CASS. COM., 24 juin 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8466
CASS. COM., 24 juin 2020 : pourvoi n° 18-18956 ; arrêt n° 264
Publication : Legifrance
Extrait : « Mais attendu que l'arrêt retient souverainement que la société Keroler a tenté d'imposer unilatéralement à ses clientes de nouvelles conditions tarifaires qui n'étaient pas justifiées par l'augmentation du coût des matières premières ; qu'en l'état de cette appréciation, et abstraction faite du motif, surabondant, relatif à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, la cour d'appel a pu, sans modifier l'objet du litige et par une décision motivée, écarter la demande de la société Keroler fondée sur l'existence alléguée d'un déséquilibre significatif ; que le moyen n'est pas fondé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 24 JUIN 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : B 18-18956. Arrêt n° 264 F-D.
DEMANDEUR à la cassation : Société Keroler
DÉFENDEUR à la cassation : Société McDonald's France services - Société Martin Brower France, anciennement dénommée LR services
Mme MOUILLARD, président.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La société Keroler, société par actions simplifiée, dont le siège est [adresse], a formé le pourvoi n° B 18-18.956 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1/ à la société McDonald's France services, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [adresse],
2/ à la société Martin Brower France, anciennement dénommée LR services, société par action simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [adresse],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Bernard H., Carole T.-R., Martin Le G., avocat de la société Keroler, de la SCP Alain B., avocat de la société McDonald's France services, de Me Le P., avocat de la société Martin Brower France, et l'avis de Mme B., avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 avril 2018), qu'à compter de 1995, la société Keroler a fourni des produits de pâtisserie à la société McDonald's France services (la société McDonald's) et à ses franchisés par l'intermédiaire de la société Martin Brower France (la société Martin Brower), prestataire logistique des restaurants McDonald's ; qu'après avoir, entre le 16 septembre 2008 et le 23 octobre 2012, déréférencé successivement quatre produits fabriqués par la société Keroler, en lui accordant des préavis, la société McDonald's lui a, en octobre 2012, notifié sa décision de ne plus s'approvisionner auprès d'elle en mandises et lui a accordé un préavis de trente-six mois ; que, durant ce préavis, la société Keroler a adressé aux sociétés McDonald's et Martin Brower ses nouvelles conditions générales et particulières de vente, applicables à compter du 1er janvier 2013, comportant une forte augmentation de ses tarifs ; qu'en dépit de leur refus, elle leur a facturé ses livraisons en appliquant ces nouveaux tarifs ; que ses factures ayant été réglées sur la base des anciens prix, la société Keroler a assigné les sociétés McDonald's et Martin Brower en paiement du solde des factures et de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie et abus de dépendance économique ;
Sur le premier moyen :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le deuxième moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Keroler fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes d'indemnisation au titre des mandises alors, selon le moyen, que les parties peuvent en appel expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant irrecevable comme nouvelle la demande en indemnisation formée par la société Keroler à raison de la baisse de commandes des marchandises durant la période de préavis précédant le déréférencement de ce produit quand cette demande, liée à l'absence de caractère effectif du préavis laissé à la société Keroler pour se réorganiser en vue du déréférencement de la mandise, était virtuellement comprise dans la demande initiale de la société Keroler fondée sur la rupture brutale par les sociétés McDonald's et Martin Brower des relations commerciales établies entre elles et en constituait, à tout le moins, le complément, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu'ayant relevé qu'en première instance, la société Keroler n'avait formé aucune demande pour rupture brutale des relations concernant les mandises, ne contestant ni la durée suffisante du préavis de trois ans qui lui avait été accordé au titre du déréférencement de ces produits, ni son effectivité, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que sa demande d'indemnisation au titre de la baisse des commandes de mandises pendant le préavis était nouvelle en appel et, partant, irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Keroler fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, alors, selon le moyen :
1/ que la société Keroler reprochait sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce à la société McDonald's d'avoir, jusqu'à la rupture de leurs relations commerciales en 2013, créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en refusant de renégocier de bonne foi les tarifs des produits fixés en novembre 2007 et ce malgré la hausse substantielle ultérieure, notamment en 2010, des prix des matières premières et le fait qu'en l'absence de tout contrat d'une durée ferme liant les parties, les conditions tarifaires pouvaient être renégociées à tout moment ; qu'en déboutant de la société Keroler de sa demande à raison « de l'absence d'application du texte susvisé sur la période en cause, ses dispositions issues de la LME étant entrées en vigueur le 6 août 2008 », la cour d'appel, qui a ainsi considéré que la demande de la société Keroler n'incriminait qu'un refus de renégocier de bonne foi les conditions tarifaires de 2007, a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2/ que la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, entrée en vigueur le 6 août 2008, est applicable aux contrats et conventions conclus après cette date ; qu'en l'espèce, la société Keroler reprochait, sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, à la société McDonald's d'avoir, jusqu'à la rupture de leurs relations commerciales en 2013, créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en refusant de renégocier de bonne foi les tarifs des produits fixés en novembre 2007 et ce malgré la hausse substantielle ultérieure du prix des matières premières et le fait, qu'en l'absence de tout contrat d'une durée ferme liant les parties, les conditions tarifaires pouvaient être renégociées à tout moment ; qu'en retenant que les dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce issues de la loi LME étant entrées en vigueur le 6 août 2008 n'étaient pas applicables pour la période en cause sans donner aucun motif pouvant justifier, en l'absence de contrat-cadre conclu entre les parties, que l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ne soit pas applicable s'agissant des commandes passées après le 6 août 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard dudit texte ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l'arrêt retient souverainement que la société Keroler a tenté d'imposer unilatéralement à ses clientes de nouvelles conditions tarifaires qui n'étaient pas justifiées par l'augmentation du coût des matières premières ; qu'en l'état de cette appréciation, et abstraction faite du motif, surabondant, relatif à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, la cour d'appel a pu, sans modifier l'objet du litige et par une décision motivée, écarter la demande de la société Keroler fondée sur l'existence alléguée d'un déséquilibre significatif ; que le moyen n'est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Keroler aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Keroler ; la condamne à payer à la société McDonald's France services et à la société Martin Brower France, chacune, la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Bernard H., Carole T.-R., Martin Le G., avocat aux Conseils, pour la société Keroler
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Keroler de l’ensemble de ses demandes et partant de ses demandes de condamnation solidaire des sociétés McDonald’s France Services et Martin Brower France en règlement de solde de factures impayées et en indemnisation pour avantage indu de trésorerie ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la demande en paiement solidaire du solde des factures et la demande subséquente en indemnisation pour avantage indu de trésorerie : La société Keroler indique qu’à compter du 1er janvier 2013, elle a appliqué les nouvelles conditions générales et particulières de vente qu’elle considère comme étant opposables aux intimées, pour leur avoir été adressées les 13 et 22 décembre 2012, mais que ces dernières se sont obstinées à refuser d’honorer totalement les factures qu’elle avait émises, en déduisant le montant des augmentations tarifaires de sorte qu’elles sont redevables d’une somme de 12.939.704,36 € au titre de l’arriéré de factures du 1 janvier 2013 jusqu’à fin septembre 2015. Elle ajoute que le fait de passer une commande vaut, en elle-même, acceptation tacite des conditions générales de vente, et en l’espèce l’acceptation des nouveaux tarifs pour 2013. Elle réclame en outre, en appel, la somme de 5,5 millions d’euros au titre de l’avantage indû de trésorerie dont aurait bénéficié la société Martin Brower France du fait du non-paiement des factures. La société McDonald’s réplique que le solde des factures réclamé n’est pas dû, celui-ci correspondant à une augmentation unilatérale, brutale, exorbitante et infondée du prix des produits de l’ordre de plus de 200% environ, laquelle n’a jamais été acceptée par les intimées qui ont expressément indiqué, à plusieurs reprises, qu’elles refusaient des hausses de prix unilatéralement fixées et qu’elles s’en tiendraient aux tarifs négociés d’un commun accord avec la société , et que c’est sur cette base que la société Martin Brower a passé commande. Elle fait également valoir que les correspondances adressées par la société Keroler révèlent que les augmentations tarifaires litigieuses constituent une mesure de rétorsion à la cessation à terme des relations commerciales entre les parties, ce qui est confirmé par les déclarations de l’appelante dans son assignation au fond et dans ses conclusions d’appel, lesquelles constituent un aveu judiciaire au sens de l’article 1354 du code civil. Elle considère que la demande d’indemnisation au titre de l’avantage indu de trésorerie est irrecevable, comme étant nouvelle en appel, et en tout état de cause, doit être rejetée. La société Martin Brower soutient également qu’en l’absence d’accord des parties sur les nouvelles conditions générales de vente et tarifs de la société Keroler au 1 janvier 2013, celle-ci ne peut valablement en faire application et solliciter la condamnation solidaire des intimées au règlement de factures établies selon ces nouveaux tarifs. Elle ajoute que la hausse tarifaire décidée unilatéralement par la société Keroler est manifestement abusive et injustifiée. Elle soutient que la demande d’indemnisation au titre de l’avantage indu de trésorerie est irrecevable et qu’elle est, en toute hypothèse, mal fondée. En l’absence de conclusions d’un contrat écrit, il y a lieu de se référer à la pratique antérieurement suivie par les parties pour la fixation du prix des produits. Comme en attestent les divers courriels produits aux débats, tout au long de la relations d’affaires jusqu’en décembre 2012, les tarifs des produits ont toujours été fixés d’un commun accord, à la suite de négociations sur la hausse tarifaires proposée par la société Keroler et acceptable par chacune des parties : à titre d’exemple, la cour relève que s’agissant du prix de la mandise (75gr x 48), par courriel du 13 avril 2012, arguant d’une hausse significative des prix des matières premières (envolée du prix de l’oeuf), des emballages (20% en juin 2012), de la main d’oeuvre et de l’énergie, la société Keroler a sollicité une hausse tarifaire en proposant le prix de 17,96 €, soit près de 18% le prix étant alors de 15,22 € ; qu’après négociations constituée d’échanges de contre-propositions de part et d’autre pendant trois mois, les parties se sont entendues pour une augmentation de 10 %, soit 16,743 €, la société Keroler précisant dans un courriel du 20 juillet 2012 « nous confirmons notre accord sur une hausse tarifaire de 10% sur la mandise à compter du 01/08/2012 ». C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la relation commerciale avait été précédemment toujours marquée par des négociations sur le prix aboutissant à un accord mutuel, y compris en 2012. En cours de préavis de rupture, par lettres recommandées avec accusé de réception des 13 et 22 décembre 2012, la société Keroler a adressé aux sociétés intimées ses conditions commerciales pour l’année 2013, avec copie de ses conditions générales de vente et particulières 2013, leur indiquant que les nouveaux prix seront appliqués à compter du 1er janvier 2013, jusqu’au 30 juin 2013, justifiant les augmentations de prix par celles de tous les postes (matières premières, main d’œuvre…) et proposant une remise de fin d’année compensée sur les factures de janvier 2014. Les nouvelles conditions commerciales comportaient une forte augmentation de tarifs, soit +215 % pour le pancake (le colis passant de 10,067 € à 31,75 €) et + 184 % pour la mandise (le colis passant de 16,743 € à 47,50 €). Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 2012, la société McDonald’s a fait part à la société Keroler de son extrême surprise de recevoir pour la première fois des CGV et ce, en cours de préavis, et lui a indiqué refuser tant cette version des CGV pour lesquelles elle entendait revenir dans le cadre de la négociation commerciale habituelle pour communiquer ses propositions, que les hausses de prix, précisant à cet égard : « Nous refusons ces hausses de prix, que vous ne pouvez nous imposer de manière unilatérale, injustifiée, démesurée et sans préavis raisonnable… En l’état nos relations demeurent régies par les tarifs actuels, les seuls à avoir été fixés d’accord des parties » ; Par courriers des 3, 14, 21, 25 et 31 janvier 2013, la société McDonald’s et la société Martin Brower ont réitéré leurs refus des nouveaux prix, contestant qu’ils soient portés sur les factures de janvier 2013 et précisant que ces factures seraient réglées sur la base du dernier tarif convenu. Par lettres recommandées des 21 et 22 janvier et 6 février 2013, la société Keroler a maintenu sa position, rappelant que ses CGV ont figuré pendant 10 ans au dos des factures puis ont fait l’objet d’un rappel sur les factures, et affirmant que le fait de passer commande valait acceptation des nouveaux tarifs. Il ressort de ces divers courriers que les nouvelles conditions commerciales comportant des hausses de prix des produits adressées les 13 et 22 décembre 2012 par la société Keroler ont été immédiatement et expressément refusées par les intimées ; Or compte tenu des relations pérennes entretenues par les parties, pour être opposables aux intimées, ces nouvelles conditions commerciales devaient, non pas seulement avoir été portées à leur connaissance, mais également avoir été acceptées par elles. Dans ces circonstances, les commandes à compter de janvier 2013 ne valent pas acceptation tacite des hausses tarifaires. Par suite, c’est à raison que les premiers juges ont considérés qu’à la suite du refus explicite des sociétés McDonald’s et Martin Brower, la société Keroler ne pouvait considérer que la hausse unilatérale était applicable et ont débouté la société Keroler de sa demande en paiement au titre de l’arriéré de factures. La cour observe, à titre surabondant, que les hausses tarifaires de 215 % pour le pancake et de + de 184 % pour la mandise ne sont aucunement justifiées par l’augmentation du coût des matières premières et qu’à suivre les indications de l’appelante dans son assignation au fond, elles intègrent en réalité une indemnité de déréférencement pour les deux produits en cause. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef et par voie de conséquence, la demande en indemnisation à hauteur de 5,5 millions d’euros pour enrichissement sans cause au titre de l’avantage indu de trésorerie du fait des factures partiellement impayées, à la supposer recevable en appel, sera rejetée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur le paiement du solde des factures : KEROLER entend faire appliquer les conditions générales de vente adressées en décembre 2012 et les hausses de tarifs afférentes, hausses de prix qu’elle a intégrées dans ses factures dont elle entend obtenir le paiement ; les pièces versées montrent que les nouvelles conditions ont été refusées par MCDONALD’S et MARTIN-BROWER ; par ailleurs que durant la longue relation commerciale revendiquée par KEROLER, lesdites conditions de vente de KEROLER ne régissait pas les rapports entre les parties ; les hausses de prix appliquées par KEROLER n’ont pas été acceptées et ne peuvent être considérées comme représentant la volontés des parties ; la relation commerciale a précédemment toujours été marquée par des négociations sur les prix, aboutissant à un accord mutuel, y compris en 2012 ; le prix proposé par KEROLER pour le Pancake, dans sa réponse à l’appel d’offre de 2012, était inférieur à celui qu’elle pratiquait antérieurement, ce qui relative ses affirmations sur le niveau de ses prix de vente ; une hausse tarifaire, qu’elle qu’en soit les raisons ne peut s’appliquer, sauf clause d’indexation, qu’avec l’accord des parties ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/ ALORS QU’en l’absence de toute garantie du maintien des prix pour une période déterminée, le vendeur de biens est libre de fixer les prix qu’il entend pratiquer et le commerçant qui n’entend pas accepter de nouveaux tarifs portés à sa connaissance est libre de ne pas commander ; qu’en passant commande après avoir eu connaissance de nouveaux tarifs et en acceptant les livraisons afférentes, l’acquéreur, à qu’il n’appartient pas de fixer le prix de vente des produits qu’il commande, accepte par là même ces nouveaux tarifs quelle que soit l’opposition qu’il a pu, par ailleurs, exprimer sur ceux-ci ; qu’en retenant en l’espèce que compte tenu des relations pérennes entretenues entre les parties, pour être opposables aux sociétés McDonald's et Martin Brower, les nouvelles conditions tarifaires de la société Keroler portées à leur connaissance en décembre 2012 devaient non seulement avoir été portées à leur connaissance mais acceptées par elles, que les société McDonald's et Martin Brower ayant explicitement refusé ces nouveaux tarifs, ceux-ci n’étaient pas applicables et qu’en conséquence devaient s’appliquer les anciens tarifs et non ceux unilatéralement fixés par la société Keroler bien que les sociétés McDonald's et Martin Brower aient librement, sans y être contraintes, passé des commandes en connaissance des nouveaux tarifs et alors que, comme elle l’a elle-même constaté, la société Keroler leur avait indiqué que le fait de passer commande valait acceptation de ceux-ci, la cour d’appel, qui a ainsi soumis la fixation du prix de vente des marchandises commandées à la seule volonté de l’acquéreur, a violé les articles 1108 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
2/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QU’il résulte des constatations de la cour d’appel que « la relation commerciale avait été précédemment toujours marquée par des négociations sur le prix aboutissant à un accord mutuel, y compris en 2012 » et qu’à compter du 1er janvier 2013 aucun accord n’a été trouvé entre les parties, la société Keroler ayant proposé de nouveaux tarifs qui ont été refusés par les sociétés McDonald's et Martin Brower ; qu’en appliquant néanmoins aux commandes passées du 1er janvier 2013 à la fin du mois de septembre 2015 les tarifs appliqués en 2012 au motif que la hausse tarifaire notifiée par la société Keroler en décembre 2012 était injustifiée, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il était justifié que soient ainsi maintenus les anciens tarifs sur l’application desquels les parties n’étaient plus d’accord et que les prix restent ainsi gelés pendant près de trois ans, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevables les demandes d’indemnisation de la société Keroler au titre de la mandise ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande en indemnisation pour volumes manquants de la mandise pendant le préavis : Si la société Keroler estime suffisant le préavis de 36 mois que lui a accordé la société McDonald’s pour le produit mandise, elle argue d’une baisse significative du niveau de commande durant le préavis. Elle sollicite dès lors la condamnation solidaire des intimées à lui payer la somme de 4.448.991,05 € au titre du volume manquant de commandes suite à ce déréférencement et à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le tarif antérieur au 1er janvier 2013 ne devait pas trouver à s’appliquer, la somme de 1.569.802 € (sur la base du tarif antérieur au 1er janvier 2013) au titre de l’insuffisance de volume de commandes durant le préavis accordé suite au déréférencement des mandises. En réplique à la société McDonald’s qui considère que cette demande, nouvelle en appel, est irrecevable et ce d’autant que pour la mandise, aucun grief n’avait été formulé jusqu’à présent, la société Keroler ne fait valoir aucune observation. En première instance, la société Keroler ne formait aucune demande pour rupture brutale concernant la mandise, ne contestant ni la durée suffisante du préavis de 3 ans qui lui avait été accordé, ni son effectivité. En appel, dans le dispositif de ses dernières écritures qui seul lie la cour conformément aux dispositions de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la société Keroler sollicite, pour la première fois, le versement d’une somme de 4.448.991,05 € correspondant au volume manquant de commandes pour la mandise durant le préavis. Par suite, cette demande en indemnisation est nouvelle en appel et partant irrecevable conformément aux dispositions de l’article 564 du code de procédure civile ». (cf. arrêt, p. 18 et 19) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE les parties peuvent en appel expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément ; qu’en déclarant irrecevable comme nouvelle la demande en indemnisation formée par la société Keroler à raison de la baisse de commandes des mandises durant la période de préavis précédant le déréférencement de ce produit quand cette demande, liée à l’absence de caractère effectif du préavis laissé à la société Keroler pour se réorganiser en vue du déréférencement de la mandise, était virtuellement comprise dans la demande initiale de la société Keroler fondée sur la rupture brutale par les sociétés McDonald's et Martin Brower des relations commerciales établies entre elles et en constituait, à tout le moins, le complément, la cour d’appel a violé l’article 566 du code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Keroler de l’ensemble de ses demandes et partant de ses demandes fondées sur l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Sur le déséquilibre significatif par application de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ; Le refus de renégocier de bonne foi les conditions tarifaires fixées en novembre 2007, dans un contexte de flambée des prix ; La société Keroler indique ne pas contester que toute modification des tarifs doive faire l’objet d’une négociation mais que toutefois le cocontractant ne doit pas profiter de sa situation de force pour empêcher une négociation ; Mais les sociétés intimées lui opposent, à juste titre, l’absence d’application de ce texte sur la période en cause, ces dispositions issues de la LME étant entrées en vigueur le 6 août 2008 » (cf. arrêt p. 20)
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/ ALORS QUE la société Keroler reprochait sur le fondement de l’article L 442-6-I-2 du code de commerce à la société McDonald’s France Services d’avoir, jusqu’à la rupture de leurs relations commerciales en 2013, créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en refusant de renégocier de bonne foi les tarifs des produits fixés en novembre 2007 et ce malgré la hausse substantielle ultérieure, notamment en 2010, des prix des matières premières et le fait qu’en l’absence de tout contrat d’une durée ferme liant les parties, les conditions tarifaires pouvaient être renégociées à tout moment ; qu’en déboutant de la société Keroler de sa demande à raison « de l’absence d’application du texte susvisé sur la période en cause, ses dispositions issues de la LME étant entrées en vigueur le 6 août 2008 », la cour d’appel, qui a ainsi considéré que la demande de la société Keroler n’incriminait qu’un refus de renégocier de bonne foi les conditions tarifaires de 2007, a dénaturé les termes du litige en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;
2/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, entrée en vigueur le 6 août 2008, est applicable aux contrats et conventions conclus après cette date ; qu’en l’espèce, la société Keroler reprochait, sur le fondement de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, à la société McDonald’s France Services d’avoir, jusqu’à la rupture de leurs relations commerciales en 2013, créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en refusant de renégocier de bonne foi les tarifs des produits fixés en novembre 2007 et ce malgré la hausse substantielle ultérieure du prix des matières premières et le fait, qu’en l’absence de tout contrat d’une durée ferme liant les parties, les conditions tarifaires pouvaient être renégociées à tout moment ; qu’en retenant que les dispositions de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce issues de la loi LME étant entrées en vigueur le 6 août 2008 n’étaient pas applicables pour la période en cause sans donner aucun motif pouvant justifier, en l’absence de contrat-cadre conclu entre les parties, que l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce ne soit pas applicable s’agissant des commandes passées après le 6 août 2008, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard dudit texte.