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CA COLMAR (1re ch. civ. A), 14 septembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. A), 14 septembre 2020
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 18/02802
Décision : 398/20
Date : 14/09/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/06/2018
Numéro de la décision : 398
Référence bibliographique : 5730 (appel, demande nouvelle), 6638 (prêt immobilier)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8546

CA COLMAR (1re ch. civ. A), 14 septembre 2020 : RG n° 18/02802 ; arrêt n° 398/20 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Madame Y. demande à la cour d'annuler la clause relative à la stipulation d'intérêts en développant des moyens qu'elle n'avait pas invoqués devant le tribunal de grande instance. Elle fait en effet valoir que la banque, en appliquant la stipulation de calcul des intérêts sur 360 jours avait pour conséquence de faire application d'un taux d'intérêts différent du taux contractuel, au détriment de l'emprunteur, que la banque n'appliquait pas une base de 30 jours conformément au contrat mais de 30,4375 jours, soit 365,25 jours et que la durée de période retenue pour le calcul du taux de période prévu à l'article R. 313-1-II du code de la consommation n'est pas précisé.

Madame Y. qui demande que soit annulée la stipulation d'intérêts, comme devant le premier juge, ne formule pas de nouvelles prétentions devant la cour.

Elle demande également qu'il soit jugé que la clause de stipulation d'intérêts est une clause abusive qui doit être réputée non écrite.

Le caractère abusif d'une clause contractuelle peut être soulevé en tout état de cause, y compris pour la première fois devant la Cour de cassation.

Cette demande n'est en conséquence pas une prétention nouvelle.

Les demandes nouvelles présentées par Madame Y. seront déclarées recevables. »

2/ « La stipulation conventionnelle ne se référant pas à l'année civile ni au mois normalisé définie par l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation, et contrairement à l'argumentation de Madame Y. selon laquelle la simple présence dans l'offre d'une clause de calcul des intérêts sur. 360 jours doit être sanctionnée, il y a lieu de considérer que la référence à une année de 360 jours plutôt que de 365 n'est sanctionnée d'une part que si les intérêts ont effectivement été calculés sur la base d'une année de 360 jours et d'autre part que s'il est démontré un impact de cette référence sur le calcul des intérêts, à son détriment, d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1.

Madame Y. ne produit aucun élément de preuve en ce sens, les calculs effectués par son conseil dans le cadre de ses écritures ne pouvant, comme l'a justement relevé le premier juge, constituer la preuve requise et alors que la banque verse aux débats des analyses de calcul des taux d'intérêt des prêts et des vérifications des TEG réalisées par un cabinet indépendant dont il ressort que ni les taux d'intérêts, ni les TEG mentionnés dans l'offre du 8 février 2013 et l'acte de prêt du 28 mars 2013 ne sont affectés d'irrégularités susceptibles de justifier une sanction.

Elle ne démontre pas que la clause d'intérêts conventionnels créerait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dès lors qu'il résulte de l'analyse ci-dessus qu'elle n'est que la traduction financière du taux des intérêts conventionnels appliqué aux échéances périodiques librement négociées par les parties et qu'elle ne dissimule aucune manœuvre destinée à renchérir le coût du prêt. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 A N° RG 18/02802. Arrêt n° 398/20. N° Portalis DBVW-V-B7C-GZNB. Décision déférée à la Cour : 2 mai 2018 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

[adresse], [...], Représentée par Maître Frédérique D., avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

CAISSE D'ÉPARGNE GRAND EST EUROPE

prise en la personne de son représentant légal, [...], [...], Représentée par Maître Thierry C. de la SCP C. G./C. T./B., avocat à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 modifiée par ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 et de l'ordonnance en date du 31 mars 2020 de la Première Présidente de la Cour d'Appel de Colmar, l'affaire fixée à l'audience du 10 juin 2020 a été mise en délibéré, sans débats, les parties ne s'y étant pas opposées.

M. BARRE, Vice-Président placé, a été chargé du rapport dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. FREY, Conseiller, M. BARRE, Vice-Président placé, qui en ont délibéré.

Greffier : Mme VELLAINE

ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et prétentions des parties :

La SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance d'Alsace (Caisse d’Épargne) a adressé à Madame X. épouse Y. le 8 février 2013 une offre de prêt destiné au financement d'un investissement immobilier locatif qu'elle a acceptée le 20 février 2013, comportant :

- un « prêt primo taux fixe » sur 144 mois, hors période de préfinancement, portant sur la somme de 65.060 € au taux d'intérêt nominal fixe de 3,45 %, le TEG étant de 4,29 % pour un taux de période de 0,36 %,

- un « prêt primolis 2 phases » sur 246 mois, hors période de préfinancement, portant sur la somme de 84.940 € au taux d'intérêt nominal fixe de 3,95 %, le TEG étant de 4,43 % pour un taux de période de 0,37 %,

- un « crédit in fine TVA » sur 24 mois, hors période de préfinancement, portant sur la somme de 27.600 € au taux d'intérêt nominal fixe de 3,05 %, le TEG étant de 4,32 % pour un taux de période de 0,36 %.

Par acte authentique du 28 mars 2013 Maître G., notaire à [ville W.], a reçu le contrat de prêt conclu entre la Caisse d’Épargne et Madame Y.

Par assignation délivrée à la Caisse d’Épargne le 7 mars 2016, Madame Y. a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de nullité des clauses de stipulation des intérêts conventionnels de l'offre de prêt et subsidiairement la déchéance de la banque de son droit à intérêts du fait d'erreur dans le calcul de la base des intérêts conventionnels et du TEG.

Par jugement du 2 mai 2018, le tribunal de grande instance de Strasbourg a déclaré irrecevables les demandes en nullité des stipulations d'intérêts conventionnels contenues dans l'offre de prêt émise le 8 février 2013 par la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance d'Alsace, a débouté Madame Y. de toutes ses autres demandes, a condamné Madame Y. à payer à la Sa Caisse d’Épargne et de Prévoyance d'Alsace une indemnité de 2.500 € au titre des frais irrépétibles et a condamné Madame Y. aux entiers dépens.

Le premier juge a notamment retenu que l'irrégularité affectant un taux conventionnel et/ou un TEG stipulé dans une offre de prêt immobilier est par application des dispositions du code de la consommation exclusivement sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts et non la nullité.

Il a jugé que Madame Y., sur qui repose la charge de la preuve du caractère erroné d'un taux d'intérêt conventionnel et d'un TEG, ne produisait aucun élément en ce sens et que les analyses produites par la Caisse d’Épargne montraient que l'offre de prêt n'était affectée d'aucune irrégularité susceptible de justifier la moindre sanction.

[*]

Madame Y. a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 22 juin 2018.

Dans ses dernières conclusions en date du 18 juin 2019, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, elle conclut à la réformation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau :

« 0.0 dispositif additionnel : les demandes liées aux opérations calculées du prêteur et au taux effectif global

- rappeler que le taux de période doit être obtenu par application de la méthode des intérêts composés au sens des dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation,

- que l'application d'une méthode unique de calcul sur tout le territoire de l'Union revêt une importance essentielle :

- que le prêteur qui n'a opéré son calcul à partir de la valeur d'une suite de termes en progression géométrique mis en facteur commun, mais d'une valeur non comptée pour la durée totale du crédit, mais seulement sur celle de la durée de l'amortissement amputée de celle de la période de différé prévue par l'offre de crédit, a donné communication à l'emprunteur d'un taux qui n'est pas un taux effectif global, calculé conformément aux dispositions des articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation,

- qu'à défaut de communication d'un TEG, l'émetteur de l'offre n'est pas en droit de percevoir des intérêts excédant le taux des intérêts fixé par la loi,

Par ces motifs

0. Les demandes tirées de la non-exécution du contrat par le prêteur

Juger que le prêteur qui n'exécute pas le contrat, ni en ce qui concerne le taux des intérêts qu'il applique, ni en ce qui concerne la période de calcul des intérêts entre deux échéances de paiement, ne peut prétendre à plus que l'intérêt légal, faute de fondement contractuel à la perception des intérêts à un autre taux que ce lui que prévoit la loi ; Ordonner le retour à l'intérêt légal, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de l'intérêt légal,

1. Les demandes en déclaration de clauses non écrites Rappeler que la demande en déclaration de clause non écrite n'est pas une demande en annulation, et n'est pas enserrée dans des délais particuliers, le déséquilibre causé au préjudice du consommateur étant actuel en se plaçant au moment auquel le Tribunal a été saisi ;

Juger que les informations données à l'emprunteur sur le coût total de la dette par l'offre de crédit immobilier critiquée devant la Cour sont incomplètes, incompréhensibles et ambiguës, créant un déséquilibre significatif au détriment d'un consommateur profane normalement vigilant et que, privé par conséquent d'informations adéquates sur les caractéristiques essentielles de l'opération de crédit proposée, il n'a pas valablement consenti au coût global du prêt ni à l'obligation la dette,

Juger spécialement que le recours à un diviseur de marché financier de 360 jours pour calculer les intérêts produits par l'amortissement crée un déséquilibre manifeste au détriment du consommateur puisqu'il renchérit le coût du crédit à l'insu de l'emprunteur ; Déclarer cette stipulation abusive, et partant, non écrite ; Ordonner que l'amortissement du capital mis à disposition sera poursuivi, sans qu'il y ait lieu à substitution d'un autre taux d'intérêt, la stipulation étant non écrite ; Ordonner l'émission d'un nouveau tableau d'amortissement des sommes mise à la disposition de l'emprunteur, sur la durée conventionnelle de l'amortissement expurgé des conséquences des stipulations abusives, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de l'intérêt légal ;

2. Les demandes en nullité tirées du vice du consentement de l'emprunteur, et en restitution juger subsidiairement que la stipulation d'intérêts conventionnels est nulle ; Ordonner le retour à l'intérêt légal, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de l'intérêt légal ;

3. Les demandes en déchéance juger enfin que faute d'avoir intégré au calcul du taux effectif global les coûts exacts de la dette, charges auxquelles le prêteur a subordonné l'octroi du crédit, la déchéance des intérêts sera également prononcée, taux auquel l'intérêt au taux légal applicable pour l'année au cours de laquelle est intervenue l'acceptation de l'offre, sera substitué, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de l'intérêt légal ;

Condamner en tout état de cause la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe à payer à Mme G. épouse M. la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Condamner la Caisse d’Épargne aux entiers dépens de première instance et d'appel ».

A l'appui de ses demandes, elle fait notamment valoir que la clause contractuelle selon laquelle les intérêts étaient calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours est nulle, les intérêts perçus étant plus élevés lorsque le taux d'intérêts contractuels s'applique selon cette formule et non sur une base de 365 jours, à l'unique bénéfice du créancier. Elle précise que la nullité est d'autant plus encourue que cette clause incompréhensible pour le consommateur doit être qualifiée d'abusive puisqu'elle crée un déséquilibre à son détriment, que la clause relative au calcul des intérêts a pour conséquence d'appliquer un taux d'intérêt différent de celui fixé dans l'offre de prêt, que le calcul des intérêts ne se fait pas sur la base contractuelle non conforme à la loi mais sur une base de 30,4375 jours de sorte que la banque n'a appliqué ni la loi, ni le contrat et que la durée de période retenue pour le calcul du taux de période prévu à l'article R. 313-1-II du code de la consommation n'est pas précisé dans l'offre.

Elle expose également que le calcul du TEG est erroné car la banque n'a pas respecté les règles de calcul du code de la consommation et n'a pas tenu compte de la période de préfinancement prévue dans chacun des prêts de l'offre et se réfère à des notes de calcul incluses dans ses conclusions. Elle indique que la sanction de l'inexactitude du TEG dans un acte de prêt est la nullité de la stipulation d'intérêts. Subsidiairement elle demande que la déchéance des intérêts soit prononcée.

[*]

La Caisse d’Épargne a constitué intimée le 6 juillet 2018.

Dans ses dernières conclusions du 20 septembre 2019, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, elle demande à la cour de rejeter l'appel formé, comme étant irrecevable et non fondé, de confirmer le jugement entrepris, de rejeter toutes prétentions adverses, de déclarer les demandes adverses tant irrecevables qu'infondées, en tout état de cause de débouter l'appelante et de condamner Madame Y. aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu'au versement d'un montant de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que Madame Y. forme pour la première fois devant la cour des demandes qui sont dès lors irrecevables.

Elle expose par ailleurs que la demande de nullité de la stipulation contractuelle d'intérêt du crédit immobilier est irrecevable, la seule sanction prévue par les dispositions issues de la loi Scrivener étant la déchéance du droit aux intérêts.

Sur le fond elle relève que la clause critiquée est une clause de rapport financier et que les intérêts conventionnels durant la phase d'amortissement sont calculés sur l'année civile complète, soit 365 jours conformément aux règles légales.

Elle précise qu'il appartient à Madame Y. de rapporter la preuve de son non-respect aux dispositions du code de la consommation, ce qu'elle ne fait pas, les calculs établis par son conseil n'ayant aucune valeur probante. Elle indique produire une analyse du cabinet Primact sur les intérêts conventionnels et le TEG selon laquelle il y a une parfaite adéquation entre les chiffres indiqués dans l'offre, les tableaux d'amortissement fournis et un calcul basé sur les dispositions légales et réglementaires et un calcul sur la base d'une année civile.

Sur le calcul du TEG, elle expose qu'il n'y a pas lieu à intégration des intérêts de la période de préfinancement, à défaut de connaître la durée de la période de préfinancement dont la maîtrise appartient à Madame Y. et qu'au surplus une telle intégration de la période de préfinancement dans le TEG ne vient pas augmenter mais au contraire minorer le TEG, ce qui est en faveur de l'emprunteur. Elle remarque que Madame Y. ne calcule pas le TEG qui aurait dû être indiqué dans l'offre de prêt et qu'elle ne justifie d'aucun préjudice.

Elle fait valoir que la stipulation d'intérêts ne peut être qualifiée d'abusive à défaut de déséquilibre significatif entre le consommateur et le professionnel, étant constant que Madame Y. n'a subi aucun préjudice du fait de l'application de la clause contractuelle litigieuse.

Enfin, elle précise que s'il était retenu à son encontre une erreur au détriment de Madame Y. dans le calcul des échéances d'intérêts, il devra être considéré que l'erreur reprochée est intervenue non au stade de la conclusion du prêt mais au cours de son exécution ; ainsi, la sanction de la nullité serait injustifiée. Elle relève que s'agissant d'une mauvaise exécution du contrat, l'erreur ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil et que Madame Y. ne justifie pas d'une faute, ni d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

[*]

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 29 mai 2020 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 10 juin 2020, puis, à cette date, conformément à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, l'affaire a été mise en délibéré sans débat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

À titre liminaire :

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir « rappeler », « constater » ou « dire et juger » en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

 

Sur la recevabilité des demandes nouvelles présentées par Madame Y. pour la première fois à hauteur d'appel :

La Caisse d’Épargne expose que Madame Y. formule pour la première fois devant la cour des demandes qui sont dès lors irrecevables.

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Conformément à l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si le fondement juridique est différent.

Madame Y. demande à la cour d'annuler la clause relative à la stipulation d'intérêts en développant des moyens qu'elle n'avait pas invoqués devant le tribunal de grande instance.

Elle fait en effet valoir que la banque, en appliquant la stipulation de calcul des intérêts suR. 360 jours avait pour conséquence de faire application d'un taux d'intérêts différent du taux contractuel, au détriment de l'emprunteur, que la banque n'appliquait pas une base de 30 jours conformément au contrat mais de 30,4375 jours, soit 365,25 jours et que la durée de période retenue pour le calcul du taux de période prévu à l'article R. 313-1-II du code de la consommation n'est pas précisé.

Madame Y. qui demande que soit annulée la stipulation d'intérêts, comme devant le premier juge, ne formule pas de nouvelles prétentions devant la cour.

Elle demande également qu'il soit jugé que la clause de stipulation d'intérêts est une clause abusive qui doit être réputée non écrite.

Le caractère abusif d'une clause contractuelle peut être soulevé en tout état de cause, y compris pour la première fois devant la Cour de cassation.

Cette demande n'est en conséquence pas une prétention nouvelle.

Les demandes nouvelles présentées par Madame Y. seront déclarées recevables.

 

Sur la recevabilité des demandes en nullité :

Madame Y. forme dans le dispositif de ses écritures une demande en nullité tirée du vice du consentement de l'emprunteur et subsidiairement de la stipulation d'intérêts conventionnels en se référant dans les motifs de ses écritures à différents arrêts de la cour de cassation qui concernent des actes de prêt.

Il est constant en l'espèce que la Caisse d’Épargne a édité une offre de prêt transmise à Madame Y. le 8 février 2013 acceptée le 20 février 2013 et qu'un acte de prêt a été reçu par maître G., notaire, le 28 mars 2013.

Comme l'a jugé le premier juge, l'absence dans l'offre de prêt de la mention du taux effectif global ou l'erreur l'affectant en méconnaissance de l'article L. 312-8 du code de la consommation dans sa version applicable au litige est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, conformément à l'article L. 312-33 du code de la consommation.

Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-2 du code de la consommation dans sa version applicable au litige le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt.

Pour les contrats souscrits postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.

Il est constant que, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur, il y a lieu de retenir qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Ainsi la demande de nullité tirée de l'irrégularité affectant le taux d'intérêts contractuel et le TEG est irrecevable

 

Sur l'absence d'exécution du contrat par le prêteur :

Sur le taux d'intérêts :

Madame Y. fait valoir que « le calcul des intérêts opéré par la banque sur une année de 360 jours aboutit à majorer insidieusement le taux des intérêts conventionnels de [5/360 X le taux conventionnel]. En l'espèce, la cour est invitée à vérifier qu'en effet, le taux des intérêts réellement opéré et réglé par l'emprunteur n'est pas de 3,45 % l'an mais de 3,50 % l'an […] impliquant une « sous-estimation » au détriment de l'emprunteur au taux conventionnel des intérêts de 0,05 % ».

Elle expose en conséquence que le prêteur n'a pas appliqué le taux d'intérêts conventionnel et demande l'application de l'intérêt légal et le remboursement par la Caisse d’Épargne des sommes perçues en sus de l'intérêt légal.

A supposer que le calcul opéré par Madame Y. pour parvenir à ce résultat soit pertinent, ce qui n'est pas démontré, force est de constater que le surcoût allégué est inférieur à la décimale prescrite pour les TEG conformément à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en l'espèce.

La demande de Madame Y. sera dès lors rejetée.

 

Sur la période de calcul des intérêts entre deux échéances de paiement :

Madame Y. expose que la période de calcul des intérêts ne serait pas de 360 jours conformément à la stipulation d'intérêts. Elle précise, se référant à l'expertise faite par monsieur V. à la demande de la Caisse d’Épargne, que le calcul des intérêts s'opérerait sur une base de 365,25 jours et non pas de 360 jours comme stipulé dans l'offre ou de 365 jours conformément à la loi.

Cependant, l'expert démontre par un exemple, que le taux de période calculé en multipliant le taux d'intérêt conventionnel annuel par 30,4375 jours et en le divisant par 365,25, est équivalent aux deux autres bases de calcul (30/360 et 30,416/365), de sorte que la prétendue violation des termes du contrat invoquée par Madame Y. est inexistante.

La demande de Madame Y. de ce chef sera rejetée.

 

Sur les informations données à l'emprunteur et le caractère abusif de la clause de calcul des intérêts :

L'offre prêt est constituée des caractéristiques du prêt et de la fiche européenne d'information standardisée synthétisant lesdites caractéristiques du prêt ainsi que son coût.

Ces informations sont claires et permettent à l'emprunteur de connaître le coût de l'opération.

Madame Y. ne rapporte pas la preuve selon laquelle les informations données sur le coût du crédit seraient incomplètes, incompréhensibles et ambiguës et créant un déséquilibre significatif à son détriment.

Madame Y. fait par ailleurs valoir que la clause de calcul des intérêts sur 360 jours doit être qualifiée de clause abusive au sens du droit de l'Union Européenne et plus précisément de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

Il est précisé, en pages 2/15 et 3/15 de l'offre de prêt soumise à Madame Y. le 8 février 2013, que les intérêts conventionnels sont calculés, tant durant la phase de préfinancement que durant la phase d'amortissement, sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un trimestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours.

La clause est claire et dénuée d'ambiguïté.

Par application combinée des articles 1907 alinéa 2 du code civil, et des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction et leur codification applicable en l'espèce, il est admis que le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans le prêt consenti à un consommateur ou un non professionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile.

Les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, concernent le taux effectif global, l'article R. 313-1 du code de la consommation comportant une annexe qui précise que l'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fraction d'années, qu'une année compte 365 jours, ou pour les années bissextiles 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés, un mois normalisé comptant 30,41666 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non.

La stipulation conventionnelle ne se référant pas à l'année civile ni au mois normalisé définie par l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation, et contrairement à l'argumentation de Madame Y. selon laquelle la simple présence dans l'offre d'une clause de calcul des intérêts sur. 360 jours doit être sanctionnée, il y a lieu de considérer que la référence à une année de 360 jours plutôt que de 365 n'est sanctionnée d'une part que si les intérêts ont effectivement été calculés sur la base d'une année de 360 jours et d'autre part que s'il est démontré un impact de cette référence sur le calcul des intérêts, à son détriment, d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1.

Madame Y. ne produit aucun élément de preuve en ce sens, les calculs effectués par son conseil dans le cadre de ses écritures ne pouvant, comme l'a justement relevé le premier juge, constituer la preuve requise et alors que la banque verse aux débats des analyses de calcul des taux d'intérêt des prêts et des vérifications des TEG réalisées par un cabinet indépendant dont il ressort que ni les taux d'intérêts, ni les TEG mentionnés dans l'offre du 8 février 2013 et l'acte de prêt du 28 mars 2013 ne sont affectés d'irrégularités susceptibles de justifier une sanction.

Elle ne démontre pas que la clause d'intérêts conventionnels créerait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dès lors qu'il résulte de l'analyse ci-dessus qu'elle n'est que la traduction financière du taux des intérêts conventionnels appliqué aux échéances périodiques librement négociées par les parties et qu'elle ne dissimule aucune manœuvre destinée à renchérir le coût du prêt.

La demande de Madame Y. sera rejetée.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Madame Y. demande que la déchéance des intérêts soit prononcée pour notification d'un TEG inexact, faute de prise en compte de la durée du préfinancement pour sa durée maximum.

Aux termes de l'article L. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date du contrat, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. Doivent ainsi être pris en compte dans le calcul du TEG les frais ayant conditionné l'octroi du crédit.

L'article L. 312-2 du même code mentionne que le taux effectif global ainsi déterminé doit être mentionné dans tout contrat de prêt.

L'article R. 313 du même code précise que pour les prêts mentionnés à l'article L. 312-2, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.

Il appartient à l'emprunteur qui se prévaut d'une erreur dans le calcul du taux effectif global de rapporter la preuve d'une telle erreur, qui doit conduire à modifier le résultat du calcul du taux effectif global stipulé dans l'offre de prêt au-delà du seuil légal prescrit par l'article R. 313-1, ancien du code de la consommation, c'est à dire entraîner un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans le contrat.

Conformément aux dispositions spéciales de l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige, l'irrégularité affectant le TEG est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Madame Y. expose que les intérêts durant la période de préfinancement prévue dans le cadre du prêt doivent entrer dans le calcul du TEG.

Si les intérêts de la période de préfinancement, qui a une durée maximale connue pour chacune des tranches du prêt, doivent être retenus dans le cadre du calcul du TEG puisqu'étant liés à l'octroi du prêt, l'absence de leur intégration dans ce calcul ne permet pas de conclure à une majoration systématique du TEG eu égard à l'allongement de la durée du prêt.

Force est de constater que Madame Y. ne rapporte pas la preuve du TEG prenant en compte la période de préfinancement et de ce que l'erreur aurait entraîné un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans le prêt, les calculs effectués par son conseil ne pouvant constituer la preuve requise.

La demande de Madame Y. sera dès lors rejetée.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Madame Y., qui succombe, a été condamnée à bon droit aux dépens de première instance et seront condamnés aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de Madame Y. une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 1.000 € au profit de la Caisse d’Épargne, en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

Il n'y a pas lieu de faire application de ce texte à son profit.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare recevables les prétentions nouvelles formées par Madame Y. devant la cour,

Rejette les demandes de Madame Y.,

Condamne Madame Y. aux dépens d'appel,

Condamne, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Madame Y. à payer à la Sa Caisse d’Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe la somme de mille euros (1.000 €),

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Madame Y.

La Greffière :                                               la Présidente :