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CA GRENOBLE (ch. com.), 1er octobre 2020

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (ch. com.), 1er octobre 2020
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 18/02315
Date : 1/10/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 25/05/2018
Référence bibliographique : 5953 (domaine, contrats de télésurveillance), 5889 (domaine, contrat conclu hors établissement)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8581

CA GRENOBLE (ch. com.), 1er octobre 2020 : RG n° 18/02315 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il n'est pas discuté et résulte des mentions du contrat que ce dernier a été signé le 31 août 2016, dans les locaux de la société Pontoise Automobiles.

Cette dernière exploite un fonds de carrosserie et réparations automobiles et justifie d'un effectif de 5 salariés.

Il apparaît qu'elle se livre également à une activité de commercialisation de véhicules pour une marque de constructeur.

La convention porte sur un abonnement à une prestation de télésurveillance comprenant la fourniture, l'installation et la maintenance du matériel ainsi que la télésurveillance en continu de locaux qui sont désignés par l'apposition du timbre humide de la société Pontoise Automobiles, comportant le sigle « Ford ».

Il est manifeste que le contrat a été conclu afin d'assurer la surveillance de l'établissement, de sécuriser notamment les véhicules qui s'y trouvent entreposés et donc pour les besoins de l'activité de la société Pontoise Automobiles.

Compte tenu de ce lien direct, les dispositions ci-dessus rappelées ne trouvent pas à s'appliquer et la société Pontoise Automobiles ne pouvait dénoncer le contrat en se prévalant d'un droit de rétractation. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 1er OCTOBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/02315. N° Portalis DBVM-V-B7C-JRIS. Appel d'une décision (R.G. n° 2016J622) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE, en date du 6 avril 2018, suivant déclaration d'appel du 25 mai 2018.

 

APPELANTE :

SAS ADS FRANCE

société par action simplifiée, immatriculée au RCS de Vienne sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège. [...] [...], représentée par Maître Alexia S. de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE

 

INTIMÉE :

SARL PONTOISE AUTOMOBILES

SARL immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro YYY, prise en la personne de son représentant légal en exercice ; [...], [...], représentée par Maître Jean-Damien M.-B. de la SELARL JURISTIA - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Patricia GONZALEZ, Président de Chambre, Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller, M. Lionel BRUNO, Conseiller

DÉBATS : A l'audience publique du 24 juin 2020, Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffier, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 910 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 31 août 2016, la Sarl Pontoise Automobiles a souscrit auprès de la Sas Ads France un contrat d'abonnement de télésurveillance d'une durée de 60 mois.

Par courrier du 5 septembre suivant, elle a revendiqué l'exercice du droit de rétractation prévu par l'article L. 221-18 du code consommation, ce que la société Ads France a refusé.

Le 2 novembre 2016, la société Ads France a obtenu du président du tribunal de commerce de Grenoble une ordonnance d'injonction de payer la somme principale de 4.147, 20 € qu'elle a fait signifier à la société Pontoise Automobiles par acte d'huissier du 17 novembre 2016.

Sur opposition de cette dernière du 2 décembre 2016 et par jugement du 6 avril 2018, le tribunal de commerce de Grenoble a :

- reçu l'opposition de la Sarl Pontoise Automobiles ;

- annulé l'ordonnance portant injonction de payer du président du tribunal de commerce en date du 2 novembre 2016 ;

- débouté la Sas Ads France de toutes ses demandes ;

- condamné la Sas Ads France à payer à la Sarl Pontoise Automobiles une indemnité de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sas Ads France aux dépens de l'instance.

Suivant déclaration au greffe en date du 25 mai 2018, la société Ads France a relevé appel de cette décision.

[*]

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 16 janvier 2019, la société Ads Group, venant aux droits de la société Ads France, demande à la cour de :

- réformer le jugement ;

- statuant à nouveau :

- constater que la société Pontoise Automobiles a résilié à tort le contrat par courrier du 5 septembre 2016 ;

- à titre subsidiaire :

- prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société Pontoise Automobiles ;

- en tout état de cause :

- condamner la société Pontoise Automobiles à payer à la société Ads Group les sommes suivantes :

* 4.147,20 € au titre de l'indemnité de 40 % prévue au contrat,

* 414,72 € au titre de la pénalité de 10 % sur l'indemnité de 40 % ;

- condamner la société Pontoise Automobiles à payer à la société Ads Group la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

La société Ads dénie à sa cocontractante la faculté de rétractation prévue par l'article L. 221-18 et L. 221-3 du code de la consommation au motif que ces dispositions sont inapplicables aux contrats ayant un rapport direct avec l'activité exploitée.

Elle soutient que :

- le contrat de télésurveillance avait pour finalité d'assurer la sécurité des locaux professionnels de la société dans lesquels elle conserve les véhicules de ses clients. ;

- en application des dispositions contractuelles, la résiliation par l'abonné lui ouvre droit au bénéfice d'une indemnité constituée des mensualités à échoir majorées de 10 %.

[*]

Au terme de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2018, la société Pontoise Automobiles entend voir :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que la société Pontoise Automobiles disposait d'un droit de rétractation de son engagement contractuel formalisé dans les 14 jours de la conclusion du contrat ;

- dire et juger nulle et non avenue la convention conclue le 31 août 2016 ;

- débouter la société Ads France de l'intégralité de ses prétention, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Pontoise Automobiles ;

- à titre subsidiaire :

- dire et juger, en tout état de cause, que la société Pontoise Automobiles n'a nullement été mise en demeure d'exécuter les obligations contractées par son engagement du 31 août 2016, ni mise en demeure de payer une indemnité de résiliation ;

- débouter la société Ads France de l'intégralité de ses prétentions fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Pontoise Automobiles

- condamner la société ADS France à payer à la société Pontoise Automobiles une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Pontoise Automobiles se prévaut des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation offrant aux professionnels une faculté de rétractation de leurs engagements souscrits à l'occasion d'un démarchage.

Elle soutient que :

- elle employait cinq salariés en 2016 ;

- elle a été démarché par la société Ads ;

- le contrat ne favorise pas le développement, ni n'assure la protection de son activité professionnelle.

[*]

A titre subsidiaire, elle estime que l'indemnisation forfaitaire contractuelle ne peut être mise en oeuvre, la résiliation par la société Ads étant irrégulière à défaut de mise en demeure préalable.

La clôture de la procédure est intervenue le 12 décembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les conditions dans lesquelles il a été formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 2 novembre 2016 ne sont pas discutées et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a accueillie et l'a mise à néant.

 

1°) Sur la faculté de rétractation :

L'article L.221-18 du code consommation prévoit que le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement.

En vertu de l'article L.221-3 du même code, ces dispositions sont applicables aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, lorsque l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Il n'est pas discuté et résulte des mentions du contrat que ce dernier a été signé le 31 août 2016, dans les locaux de la société Pontoise Automobiles.

Cette dernière exploite un fonds de carrosserie et réparations automobiles et justifie d'un effectif de 5 salariés.

Il apparaît qu'elle se livre également à une activité de commercialisation de véhicules pour une marque de constructeur.

La convention porte sur un abonnement à une prestation de télésurveillance comprenant la fourniture, l'installation et la maintenance du matériel ainsi que la télésurveillance en continu de locaux qui sont désignés par l'apposition du timbre humide de la société Pontoise Automobiles, comportant le sigle « Ford ».

Il est manifeste que le contrat a été conclu afin d'assurer la surveillance de l'établissement, de sécuriser notamment les véhicules qui s'y trouvent entreposés et donc pour les besoins de l'activité de la société Pontoise Automobiles.

Compte tenu de ce lien direct, les dispositions ci-dessus rappelées ne trouvent pas à s'appliquer et la société Pontoise Automobiles ne pouvait dénoncer le contrat en se prévalant d'un droit de rétractation.

 

2°) Sur la résiliation :

L'article 14 du contrat stipule que la convention peut être résolue par le prestataire par courrier recommandé avec accusé de réception lorsque l'abonné refuse la livraison du matériel et que l'abonné sera alors redevable d'une indemnité de 40 % du montant total ttc des mensualités contractuelles.

Cet article prévoit également une faculté de résiliation pour le prestataire après mise en demeure dans diverses hypothèses dont le défaut de paiement des redevances ou inexécution par l'abonné de l'une de ses obligations, et soumet alors l'abonné au paiement du solde ttc des mensualités restant à échoir majorées de 10 %.

Ces dispositions exigent l'envoi d'une lettre recommandée pour la validité de la résiliation à l'initiative du prestataire, mais non pour la résiliation à l'initiative de l'abonné et l'excluent expressément comme condition de la mise en œuvre de la sanction contractuelle.

Au cas particulier, l'abonnement n'a reçu aucun commencement d'exécution, la société Ads n'ayant pas procédé à la livraison du matériel de télésurveillance et la société Pontoise Automobiles ayant entendu mettre un terme à la relation contractuelle, selon les termes de ses courriers des 5 et 15 septembre 2016.

Cette résiliation unilatérale qui n'est pas fondée sur l'inexécution par la société Ads de ses obligations contractuelles revêt un caractère abusif ouvrant droit à indemnisation dans les conditions fixées contractuellement par l'article 14.

C'est donc à bon droit que la société Ads sollicite la condamnation de la société Pontoise Automobiles à lui verser 40 % du montant ttc des mensualités, soit 4.147,20 € à titre d'indemnité majorée de 10 % soit 414,72 €.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de la société Ads et condamné au paiement d'une somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 6 avril 2018 en ce qu'il a :

- reçu l'opposition de la Sarl Pontoise Automobiles ;

- annuler l'ordonnance portant injonction de payer du président du tribunal de commerce en date du 2 novembre 2016 ;

L'INFIRME pour le surplus ;

statuant à nouveau ;

CONDAMNE la Sarl Pontoise Automobiles à payer à la Sas Ads Group les sommes de 4.147, 20 € et de 414,72 €, à titre d'indemnité de résiliation ;

CONDAMNE la Sarl Pontoise Automobiles à payer à la Sas Ads Group la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sarl Pontoise Automobiles aux dépens de première instance et d'appel.

SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par Mme RICHET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                            Le Président