CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CASS. CIV. 1re, 1er juillet 2020

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 1er juillet 2020
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 19-13200
Décision : 20-401
Date : 1/07/2020
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:C100401
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA DIJON (1re ch. civ.), 11 décembre 2018
Numéro de la décision : 401
Référence bibliographique : 6638 (crédit immobilier)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8517

CASS. CIV. 1re, 1er juillet 2020 : pourvoi n° 19-13200 ; arrêt n° 401

Publication : Legifrance

 

Extrait : « 3. En premier lieu, n’ayant été saisie d’aucune contestation de la validité de la clause de paiement en monnaie étrangère, la cour d’appel n’était pas tenue de relever, au besoin d’office, la nullité d’une telle clause.

4. En second lieu, l’arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que l’offre de prêt stipule expressément que la révision du taux à la hausse est plafonnée, que le taux d’intérêt applicable ne dépassera jamais le taux d’intérêt plafond et que les parties, qui reconnaissent avoir été informées de cette disposition, en acceptent la teneur. Il ajoute que le plafonnement de la révision du taux à la hausse encadre le risque de change et que la banque a dispensé une information préalable relative à la spécificité du fonctionnement de ce prêt, rappelée à plusieurs reprises. Ayant ainsi fait ressortir le caractère clair et compréhensible de la clause critiquée, qui porte sur l’objet du contrat, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision d’exclure l’application du régime des clauses abusives. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 1er JUILLET 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : R 19-13200. Arrêt n° 401 F-D.

DEMANDEUR à la cassation : Madame Y. - Madame X.

DÉFENDEUR à la cassation : Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Est

Mme Batut (président), président. SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

1°/ Mme Y.,  2°/ Mme X., toutes deux domiciliées [adresse],

ont formé le pourvoi n° R 19-13.200 contre l’arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d’appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Est, dont le siège est [adresse], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mmes Y. et X., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est, et l’avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l’audience publique du 19 mai 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l’arrêt attaqué (Dijon, 11 décembre 2018), suivant acte notarié du 24 novembre 2010, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est (la banque) a consenti à Mmes Y. et X. un prêt d’un montant correspondant à la contre-valeur en francs suisses de la somme de 289 000 euros, remboursable en quatre-vingts échéances trimestrielles moyennant un taux d’intérêt annuel révisable fixé initialement à 1,865 %. Invoquant une défaillance dans le remboursement des échéances du prêt, la banque a assigné Mmes Y. et X. devant le juge de l’exécution.

 

Examen du moyen :

Enoncé du moyen

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

2. Mmes Y. et X. font grief à l’arrêt de rejeter leur demande tendant notamment à voir déclarer non écrite la clause relative au risque de change, de retenir la créance de la banque et d’ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière, alors :

« 1°/ qu’est nul de nullité absolue le contrat de prêt stipulé remboursable en monnaie étrangère ; qu’en retenant la créance de la banque au titre du prêt immobilier n° 000771296 du 24 novembre 2010 et en ordonnant la poursuite de la procédure de saisie immobilière pour en obtenir paiement, sans rechercher si les clauses de ce contrat de prêt ne démontraient pas que le prêt n’était remboursable qu’en monnaie étrangère, et partant atteint de nullité absolue, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d’ordre public selon lequel tout paiement fait en France doit être effectué en euro, ensemble l’article 6 du code civil ;

2°/ qu’est abusive la clause de monnaie étrangère qui met la totalité du risque de change, non plafonné, à la charge des emprunteurs soumis au risque de voir augmenter indéfiniment le montant des échéances et in fine celui du capital restant dû en cas d’évolution défavorable du taux de change, sans en informer les emprunteurs de façon claire et compréhensible ; qu’en se bornant, pour retenir la créance de la banque au titre du prêt immobilier n° 000771296 du 24 novembre 2010, après avoir écarté le caractère abusif de la clause de monnaie étrangère invoqué par Mmes Y. et X., et ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière pour en obtenir paiement, à confirmer purement et simplement les motifs du jugement d’orientation ayant « rapproché cette clause de celle plafonnant la révision du taux d’intérêt à la hausse et écarté l’abus en retenant l’encadrement du risque de change », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause de monnaie étrangère qui faisait supporter le risque de change en totalité par les emprunteurs, sans en plafonner les effets, n’avait eu pas une incidence sur le montant des échéances et in fine sur celui du capital restant dû, sans plafonnement, sans que les emprunteurs n’aient été avertis de ce risque par une information claire et compréhensible, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation. »

 

Réponse de la Cour :

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

3. En premier lieu, n’ayant été saisie d’aucune contestation de la validité de la clause de paiement en monnaie étrangère, la cour d’appel n’était pas tenue de relever, au besoin d’office, la nullité d’une telle clause.

4. En second lieu, l’arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que l’offre de prêt stipule expressément que la révision du taux à la hausse est plafonnée, que le taux d’intérêt applicable ne dépassera jamais le taux d’intérêt plafond et que les parties, qui reconnaissent avoir été informées de cette disposition, en acceptent la teneur. Il ajoute que le plafonnement de la révision du taux à la hausse encadre le risque de change et que la banque a dispensé une information préalable relative à la spécificité du fonctionnement de ce prêt, rappelée à plusieurs reprises. Ayant ainsi fait ressortir le caractère clair et compréhensible de la clause critiquée, qui porte sur l’objet du contrat, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision d’exclure l’application du régime des clauses abusives.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes Y. et X. aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mmes Y. et X.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Mmes Y. et X. de l’ensemble de leurs demandes tendant notamment à voir substituer le taux d’intérêt légal au taux conventionnel et déclarer non écrite la clause relative au risque de change, d’AVOIR en conséquence retenu la créance de la CRCAM Centre Est pour un montant de 341.292,11 euros pour le prêt n° XXX et constaté que les conditions requises par les article L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution étaient réunies, et d’AVOIR en conséquence ordonné la poursuite de la procédure de saisie immobilière ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS PROPRES QUE que selon les appelantes, est abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation la clause contractuelle faisant supporter par l’acquéreur le risque de change pour le prêt 771296 accordé sous formes de devises représentant une contre-valeur en franc suisse ; cependant que dans des motifs pertinents qu’adopte la cour, le premier juge a rapproché cette clause de celle plafonnant la révision du taux d’intérêt à la hausse et écarté l’abus en retenant l’encadrement du risque de change avec par ailleurs l’information préalable donnée aux bénéficiaires du prêt ; que Mmes Y. et X. considèrent n’avoir jamais été informées du taux d’intérêt appliqué ni des modalités de sa révision ; qu’il convient de rejeter cette contestation en adoptant le rappel qu’a fait le juge de l’exécution au sujet des mentions correspondantes contenues dans l’offre de prêt annexée à l’acte authentique ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur la créance du prêt n° XXX : * Sur le taux d’intérêt appliqué au contrat de prêt : que l’offre de prêt annexée à l’acte authentique précise que « le taux d’intérêt du prêt sera révisable, il sera celui du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds augmenté de la marge. Le taux du CHF est de 0.1750 % au 2/11/2010. La marge est de 1,6900 points » ; que l’offre de prêt stipule s’agissant du coût total du crédit : « intérêt du crédit au taux de 1.8650 % ; la contre-valeur en CHF (franc suisse) de la somme de 57.906,89 euros soit 79.338,23 CGF » ; que l’offre de prêt mentionnait également que « le taux du prêt est celui de la devise sur le marché des changes, majoré d’une marge. Ce taux est révisable à chaque échéance en fonction des conditions du moment » ; que par ailleurs la CRCAM Centre Est justifie avoir adressé à compter du 23 novembre 2013 de façon annuelle un courrier d’information précisant, à la date de la mise à disposition totale des fonds ainsi qu’à la date du mois précédent le courrier, le montant du capital restant dû ainsi que le cours du change ; que dès lors, il n’est pas démontré un manquement de la banque dans l’information dispensée aux emprunteurs quant à la révision du taux du prêt ; que Mme Y. et Mme X. seront dès lors déboutées de leur demande tendant à voir substituer le taux d’intérêt légal au taux conventionnel ; * Sur la clause intitulée « Disposition particulière relative au risque de change » : que par ailleurs, si le contrat de prêt stipule la clause suivante : « DISPOSITION PARTICULIERE RELATIVE AU RISQUE DE CHANGE. Il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l’emprunteur, conformément aux dispositions de la réglementation des changes et qu’en conséquence, le présent prêt ne pourra faire l’objet d’une couverture du risque de change par achat à terme par l’emprunteur, du capital remboursé et des intérêts à régler, que dans la mesure où la réglementation des changes l’autorise ; qu’il reconnait à cet égard avoir été informé par le préteur l’avisant du risque particulier lié à ce type de prêt, notamment par la notice d’information sur les prêts en devise, ci-annexée », l’offre de prêt précise également « REVISION DU TAUX. Il est expressément stipulé que la révision du taux à la hausse est plafonnée de sorte que le taux d’intérêt applicable ne dépassera jamais le taux d’intérêt plafond. Le taux d’intérêt annuel plafond est égal au taux d’intérêt annuel initial majoré de 2,000 points. Les parties reconnaissant avoir été informées de cette disposition et en accepter la teneur » ; que dès lors, du fait du plafonnement de la révision du taux à la hausse qui encadre le risque de change et de l’information préalable dispensée par la banque lors de la signature du contrat de prêt quant à la spécificité du fonctionnement de ce type de prêt qui est rappelée à plusieurs reprises, la clause relative au risque de change ne saurait être qualifiée d’abusive ; qu’en conséquence, Mme Y. et Mme X. seront déboutés de leur demande tendant à voir déclarer cette clause non écrite ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1° ALORS QU’est nul de nullité absolue le contrat de prêt stipulé remboursable en monnaie étrangère ; qu’en retenant la créance de la CRCAM Centre Est au titre du prêt immobilier n° XXX du 24 novembre 2010 et en ordonnant la poursuite de la procédure de saisie immobilière pour en obtenir paiement, sans rechercher si les clauses de ce contrat de prêt ne démontraient pas que le prêt n’était remboursable qu’en monnaie étrangère (francs suisses), et partant atteint de nullité absolue, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d’ordre public selon lequel tout paiement fait en France doit être effectué en euro, ensemble l’article 6 du code civil ;

2° ALORS QU’en toute hypothèse, est abusive la clause de monnaie étrangère qui met la totalité du risque de change, non plafonné, à la charge des emprunteurs soumis au risque de voir augmenter indéfiniment le montant des échéances et in fine celui du capital restant dû en cas d’évolution défavorable du taux de change, sans en informer les emprunteur de façon claire et compréhensible ; qu’en se bornant, pour retenir la créance de la CRCAM Centre Est au titre du prêt immobilier n° XXX du 24 novembre 2010, après avoir écarté le caractère abusif de la clause de monnaie étrangère invoqué par Mme Y. et X., et ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière pour en obtenir paiement, à confirmer purement et simplement les motifs du jugement d’orientation ayant « rapproché cette clause de celle plafonnant la révision du taux d’intérêt à la hausse et écarté l’abus en retenant l’encadrement du risque de change » (arrêt, p. 2, in fine), sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause de monnaie étrangère qui faisait supporter le risque de change en totalité par les emprunteurs, sans en plafonner les effets, n’avait eu pas une incidence sur le montant des échéances et in fine sur celui du capital restant dû, sans plafonnement, sans que les emprunteurs n’aient été avertis de ce risque par une information claire et compréhensible, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation.