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CA VERSAILLES (16e ch.), 9 juillet 2020

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 9 juillet 2020
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 19/01179
Date : 9/07/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/02/2019
Référence bibliographique : 5730 (recevabilité de l’appel), 6114 (clause exonératoire, art. R. 212-1-6°), 6617 (location de coffre-fort)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8515

CA VERSAILLES (16e ch.), 9 juillet 2020 : RG n° 19/01179 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Il faut distinguer l'obligation de sécurité concernant le coffre lui-même et son contenu, qui est une obligation de résultat, et l'obligation de surveillance qui contraint la banque à contrôler l'accès au compartiment de coffre-fort, qui, depuis l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 9 février 2016 n° 14-23,006, est une obligation de moyen renforcée, ou de résultat atténué , dans la mesure où banque qui met un coffre-fort à la disposition d'un client est tenue d'une obligation de surveillance qui lui impose d'établir qu'elle a accompli toutes les diligences utiles pour en contrôler l'accès par un tiers, fût-il muni d'une clé.

L'obligation de surveillance est une obligation essentielle du contrat, et c'est sur le banquier que pèse la preuve des diligences qu'il a accomplies pour s'acquitter de cette obligation.

En l'espèce, le contrat de location de coffre conclu le 5 janvier 2005 stipule en son article 2 : « Accès à la salle des coffres - sécurité. Il est réservé au locataire et à ses mandataires. Le locataire s’engage à respecter les heures d'ouverture, les mesures de sécurité en vigueur dans le guichet où se trouve le coffre loué. Toute personne désirant accéder au coffre devra déferrer à toute demande de justification d’identité ».

Il appartient donc au CIC, en vertu de l'obligation qui était la sienne de réserver l'accès au coffre à son titulaire et/ou à une personne habilitée, de justifier que seules les personnes autorisées ont pu avoir accès au coffre, que ce soit par la tenue d'un registre ou toute autre procédure lui permettant de s'aménager des moyens de preuve à sa convenance et peu important que l'obligation légale de tenir un tel registre ait été abrogée.

C'est donc à juste titre que le premier juge a constaté que la SA CIC ne rapportait pas la preuve qu'elle a accompli toutes les diligences utiles pour en contrôler l'accès au coffre par un tiers. »

2/ « M. X. demande qu'il soit dit que la première partie de l'article 6 du contrat de location de coffre, paraphé, accepté, lu et approuvé le 5 janvier 2005 par son père, serait une clause abusive au sens de l'article R. 212-1-6° du Code de la consommation, en ce que la réparation du préjudice serait subordonnée « à la production de tout justificatif utile ». La SA CIC répond qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel et par tant irrecevable.

Cependant, en faisant valoir devant le premier juge que M. X. ne produisait aucune pièce justifiant du montant du préjudice allégué étant observé que le coffre-fort contenait principalement des valeurs notariées, et en invoquant devant la cour que, conformément au contrat, la réparation par la banque sera subordonnée à la production de tous justificatifs utiles quant à la présence, la consistance et la valeur des objets disparus ou détériorés, la banque s'est prévalue de la clause contractuelle litigieuse de sorte que pour s'opposer aux prétentions adverses, M. X. est recevable à présenter une demande tendant à voir déclarer cette clause abusive.

L'article R. 212-1-6° du Code de la consommation prohibe les clauses limitatives de responsabilité.

En l'espèce, aux termes de l'article 6 du contrat de location de coffre-fort : « La réparation par la banque sera subordonnée à la production de tous justificatifs utiles quant à la présence, la consistance et la valeur des objets disparus ou détériorés et, le cas échéant, la preuve que la banque n'a pas apporté toute la diligence promise pour assurer la sauvegarde du compartiment. »

Il est observé que cette clause concerne en réalité l'indemnisation de la perte du contenu du coffre, qui n'est pas ici recherchée. En tout état de cause, elle ne limite aucunement le montant de l'indemnisation et n'est pas limitative de responsabilité mais détermine l'étendue des obligations contractuelles des parties sans être de nature à supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à son obligation, en l'occurrence de surveillance. La demande tendant à la voir déclarer abusive et réputée non écrite sera donc rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU9 JUILLET 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RG 19/01179 - N° Portalis DBV3-V-B7D-S66X. CONTRADICTOIRE. Code nac : 38Z. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 janvier 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Versailles : R.G. n° 16/10086.

LE NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

Monsieur J.-D. X.

né le [date]  à [ville], de nationalité Française, [date], Représentant : Maître Renaud G., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 157 - N° du dossier 20190219, Représentant : Maître Nicolas M., Plaidant, avocat au barreau de BAYONNE

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT INDUSTRIEL COMMERCIAL

N° Siret : XXX (R.C.S Paris), [...], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Oriane D. de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20190439, Représentant : Maître Fanny D., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 0298

 

Composition de la cour : L'affaire était fixée à l'audience publique du 10 juin 2020 pour être débattue devant la Cour composée de : Madame Patricia GRASSO, Président, Madame Sylvie NEROT, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller

En application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le président que la procédure susvisée se déroulerait sans audience. Les parties en ont été avisées par le greffe le 25 mai 2020 et ces dernières ne s'y sont pas opposées dans un délai de 15 jours. Ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi.

Greffier : Madame Mélanie RIBEIRO,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Ch. X. est décédé le 16 juillet 2011, laissant pour lui succéder :

- Mme F. Y., son épouse en troisièmes noces,

- M. J.-D. X., son fils, issu de l'union du de cujus avec Mme Z., sa première épouse,

Mesdames A. et L. X., ses filles, issues de son union avec Mme F. Y.

Ch. X. avait souscrit le 5 janvier 2005 un contrat de location d'un coffre-fort dans l'agence du Crédit industriel et commercial située [adresse].

Le 15 décembre 2011, il a été procédé à l'ouverture du coffre-fort en présence de M. J.-D. X. et son conseil, Maître C., notaire à [ville S.] et du commissaire-priseur dans les locaux de l'agence précitée.

La prisée des objets contenus au coffre a été de 600 euros.

Par exploit d'huissier en date du 7 décembre 2016, M. J.-D. X. a fait assigner la société anonyme CIC devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins d'obtenir au visa des articles 1231-1 nouveau et suivants du code civil et 1353 nouveau du même code, la condamnation de la SA CIC à lui verser la somme de 76.300 euros en indemnisation du préjudice résultant du manquement de cette dernière à son obligation de surveillance.

Par jugement rendu le 29 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Versailles a :

- déclaré l'action de M. X. recevable ;

- débouté M. X. de ses demandes ;

- condamné M. X. aux dépens de l'instance ;

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Le 19 février 2019, M. X. a interjeté appel de la décision.

[*]

Dans ses conclusions transmises le 14 avril 2020, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X., appelant, demande à la cour de :

- recevoir son appel et le déclarer bien-fondé ;

- juger que la première partie de l'article 6 du contrat de location de coffre-fort constitue une clause abusive ;

- juger que cette clause est réputée non écrite ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la SA CIC à lui verser des dommages et intérêts d'un montant de 76.300 euros au titre de la réparation de son préjudice personnel résultant de la faute commise par la banque dans son obligation de surveillance au titre du contrat de location de coffre-fort ;

- condamner la SA CIC à lui verser la somme de 76.300 euros au titre du préjudice résultant du fait du manquement de la SA CIC à son obligation de surveillance ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens ;

- condamner la SA CIC à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a été obligé d'ester en justice en première instance et en appel pour défendre ses droits ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

sauf à rajouter :

- juger que la SA CIC a commis une faute dans son obligation de surveillance au visa de l'article 1231 et suivants du code civil et échoue à rapporter la preuve contraire ;

- débouter la SA CIC de son appel incident ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclaré recevable en son action ;

- condamner la SA CIC aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, M. X. fait valoir :

- que tout d'abord, la banque qui met un coffre-fort à la disposition d'un client est tenue d'une obligation de surveillance qui lui impose d'établir qu'elle a accompli toutes les diligences utiles pour en contrôler l'accès par un tiers, fût-il muni d'une clé ; qu'en l'espèce, la banque ne rapporte pas la preuve qu'elle a accompli toutes les diligences exigées dans le cadre de son obligation de surveillance, en l'absence de registre ; que le contrat de location de coffre-fort indique que l'accès à la salle des coffres est réservé au locataire et à ses mandataires ; que la banque ne rapporte pas la preuve de l'absence d'un mandat ou d'une procuration ; que par conséquent, la banque a commis une faute ; qu'ensuite, la clause du contrat de location de coffre-fort qui subordonne la réparation du préjudice subi en cas de manquement de la banque à son obligation, à la production de tous justificatifs utiles, est abusive et par conséquent, réputée non écrite ; que d'autre part, le lien de causalité entre la faute de la banque et son préjudice est démontré ;

- que son préjudice réside dans l'impossibilité de pourvoir s'assurer au vu de la consultation d'un registre d'accès au coffre-fort, que tout ou partie du contenu du coffre-fort n'a pas été diverti par un tiers avant ou après le décès de son père ; que la valeur du contrat de location de coffre-fort était limitée à 76.300 euros, de sorte que cette somme correspond au montant de son préjudice ; qu'en vertu d'une jurisprudence constante, un tiers au contrat peut agir en responsabilité à l'égard de l'un des cocontractants sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

- qu'en sollicitant la réparation de son préjudice consécutif au manquement de la banque à son obligation de surveillance, il exerce une action personnelle, étrangère aux dispositions de l'article 815-3 du code civil ; qu'en effet, son action est fondée sur les articles 1231 et suivants du code civil ; que par conséquent, son action est recevable ;

- qu'enfin, ses prétentions ne sont pas nouvelles en cause d'appel en ce qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir l'indemnisation de son préjudice et l'argumentation en réponse aux prétentions adverses.

[*]

Dans ses conclusions comportant un appel incident, transmises le 6 avril 2020, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA CIC, intimée, demande à la cour de :

A titre liminaire,

- dire et juger que la présente action est un acte de disposition nécessitant l'accord de tous les indivisaires de la succession ;

- infirmer le jugement entrepris à ce titre ;

- déclarer M. X. irrecevable, faute de qualité à agir ;

- dire et juger que la nouvelle demande de M. X. en contestation de la première partie de l'article 6 du contrat de location de coffre-fort qui est nouvelle en cause d'appel, est irrecevable ;

A titre principal,

- dire et juger que M. X. ne démontre pas qu'elle a manqué à son obligation de diligence pour contrôler l'accès du coffre-fort à ses clients, l'accès à la salle étant réservé au titulaire du contrat, sur présentation d'une carte d'identité ;

- dire et juger que M. X. ne démontre pas l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité avec une prétendue faute ;

- confirmer le jugement entrepris à ce titre ;

- débouter M. X. de son appel et de l'ensemble de ses prétentions ;

En tout état de cause,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître D., AARPI - JRF Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la SA CIC fait valoir :

- que l'action de M. X. est irrecevable en l'absence d'un intérêt à agir ; qu'une action en justice de nature indemnitaire constitue un acte de disposition au sens de l'article 815-3 du code civil, nécessitant l'accord de tous les co-indivisaires ;

- que M. X. ne rapporte pas la preuve du manquement de la banque à son obligation de surveillance ; qu'en l'espèce, le contrat de location de coffre-fort prévoit expressément que l'accès à la salle des coffres est sécurité et ne peut se faire que sur présentation d'un justificatif d'identité, de sorte qu'elle justifie des diligences entreprises pour contrôler l'accès de ses clients à la salle des coffres ; qu'au surplus, il n'existait aucun mandat ou procuration ; que M. X. ne verse aux débats aucune preuve permettant d'apprécier le montant de son préjudice ;

- qu'enfin, la prétention de M. X. tendant à faire réputer non écrite, la clause selon laquelle la réparation du préjudice est subordonnée à la production de tout justificatif utile, est irrecevable en cause d'appel au motif qu'elle est nouvelle ; qu'en tout état de cause, ladite clause détermine l'étendue des obligations contractuelles des parties, de sorte qu'elle ne constitue pas une clause limitative de responsabilité prohibée au sens de l'article R. 212-1 du code de la consommation.

[*]

La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 juin 2020. A l'audience du 10 juin 2020, l'affaire a été retenue dans les conditions prévues par l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, les parties n'ayant pas manifesté leur opposition, au vu de l'avis du greffe du 25 mai 2020. Les parties ont ensuite été avisées de la mise à disposition de l'arrêt par application de l'article 10 de la même ordonnance, pour le 9 juillet 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'intérêt à agir de M. J.-D. X. en demande de dommages et intérêts :

La SA CIC invoque les dispositions de l'article 3 du code de procédure civile et de l'article 815-3 du Code Civil aux termes desquelles : « Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :

1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;

2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;

3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;

4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.

Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.

Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°. Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».

L'appelant demande la condamnation du CIC à lui verser des dommages intérêts d'un montant de 76.300 € au titre de la réparation de son préjudice personnel résultant de la faute commise par la Banque dans son obligation de surveillance au titre du contrat de location de coffre-fort.

Le premier juge a donc à juste titre estimé que l'action intentée par M. X. ne l'est pas sur le fondement de l'article 815-3 du Code civil mais sur le fondement des articles 1231 et suivants du code civil et qu'il entend par son action demander l'indemnisation d'un préjudice personnel consistant dans l'impossibilité de vérifier les dates d'ouverture du coffre et les personnes qui ont pu procéder à cette ouverture du fait d'une carence alléguée de la banque de sorte que, si son préjudice est bien lié à sa qualité d'héritier, sa demande ne tend pas à l'indemnisation d'un préjudice subi par l'indivision successorale mais par lui seul.

En tout état de cause, tout indivisaire peut agir seul pour la protection de ses droits indivis.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir.

 

Sur la faute de la banque :

M. X. expose que s'étonnant de l'absence de tout objet de valeur à l'ouverture du coffre, il a, par l'intermédiaire de son conseil, écrit le 13 janvier 2012 au directeur de l'agence CIC de [ville S.], en lui indiquant qu'en l'absence de carton d'émargement et de signature de descente aux coffres, aucun registre n'existant, il lui avait été impossible de se faire communiquer les dates d'ouverture du coffre sur une période qu'il aurait souhaitée être de trois ans avant le décès du de cujus. M. J.-D. X. y interrogeait le directeur de l'agence sur les moyens mis en œuvre pour vérifier l'accès aux coffres. Il concluait son courrier en indiquant émettre les plus extrêmes réserves sur le déroulement des opérations d'inventaire du coffre et sur son contenu.

Le 2 février 2012, le directeur de l'agence a répondu en ces termes : « concernant les modalités d'accès aux coffres, nous vous indiquons que suivant nos procédures, l'accès est soumis à l'identification préalable de la personne sollicitant l'accès au coffre par la présentation de sa pièce d'identité et consultation de notre système d'information pour vérifier que celle-ci est bien habilitée et à la présentation de la clé du coffre

Cette procédure permet ainsi d'assurer le contrôle et la surveillance de l'accès au coffre conformément à nos obligations. De ce fait nous ne tenons pas de registre d'accès au coffre dont la tenue n'est pas une obligation légale ou conventionnelle ».

La banque soutient simplement qu'il résulte du contrat qu'aucune autre personne que le titulaire du contrat, ou éventuellement son mandataire, n'est autorisé à accéder au coffre-fort puisque la banque s'oblige à vérifier l'identité de la personne qui se présente et en déduit que toutes les diligences utiles pour contrôler l'accès à la salle des coffres à ses clients ont donc été nécessairement menées , aucune faute ne pouvant lui être reprochée à ce titre et souligne que l'appelant déclare lui-même, que la clé du coffre n'a jamais quitté le domicile de son père qui était donc le seul à pouvoir l'utiliser.

Il faut distinguer l'obligation de sécurité concernant le coffre lui-même et son contenu, qui est une obligation de résultat, et l'obligation de surveillance qui contraint la banque à contrôler l'accès au compartiment de coffre-fort, qui, depuis l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 9 février 2016 n° 14-23,006, est une obligation de moyen renforcée, ou de résultat atténué , dans la mesure où banque qui met un coffre-fort à la disposition d'un client est tenue d'une obligation de surveillance qui lui impose d'établir qu'elle a accompli toutes les diligences utiles pour en contrôler l'accès par un tiers, fût-il muni d'une clé.

L'obligation de surveillance est une obligation essentielle du contrat, et c'est sur le banquier que pèse la preuve des diligences qu'il a accomplies pour s'acquitter de cette obligation.

En l'espèce, le contrat de location de coffre conclu le 5 janvier 2005 stipule en son article 2 :

« Accès à la salle des coffres - sécurité.

Il est réservé au locataire et à ses mandataires. Le locataire s’engage à respecter les heures d'ouverture, les mesures de sécurité en vigueur dans le guichet où se trouve le coffre loué. Toute personne désirant accéder au coffre devra déferrer à toute demande de justification d’identité ».

Il appartient donc au CIC, en vertu de l'obligation qui était la sienne de réserver l'accès au coffre à son titulaire et/ou à une personne habilitée, de justifier que seules les personnes autorisées ont pu avoir accès au coffre, que ce soit par la tenue d'un registre ou toute autre procédure lui permettant de s'aménager des moyens de preuve à sa convenance et peu important que l'obligation légale de tenir un tel registre ait été abrogée.

C'est donc à juste titre que le premier juge a constaté que la SA CIC ne rapportait pas la preuve qu'elle a accompli toutes les diligences utiles pour en contrôler l'accès au coffre par un tiers.

 

Sur la contestation de la première partie de l'article 6 du contrat de location de coffre-fort :

M. X. demande qu'il soit dit que la première partie de l'article 6 du contrat de location de coffre, paraphé, accepté, lu et approuvé le 5 janvier 2005 par son père, serait une clause abusive au sens de l'article R. 212-1-6° du Code de la consommation, en ce que la réparation du préjudice serait subordonnée « à la production de tout justificatif utile ».

La SA CIC répond qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel et par tant irrecevable.

Cependant, en faisant valoir devant le premier juge que M. X. ne produisait aucune pièce justifiant du montant du préjudice allégué étant observé que le coffre-fort contenait principalement des valeurs notariées, et en invoquant devant la cour que, conformément au contrat, la réparation par la banque sera subordonnée à la production de tous justificatifs utiles quant à la présence, la consistance et la valeur des objets disparus ou détériorés, la banque s'est prévalue de la clause contractuelle litigieuse de sorte que pour s'opposer aux prétentions adverses, M. X. est recevable à présenter une demande tendant à voir déclarer cette clause abusive.

L'article R. 212-1-6° du Code de la consommation prohibe les clauses limitatives de responsabilité.

En l'espèce, aux termes de l'article 6 du contrat de location de coffre-fort : « La réparation par la banque sera subordonnée à la production de tous justificatifs utiles quant à la présence, la consistance et la valeur des objets disparus ou détériorés et, le cas échéant, la preuve que la banque n'a pas apporté toute la diligence promise pour assurer la sauvegarde du compartiment. »

Il est observé que cette clause concerne en réalité l'indemnisation de la perte du contenu du coffre, qui n'est pas ici recherchée. En tout état de cause, elle ne limite aucunement le montant de l'indemnisation et n'est pas limitative de responsabilité mais détermine l'étendue des obligations contractuelles des parties sans être de nature à supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à son obligation, en l'occurrence de surveillance.

La demande tendant à la voir déclarer abusive et réputée non écrite sera donc rejetée.

 

Sur le préjudice :

M. X. évalue son préjudice à la somme de 76.300 euros qui correspond à la clause limitative du contenu déposé prévue au contrat. Or il convient de rappeler que le contenu du coffre appartient à l'indivision successorale et que la demande de l'appelant n'a été déclarée recevable que pour son préjudice personnel consistant dans l'impossibilité de vérifier que l'accès au coffre a été surveillé par la banque de sorte que le risque que son contenu ait pu être diverti soit totalement écarté.

Il s'agit d'une perte de chance qui, par infirmation du jugement, sera réparée par l'allocation d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.

 

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de faire droit à la demande de l'appelant présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'intimée est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

Partie perdante, l'intimée ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

DIT recevable la demande de M. J.-D. X. tendant à voir dire réputée non écrite la première partie de l'article 6 du contrat de location de coffre-fort ;

L'en déboute ;

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a déclaré l'action de M. J.-D. X. recevable ;

Y substituant,

Condamne la SA Crédit Industriel et Commercial à payer à M. J.-D. X. la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

Condamne la SA Crédit Industriel et Commercial à payer à M. J.-D. X. une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Crédit Industriel et Commercial aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                            Le président,