la nature ; que, dès lors, ces frais ne sont pas des frais nécessaires au sens de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 exposés par le syndicat des copropriétaires pour le recouvrement d'une créance à l'encontre d'un copropriétaire ;

Que cette analyse de la Cour est partagée par la commission des clauses abusives qui a, naguère, estimé (cf. sa recommandation n° 96-01 du 24 janvier 1996) que constituent des clauses abusives celles qui ont pour effet de restreindre la notion de gestion courante par l'accumulation de prestations particulières telle que celle, notamment, qui fait supporter au copropriétaire défaillant une rémunération au profit du syndic à l'occasion de frais de relance et de recouvrement ;

Que l'introduction au sein de la loi du 10 juillet 1965 d'un nouvel article 10-1 ne remet pas en cause le sens de cette recommandation ;

Qu'en l'espèce, le contrat du syndic prévoit, pour les prestations de gestion courante, des honoraires forfaitaires annuels de 2.150 € TTC ; que l'annexe 1 de son contrat fixe la rémunération des prestations particulières, définies comme « correspondant notamment à des tâches accomplies à l'occasion de travaux et prestations inhabituelles pouvant concerner certains copropriétaires (...) » ; que la Cour y relève des frais « à la charge des copropriétaires, conformément aux dispositions légales » tels que :

- relance pré-contentieuse (9,38 €) : cette rémunération du syndic par le copropriétaire débiteur est formellement prohibée par l'article 10-l la loi du 10 juillet 1965 ; elle n'apparaît pas dans la demande du syndicat des copropriétaires ;

- [minute page 6] mise en demeure (23,44 €) : cette rémunération est licite et expressément prévue par l'article 10-l de la loi du 10 juillet 1965 ; elle n'apparaît, cependant pas, dans la demande du syndicat des copropriétaires ;

- remise du dossier à l'huissier (103,91€) : une telle prestation devrait entrer dans les honoraires forfaitaires du syndic, comme rémunération de sa gestion courante ; elle n'apparaît pas dans la demande du syndicat des copropriétaires ;

- remise du dossier à l'avocat (210,95 €) : même solution et même absence de demande de la part du syndicat des copropriétaires ;

- constitution du dossier pour saisie immobilière (304,71€) : sous réserve de vérification de la réalité de ces diligences, celles-ci apparaissent bien comme étant inhabituelles et, comme telles, susceptibles d'entrer dans le cadre de l'article 10-l de la loi du 10 juillet 1965 puisqu'aussi bien elles sont « nécessaires » pour permettre au syndicat des copropriétaires de recouvrer une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire défaillant ; nulle somme n'est réclamée à ce titre par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de Mademoiselle X. ;

- suivi de la procédure (facturé au temps passé) : une telle prestation suppose, pour être acceptée par les juridictions, la démonstration de diligences réelles, inhabituelles et nécessaires ; en l'espèce, l'automaticité de cette facturation trimestrielle dépourvue de toute justification démontre bien son caractère purement frustratoire tant à l'égard du copropriétaire défaillant que de la communauté des copropriétaires qui n’a pas à rémunérer son syndic pour de tels frais ;

Que la dette de Mademoiselle X. doit donc être diminuée intégralement de la somme de 5.761,82 € (frais de contentieux) pour les raisons sus-indiquées ;

Que, par contre, les « frais divers » (frais de questionnaire du notaire, augmentation du fonds de roulement et appel de fonds exceptionnel) sont légitimes et qu'il convient d'y faire droit dans leur intégralité (5.581,15 €) ;

Qu'en définitive, la dette de Mademoiselle X. est de : 13.743,19 € + 5.581,15 € - 5.949,66 € = 13.374,68 € ;

Considérant que les manquements répétés de Mademoiselle X. à son obligation essentielle à l'égard du syndicat des copropriétaires de régler ses charges de copropriété sans justifier de raisons valables pouvant expliquer sa carence sont constitutifs d'une faute qui cause à la collectivité des copropriétaires, privée depuis de longues années d'une somme importante nécessaire à la gestion et à l'entretien de l'immeuble, un préjudice financier direct et certain, distinct de celui compensé par les intérêts moratoires ;

[minute page 7] Que, par sa faute, le syndicat des copropriétaires a été dans l'obligation, lors de son assemblée générale du 28 octobre 2004, de voter un appel de fonds exceptionnel de solidarité de 10.000 € ;

Que les copropriétaires du Y. n'en peuvent mais si Mademoiselle X. n'a pas su gérer son domaine vinicole dans le [région] (selon le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 28 juin 1996: vignoble en mauvais état, mauvaise qualité du produit due à un problème de vinification, le vin n'étant pas assez travaillé...) et, partant, a cessé de régler ses charges de copropriété ; qu'il lui appartenait non seulement de vendre son lot n° 7 - ce qu'elle a fait pour apurer l'essentiel de ses dettes précédentes - mais aussi de vendre ses lots n° 9 et 21, le syndicat des copropriétaires n'ayant pas vocation à lui servir de banquier ;

Qu'il convient donc de condamner Mademoiselle X. à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4.000 € en réparation de ce préjudice, à titre de dommages-intérêts ;

Considérant qu'il serait inéquitable et économiquement injustifié de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires la totalité des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits ; qu'il convient de lui allouer la somme de 5.000 €, à la charge de Mademoiselle X., sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Que la Cour relève à cet égard que si le syndicat des copropriétaires a demandé abusivement la condamnation de Mademoiselle X. au paiement de frais de contentieux illicites, par contre la présentation matérielle des pièces dont il se prévaut pour solliciter une condamnation au principal est digne d'éloges : les appels de charges, les comptes généraux et les procès-verbaux d'assemblées générales figurent dans leur intégralité ; ils ont été photocopiés avec beaucoup de soins et sont parfaitement lisibles ; le syndicat des copropriétaires y a joint un récapitulatif des charges dues où les sommes appelées en leur temps en francs ont été « traduites » en € ; qu'une telle présentation tranche avec les « torchons » trop souvent soumis à la Cour par des syndics qui n'ont aucun respect pour l'institution judiciaire ;

Considérant qu'il résulte des développements ci-dessus que le jugement déféré est infirmé dans l'ensemble de ses dispositions et que les entiers dépens de première instance et d'appel sont mis à la charge de Mademoiselle X. ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

[minute page 8] Statuant à nouveau,

Met hors de cause Maître Liliane V., ancien mandataire liquidateur de Mademoiselle X. ;

Condamne Mademoiselle X. à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du Y., les sommes de :

- 13.374,68 € au titre de ses charges de copropriété appelées entre le premier trimestre 1997 et le premier trimestre 2005 inclus avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2002, date de la mise en demeure,

- 4.000 € à titre de dommages-intérêts,

- 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette toutes conclusions autres, plus amples ou contraires ;

Condamne Mademoiselle X. aux entiers dépens de première instance et d'appel et admet la SCP GAULTIER KISTNER, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.