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CA NANCY (5e ch. com.), 16 mai 2018

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (5e ch. com.), 16 mai 2018
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 5e ch. com.
Demande : 16/02707
Date : 16/05/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/10/2016
Référence bibliographique : 6151 (application dans le temps de l’art. 1171), 8262 (location sans option d’achat), 8530 (art. 1171, procédure)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8524

CA NANCY (5e ch. com.), 16 mai 2018 : RG n° 16/02707

Publication : Jurica

 

Extrait : « La société Gifi demande à ce que cette clause soit réputée non écrite en application de l'article 1171 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Cette demande qui tend à faire écarter les prétentions adverses est recevable, même formée pour la première fois en cause d'appel, conformément à l'article 564 du code de procédure civile, mais mal fondée en ce que ce texte n'est applicable qu'aux contrats conclus après le 1er octobre 2016, or les contrats litigieux ont été conclus en 2007 et 2008. C'est tout aussi vainement que la société Gifi prétend que cette clause serait contraire au principe de proportionnalité, alors que cette clause est destinée à sanctionner une inexécution contractuelle et que le locataire peut mettre fin à son application en restituant le matériel.

En revanche, c'est à bon droit que le tribunal a qualifié cette indemnité de jouissance de clause pénale, dans la mesure où, même si elle représente pour partie, pour le bailleur, une contrepartie du service dont le locataire continue de bénéficier après le terme de la location en conservant les matériels loués, elle vise également, et surtout, au regard de la perte de valeur du matériel loué, s'agissant d'un matériel à forte obsolescence, à contraindre le locataire à restituer ce matériel et constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant pour le bailleur de l'inexécution, qui s'applique du seul fait de celle-ci.

L'intimée ne peut utilement reprocher au bailleur de ne pas avoir réclamé la restitution du matériel loué et de ne pas lui avoir indiqué le lieu et les modalités de restitution, alors que l'obligation de restitution prévue à l'article 9.1 des conditions générales des contrats découle de plein droit de la survenue du terme ou de la résiliation des contrats de location, sans qu'il soit besoin de mise en demeure ou de réclamation préalable et qu'il appartenait à la locataire de s'informer du lieu de restitution.

Le tribunal a en outre exactement retenu qu'au regard de la faible valeur du matériel loué, à l'échéance du contrat, qui de surcroît est amorti fiscalement, cette indemnité est manifestement excessive, de sorte qu'il y a lieu de la réduire en application de l'article 1152 ancien du code civil et de la limiter à une année de loyers. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

CINQUIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 MAI 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/02707. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce de NANCY, R.G. n° 2014-010964, en date du 5 septembre 2016.

 

APPELANTE :

SAS FACTUM FINANCE

prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, [adresse], inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Nancy sous le numéro XXX, Représentée par Maître Aline FAUCHEUR SCHIOCHET, avocat au barreau de NANCY, Plaidant par Maître Noémie LALANDE, substituant Maître Carlo Alberto BRUSA, avocats au barreau de Paris

 

INTIMÉE :

SAS GIFI

prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [adresse], inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d'Agen sous le numéro YYY, Représentée par Maître Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY, Plaidant par Maître Michaël MALKA SEBAN avocat au barreau de Toulouse

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 février 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de Chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de Chambre, Monsieur Claude SOIN, Conseiller, Monsieur Yannick BRISQUET Conseiller.

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;

A l'issue des débats, la Présidente a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 16 mai 2018, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; signé par Mme Isabelle DIEPENBROEK Présidente et par M. Ali ADJAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 28 novembre 2007, la SA Gifi a conclu avec la SAS Factum finance un « contrat cadre de location LAI 115592 » ayant pour objet la mise à disposition de matériel informatique.

A la suite de ce contrat, ont été signés, sept contrats de location financière, complétés pour chacun d'entre eux par un avenant de cession de matériel et du contrat de location y afférent.

Prétendant que la société Factum finance aurait poursuivi la facturation des loyers au-delà du terme initial de chaque contrat, en contradiction avec les stipulations du contrat cadre, la société lui a vainement demandé la restitution du trop-perçu.

C'est dans ce contexte, que par exploit du 3 octobre 2014, la société Gifi a assigné la société Factum finance devant le tribunal de commerce de Nancy aux fins d'obtenir paiement d'une somme de 1.402.881,91 euros au titre de la répétition des sommes indues, assortie des intérêts de retard à compter du jour de chaque paiement indu et de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du comportement abusif et déloyal adopté.

Par jugement en date du 5 septembre 2016 le tribunal a :

- déclaré la SA Gifi mal fondée en sa demande de remboursement des loyers prélevé au titre du contrat LAI 115592 01, l'en a débouté,

- condamné la SAS Factum finance à payer la somme de 65.680,70 € au titré du contrat LAI 115592 02,

- condamné la SAS Factum finance à payer la somme de 158.498,40 € au titre du contrat LAI 115592 03,

- condamné la SAS Factum finance à payer la somme de 305 951,83 € au titre du contrat LAI 115592 04,

- condamné la SAS Factum finance à payer la somme de 117.290,85 € au titre du contrat LAI 115593,

- condamné la SAS Factum finance à payer la somme de 70.781,05 € au titre du contrat LAK 128293,

- condamné la SAS Factum finance à payer la somme de 3.574,88 € au titre du contrat LAL 048764,

- condamné la SA Gifi à payer à la SAS Factum finance la somme de 99.095,40 € au titre du contrat LAI 115592 01,

- l'a condamnée à payer à la SAS Factum finance, au titre de loyer, la somme mensuelle de 3.670,20 € à compter d'octobre 2016 et jusqu'à restitution effective du matériel objet du contrat de location LAI 115592 01,

- débouté les parties de leurs demandés en application des dispositions de l'article 700 du CPC,

- condamné la SAS Factum finance aux dépens du présent jugement.

Le tribunal a tout d'abord écarté l'exception de transaction soulevée par la société Factum Finance en retenant que, si les parties avaient bien eu l'intention de trouver un accord pour mettre un terme à leur litige, elles n'avaient toutefois régularisé aucune transaction emportant concessions réciproques. Il a ensuite constaté qu'aucun des contrats souscrits ne faisait référence au contrat cadre liant les parties et qu'ils comportaient des stipulations différentes de celles figurant dans le contrat cadre et a considéré que chacun des contrats devait être examiné de manière autonome et que leurs modalités d'application devaient être analysées indépendamment des stipulations du contrat cadre.

Il a ensuite constaté que si les contrats avaient été cédés temporairement par la société Factum, le matériel lui avait été rétrocédé automatiquement à l'échéance des contrats de location de sorte qu'elle en était redevenue propriétaire et avait qualité à agir.

Il a ensuite considéré que la société Gifi ne démontrant pas avoir résilié le contrat LAI 115592-01, ce contrat s'était renouvelé par tacite reconduction, de sorte que la société Gifi devait être déboutée de sa demande en restitution des loyers, la demande reconventionnelle de la société Factum finance en paiement des loyers devant au contraire être accueillie.

S'agissant des contrats LAI 115592-02 à 04 et LAI 115593, le tribunal a constaté que ces contrats avaient étaient résiliés sans restitution du matériel loué, de sorte que, conformément aux stipulations contractuelles, une indemnité équivalente au montant des loyers était due par la société Gifi. Le tribunal a toutefois considéré que cette stipulation s'analysait en une clause pénale dont le montant était manifestement excessif au regard de la forte obsolescence du matériel loué dont la valeur résiduelle à l'échéance est faible, et a diminué les montants.

S'agissant des contrats LAK 128293 et LAL 048704, contrats de locations financières avec option d'achat, le tribunal a constaté que le premier avait été régulièrement résilié et a fixé le montant de l'indemnité de fin de contrat et que le second avait été résilié sans respecter le délai de préavis de sorte que le contrat avait été renouvelé pendant une année par tacite reconduction.

*

La société Factum finance a interjeté appel de ce jugement le 12 octobre 2016.

En ses dernières écritures transmises par voie électronique le 9 mai 2017, l'appelante demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

statuant à nouveau, à titre principal,

- constater que la société Factum finance et la société Gifi ont conclu une transaction le 1er juillet 2014,

en conséquence,

- déclarer irrecevable la société Gifi en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Gifi à verser à la société Factum finance l'indemnité transactionnelle convenue d'un montant de 53.631,60 euros TTC,

- condamner la société Gifi à verser à la société Factum finance la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Carlo Alberto Brusa, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- déclarer la société Gifi irrecevable en sa demande de voir jugée la clause 9.2 des contrats de location non écrite,

- condamner la société Gifi à verser à la société Factum finance les sommes suivantes jusqu'à restitution des matériels au stock de la société Factum finance chez [adresse] :

* pour le contrat LAI 115592-01 la somme de 149.125,20 euros TTC arrêtée au 30 novembre 2017, date à laquelle la résiliation du contrat sera effective, montant qui sera à parfaire à hauteur de 3.637,20 euros par mois à compter du 30 novembre 2017,

* pour le contrat LAI 115592-02 la somme de 77.316 euros TTC arrêtée au 30 avril 2017, montant qui sera à parfaire à hauteur de 2.274 euros TTC par mois à compter du 1er mai 2017,

* pour le contrat LAI 115592-03 la somme de 208.120,80 euros TTC arrêtée au 30 avril 2017, montant qui sera à parfaire à hauteur de 6.121,20 euros TTC par mois à compter du 1er mai 2017,

* pour le contrat LAI 115592-04 la somme de 454.185,60 euros TTC arrêtée au 30 avril 2017, montant qui sera à parfaire à hauteur de 13.358,40 euros TTC par mois à compter du 1er mai 2017,

* pour le contrat LAI 115593 la somme de 210.813,60 euros TTC arrêtée au 30 avril 2017, montant qui sera à parfaire à hauteur de 6.200,40 euros TTC par mois à compter du 1ermai 2017,

* pour le contrat LAK 128293 la somme de 529.040 euros TTC arrêtée au 30 avril 2017, montant qui sera à parfaire à hauteur de 15.560 euros TTC par mois à compter du 1er mai 2017,

* pour le contrat LAL 048764 la somme de 187.190,40 euros TTC arrêtée au 31 décembre 2016, montant qui sera à parfaire à hauteur de 5.505,60 euros TTC par mois à compter du 1er janvier 2017,

en tout état de cause,

- débouter la société Gifi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Gifi à verser à la société Factum finance la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société Factum finance réitère tout d'abord son exception de transaction estimant que la preuve d'un accord conclu entre les parties le 1er juillet 2014 est suffisamment rapportée par les messages électroniques échangés, quand bien même le protocole d'accord, qui a été complété d'une clause de non recours à la demande la société Gifi, n'a jamais été retourné signé par elle.

Elle soutient ensuite que les sept contrats litigieux sont des contrats de location financière simple, comportant une option d'achat portant sur une 'configuration identique' dont le prix est à définir en fonction du prix du marché, et qu'à défaut de levée d'option dans les délais prescrits, le contrat se poursuit par tacite reconduction. En cas de résiliation du contrat, le matériel doit être restitué, et à défaut de restitution, le locataire est redevable du paiement d'une indemnité équivalente au montant du loyer, qui est la contrepartie de la jouissance du matériel, lequel n'a rien de spécifique et peut être revendu ou reloué, cette stipulation ayant été analysée à tort par les premiers juges comme une clause pénale.

La société Factum finance soutient enfin que la demande de la société Gifi tendant à voir déclarer la clause stipulée à l'article 9.2 réputée non écrite est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel et en tous cas mal fondée, l'article 1171 n'étant applicable qu'aux contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016.

[*]

En ses dernières écritures transmises par voie électronique le 30 juin 2017, la société Gifi, demande à la cour de :

- confirmer la décision dont appel sur le principe de la condamnation de la société Factum finance,

- la réformer sur le surplus,

statuant à nouveau, à titre principal,

- constater qu'en concluant le contrat cadre du 28 novembre 2007, et en application de ce contrat cadre, les sept contrats de location LAI115592-01, LAI115592-02, LAI115592-03, LAI115592-04, LAK12893, LAI115593 et LAL048764 portant sur du matériel informatique adapté aux besoins spécifiques de la société Gifi, les parties ont entendu faire de la location desdits matériels totalement amortis à l'échéance du dernier loyer, un financement de l'acquisition du matériel par la société Gifi sous forme de location financière avec option d'achat,

- constater que la société Gifi, après en avoir expressément exprimé le souhait auprès de la société Factum finance, a procédé au rachat dudit matériel en réglant à cette dernière une somme forfaitaire correspondant à la valeur résiduelle dudit matériel en fin de contrat, telle que fixée dans les conditions contractuelles,

- constater que les parties avaient renoncé à se prévaloir du délai de préavis stipulé dans les contrats de location, conformément aux usages,

- constater qu'aucune transaction n'est intervenue et n'aurait pu intervenir entre les parties,

- constater qu'en tout état de cause, la société Gifi n'a jamais expressément renoncé à engager la présente action en justice,

en conséquence,

- déclarer recevable l'action introduite par elle à l'encontre de la société Factum finance,

- dire et juger que toutes les sommes perçues par cette dernière postérieurement à l'arrivée du terme des contrats LAI115592-02, LAI115592-03, LAI115592-04, LAK12893, LAI115593 et LAL048764 l'ont été de manière indue,

- condamner en conséquence la société Factum finance à régler à la société Gifi SA la somme de 1.420.881,91 euros au titre de la répétition des sommes indues, assortie des intérêts de retard à compter du jour de chaque paiement indu,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que la clause stipulée à l'article 9.2 des conditions générales de location de la société Factum finance crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

en conséquence, réputer non écrite ladite clause,

- condamner la société Factum finance à régler à la société Gifi Sala somme de 1.402.881,91 euros au titre de répétition des sommes indues, assortie des intérêts de retard à compter du jour de chaque paiement indu,

à titre très subsidiaire,

- dire et juger que la clause stipulée à l'article 9.2 des conditions générales de location de la société Factum finance est une clause pénale,

- constater que la clause prévoyant une option d'achat d'une configuration identique n'est stipulée que dans les contrats LAI115593, LAI115592-01, LAI115592-02, LAI115592-03 et LAI115592-04,

- constater que la société Factum finance a opposé une résistance abusive et injustifiée à la société Gifi en s'abstenant de solliciter la restitution des matériels objets desdits contrats et en s'abstenant de désigner un endroit de restitution,

en conséquence,

- dire et juger que la société Factum finance ne peut, du fait de sa propre faute, solliciter l'application de la clause pénale stipulée à l'article 9.2 des conditions générales de location, à défaut réduire à un euro symbolique le montant des indemnités dues en application de ladite clause,

- condamner en conséquence la société Factum finance à la répétition de toutes les sommes perçues indûment postérieurement à l'arrivée du terme des contrats LAI115592-02, LAI115592-03 et LAI115592-04, soit la somme de 1 402 880,91 euros au titre de la répétition des sommes indues, assortie des intérêts de retard à compter du jour de chaque paiement indu,

à titre infiniment subsidiaire,

- constater que la rétrocession du matériel à la société Factum finance par les établissements de crédit, à l'issue de période de location, n'a jamais été signifiée à la société Gifi,

- en conséquence, déclarer inopposable à la société Gifi la rétrocession des matériels objets des contrats de location à la société Factum finance en fin de bail,

- condamner la société Factum finance à la répétition de toutes les sommes perçues indûment postérieurement à l'arrivée du terme des contrats des contrats LAI115592-02, LAI115592-03, LAI115592-04, LAK12893, LAI115592-01, LAI115593 et LAL048764, soit la somme de 1 402 881,91 euros au titre de la répétition des sommes indues, assortie des intérêts de retard à compter du jour de chaque paiement indu,

- en tout état de cause,

- dire et juger que la société Factum finance a adopté un comportement particulièrement abusif et déloyal en s'arrogeant le droit de prélever, dans des conditions totalement irrégulières, sur le compte bancaire de la société Gifi, des sommes aux titres des loyers correspondant à la location d'un matériel dont la valeur était nulle,

- en conséquence condamner la société Factum finance à régler à la société Gifi SA la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de ce comportement abusif et déloyal,

- débouter la société Factum finance de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Factum finance à régler à la société Gifi SA la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les droits proportionnels qui seront dus à tout huissier de justice chargé de l'exécution forcée de la décision à intervenir en application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996, modifié par le décret du 8 mars 2001, et ce au même titre,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel et de première instance.

La société Gifi réfute toute transaction dont l'appelante ne rapporte pas la preuve et dont les conditions ne sont pas réunies.

Elle demande à la cour de requalifier les contrats au regard de la commune intention des parties qui était, ainsi que cela résulte clairement des stipulations du contrat cadre, de financer l'acquisition par la société Gifi de matériels informatiques spécifiques à son activité sous la forme de locations financières avec option d'achat, la valeur de ce matériel étant nulle à l'échéance du contrat, le matériel étant totalement amorti. Elle soutient qu'en cas de contradiction entre conditions particulières et contrat cadre, celui-ci prévaut et qu'il faut alors se référer à l'économie générale du contrat, la clause de rachat d'une configuration identique n'ayant guère de sens pour du matériel spécifique devenu obsolète.

L'intimée estime que le tribunal a dénaturé les termes clairs et précis du contrat cadre et prétend avoir levé l'option d'achat à l'échéance, de sorte que c'est indûment que la société Factum finance a continué à prélever des loyers alors qu'elle n'était plus propriétaire du fait du rachat dont elle avait pris acte, le non-respect du préavis contractuel étant indifférent, l'usage en la matière étant de renoncer au formalisme.

Subsidiairement, la société Gifi soutient que la clause relative à l'indemnité due en cas de non restitution du matériel loué doit être réputée non écrite, par application de l'article 1171 code civil issu de l'ordonnance du 10 février 2016, comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, le locataire devant payer l'équivalent d'un loyer pour du matériel n'ayant plus aucune valeur. Elle estime que cette demande est recevable en cause d'appel en ce qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges.

Subsidiairement, cette indemnité s'analyse en une clause pénale que la société Factum finance ne peut invoquer du fait de propre faute et de sa résistance abusive, dès lors que l'appelante s'est abstenue de solliciter la restitution du matériel et ne lui a jamais communiqué les modalités de restitution, notamment le lieu de restitution. La clause qui est manifestement disproportionnée devra à tout le moins être réduite à l'euro symbolique dès lors que le paiement des loyers n'a plus de cause après résiliation du contrat et qu'il ne peut être convenu d'une indemnité de jouissance pour un matériel dépourvu de toute valeur.

A titre infiniment subsidiaire, l'intimée fait valoir que la rétrocession du matériel litigieux par les établissements de crédit à l'appelante ne lui est pas opposable, dès lors qu'elle ne lui a jamais été signifiée.

Enfin, en tout état de cause, la société Gifi fait valoir que la société appelante a fait preuve de mauvaise foi en prélevant des sommes indues, justifiant, outre la restitution de ces sommes, le versement de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par l'intimée, tenant notamment à la perte de temps consacré au rétablissement de ses droits, à la privation injustifiée de sa trésorerie et à l'atteinte portée à sa réputation.

[*]

La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 septembre 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

S'il résulte des courriers électroniques échangés entre M. X., directeur commercial de la société Factum finance et Mme Y., assistante de direction DSI au sein de la société Gifi, que des pourparlers ont eu lieu en vue de trouver un accord pour mettre fin au litige et s'il est établi qu'à l'issue d'une réunion qui s'est tenue entre les parties le 1er juillet 2014, un protocole d'accord a été établi, lequel a été complété, à la demande de Mme Y., d'une clause par laquelle la société Factum finance renonçait à tout recours juridictionnel ultérieur, ce protocole d'accord, après transmission au service juridique de la société Gifi pour validation, n'a toutefois jamais été régularisé pour le compte de cette dernière par un représentant de la société ayant pouvoir d'accepter une transaction.

Les pourparlers n'ayant pas abouti à la conclusion d'une transaction, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception soulevée.

Il est constant que les parties ont conclu, le 28 novembre 2007, un contrat cadre de location LAI115592 portant sur la location de solutions technologiques.

Ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, aucun des sept contrats litigieux ne se présente comme étant un avenant au contrat cadre tel que prévu par l'article 3 annexe 2 du contrat LAI115592 ni ne fait référence à ce contrat. En outre, chacun de ces contrats comprend ses propres conditions générales et des conditions particulières, qui différent de celles prévues au contrat cadre, le tribunal ayant enfin relevé à juste titre que la clause figurant en première page de chacun des contrats selon laquelle « ces six pages représentent l'intégralité des engagements entre les parties contractantes. Tout écrit antérieur ou postérieur à la signature, sauf avenants dûment régularisés ne peut amender ou modifier les dites pages » exclut qu'il s'agisse de contrats d'application, de sorte que chacun de ces contrats doit être considéré de manière autonome au regard de ses propres stipulations et conditions.

Au fond, l'article 3 de l'annexe 2 des conditions particulières de chacun des contrats LAI115592-01 à 04 et LAI15593 stipulant expressément pour chacun de ces cinq contrats qu'ils ne peuvent en aucun cas être assortis d'une option d'achat, sauf possibilité pour le locataire, après avoir respecté le préavis de six mois avant le terme de la location, de demander l'achat d'une configuration identique, sous réserve qu'il ait rempli l'intégralité de ses obligations contractuelles, c'est par une exacte application de ces dispositions contractuelles qui ne nécessitent pas d'interprétation, et sans dénaturation, que le tribunal a considéré qu'il s'agissait de contrats de location financière sans option d'achat et que la société Gifi ne pouvait donc à l'échéance du contrat acquérir le matériel loué pour sa valeur résiduelle, mais tout au plus, le cas échéant, se porter acquéreur d'une configuration identique, après résiliation du contrat et restitution du matériel loué dont le caractère spécifique n'est nullement démontré s'agissant d'ordinateurs portables, de terminaux, de caisses informatiques, de scanners...

S'agissant du contrat LAI115592-01, le tribunal a constaté que la société Gifi ne justifiait pas l'avoir régulièrement dénoncé, le courrier de résiliation du 1er juillet 2010 dont elle se prévaut n'étant pas produit. L'intimée qui reconnaît, à hauteur de cour, ne pas être en mesure de produire la copie de ce courrier, ne saurait être suivie en son argumentation selon laquelle, il serait d'usage en la matière que les parties renoncent au formalisme stipulé au contrat, alors que dès le 10 novembre 2010, la société Factum finance lui indiquait, en réponse à son message électronique du 2 novembre 2010 évoquant ce courrier, que le contrat n'était pas dénoncé et qu'il était prorogé, ce qui démontre que le bailleur n'entendait pas renoncer au formalisme prévu au contrat. Ce contrat n'ayant été régulièrement dénoncé par la locataire que le 6 janvier 2017, ainsi que l'admet la société Factum finance, pour une prise d'effet au 30 novembre 2017, la société Gifi est donc redevable des loyers dus jusqu'à cette date, le contrat s'étant poursuivi par tacite reconduction en l'absence de résiliation.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Gifi de sa demande de restitution des loyers prélevés depuis le 1er novembre 2010 et en ce qu'il a condamné cette dernière au paiement des loyers échus et à échoir jusqu'à la résiliation effective du contrat, le jugement sera toutefois infirmé sur le montant, la cour étant en mesure de fixer la créance de la société Factum finance à la somme totale de 149 125,20 euros pour la période de juillet 2014 à novembre 2017.

Les contrats LAI115592-02 à 04 et LAI15593 ont tous étaient résiliés. Le délai de préavis prévu par l'article 7.3 des conditions générales a été respecté pour le contrat LAI115592-02. En ce qui concerne, les contrats LAI115592-03 et 04 le délai de préavis n'a pas été respecté. Le tribunal a toutefois exactement déduit des courriers de l'appelante en date du 29 décembre 2010 dans lesquels elle considérait que les conditions étaient réunies pour l'application de l'article 3 de l'annexe 2 ci-dessus évoqué, que celle-ci avait renoncé sans équivoque à se prévaloir du non-respect du délai de préavis, la mise en œuvre de cet article supposant en effet le respect du préavis.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que la société Factum finance devait restituer les loyers indûment prélevés après la résiliation des contrats.

La preuve de ce que la société Factum finance ait renoncé à se prévaloir du préavis contractuel s'agissant de la résiliation du contrat LAI 115593 n'est pas rapportée, alors qu'au contraire l'appelante indiquait dans un courriel du 10 novembre 2010, que la dénonciation n'était pas conforme et que le contrat était prorogé conformément à l'article 7.3.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que la résiliation n'avait pris effet qu’au 30 novembre 2011 pour ce contrat.

Le matériel loué au titre de ces contrats n'ayant pas été restitué, la société Factum finance demande l'application de la clause figurant à l'article 9.2 des conditions générales des contrats de location prévoyant dans cette hypothèse, que : « le loueur mettra en recouvrement des loyers de même montant ou calculés sur la base moyenne des loyers sur la durée du contrat en cas de loyers variables, à compter de l'échéance du contrat jusqu'à restitution effective de la solution technologique avec une durée minimum de facturation de douze mois et ce sans que le paiement redonne au locataire le bénéfice du bail ».

La société Gifi demande à ce que cette clause soit réputée non écrite en application de l'article 1171 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Cette demande qui tend à faire écarter les prétentions adverses est recevable, même formée pour la première fois en cause d'appel, conformément à l'article 564 du code de procédure civile, mais mal fondée en ce que ce texte n'est applicable qu'aux contrats conclus après le 1er octobre 2016, or les contrats litigieux ont été conclus en 2007 et 2008. C'est tout aussi vainement que la société Gifi prétend que cette clause serait contraire au principe de proportionnalité, alors que cette clause est destinée à sanctionner une inexécution contractuelle et que le locataire peut mettre fin à son application en restituant le matériel.

En revanche, c'est à bon droit que le tribunal a qualifié cette indemnité de jouissance de clause pénale, dans la mesure où, même si elle représente pour partie, pour le bailleur, une contrepartie du service dont le locataire continue de bénéficier après le terme de la location en conservant les matériels loués, elle vise également, et surtout, au regard de la perte de valeur du matériel loué, s'agissant d'un matériel à forte obsolescence, à contraindre le locataire à restituer ce matériel et constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant pour le bailleur de l'inexécution, qui s'applique du seul fait de celle-ci.

L'intimée ne peut utilement reprocher au bailleur de ne pas avoir réclamé la restitution du matériel loué et de ne pas lui avoir indiqué le lieu et les modalités de restitution, alors que l'obligation de restitution prévue à l'article 9.1 des conditions générales des contrats découle de plein droit de la survenue du terme ou de la résiliation des contrats de location, sans qu'il soit besoin de mise en demeure ou de réclamation préalable et qu'il appartenait à la locataire de s'informer du lieu de restitution.

Le tribunal a en outre exactement retenu qu'au regard de la faible valeur du matériel loué, à l'échéance du contrat, qui de surcroît est amorti fiscalement, cette indemnité est manifestement excessive, de sorte qu'il y a lieu de la réduire en application de l'article 1152 ancien du code civil et de la limiter à une année de loyers.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ses dispositions concernant les contrats LAI115592-02 à 04 et LAI15593, en ce qu'il a admis partiellement la demande de restitution formée par la société Gifi au titre de ces contrats, le dispositif du jugement étant toutefois complété en ce que les condamnations prononcées contre la société Factum finance le sont au profit de la société Gifi.

En faisant application des mêmes principes, au contrat LAI115592-01, la cour limitera la condamnation de la société Gifi, au titre de l'indemnité de jouissance, au paiement d'une somme mensuelle de 3 637,20 euros à compter du 1er décembre 2017 jusqu'à restitution effective du matériel loué et au plus tard jusqu'au 30 novembre 2018.

La demande subsidiaire de la société Gifi tendant à voit requalifier l'indemnité de jouissance en clause pénale étant accueillie, il n'y a pas lieu d'examiner ses demandes formées à titre infiniment subsidiaire.

En ce qui concerne, les contrats LAK 128293 et LAL 048764, le tribunal a retenu à bon droit, qu'il s'agit de contrats de location avec option d'achat, l'annexe 2 des conditions particulières prévoyant en effet expressément une telle option et fixant le montant de la valeur fin de contrat à 1% du montant financé. Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'obligation de restitution du matériel prévue à l'article 9.1 des conditions générales ne constitue pas un préalable à l'exercice de l'option par le locataire mais a vocation à s'appliquer à défaut d'exercice de cette option d'achat, qui porte incontestablement sur le matériel loué et non sur un matériel identique. Le tribunal ayant fait une exacte application des dispositions contractuelles, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Factum finance à restituer les montants perçus en trop et en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement d'une indemnité de jouissance.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts formée par la société Gifi sur laquelle le tribunal a omis de statuer, la cour constate d'une part qu'il ne saurait être reproché à l'appelante d'avoir tenté de rechercher une solution amiable au litige, et d'autre part que les montants indûment prélevés par l'appelante l'ont été en vertu de dispositions contractuelles dont l'application était discutée, que la demande de l'intimée en restitution de montants indûment perçus par la société Factum finance n'a été que partiellement accueillie, et qu'enfin la société Gifi a fait preuve d'une négligence certaine en ce qu'elle a notamment attendu janvier 2017 pour résilier le contrat LAI115592-01 alors qu'elle avait connaissance depuis novembre 2010 du caractère litigieux de sa résiliation.

La société Gifi ne rapportant pas suffisamment la preuve d'une faute de la société Factum finance, ni de la réalité d'un préjudice, sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

En considération de la succombance réciproque, le jugement sera confirmé en ce qu'il a compensé les dépens et rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles. Il en sera fait de même et pour le même motif en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 5 septembre 2016, sauf en ce qu'il a condamné la SA Gifi à payer à la SAS Factum finance la somme de 99.095,40 € au titre du contrat LAI 115592-01, ainsi qu'à titre de loyer la somme mensuelle de 3.670,20 € à compter d'octobre 2016 et jusqu'à restitution effective du matériel objet du contrat de location LAI 115592 01 ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

CONDAMNE la SA Gifi à payer à la SAS Factum finance la somme de 149.125,20 € (cent quarante neuf mille cent vingt cinq euros vingt centimes) au titre des loyers dus de juin 2014 jusqu'au 30 novembre 2017 au titre du contrat LAI 115592-01 ;

CONDAMNE la SA Gifi à payer à la SAS Factum finance la somme mensuelle de 3.637,20 € (trois mille six cent trente sept euros vingt centimes) au titre de l'indemnité de jouissance jusqu'à restitution effective du matériel loué au titre du contrat LAI 115592-01 et au plus tard jusqu'au 30 novembre 2018 inclus ;

Ajoutant au jugement déféré,

DIT que les condamnations prononcées contre la SAS Factum finance le sont au profit de la SA Gifi ;

DÉCLARE la demande tendant à voir réputer non écrite la clause stipulée à l'article 9.2 des conditions générales de location recevable mais mal fondée ;

DÉBOUTE la société Gifi de cette demande ;

DÉBOUTE la société Gifi de sa demande de dommages et intérêts ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter ses propres dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Minute en treize pages.