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CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 23 novembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 23 novembre 2020
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 5
Demande : 18/09880
Date : 23/11/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/07/2019
Référence bibliographique : 6044 (contraintes techniques du professionnel), 6142 (clause encadrant les modes de preuve), 6375 (assurance automobile, garantie vol)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8665

CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 23 novembre 2020 : RG n° 18/09880 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Ainsi, par sa définition de l'effraction (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement), l'assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu'en application de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, cette preuve est libre et outre son caractère restrictif, ce mode de preuve qui ne correspond plus à la réalité des moyens électroniques actuels (en vente libre sur Internet) mis en œuvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir la forcer vide ainsi la garantie de sa substance.

Il s'agit donc d'une clause abusive en ce qu'elle limite indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur et dans la mesure où l'assureur ne saurait promettre à l'assuré de garantir le vol tout en limitant l'application de la garantie à des hypothèses d'exécution matérielle de l'infraction trop précises ou devenues totalement marginales. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE5

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/13559 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-CAIKA. Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 mai 2019 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL : R.G. n° 18/09880.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], [...], Représenté par Maître Djilloud O., avocat au barreau de PARIS, toque : G0611

 

INTIMÉE :

LA MACIF

N° SIRET : XXX, [...], [...], Représentée par Maître Marie C.-W. de la SELARL CABINET C.-W., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 201

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Béatrice CHAMPEAU RENAULT, présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Béatrice CHAMPEAU RENAULT, Présidente, Monsieur Christian BYK, conseiller, Monsieur Julien SENEL, conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame FOULON

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Béatrice CHAMPEAU RENAULT, présidente et par Joëlle COULMANCE, greffière présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 28 septembre 2015, M. X., propriétaire d'un véhicule RENAULT MEGANE, immatriculé XXX, assuré par la compagnie d'assurances MACIF, a déposé plainte contre X pour vol de son véhicule stationné sur la commune du [ville P.].

En novembre 2015 la MACIF a procédé au rachat du véhicule et indemnisé M. X. à concurrence de la somme de 14.000 euros conformément aux préconisations du rapport de son expert, M. Z.

Le 17 novembre 2015, l'assureur a été informé de la découverte du véhicule volé à ANVERS, (BELGIQUE) et a mandaté le cabinet FLANDRES EXPERTISES BELLEMBOIS pour procéder à son expertise.

Le 5 mai 2016, l'expert a conclu que le véhicule ne présentait aucune trace d'effraction et qu'une carte d'origine de démarrage avait été retrouvée dans l'habitacle.

Déniant finalement sa garantie, la MACIF a réclamé à M. X. le remboursement de l'indemnité versée au titre du vol du véhicule.

A défaut de réponse de son assuré, la MACIF a, par acte d'huissier du 28 novembre 2018, assigné M. X. devant le tribunal de grande instance de CRETEIL aux fins suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

* le condamner à rembourser la somme de 14.000 euros indûment versée,

* dire que le jugement vaudra transfert de la propriété du véhicule RENAULT Mégane à M. X. dès réception du remboursement de la somme de 14.000 euros,

* dire qu'i1 appartiendra a M. X. de reprendre possession de son véhicule,

* débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes et conclusions,

* condamner M. X. à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, conformément à l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 9 mai 2019, le tribunal a :

- condamné M. X. à verser à la MACIF la somme de 14.000 euros correspondant à l'indemnité perçue à tort, ordonné le transfert du véhicule RENAULT MEGANE en cause à M. X. contre paiement de l'indemnité de 14.000 euros,

- condamné M. X. à verser à la MACIF la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 4 juillet 2019, M. X. a interjeté appel de la décision.

[*]

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 10 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. X. demande à la cour, de :

A titre principal,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

En conséquence,

- dire et juger qu'il sera dispensé de restituer à la MACIF l'indemnité de 14.000 euros et donc de la conserver,

- condamner l'intimée à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner l'intimée aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt.

[*]

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 31 décembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la MACIF demande à la cour, de :

- déclarer mal fondé l'appel interjeté par M. X.,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris,

Y ajoutant,

- ordonner à M. X. de reprendre possession de son véhicule, en quelque lieu qu'il se trouve,

- condamner M. X. à payer à la MACIF la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, conformément à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. aux entiers dépens, qui seront recouvrés par la Selarl C. W., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

M. X. fait état dans ses écritures du défaut de validité du procès-verbal de recherches infructueuses établi selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile lors de la délivrance de l'assignation devant le tribunal de grande instance de CRÉTEIL sans en tirer aucune conséquence ni former aucune demande à ce titre. Conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, il n'y a en conséquence pas lieu d'y répondre.

 

Sur l'application de la garantie vol :

M. X. sollicite l'infirmation du jugement faisant valoir que la clause de l'article 5 du contrat d'assurance automobile, qui est abusive, doit être réputée non écrite, la notion d'effraction étant totalement désuète alors que les moyens électroniques actuels (en vente libre sur internet) permettent de dérober une voiture sans jamais devoir la forcer ; que le vol, dont il a été victime, est bien le résultat d'une programmation d'une clé électronique de véhicule ainsi qu'il résulte de la lecture du rapport expertal ; que dès lors qu'il a restitué en son temps à la MACIF les deux clés d'origine du véhicule, la clé retrouvée dans le véhicule n'est qu'une clé contrefaite ou falsifiée, de sorte que s'agissant d'une effraction électronique la garantie vol doit jouer, les conditions de garantie étant réunies.

La MACIF sollicite la confirmation du jugement faisant valoir qu'il incombe à l'assuré d'établir que les conditions de la garantie sont réalisées, que les conditions générales du contrat d'assurance souscrit stipulent expressément que « le vol sans effraction du véhicule n'est pas garanti » et que « si le véhicule est retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement), la garantie vol ne sera pas acquise (...) » ; que cette clause relative aux conditions de mise en jeu de la garantie et à son étendue n'est pas une clause d'exclusion ; que le cabinet FLANDRES EXPERTISES BELLEMBOIS a relevé que : « il n'y avait pas de trace d'effraction extérieure permettant de pénétrer dans le véhicule et que le véhicule a été retrouvé avec une carte de démarrage qui permet d'ouvrir le véhicule et de démarrer concluant que contrairement à la déclaration du procès-verbal de police, le véhicule a dû être volé avec la carte qui a été retrouvée »  qu'en l'absence d'effraction, la garantie vol du contrat souscrit par M. X. auprès de la MACIF n'est pas mobilisable.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

L'article L. 113-1 du code des assurances prévoit que « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ».

L'article L. 132-1 du code de la consommation détermine les clauses abusives qui ont pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Ce texte est d'ordre public et prévoit que les clauses abusives sont réputées non écrites.

Aux termes de l'article 5 des conditions générales du contrat d'assurance automobile conclu par M. X. et la MACIF il est énoncé que « le vol sans effraction du véhicule n'est pas garanti » (cf. conditions générales, page 28) ce qui signifie que le sinistre garanti est le vol par effraction du véhicule. L'effraction n'est pas une exclusion de garantie mais la condition de mise en jeu de la garantie dont il incombe à l'assuré de faire la preuve.

Par ailleurs, sous l'intitulé « Application de la garantie » il est noté : « Toutefois, si votre véhicule était retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement), la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l'indemnité déjà versée, moyennant mise à votre disposition du véhicule retrouvé » (cf. conditions générales, page 29). Il s'agit ainsi de l'énumération des conditions matérielles auxquelles l'assureur soumet la reconnaissance de l'effraction du véhicule.

Ainsi, par sa définition de l'effraction (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement), l'assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu'en application de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, cette preuve est libre et outre son caractère restrictif, ce mode de preuve qui ne correspond plus à la réalité des moyens électroniques actuels (en vente libre sur Internet) mis en œuvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir la forcer vide ainsi la garantie de sa substance.

Il s'agit donc d'une clause abusive en ce qu'elle limite indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur et dans la mesure où l'assureur ne saurait promettre à l'assuré de garantir le vol tout en limitant l'application de la garantie à des hypothèses d'exécution matérielle de l'infraction trop précises ou devenues totalement marginales.

En l'espèce, il est suffisamment établi par les pièces produites aux débats que M. X. était en possession des deux clés de démarrage d'origine du véhicule lesquelles ont été remises à la MACIF préalablement à l'indemnisation, que la troisième clé retrouvée par l'expert à l'intérieur de l'habitacle du véhicule en l'absence de rupture des faisceaux démontre nécessairement l'existence de la programmation frauduleuse d'une clé électronique du véhicule et qu'en conséquence, le véhicule a été volé à l'aide d'une effraction électronique ce qui doit être considéré comme une effraction au sens commun du terme. Dès lors, la garantie de l'assurance est due et le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

 

Sur les autres demandes :

Le jugement sera infirmé ce qu'il a condamné M. X. à payer à la MACIF des frais irrépétibles et en ce qu'il a condamné au paiement des dépens.

En cause d'appel, la MACIF sera condamnée à payer à M. X. une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la MACIF à payer à M. X. une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la MACIF de sa demande au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la MACIF aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE                             LA PRÉSIDENTE