CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 3 juillet 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8496
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 3 juillet 2020 : RG n° 18/04552
Publication : Jurica
Extrait : « Mais considérant qu'il résulte de la combinaison des articles L. 121-16-1, III, L. 121-21 et L. 121-21-1 du code de la consommation, dans leur version en vigueur au jour de la souscription du contrat litigieux, que ceux-ci sont applicables aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employé par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ;
Que l'activité principale de la société Mta étant la boulangerie artisanale, la souscription de la location d'un appareil défibrillateur n'entre pas dans le champ de celle-ci ; qu'en effet, si la location d'un défibrillateur a un rapport avec l'activité professionnelle de boulangerie qui reçoit du public, il n'en demeure pas moins que la location d'un tel appareil n'entre pas dans le champ de celle-ci, la technologie liée à la réanimation cardiaque étant totalement étrangère au champ d'activité principale du boulanger, ce qui justifie l'application en l'espèce des dispositions précitées du code de la consommation destinées à rééquilibrer les rapports contractuels entre un professionnel connaissant parfaitement le produit qu'il offre en location longue durée et le petit entrepreneur ignorant ce domaine ; qu'il n'est pas en outre remis en cause qu'au jour de la souscription du contrat (le 1er avril 2015) la société Mta n'employait que deux salariés, ni que la société Citycare ne lui a pas fourni d'information sur les conditions, les délais et les modalités d'exercice du droit de rétractation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 3 JUILLET 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/04552 (4 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FP3. Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 février 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017000066.
APPELANTE :
SAS LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS - LOCAM
prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT ETIENNE sous le n° XXX, représentée par Maître Guillaume M. de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.B. & M., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC430
INTIMÉE :
Société MTA SNACKING
prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° YYY, représentée par Maître Margareth F., avocat au barreau de PARIS, toque : G0489
COMPOSITION DE LA COUR :
En application :
- de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;
- de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;
- de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;
L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience, les avocats ayant consenti expressément.
La cour composée comme suit en a délibéré : Mme Françoise BEL, Présidente de chambre, Mme Estelle MOREAU, Conseillère, Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère.
Greffier, lors de la mise à disposition : Mme Saoussen HAKIRI.
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Françoise BEL, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 1er avril 2015, suite au démarchage le même jour d'un préposé de la société Citycare, la Sarl-u Mta Snacking (société Mta), exploitant une boulangerie à l'enseigne « Au fournil de R. », employant deux salariés et déclarant exercer une activité de terminal de cuisson et de restauration rapide, a souscrit la location d'un défibrillateur et de son support auprès de ladite société, d'une durée de 60 mois, moyennant un loyer mensuel d'un montant de 79 euros HT. Le matériel a été réceptionné sans réserve le 7 avril 2015.
Le 14 avril 2015, conformément à l'article B 13 des conditions générales de la location, le matériel a été vendu et le contrat de location a été cédé à la Sas Location Automobiles Matériels - Locam.
Les loyers n'ont pas été réglés dès la première échéance du 30 avril 2015, aucun paiement n'étant intervenu en dépit de la mise en demeure de payer délivrée par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 juillet 2015 de la société Locam, précisant qu'à défaut de paiement, le courrier vaudrait résiliation de la location en vertu de la clause résolutoire de plein droit.
Par acte du 9 décembre 2016, la société Locam a assigné la société Mta devant le tribunal de commerce de Paris en vue de la faire condamner à restituer le matériel sous astreinte et à lui payer la somme globale de 6.176,30 euros, augmentée des intérêts à compter du 9 juillet 2015, au taux majoré de la BCE, visé à l'article L. 441-6 du code de commerce et anatocisme, outre l'indemnisation des frais irrépétibles.
La société Mta s'y est opposée :
- à titre principal, en invoquant des manoeuvres dolosives ayant vicié son consentement, et en sollicitant la nullité du contrat,
- subsidiairement, en invoquant le défaut de mention de la possibilité de rétractation durant 14 jours, prévu par l'article 5 de la loi dite Hamon et en soutenant avoir dès lors résilié le contrat dans le délai imparti,
tout en requérant aussi l'indemnisation de ses frais de procédure.
Retenant essentiellement que la société Mta ne rapportait pas la preuve des manœuvres qu'elle allègue qui aurait vicié son consentement, mais relevant que :
- le contrat n'entrant pas dans le champ d'activité principale du professionnel concerné employant moins de 5 salariés,
- la notion d'exploitation professionnelle recevant du public de manière fréquente « ne saurait être retenue pour exclure une TPE traditionnelle de quartier, du champ d'application de la loi Hamon »,
les premiers juges en ont déduit que l'article L. 121-16-1 du code de la consommation (codifiant la loi Hamon du 17 mars 2014) était applicable et :
- d'une part, estimant que la société Mta ayant « été démarchée par un commercial de Citycare, il s'agissait d'un démarchage hors établissement »,
- d'autre part, constatant que lors de la souscription de la location du défibrillateur, il n'avait pas été indiqué à la société Mta les informations relatives au droit de rétractation, ayant pour conséquence légale que ledit délai de rétractation était prolongé de 12 mois à compter de l'expiration du délai initial,
le tribunal, par jugement contradictoire du 15 février 2018 assorti de l'exécution provisoire, a :
- débouté la société Locam de ses demandes financières, en la condamnant à verser la somme de 1.000 euros à la société Mta au titre des frais irrépétibles,
- ordonné la restitution du matériel par la société Mta à la société Locam sous astreinte de 20 euros par jour de retard pendant 30 jours « dans le délai de 10 jours à compter de la signification du jugement ».
La société Locam a interjeté appel le 28 février 2018. Les parties ont conclu sur le fond, puis ultérieurement ont donné leur accord pour que l'affaire soit jugée sans audience de plaidoirie dans le cadre de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020, portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;
Vu les dernières écritures télé-transmises le 30 octobre 2018, par la société Locam appelante, réclamant la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la réformation du jugement en sollicitant à nouveau le paiement de la somme globale de 6.176,30 euros (au titre des 3 loyers impayés avant résiliation majorés d'une pénalité de 8 %), de l'indemnité de résiliation correspondant au montant des 57 loyers restant à échoir et de la clause pénale de 10 %,) augmentée des intérêts à compter du 9 juillet 2015, au taux majoré de la BCE, visé à l'article L. 441-6 du code de commerce et anatocisme et la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la restitution du matériel sous astreinte ;
Vu les dernières conclusions (n° 1) télé-transmises le 2 août 2018, par la société Mta intimée, réclamant la somme également de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement, sauf à le réformer du chef de la condamnation à une astreinte tout en précisant avoir restitué le matériel ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Considérant que la société Mta reconnaissant ne pas avoir payé de loyer et précisant avoir demandé la résiliation du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 4 mai 2015, invoque le bénéfice de l'article L. 121-16-1 du code de la consommation en faisant valoir que les professionnels employant moins de 5 salariés bénéficient d'un droit de rétractation lorsque le contrat conclu hors établissement n'entre pas « dans le champ de leur activité principale », pour en déduire que sa lettre de résiliation du 4 mai 2015 a été émise au cours du délai de rétractation dont elle disposait ;
Que pour sa part, la société Locam, observant que le défibrillateur cardiaque a été installé au sein du local commercial dans lequel la société Mta reçoit fréquemment du public pour son activité de « petite restauration », prétend que la location litigieuse a pour objet la mise à disposition à titre professionnel du bien pour l'exercice de cette dernière activité, pour en déduire que la société Mta a été démarchée dans le cadre de son activité professionnelle, a agi au titre de son exploitation professionnelle même si la location porte sur un objet qui ne relève pas de sa sphère de compétence professionnelle habituelle, et soutient que dès lors, la réglementation relative au démarchage au domicile ne s'applique pas en ce que l'objet du contrat a un rapport direct avec l'activité exercée ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que la société Mta exerçant une activité de boulangerie artisanale a été démarchée par la société Citycare pour souscrire un contrat de location d'une durée irrévocable de 60 mois signé le 1er avril 2015 concernant un appareil défibrillateur cardiaque installé dans les locaux de la société Mta le 7 avril suivant selon le procès-verbal de réception signé sans réserve ;
Mais considérant qu'il résulte de la combinaison des articles L. 121-16-1, III, L. 121-21 et L. 121-21-1 du code de la consommation, dans leur version en vigueur au jour de la souscription du contrat litigieux, que ceux-ci sont applicables aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employé par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ;
Que l'activité principale de la société Mta étant la boulangerie artisanale, la souscription de la location d'un appareil défibrillateur n'entre pas dans le champ de celle-ci ; qu'en effet, si la location d'un défibrillateur a un rapport avec l'activité professionnelle de boulangerie qui reçoit du public, il n'en demeure pas moins que la location d'un tel appareil n'entre pas dans le champ de celle-ci, la technologie liée à la réanimation cardiaque étant totalement étrangère au champ d'activité principale du boulanger, ce qui justifie l'application en l'espèce des dispositions précitées du code de la consommation destinées à rééquilibrer les rapports contractuels entre un professionnel connaissant parfaitement le produit qu'il offre en location longue durée et le petit entrepreneur ignorant ce domaine ; qu'il n'est pas en outre remis en cause qu'au jour de la souscription du contrat (le 1er avril 2015) la société Mta n'employait que deux salariés, ni que la société Citycare ne lui a pas fourni d'information sur les conditions, les délais et les modalités d'exercice du droit de rétractation ;
Que dès lors, la société Mta disposait d'un délai de rétractation discrétionnaire de 14 jours courant de la réception du bien (7 avril 2015), prorogé d'un délai de douze mois, soit jusqu'au 20 avril 2016 ;
Qu'en conséquence, le contrat du 1er avril 2015 de location d'un défibrillateur avec ses accessoires ayant été régulièrement rétracté le 4 mai suivant, la société Locam n'est pas fondée dans ses demandes, le jugement entrepris devant être confirmé en toutes ses dispositions, la restitution du matériel ayant été effectuée par la société Mta en exécution du jugement, il n'y a pas lieu à infirmation de le décision des premiers juges en ce qu'elle a assorti l'obligation de restitution d'une astreinte.
Que succombant dans son recours, l'appelante ne peut pas prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles, mais qu'il serait, en revanche, inéquitable de laisser à l'intimée la charge définitive des frais supplémentaires non compris dans les dépens, qu'elle a dû exposer en cause d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
et ceux non contraires des premiers juges,
Confirme le jugement,
Condamne la Sas Location Automobiles Matériels -Locam- à verser à sarl-u Mta Snacking la somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sas Location Automobiles Matériels -Locam- aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
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