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CA METZ (ch. com.), 5 novembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA METZ (ch. com.), 5 novembre 2020
Pays : France
Juridiction : Metz (CA), ch. com.
Demande : 18/02884
Décision : 20/00191
Date : 5/11/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 6/11/2018
Numéro de la décision : 191
Référence bibliographique : 5933 (domaine quant aux professionnels, véhicule), 6629 (crédit affecté, subrogation dans le bénéfice d’une clause de réserve de propriété)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8630

CA METZ (ch. com.), 5 novembre 2020 : RG n° 18/02884 ; arrêt n° 20/00191 

Publication : Jurica

 

Extrait : « L’article L. 624-16 alinéa 2 du code de commerce dispose que peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties. En outre, il résulte des dispositions de l’article 1250 alinéa 1 du code civil dans sa version en vigueur du 18 février 1804 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, que pour être valable, la subrogation conventionnelle doit être expresse et faite concomitamment ou antérieurement au paiement.

Il résulte des pièces produites aux débats par les parties et notamment du document « demande de financement » co-signé par l’acquéreur et le vendeur que le jour même de la livraison le 19 juin 2013, la SAS Espace Santé Optique a demandé le financement correspondant au contrat qu’elle avait accepté, le vendeur la SAS X. a demandé au prêteur le paiement entre ses mains des fonds correspondant au montant du prêt consenti à l'acheteur du véhicule et a expressément subrogé le prêteur dans le bénéfice de la réserve de propriété, avec cette précision que la subrogation deviendrait effective à l’instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur. Ainsi la subrogation conventionnelle est nécessairement intervenue antérieurement au paiement effectué par le prêteur pour répondre à la demande qui lui était faite et elle a eu pour effet d'investir le subrogé, non seulement de la créance primitive, mais aussi de tous les avantages et accessoires de celle-ci, en ce compris la réserve de propriété.

Dans le cadre de ce contrat de prêt destiné à financer l’acquisition d’un véhicule, ce qui n’avait pas de rapport direct avec son activité professionnelle, la SARL Espace Santé Optique avait bien la qualité de non-professionnel susceptible d’invoquer l’article L. 132-1 du code de la consommation.

Pour autant, la clause en litige n’apparaît pas comme étant une clause abusive, dès lors qu’elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre le prêteur et l’emprunteur, qui a eu expressément connaissance, avant même le paiement, de la transmission de la sûreté réelle au profit de la SA Consumer Finance. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/02884. Arrêt n° 20/00191. N° Portalis DBVS-V-B7C-E4I7.

 

APPELANTE :

SCP N.N.L. prise en la personne de Maître N. es qualité de mandataire judiciaire de la SARL ESPACE SANTÉ OPTIQUE

[...], [...], Représentant : Maître Jean-Luc H., avocat au barreau de METZ

 

INTIMÉE :

SA CONSUMER FINANCE

Représentée par son représentant légal, [...], [...], Représentant : Maître François R., avocat au barreau de METZ

 

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 17 septembre 2020 L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 5 novembre 2020.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme Catherine DEVIGNOT, Conseillère, Mme Aline BIRONNEAU, Conseillère

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Madame Jocelyne WILD

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé du 19 juin 2013, la SARL Espace Santé Optique a acquis un véhicule de marque Nissan Quashqai d'une valeur de 34.100 euros au moyen d'un prêt du même montant consenti par la SA Crédit Agricole Consumer Finance, ci-après désignée SA Consumer Finance.

Par jugement du tribunal de grande instance de Metz du 17 juin 2015, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la SARL Espace Santé Optique et la SCP N., Nodée L. prise en la personne de M. N. a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par requête déposée le 10 mars 2016, la SA Consumer Finance a demandé au juge-commissaire la restitution du véhicule de marque Nissan Quashqai acquis par la SARL Espace Santé Optique le 19 juin 2013.

Par ordonnance du 17 mars 2016, le juge-commissaire a constaté la nullité de la requête en restitution, au motif qu'elle n'avait pas été présentée par un avocat, en violation des dispositions du droit local sur ce point.

La SA Consumer Finance a formé un recours contre cette ordonnance et par jugement mixte du 21 février 2017, considérant notamment que la nullité avait été couverte par l’intervention d’un avocat devant la juridiction, le tribunal a sur le fond, infirmé l'ordonnance rendue le 17 mars 2016, a déclaré la SA Consumer Finance recevable en sa demande de restitution et avant dire droit, a invité la SA Consumer Finance à donner toutes explications utiles sur le bien-fondé de sa demande.

Par conclusions déposées le 23 mai 2017, la SA Consumer Finance a demandé au tribunal de faire droit à sa demande de restitution et par conclusions déposées le 25 janvier 2018, la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique, a principalement demandé le rejet de cette demande.

Par jugement du 16 octobre 2018, considérant notamment que le mandataire judiciaire n'était pas fondé à se prévaloir de la réglementation et de la jurisprudence sur les clauses abusives, notamment l'avis n°16011 du 28 novembre 2016 de la cour de cassation, pour écarter la clause de réserve de propriété invoquée par la SA Consumer Finance, le tribunal de grande instance de Metz a :

- ordonné la restitution à la SA Consumer Finance du véhicule de marque Nissan Quashqai n° de série XXX ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens à la charge de la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Metz le 6 novembre 2018, la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique, a interjeté appel de ce jugement aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation de celui-ci en ce qu'il a ordonné la restitution à la SA Consumer Finance du véhicule de marque Nissan Quashqai n de série XXX, en ce qu'il a mis les dépens à sa charge et a dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de la procédure collective, et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 2 juillet 2019, la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- débouter la SA Consumer Finance de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SA Consumer Finance en tous les frais et dépens d'instance et d'appel ;

- condamner la SA Consumer Finance à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, le mandataire judiciaire expose que si le prêteur débloque les fonds destinés au prix d'acquisition d'un bien entre les mains du vendeur, la subrogation ne peut intervenir lorsque le prêteur est un établissement de crédit dans la mesure où le prêt a une nature consensuelle.

Il ajoute que dès la rencontre des volontés caractérisée par l'acceptation de l'offre de prêt, l'emprunteur devient propriétaire des fonds prêtés et le prêteur les verse au vendeur pour le compte de l'acquéreur-emprunteur.

L'appelante en déduit que la subrogation consentie par le vendeur vers le prêteur dans la clause de réserve de propriété devient impossible puisque le paiement n'est pas effectué par un tiers.

Elle précise que l'avis de la Cour de cassation sur le caractère abusif de la subrogation au profit du prêteur de la clause de réserve de propriété dépasse le champ du droit de la consommation et s'avère être de portée générale.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 23 avril 2019, la SA Consumer Finance demande à la cour de :

- dire l'appel de la SCP N.-N.-L. mal fondé ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique, au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SA Consumer Finance fait valoir que l'avis litigieux de la cour de cassation est fondé sur l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 et qu’il concerne les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, de sorte que cet avis ne serait pas applicable au cas d'espèce.

Selon la SA Consumer Finance, le raisonnement de la cour de cassation dans ledit avis n'est pas transposable en l'espèce, dans la mesure où elle est tiers à l'égard du vendeur qui est créancier de la SARL Espace Optique Santé dans le cadre de l'achat du véhicule.

Elle indique qu'elle a payé aux lieu et place de cette dernière le prix du véhicule au vendeur, de sorte qu'elle est subrogée dans les droits du vendeur du véhicule, et ce avec le consentement express de ce dernier et de l'acheteur. Elle précise que le contrat de prêt a pour objet d'obtenir des fonds au nom et pour le compte du vendeur, sans que ces fonds appartiennent un jour à l'acheteur.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les conclusions déposées le 2 juillet 2019 par la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique, et le 23 avril 2019 par la SA Consumer Finance, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 7 novembre 2019 ;

 

Sur la validité de la subrogation du prêteur dans la clause de réserve de propriété :

L’article L. 624-16 alinéa 2 du code de commerce dispose que peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties.

En outre, il résulte des dispositions de l’article 1250 alinéa 1 du code civil dans sa version en vigueur du 18 février 1804 au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, que pour être valable, la subrogation conventionnelle doit être expresse et faite concomitamment ou antérieurement au paiement.

Il résulte des pièces produites aux débats par les parties et notamment du document « demande de financement » co-signé par l’acquéreur et le vendeur que le jour même de la livraison le 19 juin 2013, la SAS Espace Santé Optique a demandé le financement correspondant au contrat qu’elle avait accepté, le vendeur la SAS X. a demandé au prêteur le paiement entre ses mains des fonds correspondant au montant du prêt consenti à l'acheteur du véhicule et a expressément subrogé le prêteur dans le bénéfice de la réserve de propriété, avec cette précision que la subrogation deviendrait effective à l’instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur.

Ainsi la subrogation conventionnelle est nécessairement intervenue antérieurement au paiement effectué par le prêteur pour répondre à la demande qui lui était faite et elle a eu pour effet d'investir le subrogé, non seulement de la créance primitive, mais aussi de tous les avantages et accessoires de celle-ci, en ce compris la réserve de propriété.

Dans le cadre de ce contrat de prêt destiné à financer l’acquisition d’un véhicule, ce qui n’avait pas de rapport direct avec son activité professionnelle, la SARL Espace Santé Optique avait bien la qualité de non-professionnel susceptible d’invoquer l’article L. 132-1 du code de la consommation.

Pour autant, la clause en litige n’apparaît pas comme étant une clause abusive, dès lors qu’elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre le prêteur et l’emprunteur, qui a eu expressément connaissance, avant même le paiement, de la transmission de la sûreté réelle au profit de la SA Consumer Finance.

Enfin, la SCP N.-N.-L. développe dans ses écritures des considérations générales sur la régularité des demandes de revendication ou de restitution, sans préciser en quoi la requête présentée par la SA Consumer Finance ne serait pas régulière.

En définitive, la SA Consumer Finance est fondée à se prévaloir de la clause de subrogation dans la réserve de propriété stipulée le 19 juin 2013.

Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu’il a ordonné la restitution à la SA Consumer Finance du véhicule de marque Nissan Quashqai n° de série XXX.

 

Sur les autres demandes :

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique et en ce qu’il a dit que ces dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

La SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique qui succombe est condamnée aux dépens de l'appel. Les dépens de cette procédure seront inscrits en frais privilégiés de la procédure collective de la SARL Espace Santé Optique.

Pour des considérations d'équité, elle devra aussi payer à la SA Consumer Finance la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande formée sur le même fondement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement en date du 16 octobre 2018 du tribunal de grande instance de Metz en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

CONDAMNE la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique à payer à la SA Consumer Finance la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCP N.-N.-L., prise en la personne de M. N., ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Espace Santé Optique, aux dépens de l'appel ;

DIT que les dépens seront inscrits en frais privilégiés de la procédure collective de la SARL Espace Santé Optique.

Le présent arrêt a été signé par Mme DEVIGNOT, conseillère à la cour d'appel de Metz pour la présidente de chambre régulièrement empêchée, et par Mme WILD, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                LE PRESIDENT