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CA POITIERS (1re ch. civ.), 15 septembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (1re ch. civ.), 15 septembre 2020
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 1re ch. civ.
Demande : 18/02868
Décision : 20/388
Date : 15/09/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 17/09/2018
Numéro de la décision : 388
Référence bibliographique : 5985 (protection inapplicable à une action délictuelle), 6084 (clause exonérant du devoir de conseil), 6426 (responsabilité du notaire)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8553

CA POITIERS (1re ch. civ.), 15 septembre 2020 : RG n° 18/02868 ; arrêt n° 388 

Publication : Jurica

 

Extrait (motifs du jugement) : « - préalablement à l'acte de vente du 28 septembre 2007, il est établi que Maître Y. n'a pas sollicité de certificat d'urbanisme auprès de la mairie de [ville S.]. Il est en effet indiqué dans l'acte, au paragraphe URBANISME : « Attendu la nature, la situation et la destination de ce bien, le nouveau propriétaire déclare s'être renseigné personnellement auprès des services compétents sur les dispositions d'urbanisme applicables. Il dispense le Notaire soussigné de produire un certificat ou une Note d'Urbanisme en le déchargeant, ainsi que l'ancien propriétaire de toutes responsabilités à ce sujet. - il s'agit bien d'une clause exonératoire de responsabilité, prohibée en matière délictuelle. En outre, les notaires ne peuvent pas inclure dans les actes qu'ils établissent une quelconque disposition en leur faveur. Il en est ainsi d'une clause déchargeant le notaire de sa propre responsabilité professionnelle. En aucun cas, la clause susvisée ne démontre que la défenderesse a satisfait à son obligation de conseil et a suffisamment attiré l'attention de l'acquéreur sur l'obligation d'obtenir les renseignements liés à l'urbanisme. Maître Y. ne peut donc se prévaloir de cette clause pour se dégager de toute responsabilité. »

Extrait (arguments de l’appelante) : « - la clause exonératoire de responsabilité est nulle. En effet, les obligations qui sont imposées aux notaires trouvent directement leur source dans la loi, et non dans le contrat qui pourrait les lier à leur client. La conséquence en est que la responsabilité du notaire, même à l'égard de son client et même lorsqu'il intervient sans mission d'authentification, n'est pas en principe contractuelle mais délictuelle.

En droit, si les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité sont autorisées en matière contractuelle, elles sont totalement prohibées en matière délictuelle. Dans le domaine de la responsabilité notariale, les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité sont nulles, d'une nullité d'ordre public. Le notaire ne peut ainsi, par une clause insérée à l'acte, se dispenser d'accomplir les vérifications élémentaires ou les formalités de publicité obligatoires.

- à titre strictement subsidiaire, s'il était considéré que la responsabilité du notaire est de nature contractuelle, il y a lieu de déclarer ladite clause réputée non écrite, au visa de l'ancien article L.132-1 du Code de la consommation, en ce qu'elle créée un déséquilibre significatif entre les parties et anéantit l'obligation de vérification et de conseil du Notaire à l'égard de son client.

En sa qualité de profane, Mme X. ignorait la portée d'une telle clause. »

Extrait (arguments du notaire intimé) : « - Mme X. est malvenue de reprocher à Maître Y. de ne pas avoir opéré des vérifications particulières, alors qu'elle l'avait très clairement, et expressément, dispensée d'effectuer ces vérifications. - cette mention à l'acte constitue seulement la preuve que l'attention des parties a été attirée sur la nécessité d'obtenir des renseignements d'urbanisme, et que nonobstant cette information, les parties ont dispensé le notaire d'entreprendre des recherches à ce sujet. Le tribunal s'est mépris en considérant que cette clause constituerait une clause d'exonération de responsabilité.

- elle ne pourrait être déclarée non écrite au motif qu'elle créerait « un déséquilibre significatif entre les parties », d'autant que, de toute évidence, le notaire instrumentaire n'est pas partie à l'acte qu'il a reçu. »

Extrait (motifs de l’arrêt) : « Il est tenu dans ce cadre à un devoir de conseil et engage sa responsabilité délictuelle s'il commet une faute dans l'exercice de ses fonctions d'officier ministériel. La responsabilité du notaire est une responsabilité pour faute prouvée, ayant généré un préjudice en lien de causalité avec la faute commise. Cette responsabilité ne présente pas un caractère subsidiaire et sa mise en jeu n'est pas subordonnée à une poursuite préalable contre d'autres débiteurs, dès lors que la faute personnelle du notaire est recherchée. […] 

Il apparaît que l'acte de vente du 26 septembre 2007 porte la mention suivante : « URBANISME : Attendu la nature, la situation et la destination de ce bien, le nouveau propriétaire déclare s'être renseigné personnellement auprès des services compétents sur les dispositions d'urbanisme applicables. Il dispense le Notaire soussigné de produire un certificat ou une Note d'Urbanisme en le déchargeant, ainsi que l'ancien propriétaire de toutes responsabilités à ce sujet. »

Les termes précis de cette clause tendent à décharger le notaire de sa responsabilité professionnelle, ce dont Maître Y. ne peut toutefois se prévaloir dans le cadre de l'engagement de sa responsabilité délictuelle, étant rappelé, avec le premier juge, que par les dispositions de l'article 2 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires, ceux-ci ne peuvent inclure dans les actes qu'ils établissent une quelconque disposition en leur faveur. Il en est ainsi d'une clause déchargeant le notaire de sa propre responsabilité professionnelle.

En dépit des déclarations à l'acte de Mme X., l'absence de demande, par les soins du notaire, d'un certificat d'urbanisme afférent au bien vendu, constitue une faute commise par Maître Y., tenue à une obligation de conseil qu'elle n'a pas sur ce point respectée, s'agissant d'une prise de renseignement minimale quant à la situation du bien. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/02868. Arrêt n° 338. N° Portalis DBV5-V-B7C-FRTK. Décision déférée à la Cour : jugement du 19 juin 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON.

 

APPELANTE :

Madame X.

[...], [...], ayant pour avocat Maître Thomas R. de la SELARL G. - R. & ASSOCIES, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

 

INTIMÉS :

Maître Y.

né le [date] à [ville], [...], [...]

Société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE

[...], [...]

ayant toutes les deux pour avocat Maître Frédéric M. de la SCP M. G. B., avocat au barreau de POITIERS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 juin 2020, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Thierry MONGE, Président de Chambre, Madame Anne VERRIER, Conseiller, Monsieur Philippe MAURY, Conseiller qui a présenté son rapport, qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Suivant acte authentique en date du 28 septembre 2007, dressé par Maître Y., notaire à [ville], Mme X. a acquis des consorts Z., pour le prix de 34.500 €, « une parcelle de terre dont partie étang, et partie plantée en arbres sur laquelle se trouve une maisonnette de deux places », cadastrée section XX n° YY et située sur la commune de [...].

Début 2015, la digue intérieure de l'étang a cédé, entraînant l'évacuation de l'eau de l'étang, qui s'est intégralement vidé.

Sollicitée par Mme X. qui souhaitait effectuer des travaux de réparation de la digue et de reconstitution de l'étang, la préfecture de la Vendée, a, par courrier du 4 mai 2015, informé cette dernière que l'étang n'avait pas d'existence légale et que toute demande de réhabilitation du plan d'eau ferait l'objet d'un arrêté préfectoral de refus.

Par courrier du 23 juillet 2015, Mme X. a adressé à Maître Y. une demande d'indemnisation à hauteur de 48.000 euros, estimant que la notaire aurait dû l'informer de l'illégalité de l'étang.

Par courrier du 4 mars 2016, la société MMA, assureur de Maître Y., a proposé une indemnisation de 7.000 euros à Mme X., qui l'a refusée, et a sollicité, par courrier de son conseil du 27 juillet 2018 une somme de 40.000 euros à titre d'indemnisation définitive.

En l'absence de réponse, Mme X. a, par acte d'huissier en date du 31 mars et 3 avril 2017, fait assigner devant le tribunal de grande instance de La Roche-Sur-Yon Maître Y. et la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE, aux fins de voir engager la responsabilité professionnelle du notaire et d'être indemnisée de ses préjudices.

Elle sollicitait du tribunal, au visa des articles 1147 et suivants, 1153, 1153-1, 1154 et 1382 du code civil, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :

- dire et juger que Maître Y. a commis une faute en omettant de l'informer de l'inexistence légale du plan d'eau, élément déterminant de la vente, faute qui est à l'origine du préjudice subi du fait de l'impossibilité de reconstituer le plan d'eau,

- dire et juger qu'elle aurait renoncé à la vente du 26 septembre 2007 si le notaire avait convenablement rempli sa mission,

- dire et juger que la société MMA, en sa qualité d'assureur, doit être tenue solidairement et/ou in solidum de réparer intégralement le préjudice subi,

- en conséquence, condamner solidairement et/ou in solidum Maître Y. et la société MMA à lui payer la somme de 49.124,21 € et, subsidiairement, la somme de 32.500 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 juillet 2016 et capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,

- en tout état de cause, débouter les défenderesses de l'intégralité de leurs demandes et les condamner solidairement à lui payer une somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP G. R. et ASSOCIES.

Mme X. exposait que le notaire a manqué à son devoir de conseil et à son obligation d'information, engageant ainsi sa responsabilité délictuelle, au vu de l'acte de vente et que la clause exonératoire de responsabilité du notaire est nulle.

L'étang, représentant plus de 40 % de la superficie du bien vendu, constituait un élément déterminant de la vente.

Son préjudice est constitué par la perte d'une chance de ne pas acquérir le bien litigieux.

Subsidiairement, elle faisait valoir que le bien a perdu de la valeur à hauteur de 22.500 euros du fait de la disparition de l'étang, qui lui cause également un préjudice de jouissance important alors qu'elle avait réalisé de nombreux travaux.

Son préjudice est certain du fait de la faute commise par le notaire et que la mise enjeu de la responsabilité professionnelle de ce dernier n'est pas subordonnée à une action préalable contre les vendeurs.

Maître Y. et la société MMA, au visa de l'article 1240 du code civil, concluaient à l'absence de faute imputable au notaire, à l'absence d'un quelconque préjudice indemnisable directement lié à l'intervention du notaire et, en conséquence, au débouté de l'ensemble des demandes de Mme X.

Elles sollicitaient la condamnation de la demanderesse leur payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Maître Y. soutenait n'avoir commis aucune faute car il ne lui appartenait pas de se renseigner auprès de la préfecture concernant l'étang litigieux.

Elle faisait valoir que sa seule obligation était de solliciter un certificat d'urbanisme auprès de la mairie, formalité dont l'a dispensée l'acquéreur, ainsi que cela ressort de la clause « URBANISME » de l'acte de vente.

Elle affirmait que cette clause est valable et n'est pas entachée de nullité.

Elle ajoutait qu'au surplus, si le certificat d'urbanisme avait été établi, il n'aurait apporté aucun élément utile concernant l'étang, ainsi que cela résulte du certificat délivré le 21 avril 2017 en cours de procédure.

Elle faisait valoir que Mme X. ne démontre pas l'existence d'un préjudice indemnisable directement en lien avec son intervention et que l'irrégularité administrative de l'étang constitue un vice caché, pour lequel la demanderesse disposait d'un recours à l'encontre des vendeurs.

Elle exposait que Mme X. ne peut réclamer la restitution de l'intégralité du prix de vente et des frais d'acte sans solliciter, dans le même temps, la nullité de la vente.

Elle soutenait enfin que le fait pour Mme X. de conserver le bien immobilier en ne remettant pas en cause l'acte de vente démontre l'absence de caractère déterminant de l'étang lors de l'acquisition.

Par jugement contradictoire en date du 19 juin 2018, le tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON a statué comme suit :

« DÉBOUTE Mme X. de l'intégralité de ses demandes,

CONDAMNE Mme X. à payer à Maître Y. et à la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme X. aux dépens. »

Le premier juge a notamment retenu que :

- le notaire commettant une faute dans l'exercice de ses fonctions d'officier ministériel engage sa responsabilité délictuelle.

- il est tenu d'un devoir de conseil dans le cadre de sa mission légale d'authentification des actes et se doit ainsi d'assurer l'efficacité et la sécurité des actes qu'il instrumente notamment en procédant à toutes les vérifications utiles préalablement à l'établissement de l'acte.

- en l'espèce, aucune clause spécifique relative à l'étang litigieux n'est mentionnée dans l'acte de vente.

- l'information concernant la régularité ou l'irrégularité du plan d'eau ne pouvait être obtenue qu'auprès de la préfecture, la déclaration visée par le code de l'environnement devant être faite au préfet.

- aucune disposition légale n'impose au notaire l'obligation d'interroger la préfecture avant l'établissement d'un acte de vente immobilier, mais il lui appartient de solliciter notamment un certificat d'urbanisme auprès de la mairie du lieu où se situe le bien objet de la vente et de procéder à d'éventuelles vérifications complémentaires en cas de difficultés émanant du certificat ou signalées par les parties à l'acte.

- préalablement à l'acte de vente du 28 septembre 2007, il est établi que Maître Y. n'a pas sollicité de certificat d'urbanisme auprès de la mairie de [ville S.]. Il est en effet indiqué dans l'acte, au paragraphe URBANISME : « Attendu la nature, la situation et la destination de ce bien, le nouveau propriétaire déclare s'être renseigné personnellement auprès des services compétents sur les dispositions d'urbanisme applicables. Il dispense le Notaire soussigné de produire un certificat ou une Note d'Urbanisme en le déchargeant, ainsi que l'ancien propriétaire de toutes responsabilités à ce sujet.

- il s'agit bien d'une clause exonératoire de responsabilité, prohibée en matière délictuelle.

En outre, les notaires ne peuvent pas inclure dans les actes qu'ils établissent une quelconque disposition en leur faveur. Il en est ainsi d'une clause déchargeant le notaire de sa propre responsabilité professionnelle.

En aucun cas, la clause susvisée ne démontre que la défenderesse a satisfait à son obligation de conseil et a suffisamment attiré l'attention de l'acquéreur sur l'obligation d'obtenir les renseignements liés à l'urbanisme.

Maître Y. ne peut donc se prévaloir de cette clause pour se dégager de toute responsabilité.

- toutefois, Maître Y. verse aux débats un certificat d'urbanisme établi le 21 avril 2017 par la commune de [ville S.]. Aucune mention relative à l'étang n'apparaît sur ce dernier.

- aucun élément particulier concernant l'étang ou une autre partie du bien immobilier vendu n'a été porté à l'attention du notaire lors de la vente.

La dernière phrase du paragraphe URBANISME de l'acte indique « de son côté, l'ancien propriétaire déclare que ce bien ne fait actuellement l'objet d'aucune mesure administrative particulière pouvant porter atteinte à une paisible jouissance ».

- dans le paragraphe ENVIRONNEMENT de l'acte, il est indiqué que « LE VENDEUR déclare que le terrain vendu n'a jamais supporté une exploitation soumise à déclaration ou à autorisation dans le cadre des lois relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement ».

- aucun renseignement sur une situation particulière de l'étang n'étant en possession du notaire, il ne lui appartenait pas de faire des investigations particulières sur ce point.

- s'il peut être reproché à Maître Y. d'avoir manqué son obligation de vérification en s'abstenant de solliciter le certificat d'urbanisme, ce manquement n'a causé aucun préjudice a la demanderesse. Il n'est en effet pas établi que la production de ce certificat aurait conduit et obligé le notaire à procéder à des recherches complémentaires sur le plan d'eau litigieux.

 

LA COUR

Vu l'appel en date du 17 septembre 2018 interjeté par Mme X.

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 17 décembre 2018, Mme X. a présenté les demandes suivantes :

« Vu les articles 1147 et suivants du Code Civil,

Vu les articles 1153, 1153-1 et 1154 du Code Civil,

Vu les articles 514, 699 et 700 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article 1382 du Code Civil,

Vu les pièces produites aux débats suivant bordereau de pièces annexé aux présentes.

IL EST DEMANDE A LA COUR D'APPEL DE POITIERS DE :

DIRE ET JUGER que Maître Y., en sa qualité de notaire, a commis une faute à l'égard de Mme X. en omettant de l'informer de l'inexistence légale du plan d'eau qui constitue un élément déterminant du bien immobilier vendu par les consorts Z.,

DIRE ET JUGER que cette faute est à l'origine du préjudice subi par Mme X. qui aujourd'hui est dans l'impossibilité de reconstituer le plan d'eau de la parcelle vendue,

DIRE ET JUGER que si le notaire avait convenablement rempli sa mission, Mme X. aurait renoncé à la vente intervenue le 26 septembre 2007,

DIRE ET JUGER qu'en sa qualité d'assureur de Maître Y., la compagnie MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES doit être tenue solidairement et/ou in solidum avec son assurée de réparer intégralement le préjudice subi par Mme X.,

EN CONSÉQUENCE,

INFIRMER le Jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

A TITRE PRINCIPAL, CONDAMNER solidairement et/ou in solidum Maître Y. et la compagnie MMA IARD à verser à Mme X. la somme de 49.124,21 €,

A TITRE SUBSIDIAIRE, CONDAMNER solidairement et/ou in solidum Maître Y. et son assureur la compagnie MMA à verser à Mme X. la somme de 32.500 € se décomposant comme suit :

- 22.500 € au titre du préjudice financier afférent à la perte de valeur immobilière du bien,

- 10.000 € au titre du préjudice de jouissance,

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,

DÉBOUTER les intimées de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

DIRE ET JUGER que les sommes allouées à Mme X. en réparation de son préjudice porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée par le conseil de Mme X. datée du 27 juillet 2016,

ORDONNER la capitalisation des intérêts dus sur cet étang échus depuis plus d'une année, CONDAMNER solidairement et/ou in solidum Maître Y. et la compagnie MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à verser à Mme X. la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER solidairement et/ou in solidum Maître Y. et la compagnie MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP d'Avocats G.-R. ET ASSOCIES, Avocat aux offres de droit,

A l'appui de ses prétentions, Mme X. soutient notamment que :

- depuis sa prise de possession, Mme X. a effectué au sein de cette maison d'habitation différents travaux de rénovation pour une somme de 4.000 €.

Au tout début de l'année 2015, la digue intérieure de l'étang a cédé, ce qui a entraîné une évacuation de l'eau de l'étang, qui s'est intégralement vidé.

Les travaux nécessaires ont été chiffrés par la société G. TERRASSEMENT à la somme de 11.809,35 € TTC.

Les travaux de réfection de la digue litigieuse touchant au droit de l'environnement, Mme X. a déposé auprès du Préfet de la Vendée le 21 avril 2015 une demande aux fins d'être autorisée à procéder aux travaux de réparation, de curage et de rénovation de son plan d'eau. Par courrier du 4 mai 2015, Mme X. s'est vu refuser par la Préfecture de la Vendée l'autorisation de reconstituer son plan d'eau au motif tiré de l'absence d'existence légale de celui-ci qui n'a fait l'objet d'aucune déclaration par les anciens propriétaires comme l'exige la loi.

La reconstruction d'un barrage pour réhabiliter le plan d'eau, en l'absence d'existence légale, est soumise à une procédure de déclaration au titre de la législation sur l'eau et des milieux aquatiques en application notamment de la rubrique 3.1.1.0 mentionnée aux articles L. 214-2 et R. 214-1 du Code de l'Environnement.

Les dispositions des articles 1.A.3 et 1.C.1 de l'Arrêté du 18 novembre 2009 applicable à la législation des eaux interdisaient de voir reconstituer un plan d'eau, dès lors que cette reconstitution n'était pas justifiée par les impératifs de sécurité, de salubrité publique, d'intérêt général ou par les objectifs de maintien ou d'amélioration de la qualité des écosystèmes.

Le directeur départemental des territoires et de la mer ainsi que le chef du service d'eau, risques et nature ont donc émis un avis défavorable qui se traduira nécessairement par un arrêté Préfectoral de refus.

- le bien est évalué aujourd'hui à la somme de 14.900 € à 25.000 € net vendeur, alors que son prix d'acquisition était de 34.500 € net vendeur, au vu des avis de valeurs produits et des photographies qui démontrent les conséquences désastreuses de la perte de l'étang.

- par courrier du 10 novembre 2015, la compagnie MMA, sans dénier la responsabilité de son assurée, a sollicité des pièces complémentaires pour statuer sur la demande indemnitaire.

Mme X. s'est empressée d'adresser les justificatifs correspondants à la compagnie MMA qui, par courrier du 4 mars 2016, a contesté les indemnités sollicitées par la requérante et s'est proposée d'indemniser Mme X. à hauteur de 7.000 € pour solde de tous comptes. Aucun accord n'a pu être trouvé par la suite.

- le tribunal de grande instance, tout en reconnaissant l'existence d'une faute imputable au notaire, a refusé de retenir sa responsabilité en ne retenant pas l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi.

- l'examen attentif de l'acte aurait permis au tribunal de constater que le notaire aurait dû s'alerter sur la véracité des déclarations faites par le vendeur, ce qui l'aurait amené à procéder à des investigations complémentaires ce qui n'a pas été fait.

- l'obligation générale du notaire d'assurer la validité et l'efficacité de son acte a pour corollaire l'obligation de se renseigner et l'obligation d'information qui en découle.

Le notaire a donc le devoir de vérifier la situation de l'immeuble faisant l'objet du contrat au regard de la législation sur l'urbanisme mais également la législation sur l'environnement si la qualité du bien l'exige.

Toutefois, l'absence ou l'insuffisance des vérifications correspondantes ne peut être reprochée au notaire que s'il était en mesure de connaître ou de supposer leur importance pour les contractants.

Le notaire est tenu de vérifier par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une publicité légale aisément accessible, les déclarations qui par leur nature ou leur portée juridique conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte.

Les déclarations faites par les parties ne dispensent pas d'office le notaire d'effectuer des vérifications des éléments avancés.

Mais la responsabilité du notaire qui reçoit un acte de vente rapportant les déclarations erronées d'une partie ne peut être engagée que s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude.

Aucune faute ne peut lui être reprochée s'il n'a aucun motif de suspecter l'inexactitude des déclarations effectuées.

- en l'espèce, Maître Y., a manqué à son obligation de se renseigner en omettant de solliciter préalablement à la vente un certificat d'urbanisme qui lui aurait permis de s'assurer des caractéristiques générales du bien vendu.

- mais le notaire aurait dû poursuivre ses investigations au-delà du seul certificat d'urbanisme qui de surcroît n'a pas été sollicité.

Le paragraphe ENVIRONNEMENT de l'acte indique que « le vendeur déclare que le terrain vendu n'a jamais supporté d'exploitation soumise à déclaration ou à autorisation dans le cadre des lois relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement ».

Or, cette déclaration est totalement inexacte sur le plan juridique puisque les dispositions de l'article R. 214-53 du Code de l'Environnement applicables au 26 septembre 2007 date de signature de l'acte authentique, imposaient à tout propriétaire d'un plan d'eau de procéder à une déclaration ou à une autorisation pour les étangs détenus.

- en sa qualité de professionnel du droit immobilier, le notaire ne pouvait ignorer que la création ou l'aménagement de plans d'eau (lacs, étangs, marres, ...) ainsi que le remplissage ou la vidange des retenues relevaient des dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'environnement, en sa version applicable au jour de l'acte authentique au 26 septembre 2007, et qu'ils étaient soumis à déclaration.

- le notaire était donc nécessairement conscient qu'à défaut d'une telle déclaration, les étangs et autres plans d'eau étaient réputés comme n'ayant aucune existence légale, alors que la profession notariale est sensibilisée à ces questions d'environnement.

- l'obligation de vérification du Notaire ne porte pas seulement sur les caractéristiques urbanistiques du bien vendu mais également sur les caractéristiques environnementales. Maître Y. aurait dû émettre un doute sérieux sur les déclarations du vendeur et suspecter l'absence de déclaration. Elle avait donc l'obligation de se renseigner sur cette question particulière afin notamment d'informer l'acquéreur des risques entourant la disparition de l'étang considéré.

- situé face à la maisonnette, l'étang s'étendait sur une surface de 4.000 m² sur un terrain de 99 ares et 37 centiares, soit environ 40 % de la superficie du bien vendu. L'existence de l'étang constituait donc la principale plus-value de ce terrain.

- Maître Y. n'a effectué aucune investigation complémentaire, n'ayant pas pris la peine d'informer l'une ou l'autre des parties de cette obligation déclarative et des conséquences qui s'en suivent.

Aucune mention particulière n'est faite quant aux dispositions applicables aux étangs.

Elle aurait dû interroger les services de la Préfecture afin d'obtenir toutes les informations sur le plan d'eau considéré. Elle se serait aperçue que le plan d'eau n'avait pas d'existence légale et aurait pu ainsi alerter Mme X. de la difficulté.

- la faute du notaire dépasse largement la question du seul certificat d'urbanisme au regard des investigations complémentaires qui n'ont pas été menées.

- sur le préjudice subi, Mme X. sollicite donc l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 49.124,21 €, au titre de la perte d'une chance de renoncer à l'acquisition d'un bien, cette somme étant composée du prix de vente, des frais de mutation et des divers frais engagés sur le terrain et la maison dont les taxes foncières et d'habitations de 2008 à 2018.

- Maître Y. ayant manqué à son devoir de conseil envers Mme X., le préjudice induit par cette faute ne réside qu'en une perte de chance de ne pas avoir conclu l'opération.

- A titre subsidiaire, le préjudice de Mme X. est constitué d'un préjudice financier caractérisé par la perte sèche de la valeur immobilière dudit bien du fait de la perte de l'étang, soit la différence entre le prix d'acquisition 34.500 € et la valeur immobilière minimale à savoir 15.000 €, soit une perte sèche de 22.500 €.

A cette perte sèche s'ajoute le préjudice de jouissance subi par Mme X. du fait de la perte de l'étang, chiffré à 10.000 €.

- sur le lien de causalité, il ne peut être soutenu que Mme X. aurait dû agir préalablement à l'encontre de son vendeur pour obtenir réparation, dès lors que la responsabilité de ces professionnels ne présente pas un caractère subsidiaire.

La mise en jeu de la responsabilité du notaire n'est pas subordonnée à une poursuite préalable contre d'autres débiteurs.

- le préjudice est certain dès lors que la faute a été commise.

La Cour de cassation a retenu qu'était certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel, alors même que la victime disposerait contre un tiers d'une action née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice.

- la clause exonératoire de responsabilité est nulle.

En effet, les obligations qui sont imposées aux notaires trouvent directement leur source dans la loi, et non dans le contrat qui pourrait les lier à leur client.

La conséquence en est que la responsabilité du notaire, même à l'égard de son client et même lorsqu'il intervient sans mission d'authentification, n'est pas en principe contractuelle mais délictuelle.

En droit, si les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité sont autorisées en matière contractuelle, elles sont totalement prohibées en matière délictuelle.

Dans le domaine de la responsabilité notariale, les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité sont nulles, d'une nullité d'ordre public.

Le notaire ne peut ainsi, par une clause insérée à l'acte, se dispenser d'accomplir les vérifications élémentaires ou les formalités de publicité obligatoires.

- à titre strictement subsidiaire, s'il était considéré que la responsabilité du notaire est de nature contractuelle, il y a lieu de déclarer ladite clause réputée non écrite, au visa de l'ancien article L. 132-1 du Code de la consommation, en ce qu'elle créée un déséquilibre significatif entre les parties et anéantit l'obligation de vérification et de conseil du Notaire à l'égard de son client.

En sa qualité de profane, Mme X. ignorait la portée d'une telle clause.

- la compagnie MMA a obligation de garantie, en vertu d'un contrat n°15XXX3244M.

[*]

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 15 mars 2019, Maître Y., Notaire, et la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE ont présenté les demandes suivantes :

« Vu le bordereau de pièces fondant les prétentions de Maître Y. et de la MMA annexé aux présentes en application de l'article 954 du Code de procédure civile,

Vu la sommation contenue aux présentes tendant à la communication par Mme X. de la lettre qu'elle a adressée le 21 avril 2015 à la Préfecture de la Vendée, et à laquelle ladite Préfecture a répondu par lettre du 4 mai 2015 produite en pièce n° 3 par Mme X.

Vu l'article 1240 du Code Civil (ancien article 1382 du Code Civil),

Dire et juger que Mme X. n'établit l'existence d'aucune faute imputable à Maître Y.

Dire et juger que Mme X. n'établit l'existence d'aucun préjudice indemnisable qui serait directement lié à l'intervention de Maître Y.

Confirmer le jugement rendu le 19 juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE-SUR-YON en ce qu'il a :

- débouté Mme X. de ses demandes

- condamné Mme X. aux dépens et à payer 2.500 € à Maître Y. et aux MMA au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Ajoutant au jugement, condamner Mme X. :

- aux dépens d'appel

- à payer à Maître Y. et aux MMA une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. »

A l'appui de leurs prétentions, Maître Y., Notaire, et la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE soutiennent notamment que :

- sur l'absence de faute du notaire, si en principe celui-ci doit requérir un certificat d'urbanisme, il en avait été dispensé en l'espèce ce qui exclut qu'un manquement puisse être retenu à son endroit.

- il est constant que le notaire n'avait pas à entreprendre des investigations complémentaires.

- il n'appartient en aucune façon au notaire de requérir d'autres pièces que le certificat d'urbanisme qui est censé réunir tous éléments de police administrative qui concernent le terrain objet de la requête.

- en l'espèce, les parties, dont Mme X., ont expressément souhaité que la vente soit régularisée sans l'établissement d'un certificat d'urbanisme.

Mme X. avait indiqué avoir sollicité et obtenu les renseignements qu'elle souhaitait quant aux limitations éventuelles, en matière de police administrative, pouvant affecter le bien qu'elle souhaitait acquérir, comme l'acte l'indique :

« URBANISME

Attendu la nature, la situation et la destination de ce bien, le nouveau propriétaire déclare s'être renseigné personnellement auprès des services compétents sur les dispositions d'urbanisme applicables. Il dispense le Notaire soussigné de produire un Certificat ou une Note d'Urbanisme en le déchargeant, ainsi que l'ancien propriétaire, de toutes responsabilités à ce sujet,

De son côté, l'ancien propriétaire déclare que ce bien ne fait actuellement l'objet d'aucune mesure administrative particulière pouvant porter atteinte à une paisible jouissance. »

- Mme X. est malvenue de reprocher à Maître Y. de ne pas avoir opéré des vérifications particulières, alors qu'elle l'avait très clairement, et expressément, dispensée d'effectuer ces vérifications.

- cette mention à l'acte constitue seulement la preuve que l'attention des parties a été attirée sur la nécessité d'obtenir des renseignements d'urbanisme, et que nonobstant cette information, les parties ont dispensé le notaire d'entreprendre des recherches à ce sujet.

Le tribunal s'est mépris en considérant que cette clause constituerait une clause d'exonération de responsabilité.

- elle ne pourrait être déclarée non écrite au motif qu'elle créerait « un déséquilibre significatif entre les parties », d'autant que, de toute évidence, le notaire instrumentaire n'est pas partie à l'acte qu'il a reçu.

- Mme X., présente à la signature de l'acte, a expressément déclaré « s'être renseignée personnellement auprès des services compétents sur les dispositions d'urbanisme applicables. »

Elle ne peut reprocher au notaire instrumentaire de ne pas avoir demandé de renseignements d'urbanisme ou le certificat d'urbanisme.

- aucun manquement ne peut être retenu au regard de l'absence de délivrance, au moment de la vente, d'un certificat d'urbanisme, d'autant plus qu'il est clairement établi que même si un certificat d'urbanisme avait été obtenu à l'époque, il n'aurait pas été de nature à identifier la difficulté dont se saisit Mme X., tenant à l'absence de déclaration de l'étang, tel que cela ressort du certificat d'urbanisme obtenu en cours de procédure.

- sur l'absence de vérifications complémentaires, Mme X. estime que le notaire aurait dû être alerté par les déclarations inexactes du vendeur comme quoi « le terrain vendu n'a jamais supporté une exploitation soumise à déclaration ou autorisation dans le cadre des lois relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement ».

Or, ces déclarations ne sont pas inexactes si l'on observe ce que recouvrent les installations classées pour la protection de l'environnement, tel que le défini l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

« Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la sécurité publique, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ».

Aucune installation de ce type n'a jamais été exploitée sur le terrain acquis par Mme X.

- Maître Y. n'avait alors nulle obligation d'entreprendre des investigations complémentaires particulières, et d'interroger en particulier l'administration préfectorale.

- il a été jugé que ne peut être exigé du notaire, sauf demande des parties ou indice sérieux et précis de l'existence du recours, porté à sa connaissance, d'aller au-delà du certificat d'urbanisme. En l'espèce, aucun des éléments en possession de Maître Y. n'était susceptible de lui faire douter d'une difficulté relative à l'étang litigieux.

- les documents d'information produits, qui n'ont pas été préparés par la profession notariale, ne constituent pas le droit positif et sont datés de 2017, alors que la vente a été reçue 10 ans plus tôt.

- le préjudice invoqué par Mme X. est tout à fait contestable tant dans son principe que dans son quantum.

- aucun des éléments que contient le certificat d'urbanisme obtenu en cours d'instance ne permet de suspecter une quelconque irrégularité ou difficulté relative à l'étang et d'alerter le notaire.

L'intervention du notaire, même à la supposer fautive, ce qui n'est pas le cas, n'a pu en aucune façon conduire Mme X. à une perte de chance de contracter et en toute hypothèse à subir le moindre préjudice indemnisable.

- l'action de Mme X. est indiscutablement mal dirigée. Il lui appartient de mettre en œuvre les moyens de droit dont elle dispose au vu de la situation qu'elle décrit elle-même

Or, elle n'a à ce jour toujours pas formulé la moindre réclamation à l'égard de ses vendeurs.

Un demandeur en responsabilité ne peut exciper d'un préjudice lorsque celui-ci procède de sa carence à mettre en œuvre les voies de droit qui lui sont ouvertes, d'autant que l'intervention du notaire n'était nullement fautive.

- le caractère exorbitant et clairement injustifié des demandes formulées s'évince du montant sollicité à titre principal comme à titre subsidiaire, alors que la demanderesse n'entend nullement poursuivre l'anéantissement de la vente.

La restitution totale du prix d'une vente ne constitue pas un préjudice indemnisable, et les frais de mutation ne peuvent constituer un préjudice réparable, alors que Mme X. ne poursuit pas l'anéantissement de la vente.

- soit Mme X. poursuit l'anéantissement de la vente et elle disposera de la possibilité, par application de l'article 555 du Code civil, d'obtenir le remboursement de ses frais, soit elle ne poursuit pas l'anéantissement de la vente, et alors elle conservera le fruit des améliorations qu'elle a financées et ne saurait par suite prétendre souffrir d'un quelconque préjudice à ce sujet.

- sur la demande subsidiaire, la demande relative à la perte de valeur de l'immeuble s'analyse en une restitution partielle du prix de vente.

Or, seul celui qui a perçu le prix, c'est-à-dire le vendeur, peut la supporter, la restitution totale du prix d'une vente, notamment en cas d'annulation, ne constitue pas un préjudice indemnisable.

En outre, l'éventuelle disparition de l'étang n'est pas de nature à réduire de deux tiers la valeur de la propriété qui demeure dotée de la maisonnette avec deux pièces.

Nul préjudice indemnisable ne saurait dès lors être caractérisé à hauteur de cette somme de 22.500 €.

- sur le préjudice de jouissance, Mme X. fait manifestement le choix de ne pas remettre en cause la vente, et de ne pas assigner conséquemment ses vendeurs à cet effet

La situation réelle de l'étang, telle qu'elle a été portée à sa connaissance, n'est pas de nature à la conduire à remettre en cause la vente intervenue.

La carence de Mme X. à agir contre ses vendeurs est la preuve de l'absence de toute perte de chance de ne pas acquérir le bien.

[*]

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 avril 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la responsabilité du notaire :

L'article 1382 ancien du code civil (article 1240 désormais) dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Le notaire a mission d'authentification des actes qu'il instrumente et se doit d'assurer leur efficacité et leur sécurité.

Il se doit de procéder à toutes les vérifications utiles, préalablement à l'établissement de l'acte.

Il est tenu dans ce cadre à un devoir de conseil et engage sa responsabilité délictuelle s'il commet une faute dans l'exercice de ses fonctions d'officier ministériel.

La responsabilité du notaire est une responsabilité pour faute prouvée, ayant généré un préjudice en lien de causalité avec la faute commise.

Cette responsabilité ne présente pas un caractère subsidiaire et sa mise en jeu n'est pas subordonnée à une poursuite préalable contre d'autres débiteurs, dès lors que la faute personnelle du notaire est recherchée.

En l'espèce, il apparaît que si la vente intervenue le 26 septembre 2007 portait sur une parcelle de terre dont partie en étang, Mme X. s'est vu refuser par la Préfecture de la Vendée le 4 mai 2015 l'autorisation de reconstituer son plan d'eau après que la digue ait cédé, au motif tiré de l'absence d'existence légale de celui-ci qui n'a fait l'objet d'aucune déclaration par les anciens propriétaires.

Il ressort de ce courrier que la reconstruction d'un barrage pour réhabiliter le plan d'eau en l'absence d'existence légale est soumise à une procédure de déclaration au titre de la législation sur l'eau et des milieux aquatiques en application notamment de la rubrique 3.1.1.0 mentionnée aux articles L. 214-2 et R. 214-1 du Code de l'Environnement.

Le Préfet de la Vendée a notifié à Mme X. qu'en l'absence d'existence légale, les dispositions des articles 1.A.3 et 1.C.1 de l'arrêté du 18 novembre 2009 applicable à la législation des eaux interdisaient de voir reconstituer un plan d'eau dès lors que la reconstitution du plan d'eau n'était pas justifiée par les impératifs de sécurité, de salubrité publique, d'intérêt général ou par les objectifs de maintien ou d'amélioration de la qualité des écosystèmes.

Mme X. soutient que le directeur départemental des territoires et de la mer ainsi que le chef du service d'eau, risques et nature ont donc émis un avis défavorable qui se traduira nécessairement par un arrêté préfectoral de refus.

Il apparaît que l'acte de vente du 26 septembre 2007 porte la mention suivante :

« URBANISME :

Attendu la nature, la situation et la destination de ce bien, le nouveau propriétaire déclare s'être renseigné personnellement auprès des services compétents sur les dispositions d'urbanisme applicables. Il dispense le Notaire soussigné de produire un certificat ou une Note d'Urbanisme en le déchargeant, ainsi que l'ancien propriétaire de toutes responsabilités à ce sujet. »

Les termes précis de cette clause tendent à décharger le notaire de sa responsabilité professionnelle, ce dont Maître Y. ne peut toutefois se prévaloir dans le cadre de l'engagement de sa responsabilité délictuelle, étant rappelé, avec le premier juge, que par les dispositions de l'article 2 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires, ceux-ci ne peuvent inclure dans les actes qu'ils établissent une quelconque disposition en leur faveur. Il en est ainsi d'une clause déchargeant le notaire de sa propre responsabilité professionnelle.

En dépit des déclarations à l'acte de Mme X., l'absence de demande, par les soins du notaire, d'un certificat d'urbanisme afférent au bien vendu, constitue une faute commise par Maître Y., tenue à une obligation de conseil qu'elle n'a pas sur ce point respectée, s'agissant d'une prise de renseignement minimale quant à la situation du bien.

Toutefois, étant rappelé que l'article L. 410-1 du Code de l'urbanisme dispose en effet que le certificat d'urbanisme « indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain », il ne résulte pas du certificat d'urbanisme délivré par le maire de [ville S.] le 21 avril 2017 et versé aux débats que ce certificat contienne des informations de nature à alerter le notaire quant à la situation réglementaire ou urbanistique de l'étang.

Il s'en déduit que la seule obtention d'un certificat d'urbanisme n'aurait pu, à l'époque, éveiller la vigilance du notaire et le porter à des vérifications complémentaires, d'autant que les parties à l'acte ne le sollicitaient pas.

Il est en outre indiqué à l'acte que « le vendeur déclare que le terrain vendu n'a jamais supporté d'exploitation soumise à déclaration ou à autorisation dans le cadre des lois relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement ».

Il ne peut être valablement soutenu que cette déclaration serait erronée, dès lors qu'un étang ne peut être considéré comme une installation classée pour la protection de l'environnement

L'article L. 511-1 du code de l'environnement dispose que : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la sécurité publique, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ».

Il ressort de ces dispositions que les déclarations du vendeur n'étaient relatives qu'à la présence d'une installation classée pour la protection de l'environnement, et non à la situation de l'étang.

Il ne peut être exigé du notaire, sauf demande des parties ou indice sérieux et précis de l'existence d'une difficulté relative à la situation de l'étang, d'aller au-delà du certificat d'urbanisme.

Toutefois, si ce certificat d'urbanisme n'aurait pu alerter le notaire sur l'existence d'une difficulté, il convient de relever que Mme X. indiquait seulement s'être renseignée personnellement auprès des services compétents sur les dispositions d'urbanisme applicables.

Elle ne fait pas mention d'un quelconque renseignement pris par ses soins sur les dispositions applicables en matière d'environnement.

Or, Maître Y. était pleinement informée de l'existence de l'étang, précisément mentionné à l'acte qu'elle instrumentait, étant relevé que l'étang figurait au plan cadastral.

Le notaire ne pouvait alors méconnaître l'application des dispositions de l'article L. 214-3 du code de l'environnement applicable au 26 septembre 2007 qui disposait que :

« I. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles ...

II-Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 ».

Dès lors que la simple présence de l'étang, composante du bien vendu, était connue, il existait une éventualité de difficulté que le notaire ne pouvait ignorer, liée à la nature particulière du bien soumis à autorisation administrative.

Il appartenait en conséquence à Maître Y. de procéder à des investigations minimales, notamment en interrogeant les vendeurs sur l'existence de cette autorisation, ce dont elle ne justifie pas, ainsi qu'en sollicitant l'autorité préfectorale par une demande d'information, afin de vérifier la situation administrative de l'étang, et cela en dépit des déclarations des parties, profanes et pouvant prétendre à un conseil avisé de sa part.

Il ne s'agissait pas en l'espèce de procéder à des vérifications relatives à la situation des parties elles-mêmes ou à leur capacité, en lien avec d'éventuelles déclarations erronées, mais de s'informer sur la situation juridique d'un bien soumis à autorisation administrative particulière au regard de sa nature.

Or, si à l'acte de vente figure bien un paragraphe sur l'environnement, aucune mention particulière n'est faite quant aux dispositions applicables aux étangs que l'officier ministériel ne pouvait pourtant ignorer.

En conséquence, s'il n'est pas établi que le défaut fautif d'obtention d'un certificat d'urbanisme soit en lien de causalité avec le préjudice dénoncé par Mme X., faute de la capacité de ce certificat à renseigner le notaire sur l'éventualité d'une difficulté afférente à la situation du bien composé notamment d'un étang, il est par contre démontré que Maître Y. a fautivement manqué à son devoir de conseil en ne poursuivant pas d'autres investigations, à dessein de vérifier la situation administrative de l'étang vendu.

Le jugement doit être en conséquence infirmé, la responsabilité de Maître Y. étant retenue en ce que son défaut de conseil à fait perdre à Mme X. la chance de ne pas acquérir le bien, ou du moins de l'acquérir à des conditions autres que celles définies à l'acte.

 

Sur le préjudice indemnisable :

Mme X. ne peut réclamer au notaire une somme équivalente au prix d'achat du bien dans son ensemble, ni même le remboursement des frais de mutation, dès lors que le prix de la vente ne constitue pas un préjudice indemnisable pas plus que les frais de mutation, alors que le bien est conservé effectivement par l'appelante.

Il en est de même des sommes réclamées au titre des divers frais et taxes fiscales payées régulièrement par Mme X., ces frais lui incombant au titre de sa propriété et de son occupation d'un bien constitué non seulement de l'étang mais d'un immeuble bâti et de terres.

Par contre et s'agissant de la perte importante d'une chance, il convient de fixer le montant de l'indemnisation de Mme X. au vu du prix payé pour l'ensemble et de l'agrément d'un étang à la somme de 17.000 €.

Il doit être retenu que la compagnie MMA a obligation de garantie, en vertu du contrat n°15XXX3244M souscrit par Maître Y.

En conséquence, il convient de condamner in solidum Maître Y., notaire, et la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE à verser à Mme X. la somme totale de 17.000 € à titre de dommages et intérêts.

Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt

La capitalisation des intérêts, sollicitée, est de droit.

 

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile :

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge in solidum de Maître Y., Notaire, et de la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE.

Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP d'Avocats G.-R. ET ASSOCIES, avocat.

 

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable, compte tenu des décisions ici rendues, de condamner in solidum Maître Y., notaire, et la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE à payer à Mme X. la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

CONDAMNE in solidum Maître Y., notaire, et la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE à payer à Mme X. la somme de 17.000 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

ORDONNE la capitalisation des intérêts par année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE in solidum Maître Y., notaire, et la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE à payer à Mme X. la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE in solidum Maître Y., notaire, et la société MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP d'Avocats G.-R. ET ASSOCIES, avocats.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,