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CA VERSAILLES (16e ch.), 8 octobre 2020

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 8 octobre 2020
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 18/07680
Date : 8/10/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/11/2018
Référence bibliographique : 5997 (vérification de la pertinence d’une recommandation), 6638 (prêt immobilier)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8598

CA VERSAILLES (16e ch.), 8 octobre 2020 : RG n° 18/07680 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « M. X. se prévaut tant de l'ancien article L. 132-1 (devenu L. 212-1) du code de la consommation sur le caractère abusif et non écrit des clauses ayant pour objet de créer un déséquilibre entre les parties au détriment du non-professionnel ou du consommateur, que de la recommandation n° 05-02 de la Commission des clauses abusives le 22 septembre 2005.

C'est à bon droit que le jugement a estimé inapplicable en l'espèce cette recommandation qui ne concerne que les conventions de compte bancaire de dépôt, et les calculs d'intérêt ou agios faisant intervenir un taux quotidien.

Il est constant que le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile.

Ainsi que l'ont justement souligné les premiers juges, dans le cadre d'un prêt immobilier à échéances mensuelles, contrairement aux intérêts ou agios prélevés à l'occasion d'un découvert sur un compte bancaire de dépôt, les intérêts dus sur le capital emprunté sont calculés sur l'année et prélevés de manière constante avec une périodicité mensuelle, et le calcul des échéances d'intérêts sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours donne un résultat équivalent à celui obtenu sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours et d'une année civile de 365 jours, que l'année soit bissextile ou non. L'affichage d'une clause « 30 jours rapportés à 360 jours » n'a pas d'incidence sur les échéances mensuelles, les deux méthodes donnant un résultat identique.

L'emprunteur ne conteste pas que le mois normalisé a été employé pour le calcul des intérêts conventionnels, et ne rapporte donc pas la preuve, en l'absence de décret conférant à une clause un caractère irréfragablement abusif, ainsi qu'à défaut de toute recommandation, de ce que la clause 30/360 a entraîné un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à son détriment.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à la reconnaissance d'une clause abusive dans les stipulations contractuelles liant les parties. »

2/ « Aux termes de l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date du prêt, le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L. 312-8, lequel renvoie, concernant le TEG, aux prescriptions de l'article L. 313-1 du même code, en définissant le contenu, pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Ce texte prévoit donc pour les prêts immobiliers aux particuliers soumis aux articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, une sanction spéciale qui déroge à la sanction générale de la nullité prévue par l'article 1907 du code civil, conformément à l'adage « specialia generalibus derogant ».

Ainsi, l'emprunteur ne saurait, sauf à vider de toute substance les dispositions d'ordre public des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, disposer d'une option entre nullité ou déchéance. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 8 OCTOBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/07680. N° Portalis DBV3-V-B7C-SYQG. CONTRADICTOIRE. Code nac : 53D. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 2 octobre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERAILLES, 2e ch. : R.G. n° 16/09410.

LE HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT, La cour d'appel de Versailles, a rendu, après prorogation, l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...], Représentant : Maître Fiona B., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0169, Représentant : Maître Mandine B., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 689

 

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

Société Anonyme coopérative de Banque Populaire, N° Siret : XXX (RCS de Versailles), [...], [...], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Thierry P. de l'AARPI BLANC P. ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 710 - N° du dossier 0027723

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 février 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Patricia GRASSO, Président, Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par offre de prêt émise le 10 novembre 2011 et acceptée le 25 novembre 2011, la société coopérative Banque populaire Val de France a consenti à M. X. un prêt immobilier pour un montant de 113.293 euros, remboursable en 240 mois, pour la réalisation d'une vente en l'état futur d'achèvement (VEFA). Les caractéristiques de ce prêt étaient les suivantes :

- taux d'intérêts nominal : 4,350 %,

- taux de période : 0,418 %,

- taux effectif global (TEG) : 5,01 %.

Par avenant émis le 14 octobre 2014, il a été convenu de ramener le prêt à un taux d'intérêt nominal de 3,53 % et un TEG de 4,06 %.

Après avoir soumis ce second prêt à l'analyse de la société Humania Consultants, M. X. a estimé qu'il était entaché de nullité.

Par acte d'huissier délivré le 9 novembre 2016, M. X. a fait assigner la société Banque populaire Val de France devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de voir notamment, prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêt du prêt et la substitution du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat au taux conventionnel.

Par jugement rendu le 2 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Versailles a :

- déclaré recevables en la forme les demandes de M. X. ;

- débouté M. X. de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la société Banque populaire Val de France de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné M. X. aux dépens et à payer à la société Banque populaire Val de France la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que Maître Thierry P., avocat, pourra recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 12 novembre 2018, M. X. a interjeté appel de la décision.

[*]

Dans ses conclusions transmises le 20 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X., appelant, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu' il a déclaré ses demandes recevables en la forme et débouté la société Banque populaire Val de France de sa demande de dommages et intérêts ;

- constater les erreurs de calcul du coût du crédit ;

- constater les erreurs de calcul des TEG du prêt et de l'avenant litigieux ;

- constater les erreurs de calcul du taux de période du prêt litigieux ;

- constater l'absence de mention du taux de période dans l'avenant ;

- constater que les intérêts sont calculés sur la base d'une année bancaire ;

À titre principal,

- déclarer abusive et, par conséquent, réputer non écrite la clause figurant dans le contrat de prêt prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours et d'un mois de 30 jours ;

- condamner la société Banque populaire Val de France à lui payer la somme de 12.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt depuis sa conclusion jusqu'au 9 novembre 2014, date de l'entrée en vigueur de l'avenant du 14 octobre 2014 ;

- condamner la société Banque populaire Val de France à lui payer la somme de 10.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre de l'avenant depuis sa prise d'effet, jusqu'au jour de la présente, sauf à parfaire ;

- enjoindre à la société Banque populaire Val de France de produire un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte la substitution au taux d'intérêt conventionnel du taux d'intérêt légal applicable au jour de la signature de l'avenant, soit 0,04 % ;

À titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêts du prêt litigieux ;

- prononcer la substitution du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat, soit 0,38 % jusqu'au 9 novembre 2014, date de l'entrée en vigueur de l'avenant du 14 octobre 2014, au taux conventionnel ;

- prononcer la substitution du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion de l'avenant, soit 0,04 %, au taux conventionnel ;

- condamner la société Banque populaire Val de France à lui payer la somme de 12.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt depuis sa conclusion jusqu'au 9 novembre 2014, date de l'entrée en vigueur de l'avenant du 14 octobre 2014 ;

- condamner la société Banque populaire Val de France à lui payer la somme de 10.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre de l'avenant depuis sa prise d'effet, jusqu'au jour de la présente, sauf à parfaire ;

- enjoindre à la société Banque populaire Val de France de produire un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte la substitution au taux d'intérêt conventionnel du taux d'intérêt légal applicable au jour de la signature de l'avenant, soit 0,04 % ;

À titre infiniment subsidiaire,

- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt à hauteur du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat, soit 0,38 % jusqu'au 9 novembre 2014, date de l'entrée en vigueur de l'avenant du 14 octobre 2014 ;

- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt à hauteur du taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion de l'avenant, soit 0,04 % ;

- condamner la société Banque populaire Val de France à lui payer la somme de 12.000 euros correspondant à la différence entre le montant des intérêts versés en application du taux conventionnel depuis la conclusion du contrat le montant des intérêts au taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat de prêt, soit 0,38 %, jusqu' au 9 novembre 2014, date de l'entrée en vigueur de l'avenant du 14 octobre 2014 ;

- condamner la société Banque populaire Val de France à lui payer la somme de 10.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre de l'avenant depuis sa prise d'effet, jusqu'au jour de la présente, sauf à parfaire ;

- enjoindre à la société Banque populaire Val de France de produire un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte la substitution au taux d'intérêt conventionnel du taux d'intérêt légal applicable au jour de la signature de l'avenant, soit 0,04 % ;

En tout état de cause,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action en nullité et débouté la société Banque populaire Val de France de ses demandes reconventionnelles ;

- débouter la société Banque populaire Val de France de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Banque populaire Val de France à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son manquement à son obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté ;

- condamner la société Banque populaire Val de France à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Banque populaire Val de France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maitre Fiona B., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Dans ses conclusions comportant un appel incident, transmises le 24 janvier 2020, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Banque populaire Val de France, intimée, demande à la cour de :

À titre principal,

- déclarer M. X. mal fondé en son appel principal et l'en débouter ;

- recevoir son appel incident, le déclarer bien fondé et y faisant droit ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. X. recevable en sa demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

- déclarer M. X. irrecevable en sa demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ;

- condamner M. X. au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus en ses dispositions non contraires ;

- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes ;

À titre subsidiaire,

- constater que M. X. ne justifie d'aucun préjudice ;

- constater que le TEG appliqué par elle est inférieur à celui indiqué dans le rapport d'analyse Humania consultants ;

- constater que le taux conventionnel initialement de 4,350 % a été réduit à 3,530 % à la suite de la régularisation de l'avenant en date du 14 octobre 2014 ;

- débouter M. X. de ses demandes ;

À titre infiniment subsidiaire,

- débouter M. X. de sa demande d'application du taux légal en vigueur à la date de conclusion du prêt puis de l'avenant, la nature même du taux légal étant d'être un taux révisable fixé par décret ;

En tout état de cause,

- débouter M. X. de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamner M. X. au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, somme qui s'ajoutera au montant de 3.000 euros alloué de ce chef par le tribunal ;

- condamner M. X. aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Thierry P., avocat et ce, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 janvier 2020.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 6 février 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la clause abusive :

A titre principal, M. X. fait valoir que la clause figurant dans les conditions financières du prêt visant une année bancaire de 360 jours et un mois de 30 jours, présente un caractère abusif eu égard à la recommandation n°05-02 de la commission des clauses abusives publiée le 22 septembre 2015, singulièrement en son paragraphe 8, et que par voie de conséquence, elle doit être réputée non écrite.

L'offre de prêt litigieuse mentionne en son paragraphe « conditions financières » que « les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».

M. X. veut voir reconnaître le caractère abusif et partant non écrit de cette clause insérée dans son contrat, selon laquelle le calcul des intérêts conventionnels sur la base de l'année « lombarde » de 360 jours a créé un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au prêt, à son détriment, ce calcul aboutissant en réalité, selon lui, à majorer le taux des intérêts conventionnels. Il entend voir dire illicite la clause relative au calcul des intérêts.

Bien que cette clause ne concerne pas la fixation du taux effectif global (TEG), et se rapporte aux seuls intérêts conventionnels, il importe de rappeler que les intérêts conventionnels constituent l'élément essentiel du TEG. Il convient dès lors de faire application à ces intérêts de la même base de calcul, soit l'année civile, que celle prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation, relatif au taux effectif global des prêts, notamment en sa disposition suivante :

« c) l'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d'années. Une année compte 365 jours, ou pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c'est à dire 365/12,) que l'année soit bissextile ou non. »

Ainsi le législateur a-t-il protégé le consommateur d'une facturation d'intérêts dont il n'aurait pas été clairement informé, en lui fournissant des références de calcul homogènes et l'équivalence du rapport 30 divisé par 360, avec celui 30,41666, - durée du mois normalisé, tenant compte à la fois du nombre différent de jours de chaque mois et du caractère bissextile ou non de l'année - divisé par 365, nombre de jours de l'année civile. Ce rapport mois/année est toujours de 12.

M. X. se prévaut tant de l'ancien article L. 132-1 (devenu L. 212-1) du code de la consommation sur le caractère abusif et non écrit des clauses ayant pour objet de créer un déséquilibre entre les parties au détriment du non-professionnel ou du consommateur, que de la recommandation n° 05-02 de la Commission des clauses abusives le 22 septembre 2005.

C'est à bon droit que le jugement a estimé inapplicable en l'espèce cette recommandation qui ne concerne que les conventions de compte bancaire de dépôt, et les calculs d'intérêt ou agios faisant intervenir un taux quotidien.

Il est constant que le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile.

Ainsi que l'ont justement souligné les premiers juges, dans le cadre d'un prêt immobilier à échéances mensuelles, contrairement aux intérêts ou agios prélevés à l'occasion d'un découvert sur un compte bancaire de dépôt, les intérêts dus sur le capital emprunté sont calculés sur l'année et prélevés de manière constante avec une périodicité mensuelle, et le calcul des échéances d'intérêts sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours donne un résultat équivalent à celui obtenu sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours et d'une année civile de 365 jours, que l'année soit bissextile ou non. L'affichage d'une clause « 30 jours rapportés à 360 jours » n'a pas d'incidence sur les échéances mensuelles, les deux méthodes donnant un résultat identique.

L'emprunteur ne conteste pas que le mois normalisé a été employé pour le calcul des intérêts conventionnels, et ne rapporte donc pas la preuve, en l'absence de décret conférant à une clause un caractère irréfragablement abusif, ainsi qu'à défaut de toute recommandation, de ce que la clause 30/360 a entraîné un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à son détriment.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à la reconnaissance d'une clause abusive dans les stipulations contractuelles liant les parties.

 

Sur la recevabilité de la demande de nullité de la stipulation d'intérêts :

Aux termes de l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date du prêt, le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L. 312-8, lequel renvoie, concernant le TEG, aux prescriptions de l'article L. 313-1 du même code, en définissant le contenu, pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Ce texte prévoit donc pour les prêts immobiliers aux particuliers soumis aux articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, une sanction spéciale qui déroge à la sanction générale de la nullité prévue par l'article 1907 du code civil, conformément à l'adage « specialia generalibus derogant ».

Ainsi, l'emprunteur ne saurait, sauf à vider de toute substance les dispositions d'ordre public des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, disposer d'une option entre nullité ou déchéance.

Au vu de l'énumération - au demeurant non exhaustive - des fins de non-recevoir opérée par l'article 122 du code de procédure civile, il y a lieu de considérer que son intérêt à agir est légalement circonscrit à la demande de la déchéance totale ou partielle des intérêts conventionnels.

L'action en nullité de la stipulation d'intérêts est donc irrecevable, qu'elle soit fondée sur l'irrégularité du taux effectif global ou sur le prétendu recours à une autre référence que l'année civile pour le calcul de l'intérêt conventionnel.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a déclaré recevable la demande en nullité de la stipulation d'intérêts.

 

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts du prêteur :

M. X. se réfère, à l'appui de sa demande, à l'insertion d’une clause d'intérêts contractuelle dite « 30/ 360 », dont il a été vu qu'elle ne pouvait en l'espèce être qualifiée d'abusive, à l'inclusion ou non dans le taux effectif global de l'incidence de certains frais, au calcul erroné du taux de période du prêt immobilier litigieux et à l'absence de proportionnalité du taux effectif global annuel et du taux de période.

 

+ sur l'insertion d'une clause de calcul des intérêts conventionnels dite « 30/360 »

Il a été rappelé ci-dessus que lorsque le prêt est remboursable par échéances mensuelles, le TEG de ce prêt est calculé à partir du taux de période, multiplié par le rapport entre l'année civile et la durée de la période unitaire « soit le mois normalisé » soit (365/30,41666), soit 12, ce rapport 12 étant constant et toujours préservé.

Les intérêts conventionnels sont, dans le cas du contrat de prêt immobilier soumis aux dispositions du code de la consommation, toujours calculés sur une base de 1/12ème d'année. Les intérêts sont facturés sur l'année civile, au taux convenu par écrit entre les parties.

L'équivalence financière entre le calcul des intérêts courus entre deux échéances mensuelles sur la base d'un mois de 30 jours rapporté à une année de 360 jours et le même calcul sur la base d'un mois normalisé rapporté à une année de 365 jours, garantit l'emprunteur contre le préjudice qui pourrait résulter du calcul des intérêts conventionnels sur une durée de 360 jours.

En ce qui concerne l'affichage de la clause prévoyant le rapport 30/360 dans le contrat, cette clause ne prévoit qu'un rapport utilisé de façon équivalente à celui prévu à l'article R. 313-1 du code de la consommation tel qu'applicable à la cause.

M. X., dont le prêt immobilier litigieux ne prévoit pas d'intérêts intercalaires ou de différé d'amortissement, ne démontre pas ici en quoi l'insertion de cette clause a pu lui causer un préjudice ou créer en son esprit une confusion préjudiciable.

 

+ sur le défaut d'inclusion de certains frais dans la fixation du TEG :

M. X. fait valoir que la banque a retenu des frais d'acte notarié et de prise de garantie conditionnant l'octroi du prêt de 113.293 € à hauteur de 1.886 €, alors que l'emprunteur déclare n'avoir exposé que la somme de 1.225,39 € de ce chef.

Il apparaît donc que le TEG réel est inférieur au taux affiché, si bien que l'appelant ne peut pas se prévaloir d'une différence de montant de TEG lui étant préjudiciable.

 

+ sur le défaut de proportionnalité entre le taux de période et le TEG :

Quant au défaut de proportionnalité allégué, celui-ci s'apprécie, s'agissant d'un crédit immobilier remboursable par échéances mensuelles, en multipliant le taux de période par 12.

La multiplication du taux de période annoncé à l'offre, mais posé avec toutes ses décimales - 0,41756 -, par le rapport existant entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire en application de l'article R. 313-1 du code de la consommation donne, selon l'expertise produite un TEG de 5,01072 % au lieu des 5,01 % portés à l'acte.

Cette différence, due à un arrondi du taux de période, bien que non justifiée reste cependant infime et très inférieure à l'écart d'une décimale permis par les textes.

Par ailleurs on ne retrouve nulle part dans le rapport de la société Humania Consultants mention du taux effectif global de 5,09 % allégué par M. X., et les écritures de l'appelant font apparaître ce taux comme résultant de la multiplication du taux de période de 0,418 % par le rapport 365/30, soit 12,2, alors que le rapport prévu par la loi est égal à 12.

En effet, la période unitaire définie à l'article R. 313-1 II, devenu L. 314-2 du code de la consommation, est déterminée en fonction des modalités de paiement des intérêts ; calquée sur la périodicité des versements, cette période est nécessairement d'un mois dans le cas d'un crédit s'amortissant par échéances mensuelles, en sorte de l'année comporte toujours 12 périodes, et non 12,2 ou 12,1666667 ainsi qu'il est soutenu.

 

+ sur le défaut d'affichage du taux de période dans l'avenant :

Le défaut d'affichage relevé par l'appelant est afférent à l'avenant du 14 octobre 2014 au contrat de prêt principal et ne concerne pas le prêt-relais, contrairement à ce qu'a estimé à tort le tribunal.

Si, effectivement, le taux de période n'a pas été précisé dans l'avenant, ce contrat portant exclusivement sur la réduction du taux d'intérêt conventionnel et partant, du taux effectif global stipulé dans le prêt du 10 novembre 2011, force est de considérer que M. X. était en mesure, par référence à la convention initiale, de connaître son taux de période égal à 1/12ème du nouveau taux effectif global, et il ne rapporte pas la preuve du préjudice spécifique que lui aurait causé le défaut d'affichage d'un taux inférieur à celui régissant les précédentes dispositions contractuelles.

En conséquence de tout ce qui précède, aucun des moyens de M. X. ne peut prospérer si bien que sa demande de déchéance du droit aux intérêts de l'établissement prêteur est rejetée, ainsi que ses prétentions accessoires relatives notamment au taux de l'intérêt légal applicable.

 

Sur l'action en responsabilité de l'établissement prêteur :

M. X. soutient que la SA BPVF aurait manqué à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté, en mentionnant à l'offre de prêt un TEG prétendument irrégulier.

La cour relevant que la seule sanction d'un TEG erroné est la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel, la demande de dommages-intérêts fondée sur la faute alléguée de la banque doit être rejetée.

En toute hypothèse, le manquement de la banque à ses obligations d'information et de loyauté n'est pas caractérisé, ni durant la période pré-contractuelle ni pendant l'exécution de la convention, ce d'autant que pendant cette exécution, elle a accepté, par avenant, la modification des conditions du contrat de prêt en faveur de l'emprunteur.

 

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

Les premiers juges ont justement rappelé que l'engagement d'une action en justice n'est susceptible de constituer une faute que dans l'hypothèse où le droit d'ester en justice a dégénéré en abus.

En l'espèce, la mauvaise appréciation par M. X. de la nature et de l'étendue de ses droits n'est pas constitutive d'une procédure abusive, quand bien même la banque persisterait à insérer, dans ses contrats de crédit immobilier aux particuliers, une clause de rapport 30/360, au lieu de celle 30,41666/365, adaptée à l'emprunteur consommateur.

Le jugement entrepris est, par conséquent, confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la banque.

 

Sur les demandes accessoires :

L'équité et les circonstances de la cause commandent d'allouer à la SA BPVF une somme complémentaire ainsi qu'il sera dit au dispositif au titre des frais irrépétibles de procédure qu'elle a dû exposer en défense à l'appel.

Elles conduisent à débouter M. X. de sa prétention du même chef.

Succombant en son recours, M. X. supportera les dépens d'appel comme de première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

DÉCLARE M. X. irrecevable en sa demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ;

DÉBOUTE les parties de toutes plus amples demandes ;

CONDAMNE M. X. à payer à la SA Banque Populaire Val de France une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE M. X. aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller, pour le Président empêché et par Monsieur Antoine DEL BOCCIO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                           Le Président,