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CA PARIS (5e ch. sect. B), 25 novembre 2004

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (5e ch. sect. B), 25 novembre 2004
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 25e ch. sect. B
Demande : 02/10667
Date : 25/11/2004
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Lamyline
Décision antérieure : T. COM. PARIS (7e ch.), 12 mars 2002
Numéro de la décision : 332
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 851

CA PARIS (5e ch. sect. B), 25 novembre 2004 : RG n° 02/10667 ; arrêt n° 332

Publication : Lamyline

 

Extrait : « La société TRS, qui a pour principale activité l'installation et l'entretien d'équipements téléphoniques, a conclu le 23 mai 1991 avec la SCI GESTION ILE DE FRANCE une convention intitulée « TELEMATIC TELEPHONE » qui a permis l'installation d'un système « TELIC ALCATEL 1600 X E » moyennant le versement d'une redevance trimestrielle de 23.660 Francs. […] Considérant que l'objet de cette convention ayant un rapport direct avec l'activité de la SCIC GESTION, celle-ci n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation sur les clauses abusives ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 02/10667. Arrêt n° 332. ARRÊT CONTRADICTOIRE.

 

APPELANTE :

GIE (GROUPEMENT D'INTÉRÊT ÉCONOMIQUE) SCIC GESTION

[adresse], représentée par Maître Pascale BETTINGER, avoué, assistée de Maître CHARDON, avocat

 

INTIMÉE :

La SA TELECOM RESEAUX SERVICES

[adresse], représentée par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué

 

COMPOSITION DE LA COUR : M. MAIN, Président, M. FAUCHER, M. REMENIERAS, Conseillers.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La Cour statue sur l'appel interjeté par la SCIC GESTION contre un jugement rendu le 12 mars 2002 par le tribunal de Commerce de Paris qui l'a condamnée à payer à la société TELECOM RESEAUX SERVICES (« TRS ») la somme de 24.252,64 euros (159.086,91 Francs) avec intérêts au taux légal à compter du 11 août 2000, ainsi que la somme de 2.286,24 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et enfin, qui l'a condamnée aux dépens.

La société TRS, qui a pour principale activité l'installation et l'entretien d'équipements téléphoniques, a conclu le 23 mai 1991 avec la SCI GESTION ILE DE FRANCE une convention intitulée « TELEMATIC TELEPHONE » qui a permis l'installation d'un système « TELIC ALCATEL 1600 X E » moyennant le versement d'une redevance trimestrielle de 23.660 Francs.

Le préambule de cet accord, conclu pour une durée de quinze ans, précise, notamment, que le service « TELEMATIC TELEPHONE » « comprend la mise en œuvre de divers systèmes de matériels, modifiés ou remplacés au fil du temps quand de nouveaux paliers techniques, l'évolution des besoins ou la réglementation l'imposent ».

C'est dans ces conditions que, dans les années qui ont suivi la conclusion de ce contrat, les modifications suivantes ont été apportées à l'installation d'origine :

- adjonction d'une installation téléphonique « ALCATEL 4200 », matérialisée par un avenant du 24 juin 1996, aux termes duquel une participation de 2.000 Francs aux frais d'installation a été mise à la charge de l'abonnée,

- ajout de deux postes « Reflex 4011 » suivant un nouvel avenant du 9 mars 1998 avec, cette fois-ci une augmentation de la dernière redevance trimestrielle,

- enfin, une adjonction de matériel (« Poste 4011 ») en vertu d'un autre avenant du 26 mai 1999 prévoyant une augmentation de la redevance en conséquence.

A la suite de pourparlers intervenus entre les parties en vue d'un changement du matériel installé, la société TRS avait fait parvenir le 30 juillet 1999 à la SCIC GESTION une proposition de prix concernant une installation téléphonique « ALCATEL type 4200M » comportant « une plus-value de redevance annuelle de 4.550 Francs » et une participation aux frais d'installation s'élevant à 13.500 Francs.

Par courrier recommandé du 23 mai 2000, se déclarant non satisfaite des prestations assurées par TRS qui lui avait récemment proposé à d'adapter ses besoins en téléphone moyennant une rémunération supplémentaire à celle prévue à la convention initiale, la SCIC GESTION a informé sa partenaire de sa décision de procéder à la résiliation de la convention du 23 mai 1991 et de ses avenants à compter du 30 septembre 2000, en l'invitant à venir reprendre le matériel qu'elle avait mis à sa disposition.

La société TRS lui a alors répondu le 11 juillet 2000 que, compte tenu de cette résiliation anticipée, elle entendait se prévaloir de la clause de la convention fixant, en ce cas, à sa charge, une indemnité représentant 75 % des annuités restant à courir, soit, en l'espèce, une somme de 134.650,69 Francs (TTC) en lui rappelant qu'elle lui réclamait également le paiement d'une facture couvrant les prochains trimestres de l'année en cours, et qu'elle était, par ailleurs, débitrice, au titre de factures impayées, de la somme de 40.762,26 Francs.

C'est dans ces conditions qu'après une mise en demeure infructueuse du 10 octobre 2000 de payer la somme de 202.343,08 Francs (67.692,39 Francs au titre de huit factures impayées et 134.650,69 Francs au titre de l'indemnité de résiliation), la société TRS a assigné le GIE SCIC GESTION afin d'obtenir sa condamnation au paiement de cette somme ainsi qu'au paiement d'une somme de 15.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les uniques conclusions, signifiées le 14 août 2002, aux termes desquelles la SCIC GESTION, appelante, demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société TRS à lui restituer la somme de 24.252,64 euros, au paiement de laquelle elle a été condamnée à tort par le jugement déféré, et, enfin, de condamner cette société aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu les uniques écritures, signifiées le 18 novembre 2002, dans lesquelles la société TELECOM RESEAUX SERVICES, intimée, prie la Cour de confirmer le jugement entrepris, en précisant qu'elle sollicite désormais la capitalisation des intérêts, de condamner la SCIC GESTION à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur la demande principale de la société TELECOM RESEAUX SERVICES :

Considérant que la SCIC GESTION sollicite l'infirmation du jugement déféré en faisant essentiellement valoir :

- que la convention liant les parties qui constituait, en réalité, un contrat d'exclusivité, contraire aux dispositions de la loi du 14 octobre 1943, doit être déclarée nulle,

- qu'en tout état de cause, elle est fondée à opposer à sa cocontractante une exception d'inexécution,

- que, dans l'hypothèse où de telles demandes ne seraient pas accueillies, il conviendrait alors de déclarer abusive la clause pénale prévue par le contrat en ce qu'elle met à sa charge, sans la moindre réciprocité, le versement d'une indemnité d'un montant excessif ;

 

1) En ce qui concerne la présence d'une clause d'exclusivité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 330-1 du Code de Commerce, est limitée à un maximum de dix ans la durée de validité de toute clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles, s'engage vis-à-vis de son vendeur, cédant ou bailleur, à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur ;

Considérant qu'en l'espèce, les stipulations critiquées de la convention elle-même, d'une durée de 15 années, sont ainsi libellées : « ARTICLE 8. Modification ou changement [...] La société étant propriétaire des matériels confiés à l'abonné et ayant à sa charge leur fonctionnement, il est précisément convenu que tous travaux ou modifications sur les matériels, y compris ceux demandés par l'Administration, seront exécutés par la société aux frais de l'abonné. Aucune exclusivité n'existe en faveur de la société pour fourniture de tout matériel de service, semblable ou complémentaire, qui ne serait pas raccordée à [l’] installation [...] » ;

Considérant qu'une telle clause, qui se limite ainsi à réserver à la société TRS les travaux ou modifications sur l'installation téléphonique dont elle reste propriétaire et dont elle continue à assurer le fonctionnement, en laissant par ailleurs à l'abonné la liberté de faire installer et entretenir d'autres matériels par une entreprise de son choix, sous la seule réserve, légitime, d'une absence de raccordement, n'est dès lors pas soumise à la restriction prévue par les dispositions précitées ;

Qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la nullité de la convention doit être rejeté ;

 

2) En ce qui concerne l'exception d'inexécution et la responsabilité de la résiliation du contrat :

Considérant que l'appelante prétend qu'alors que les articles 2 et 8 de la convention « laissant entendre que l'accroissement des besoins de l'utilisateur est inclus dans le contrat » et alors qu'aucune modification du montant de la redevance n'avait été prévue lors des premières transformations, la société TRS a, par la suite, par le biais d'avenants et sous prétexte d'adjonction de matériels, modifié la redevance, en violation des termes du contrat ;

Qu'eu égard à l'ambiguïté des clauses en question, le GIE était contraint, soit d'accepter une installation téléphonique obsolète, soit « d'accepter une mise à niveau sans possibilité de négocier le coût et la fréquence des interventions » aucun facteur de détermination du montant de la redevance, conséquence des extensions n'étant précisé au contrat ; que, dès lors, il est victime d'une procédure léonine où la mise en place des avenants dépend de la seule volonté de TRS, qui ne satisfait pas à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat en ne faisant que « profiter de sa position installée pendant une durée exorbitante dans un contexte d'évolution technologique particulièrement rapide » et qu'elle est dès lors fondée à se prévaloir de l'inexécution du contrat, même en l'absence d'une mise en demeure préalable ;

Considérant, cela étant exposé, qu'aux termes du préambule de la Convention qui lie les parties, reproduit dans son article 2 « (Rappel de la définition du service « TELEMATIC »), ce service prend en charge et répond dans le domaine des télécommunications à l'accroissement des besoins de l'utilisateur en l'adaptant à leur évolution qualitative au quantitative.

Il comprend la mise en œuvre des divers systèmes de matériels, modifiés ou remplacés au fil du temps quand de nouveaux paliers techniques, l'évolution des besoins ou la réglementation l'imposent » ;

Considérant que cette convention, qui n'est pas ainsi définitivement figée en ce qui concerne le matériel loué à l'origine, prévoit une adaptation constante aux innovations techniques ainsi qu'aux besoins spécifiques de l'abonné en permettant à la société TRS de lui fournir, sans pénalité, de nouveaux matériels ou de nouveaux services dont les prix ne peuvent, par définition, être fixés au moment où les parties contractent ; que les modifications envisagées par les parties nécessitent, dès lors, une négociation susceptible d'aboutir à la signature d'un avenant ;

Que c'est ainsi que l'article trois de la convention prévoit que la redevance, initialement fixée à 23.660 Francs, est ajustable par avenant « en fonction de l'étendue du service » ;

Considérant qu'en l'espèce, la SCIC Gestion a précisément bénéficié de l'adjonction de nouveaux matériels en vertu de deux avenants successifs, librement négociés, qui ont prévu une augmentation en conséquence de la redevance, dont elle n'a jamais allégué depuis le caractère excessif ;

Qu'elle ne démontre pas que la proposition critiquée, matérialisée par un devis, qui lui avait été faite en 1999 à la suite de sa demande de changement d'installation téléphonique, était, à la différence des précédentes, d'un montant inacceptable qui l'aurait nécessairement contrainte, eu égard au caractère prétendument obsolète de son installation téléphonique, à résilier la convention ;

Considérant que l'appelante, qui ne peut reprocher ainsi à la convention en cause, dont les clauses citées sont dépourvues d'ambiguïté et auxquelles elle a de surcroît, librement consenti, une quelconque indétermination du prix, n'établit pas non plus un manquement de sa partenaire à ses obligations et qu'elle a bien ainsi pris à tort l'initiative d'une résiliation avant le terme contractuellement fixé ;

 

3) En ce qui concerne la demande en paiement d'une indemnité de résiliation :

Considérant que la convention comporté également une clause ainsi rédigée : « Article 11 - Résiliation [...] Dans tous les cas de résiliation des présentes conventions, outre les sommes dues par lui, l'abonné devra payer à la société à titre d'indemnité forfaitaire passible de la TVA, une somme de 75 % de la valeur des redevances restant à courir et ce, sans préjudice des sommes pouvant être dues à d'autres titres » ;

Considérant que l'objet de cette convention ayant un rapport direct avec l'activité de la SCIC GESTION, celle-ci n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation sur les clauses abusives ;

Considérant qu'il suffit de constater que l'indemnité critiquée, en effet calculée à partir d'une durée précise de location du matériel, tend à compenser le coût de l'amortissement d'une installation spécialement conçue pour les besoins de l'appelante, et dont la valeur de récupération est en conséquence plus élevée ; que cette indemnité, qui correspond à une évaluation conventionnelle du préjudice, n'étant, en l'espèce, pas manifestement excessive au regard du dommage effectivement subi, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article [1152] du Code Civil ;

Considérant que le jugement déféré mérite en conséquence d'être confirmé en ce qu'il a condamné le GIE SCIC GESTION à payer à la société TELECOM RESEAUX SERVICES, à ce titre, la somme de 24.252,64 euros sauf à préciser que le point de départ des intérêts au taux légal doit être fixé au 12 août 2000, date de réception de la mise en demeure du 11 août 2000 ;

 

Sur la demande additionnelle de la société TRS au titre de la capitalisation des intérêts :

Considérant que les intérêts réclamés par la société intimée sur cette somme étant dus au moins pour une année entière, les conditions fixées par l'article 1154 du Code Civil pour demander la capitalisation des intérêts apparaissent ainsi remplies et qu'il sera dès lors fait droit à cette demande à compter du 18 novembre 2002, date de signification des conclusions comportant ce chef de demande ;

 

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société intimée une indemnité de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ; que l'appelante, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

substitués en tant que de besoin à ceux des premiers juges,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé au 11 août 2000 le point de départ des intérêts au taux légal sur la somme de 24.252,64 euros,

Le réformant de ce seul chef, et y ajoutant,

Dit que les intérêts courront à compter du 12 août 2000,

Ordonne la capitalisation des intérêts mis à la charge du GIE SCIC GESTION, dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil, à compter du 18 novembre 2002, année par année,

Condamne le GIE SCIC GESTION à verser à la société TELECOM RESEAUX SERVICES une indemnité supplémentaire de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne le GIE SCIC GESTION aux dépens d'appel et admet Maître HUYGHE, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.