CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 23 novembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8657
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 23 novembre 2020 : RG n° 18/05607 ; arrêt n° 590/20
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il convient de relever d'une part que la nullité du contrat de location invoquée par la Sa Sermdial de même que la demande de modération de la clause pénale s'analysent comme de nouvelles prétentions tendant au rejet de la demande adverse en paiement ».
2/ « La cour remarque que la protection du code de la consommation s'étend au contrat de location en litige qui répond à la définition de l'article L. 121-16-1 issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, dite Loi Hamon, des « contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq », qu'il n'est pas contesté que la SA Sermdial compte moins de cinq salariés, que la location porte sur un matériel de vidéosurveillance distinct d'un service financier dont l'offre est réservée aux banques, mutuelles d'épargne, sociétés de crédit hypothécaires, etc., location dont l'objet ne relève pas de l'activité principale de la Sa Sermdial, laquelle exploite un magasin d'alimentation sous l'enseigne « Ecomarché ».
Elle observe que les articles L. 121-16-1 ancien et suivants du code de la consommation ouvrent au contractant client une faculté de rétractation de 14 jours, délai prolongé de 12 mois « lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur », qu'il s'impose en conséquence de rejeter la demande d'annulation de la location fondée sur ces textes. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A N° RG 18/05607. Arrêt n° 590/20. N° Portalis DBVW-V-B7C-G6I7. Décision déférée à la Cour : 26 octobre 2018 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG.
APPELANTE - INTIMÉE INCIDEMMENT :
SA SERMDIAL
prise en la personne de son représentant légal [...], [...], Représentée par Maître Céline R., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître L., avocat au barreau de l'Aube
INTIMÉE - APPELANTE INCIDEMMENT :
SAS G. LOCATION
prise en la personne de son représentant légal, [...], [...], Représentée par Maître Joëlle L.-W., avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme HARRIVELLE, Conseillère, entendue en son rapport, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par contrat du 5 mars 2015, la Sas G. Location a consenti à la Sa Sermdial la location durant 72 mois d'un matériel de vidéosurveillance fourni par la Sàrl Altilans, moyennant 24 loyers trimestriels de 867 euros hors taxes.
Le même jour, la Sa Sermdial a confirmé la livraison du matériel par la signature d'un bon de livraison au vu duquel la Sas G. Location pouvait verser au fournisseur le prix d'achat du matériel.
La Sàrl Altilans a établi le 5 mars une facture de 19.373,30 euros au nom de G. Location.
Par lettres recommandées avec avis de réception des 16 septembre et 16 octobre 2015, la Sas G. Location a mis en demeure la Sa Sermdial de s'acquitter d'un arriéré de loyers puis a prononcé la résiliation du contrat en réclamant paiement d'une indemnité de résiliation de 20.348,57 euros, outre la restitution du matériel.
Par assignation du 3 août 2016, la Sas G. Location a fait citer la Sa Sermdial devant le tribunal de grande instance de Strasbourg afin, à titre principal, de la voir condamnée au paiement de la somme de 20.348,57 euros et à restituer le matériel loué sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
La Sa Sermdial s'est opposée à cette demande et a poursuivi reconventionnellement la résolution du contrat de location.
Par jugement du 26 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale, a rejeté les demandes de la Sa Sermdial, l'a condamnée à payer à la Sas G. Location la somme de 20.348,57 euros et une indemnité de 1.500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tout en rejetant la demande de restitution du matériel loué.
Le tribunal a retenu que la demande de la Sa Sermdial en résolution du contrat de location, subsidiairement en nullité de ce contrat, fondées respectivement sur le manquement du fournisseur à son obligation de livraison ou sur le dol, n'étaient pas recevables faute pour la Sàrl Altilans d'être partie à l'instance, que ces demandes n'étaient pas fondées puisque la vente par la Sàrl Altilans et la location par la Sas G. Location étaient deux contrats distincts -bien qu'interdépendants et s'inscrivant dans une opération unique-, que la preuve d'un dol de la Sas G. Location à l'origine de l'inexécution des obligations du fournisseur n'était pas apportée.
Le tribunal a jugé en revanche que la Sas G. Location avait justifié du principe et du montant de sa créance de loyers et d'indemnité contractuelle et que la Sa Sermdial avait suffisamment établi ne pas être en possession du matériel.
Le 27 novembre 2018, la Sa Sermdial a interjeté appel du jugement et, par conclusions récapitulatives du 8 septembre 2020, a demandé à la cour de confirmer la décision déférée en ce qu'elle avait rejeté la demande de restitution de matériel de la Sas G. Location, de l'infirmer sur le surplus.
Elle a poursuivi :
à titre principal,
- la nullité du contrat de location sur le fondement des articles L. 121-16-1 ancien du code de la consommation,
- partant, le rejet de la demande de la Sas G. Location en paiement de l'indemnité de résiliation de 20.348,57 euros avec intérêts au taux légal majoré de 5 points sur la somme de 20.327,80 euros à compter du 16 octobre 2015,
- la condamnation de la Sas G. Location à lui rembourser la somme de 1.825,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2015 ;
à titre subsidiaire,
- la nullité du contrat de location sur le fondement de l'article 1108 ancien du code civil,
- en conséquence, le rejet la demande en paiement de la Sas G. Location,
- la condamnation de la Sas G. Location à lui rembourser la somme de 1.825,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2015 ;
à titre très subsidiaire,
- la résolution du contrat de location pour manquement de la Sas G. Location à son obligation de délivrance conforme,
- en conséquence, le rejet la demande en paiement de la Sas G. Location,
- la condamnation de la Sas G. Location à lui rembourser la somme de 1.825,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2015 ;
à titre infiniment subsidiaire,
- la réduction du montant de l'indemnité de résiliation à l'euro symbolique,
- l'octroi des plus larges délais de paiement ;
sur l'appel incident la Sas G. Location,
- le rejet de la demande en paiement de la somme de 17.759,77 euros au titre de l'indemnité de restitution, avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015,
- subsidiairement, la réduction de cette indemnité à l'euro symbolique ;
sur l'appel incident subsidiaire de la Sas G. Location,
- le rejet de la demande en paiement de la somme de 21.058,47 euros à titre de dommages et intérêts ;
en tout état de cause,
- le rejet des demandes de la Sas G. Location,
- la condamnation de la Sas G. Location au paiement d'une indemnité de 5.000 euros en première instance et d'une indemnité de 6.000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens des procédures de première instance et d'appel.
La Sa Sermdial a expliqué que la Sàrl Altilans avait soumis à sa signature le 5 mars 2015 un contrat de location longue durée d'un dispositif de vidéosurveillance de son supermarché ainsi que la confirmation de livraison et d'installation présentée par le fournisseur comme indispensable pour débloquer le crédit et obtenir le matériel.
Elle a indiqué qu'en raison d'un planning chargé, la Sàrl Altilans lui avait annoncé par courrier du 22 avril 2015 que la livraison et l'installation interviendraient au mois de juillet 2015, qu'elle s'était néanmoins acquittée de la somme de 1.825,07 euros en mars et avril 2015, que la Sàrl Altilans avait fait l'objet le 23 juillet 2015 d'une liquidation judiciaire, qu'après mise en demeure, la Sas G. Location lui avait notifié la résiliation anticipée du contrat de location, à laquelle elle avait opposé la suspension du paiement du loyer dans l'attente de la livraison, par courrier du 29 octobre 2015.
Elle a fait valoir que la demande en nullité du contrat était recevable comme tendant à faire écarter les prétentions adverses.
Elle a soutenu qu'était applicable à la cause l'article L. 121-16-1 du code de la consommation, dans sa version au 5 mars 2015, relatif « aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ d'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq » puisque la vidéosurveillance était étrangère à son activité principale de supermarché « Ecomarché ».
Elle a souligné qu'en violation des articles L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation alors en vigueur, le contrat de location ne mentionnait pas les caractéristiques essentielles des biens proposés, leurs marques et références, n'indiquait pas la date de livraison et d'installation du matériel, ne comportait pas de formulaire de rétractation permettant d'exercer la faculté de renonciation, carence sanctionnée par la nullité du contrat de location.
Subsidiairement, elle a soutenu que par application de l'article 1108 du code civil, le contrat de location était nul pour défaut d'objet en l'absence de livraison du matériel loué, cette livraison, impossible le jour même de la commande, avait au surplus été programmée par la Sàrl Altilans en juillet 2015 ; elle a signalé que le matériel mentionné au contrat de location était différent du matériel visé dans la confirmation de livraison et du matériel indiqué dans la facture Altilans.
Très subsidiairement, elle a invoqué la résolution du contrat de location pour manquement de la Sas G. Location à son obligation de délivrance, obligation principale de la location au sens des articles 1709 ancien et suivants du code civil, ce par application de l'article 1184 ancien du code civil, peu important, donc, que la Sàrl Altilans ne soit pas partie à l'instance.
Elle a signalé que les conditions générales de la location stipulaient la cession au locataire des droits et actions de la Sas G. Location à l'encontre le fournisseur en cas de retard, de non-conformité, de vice du matériel, mais non pas en cas d'absence totale de livraison.
A titre infiniment subsidiaire, elle a contesté la charge financière des loyers exigibles par anticipation s'analysant comme une clause pénale excessive; elle a soutenu que la demande de modération à l'euro symbolique, recevable comme tendant aux même fins que la demande initiale de rejet soumise au premier juge, était fondée au regard du préjudice réellement subi par le loueur sept mois après la conclusion du contrat puisque le matériel n'avait pas perdu sa valeur, d'autant moins que la société Sermdial n'en avait pas eu l'usage.
S'agissant de l'appel incident tendant au paiement d'une indemnité de non-restitution du matériel, elle a objecté que la Sas G. Location avait manqué à son obligation de délivrance de sorte que la restitution était impossible, qu'elle ne pouvait donc se prévaloir de sa propre turpitude; elle a fait remarquer qu'il y avait lieu de considérer le seul prix d'achat hors TVA du matériel loué et d'analyser la clause de restitution comme une clause pénale excessive ayant pour conséquence une indemnisation du double de la valeur du bien.
Elle a soutenu que la demande de dommages et intérêts subsidiaire de la Sas G. Location était infondée puisqu'elle avait commis diverses fautes à l'origine de son propre préjudice en omettant de vérifier la régularité de l'opération financée, la concordance entre le matériel loué, livré et facturé, en versant le prix de vente avant la livraison et l'installation effective du matériel; elle a observé que la perte de marge était due à l'absence de livraison du matériel et que la Sas G. Location ne prouvait pas s'être acquittée de la facture, laquelle portait sur certains matériels ne faisant pas l'objet de la location, facturés 956 euros, et comportait des frais d'installation non indemnisables.
[*]
Le 13 décembre 2018, la Sas G. Location s'est constituée intimée et, par conclusions récapitulatives du 7 septembre 2020, a sollicité la confirmation du jugement entrepris sous réserve de l'appel incident ; elle a poursuivi l'irrecevabilité de la demande en nullité du contrat de location sur le fondement du code de la consommation, l'irrecevabilité de la demande de modération de la clause pénale, la condamnation de l'appelante aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur appel incident, elle a réitéré sa demande de restitution du matériel de vidéosurveillance -soit un altitrack, deux écrans, deux caméras, dix-huit dômes- sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à défaut elle a réclamé la condamnation de la Sa Sermdial au paiement d'une indemnité de non-restitution de 17.759,77 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 octobre 2015.
Sur appel incident subsidiaire, elle a demandé la condamnation de la Sa Sermdial au paiement de la somme de 21.058,47 euros correspondant au préjudice subi comprenant le prix décaissé et la perte de marge escomptée de la location.
La Sas G. Location a fait valoir que la demande en nullité du contrat fondée sur le code de la consommation et la demande de réduction de la clause pénale étaient irrecevables comme nouvelles en cause d'appel.
Elle a ajouté que les articles L. 221-1 et suivants reprenant à droit constant les anciens articles L. 121 et 111 du code de la consommation n'étaient pas applicables aux services financiers tels que la location financière, portant sur un matériel entrant dans le cadre de l'activité principale de la société Sermdial ainsi que celle-ci l'avait attesté à l'article 1 du contrat de location puisque, dans les faits, le matériel de vidéosurveillance lui permettait d'exploiter son supermarché.
Elle a affirmé que l'indemnité de résiliation, appréciée objectivement, n'était pas excessive et correspondait exactement au préjudice subi, soit le prix de 19.374,30 euros payé au fournisseur et son bénéfice, signalant n'avoir pas mis en compte la majoration contractuelle de 10 % ; elle a rappelé être seule propriétaire du matériel et avoir vocation à le récupérer.
Sur l'appel principal, elle a objecté que la Sa Sermdial qui avait en connaissance de cause signé une confirmation de livraison, ne pouvait utilement exciper de l'absence de livraison du matériel imputable à la Sàrl Altilans, vendeur du matériel non partie à l'instance, pour obtenir la résolution du contrat de location.
En cas de résolution ou d'annulation du contrat, elle a invoqué la responsabilité extra-contractuelle de la Sa Sermdial qui avait fallacieusement confirmé la livraison du matériel en parfait état de fonctionnement et son installation, justifiant sa demande de dommages et intérêts équivalents au prix du matériel majoré de sa perte de marge ; elle a souligné avoir un rôle purement financier et n'être pas tenue de la vérification du matériel livré.
Enfin, la Sas G. Location a affirmé être en droit d'obtenir la restitution du matériel, à défaut, une indemnité de non-restitution calculée sur la base de son prix, de la durée du contrat et de la durée du contrat restant à courir, majorée d'une pénalité de 10 %, soit la somme de 17.759,77 euros TTC, conformément aux conditions générales de location.
[*]
La cour se référera à ces dernières écritures pour plus ample exposé des faits de la procédure, des prétentions et moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2020.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 7 octobre 2020, à laquelle les parties ont développé leur argumentation et déposé les pièces à l'appui de leurs allégations.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
SUR LA RECEVABILITÉ :
La Sas G. Location oppose à la demande en nullité du contrat de location sur le fondement du code de la consommation une fin de non-recevoir tirée de sa nouveauté et de sa tardiveté ; elle oppose à la demande de modération de la clause pénale une fin de non-recevoir tirée de sa nouveauté.
La cour rappelle qu'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses (...). »
Il convient de relever d'une part que la nullité du contrat de location invoquée par la Sa Sermdial de même que la demande de modération de la clause pénale s'analysent comme de nouvelles prétentions tendant au rejet de la demande adverse en paiement, d'autre part qu'il incombait à la Sas G. Location de soumettre au président de chambre en charge de la mise en état, seul compétent en vertu de l'article 914 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de conclusions tardives.
En conséquence, les fins de non-recevoir opposées par la Sas G. Location seront rejetées.
SUR LE FOND :
Sur la nullité du contrat de location :
- Nullité sur le fondement des articles L. 121-16-1 ancien et suivants du code de la consommation :
La Sas Sermdial invoque la nullité du contrat de location conclu hors établissement sur le fondement de l'article L.121-16-1 ancien du code de la consommation, puisque ce contrat ne mentionne pas les caractéristiques essentielles des biens proposés, leurs marques et références, n'indique pas la date de livraison et d'installation, ne comporte de formulaire de rétractation en violation des articles L.121-17 et L.121-18-1 du code de la consommation applicables à la cause.
La Sas G. Location oppose l'inapplicabilité du code de la consommation aux contrats conclus à distance portant sur des services financiers.
La cour remarque que la protection du code de la consommation s'étend au contrat de location en litige qui répond à la définition de l'article L. 121-16-1 issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, dite Loi Hamon, des « contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq », qu'il n'est pas contesté que la SA Sermdial compte moins de cinq salariés, que la location porte sur un matériel de vidéosurveillance distinct d'un service financier dont l'offre est réservée aux banques, mutuelles d'épargne, sociétés de crédit hypothécaires, etc., location dont l'objet ne relève pas de l'activité principale de la Sa Sermdial, laquelle exploite un magasin d'alimentation sous l'enseigne « Ecomarché ».
Elle observe que les articles L. 121-16-1 ancien et suivants du code de la consommation ouvrent au contractant client une faculté de rétractation de 14 jours, délai prolongé de 12 mois « lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur », qu'il s'impose en conséquence de rejeter la demande d'annulation de la location fondée sur ces textes.
- Nullité sur le fondement de l'article 1108 ancien du code civil :
La Sas Sermdial soutient que le contrat de location signé le 5 mars 2015 est invalide pour défaut d'objet, faute de livraison du matériel.
L'ancien article 1108 du code civil applicable à la cause énonce que « quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :
- le consentement de la partie qui s'oblige,
- sa capacité de contracter,
- un objet certain qui forme la matière de l'engagement,
- une cause licite dans l'obligation. »
Il y a lieu d'observer que l'objet du contrat de location financière liant la Sas G. Location à la Sa Sermdial est la mise en location d'un matériel choisi par le locataire auprès d'un fournisseur et acheté par le bailleur, ainsi que le stipule l'article 1 des conditions générales de la location.
La livraison d'un matériel de vidéosurveillance convenu entre la Sa Sermdial et la Sàrl Altilans est l'objet du contrat de fourniture passé entre ces deux sociétés ; la demande de nullité du contrat de location pour défaut d'objet et absence de livraison du matériel par la Sas G. Location n'est donc pas fondée et doit être rejetée.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la résolution du contrat de location pour manquement de la Sas G. à son obligation de délivrance :
Pour les motifs précédemment exposés, il ne saurait être reproché à la Sas G. Location, non tenue d'une obligation de livraison du matériel, un manquement à une obligation de délivrance de nature à fonder la résolution du contrat de location.
Confirmant le jugement déféré, la cour rejettera la demande formée de ce chef.
La cour confirmera par suite le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de l'appelante principale en remboursement de la somme de 1.825,07 euros représentant les loyers versés.
Sur l'indemnité de résiliation :
La Sas G. Location réclame paiement de la somme de 20.348,57 euros à ce titre.
La Sa Sermdial sollicite la modération d'une clause pénale excessive.
La cour observe que la Sas G. Location a mis en œuvre la faculté de résiliation ouverte par l'article 10, 2°, des conditions générales - en cas de retard de paiement d'un loyer trimestriel -, par lettre recommandée avec avis de réception de mise en demeure du 16 septembre 2015 et courrier de résiliation du 16 octobre 2015.
L'article 11 des conditions générales autorise dans ce cas le bailleur à mettre en compte une indemnité de résiliation correspondant aux loyers échus impayés et aux loyers à échoir majorés d'une pénalité de 10 %, avec intérêts au taux légal à compter de la première présentation de la lettre de résiliation.
Il sera rappelé que l'article 1152 ancien du code civil applicable en l'espèce prévoit : « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. »
La cour considère que l'indemnité de 20.348,57 euros, représentant les loyers échus TTC, les intérêts de retard, les loyers à échoir HT, les frais de recouvrement visés à l'article 17, à laquelle a droit la Sas G. Location n'est pas manifestement excessive au regard du prix de 19.374,30 euros versé par la Sas G. Location au fournisseur Altilans.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de la somme de 20.348,57 euros sauf à préciser que cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de ce jour, faute pour la Sas G. Location de justifier de la présentation de la lettre recommandée avec avis de réception de résiliation du 16 octobre 2015, conformément aux prescriptions de l'article 11 des conditions générales.
Sur la restitution du matériel de vidéosurveillance :
La Sas G. Location réclame la restitution du matériel de vidéosurveillance loué, dont l'absence de livraison n'est pas sérieusement contestable pour ressortir d'un courrier de la Sàrl Altilans du 22 avril 2015 reportant la livraison en juillet 2015, de la liquidation judiciaire de la société fournisseur prononcée le 23 juillet 2015, du courrier du 29 octobre 2015 de la Sa Sermdial expliquant suspendre le paiement des loyers dans l'attente de la livraison.
Confirmant le jugement déféré, la cour rejettera cette demande.
Sur l'indemnité de non-restitution :
Sur appel incident et à défaut de restitution du matériel, la Sas G. Location met en compte une indemnité de non-restitution de 17.759,77 euros.
La Sa Sermdial en réclame la modération sur le fondement de l'article 1152 ancien du code civil.
La cour note que l'article 13 des conditions générales de la location autorise le bailleur à réclamer une indemnité de non-restitution calculée sur la base du prix du matériel et de la durée de la location selon la formule :
- prix d'achat du seul matériel / durée du contrat x durée restant à courir du contrat (à compter de la résiliation).
L'indemnité de non-restitution à la date de résiliation du contrat s'établit en l'espèce à 15.901,20 euro (18.172,80 euros / 72 mois x 63 mois = 15.901,20 euros).
La Sa Sermdial qui ne s'explique pas sur le caractère manifestement excessif de cette indemnité verra sa demande de modération rejetée.
Ajoutant au jugement déféré, la cour condamnera la Sa Sermdial à verser à la Sas G. Location une indemnité de non-restitution de 15.901,20 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de ce jour, faute pour la Sas G. Location de justifier de la présentation de la lettre recommandée avec avis de réception de résiliation du 16 octobre 2015.
Sur l'octroi de délais de paiement :
Eu égard aux délais dont la Sa Sermdial a bénéficié de fait depuis la résiliation du contrat de location prononcée le 16 octobre 2015, la demande de délais de paiement formée par l'appelante principale ne peut être accueillie.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La Sa Sermdial sera condamnée aux entiers dépens de la procédure ; l'équité commande de la condamner à verser à la Sas G. Location la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application de ce texte au profit de la Sa Sermdial.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
REJETTE les fins de non-recevoir opposées par la Sas G. Location,
INFIRME le jugement rendu le 26 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale, en ce qu'il a fait courir les intérêts de retard sur l'indemnité de résiliation au taux légal majoré de 5 % à compter du 16 octobre 2015,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la Sa Sermdial à payer à la Sas G. Location les intérêts au taux légal à échoir sur l'indemnité de résiliation de 20.348,57 euros à compter de ce jour,
REJETTE toute autre demande de la Sa Sermdial,
Y ajoutant,
CONDAMNE la Sa Sermdial à payer à la Sas G. Location une indemnité de non-restitution de 15.901,20 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de ce jour,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE la Sa Sermdial aux dépens d'appel,
CONDAMNE la Sa Sermdial à payer à la Sas G. Location la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Sa Sermdial.
LA GREFFIÈRE : LA PRÉSIDENTE :
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale