CA METZ (3e ch.), 26 novembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8678
CA METZ (3e ch.), 26 novembre 2020 : RG n° 18/03013 ; arrêt n° 20/00499
Publication : Jurica
Extrait : « Il résulte de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable au litige, recodifié L. 221-3, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce même code, relatives notamment au droit de rétractation. Cet article instauré par la loi du 17 mars 2014 a remplacé celui prévu par la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 qui excluait des dispositions protectrices du code de la consommation les contrats ayant un « rapport direct avec les activités exercées » par le professionnel. Le nouveau texte se réfère donc à l'inclusion du contrat dans le champ de l'activité principale du professionnel et non plus à la finalité de l'opération à laquelle renvoyait la notion de rapport direct avec les activités exercées.
En l'espèce, il est acquis aux débats pour n'être contesté ni de part, ni d'autre, que les contrats litigieux ont été conclu hors établissement au sens du texte précité. Il résulte par ailleurs des pièces figurant au dossier, en particulier des copies d'écran du site incriminé ou encore du papier à entête de l'appelant, que celui-ci a quitté un grand cabinet pour être un avocat indépendant, qu'il exerce seul cette profession à titre individuel, sans associé et sans collaborateur, et donc qu'il emploie moins de 5 salariés comme il le soutient sans être contredit sur ce point pas la SARL Cometik avec qui il a contracté. Enfin, si le contrat portant sur la création et l'exploitation du site internet litigieux présente un rapport certain avec l'activité de M. X. qu'il était destiné à promouvoir, en revanche, il ne participe pas, par son objet, à la réalisation de cette activité de praticien du droit. Il n'entre donc en rien dans le champ de l'activité principale d'avocat de M. X. dont il n'est ni justifié, ni même allégué qu'il dispose d'une compétence particulière en matière informatique.
C'est en vain que la SARL Cometik se prévaut de l'article L. 121-21-8 recodifié L. 221-28 du code de la consommation selon lequel le droit de rétractation ne peut être exercé pour les « contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ». En effet, il ressort du bon de commande et du contrat de licence que les prestations proposées à M. X. figuraient sur des imprimés pré-établis comportant des tableaux dans lesquels les signataires des contrats ont simplement mentionné « 0 » ou « 1 » selon les prestations choisies. Le cahier des charges qui comporte quelques cases renseignées n'est pas plus significatif et ce d'autant qu'il fait référence à un modèle de site (www.cabinet-Z-avocat.com) pré-établi. Au regard de ces documents, il apparaît que la SARL Cometik n'a pas créé de logiciel ou de site sur mesure pour M. X. mais a adapté un modèle pré-existant en fonction des options présentées et choisies par le client, de sorte que le site ou le logiciel ne sont pas confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisé. La dérogation prévue par le texte précité n'est donc pas applicable.
Il est rappelé que la disposition protectrice de l'article L. 121-16-1 III est d'ordre public et que son bénéficiaire ne peut y renoncer par avance. En conséquence, la mention selon laquelle « le client reconnaît que l'objet du contrat a un rapport direct avec son activité commerciale et qu'en conséquence le code de la consommation ne s'applique pas » (article 1 des conditions générales du contrat de licence) n'est pas susceptible de faire obstacle à l'exercice par M. X. du droit de rétraction prévu par le code de la consommation et ce indépendamment du fait que cette mention fait référence à l'ancienne notion de « rapport direct » et non à celle applicable en l'espèce de contrat entrant dans le champ de l'activité principale. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
TROISIÈME CHAMBRE - TI
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/03013. Arrêt n° 20/00499. N° Portalis DBVS-V-B7C-E4UM. Jugement : Au fond, origine Tribunal d'Instance de METZ, décision attaquée en date du 8 novembre 2018, enregistrée sous le R.G. n° 15/02878.
APPELANT :
Monsieur X.
[...], [...], Représenté par Maître Laurent Z., avocat au barreau de METZ
INTIMÉES :
SAS LOCAM
Représentée par son représentant légal, [...], [...], Représentée par Maître Agnès B.-P., avocat au barreau de METZ
SARL COMETIK
[...], [...], Représentée par Me Marie V., avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 24 septembre 2020 tenue par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 26 novembre 2020
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nejoua TRAD-KHODJA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame GIZARD, Conseiller, Monsieur MICHEL, Conseiller
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 19 février 2015, M. X., avocat, a souscrit auprès de la SARL Cometik la commande d'un site internet professionnel moyennant le règlement de 48 mensualités de 180 euros. Le même jour, M. X. et la SARL Cometik ont conclu un contrat de licence d'exploitation de site internet mentionnant les mêmes mensualités. Les droits résultant de ce second contrat ont été cédés par la SARL Cometik à la SAS Locam-Locations Automobiles et Matériels, pour un prix de 4.932,41 euros facturé le 30 mars 2015.
Par lettre recommandée du 2 juillet 2015, se plaignant du non-respect des engagements de référencement de la SARL Cometik, M. X. l'a informée qu'il résiliait le contrat les liant.
Par lettre recommandée réceptionnée le 14 septembre 2015, la SAS Locam a mis en demeure M. X. de procéder au règlement des échéances impayées dans un délai de 8 jours.
Par acte d'huissier du 16 octobre 2015, la SAS Locam a fait citer M. X. devant le tribunal d'instance de Metz aux fins de le voir condamner à lui verser la somme de 8.910 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2015, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens de l'instance.
M. X. qui s'est opposé à ces prétentions, a fait citer par acte d'huissier du 31 mai 2017 la SARL Cometik devant le même tribunal et les deux instances ont été jointes. Au dernier état de ses prétentions, il a demandé au tribunal de constater la résolution du contrat conclu avec la SARL Cometik, de la condamner à lui verser la somme de 1.080 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de constater l'absence de cause justifiant l'action de la SAS Locam, de la débouter de toutes ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
La SARL Cometik a demandé au tribunal de débouter M. X. et de le condamner au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par jugement contradictoire du 8 novembre 2018, le tribunal d'instance de Metz a condamné M. X. à payer à la SAS Locam la somme de 8.910 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2015, l'a débouté de sa demande à l'encontre des sociétés Cometik et Locam, l'a condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer la somme de 500 euros à chacune des deux sociétés et l'a condamné aux dépens.
Le tribunal a relevé que le site commandé avait été livré et qu'il avait fait l'objet d'un procès-verbal de réception 'sans restriction ni réserve' signé par M. X. Il a dit que le contrat portait en principal sur la création d'un site internet vitrine, que M. X. ne rapportait pas la preuve du caractère déterminant de la prestation relative au référencement, que selon les conditions générales, la SARL Cometik n'était tenue que d'une obligation de moyen pour que ce référencement soit optimum et que M. X. ne l'avait pas mise en demeure d'exécuter son obligation. Il a estimé que celui-ci ne pouvait reprocher un mauvais référencement alors qu'il avait refusé d'apporter les éléments permettant de résoudre cette difficulté comme la SARL Cometik le lui avait proposé dans deux courriers. Il a estimé qu'en sa qualité de professionnel du droit, il ne pouvait ignorer que la résolution du contrat devait être sollicitée en justice et que sa résiliation unilatérale n'était pas recevable. Il a ajouté que selon le contrat de commande du site internet, la signature du procès-verbal de conformité était le fait déclencheur de l'exigibilité des échéances et qu'en vertu des conditions générales du contrat de licence, cette signature valait reconnaissance par le client de la conformité du site au cahier des charges et à ses besoins. Le premier juge en a déduit que la SARL Cometik avait respecté ses obligations et a débouté M. X. de sa demande de résolution du contrat signé le 19 février 2015 et de dommages et intérêts.
Il a par ailleurs relevé que selon l'article 1 des conditions générales du contrat de licence, M. X. avait accepté la cession des droits résultant de ce contrat à un cessionnaire, qu'en signant le procès-verbal de réception, il avait déclenché d'une part l'exigibilité des échéances et d'autre part pour la SAS Locam en tant que cessionnaire, le règlement de la facture du fournisseur, que les mensualités avaient été prélevées à compter de cette date, et a considéré que le fournisseur ayant réalisé ses obligations, le contrat cédé avait trouvé son plein effet. Il en a déduit que ce contrat n'était pas dépourvu de cause.
Le tribunal a relevé que M. X. avait cessé de payer les échéances le 30 juin 2015 après avoir honoré trois mensualités, qu'une lettre de mise en demeure lui avait été adressée le 9 septembre 2015, lui accordant un délai de huit jours pour régulariser son retard et l'avertissant de la mise en œuvre de la clause résolutoire. Il a relevé que la SAS Locam avait résilié le contrat et qu'à défaut de règlement de l'arriéré, M. X. était tenu de payer la somme de 540 euros au titre des loyers échus impayés du 30 juin au 30 août 2015 et celle de 7.560 euros pour les loyers à échoir à compter du 30 septembre 2015 soit 8.100 euros au total. Il a observé que le site avait continué de fonctionner alors que les loyers n'étaient pas payés et a appliqué en conséquence la clause pénale prévoyant une majoration de 10%, soit 810 euros.
[*]
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 21 novembre 2018, M. X. a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a condamné à payer à la SAS Locam la somme de 8.910 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2015, l'a débouté de l'intégralité de sa demande à l'encontre de la SARL Cometik et de la SAS Locam, l'a condamné à payer à la SAS Locam la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la même somme à la SARL Cometik, et l'a condamné aux dépens.
Il conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour de :
- constater la résolution du contrat en application de la clause résolutoire qu'il prévoit,
- à titre subsidiaire, constater sa rétractation faite dans le délai légal,
- en tout état de cause, constater la caducité de la cession du contrat entre la SARL Cometik et la SAS Locam,
- débouter la SARL Cometik et la SAS Locam de toutes leurs demandes,
- les condamner à lui rembourser les loyers perçus indûment pas leurs soins,
- condamner la SARL Cometik à lui verser la somme de 2.800 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'inexécution de ses obligations,
- constater l'absence de cause justifiant l'action de la SAS Locam,
- condamner la SARL Cometik et la SAS Locam solidairement à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Cometik et la SAS Locam en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.
L'appelant fait valoir que la SARL Cometik ne prouve pas avoir mis en place tous les moyens pour remplir son obligation afin d'obtenir un référencement performant. Il soutient que la mensualité de 180 euros a en réalité pour unique objet cette obligation de référencement efficient dans la mesure où la création du site n'a pas été facturée et que, faute de preuve de la mise en œuvre de moyens pour y parvenir, l'obligation de paiement n'a pas eu de contrepartie réelle. Il précise avoir effectué des recherches sur google qui ont fait apparaître le site créé par la SARL Cometik en 19ème page, après l'autre site qu'il a créé alors qu'il est profane en la matière et en conclut que l'intimée n'est pas fondée à solliciter le paiement de sa prestation.
M. X. soutient que le procès-verbal de réception qu'il a signé ne constitue que le début de l'exécution du contrat et que cette seule signature ne saurait justifier son obligation de versement de 48 mensualités sans que soit vérifié au préalable si tous les services qui en sont la contrepartie, ont été effectués. Il indique que la clause du contrat relative à la signature du procès-verbal de réception et à ses conséquences a été jugée comme ambigüe dans deux affaires où elle était rédigée dans les mêmes termes qu'en l'espèce, et que le procès-verbal qu'il a signé ne fait référence qu'à la réception de l'espace d'hébergement. Il en déduit que ce document doit être considéré comme nul, que par conséquent, il est bien fondé à se prévaloir de la clause résolutoire de l'article 8 du contrat.
L'appelant soutient que les dispositions du code de la consommation lui sont applicables en particulier celles qui concernent le droit de rétractation, au motif que le contrat qu'il a conclu en qualité d'avocat ne rentre pas dans le champ de son activité principale au sens de l'article L.121-16-1 du code de la consommation en vigueur à l'époque et qu'il emploie un seul salarié. Il observe qu'aucune information concernant le droit de rétractation n'a été prévue dans le contrat, que la sanction de cette absence de mention a pour effet de prolonger de 12 mois le délai de rétractation après les 14 jours initiaux, qu'il était dans le délai pour agir lorsque par courrier du 2 juillet 2015, il a signifié à la SARL Cometik sa volonté de stopper toute relation contractuelle et que par voie de conséquence, le contrat conclu avec cette société et le contrat de cession à la SAS Locam sont nuls.
Il fait également valoir que la SARL Cometik a manqué à l'obligation d'information précontractuelle. Il affirme l'avoir informée de la préexistence d'un site internet à son nom en lui précisant que sa seule exigence était un référencement plus performant mais qu'en revanche, la SARL Cometik ne lui a fait part ni de l'entrave à la performance que constituait son ancien site pour le nouveau, ni des obligations déontologiques auxquelles étaient soumis les avocats pour l'appellation de leur site internet. Il prétend qu'en conséquence, il n'a pas pu donner un consentement libre et éclairé et sollicite l'allocation de dommages et intérêts au motif que la responsabilité de la SARL Cometik est engagée.
L'appelant explique par ailleurs que le contrat conclu avec la SARL Cometik constitue la cause du contrat de location financière transmis à la SAS Locam et que la nullité du premier de ces contrats entraîne la caducité du second. Il en déduit que la SAS Locam ne peut lui réclamer la somme due au titre de ce deuxième contrat et qu'elle ne peut pas non plus justifier d'une contrepartie au paiement qu'elle réclame lequel est dès lors constitutif d'un enrichissement injustifié dont le principe érigé par la cour de cassation a été codifié sous le nouvel article 1303-1 du code civil.
[*]
La SARL Cometik conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, demande à la cour de débouter M. X. de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
Elle fait valoir que le droit de rétractation est inapplicable en l'espèce, la Cour de cassation ayant donné une interprétation stricte de la notion issue de la loi du 17 mars 2014 de 'contrat qui n'entre pas dans le champ d'activité principale du professionnel sollicité' qui conditionne l'application du droit de la consommation entre professionnels, que cette interprétation s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de l'ancien texte, qu'elle est appliquée constamment par les juges du fond , avant comme après la réforme, et qu'elle est approuvée par la commission d'examen des pratiques commerciales. Elle souligne que le contrat souscrit par M. X. a pour objet une prestation à des fins publicitaires, qu'il entre donc bien dans le champ de son activité professionnelle principale et que dès lors, les dispositions de l'ancien article L. 121-16-1 III du code de la consommation sont inapplicables. Elle ajoute qu'en tout état de cause, s'agissant de 'prestations entrant dans la catégorie des fournitures de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur 'au sens de l'ancien article L. 121-21-8, le droit de rétractation ne peut être exercé. Elle soutient enfin que l'appelant est forclos à invoquer son droit de rétractation puisqu'il n'a formulé de demande à ce titre qu'en appel soit largement au-delà des douze mois prévus par l'article L. 221-29 du code de la consommation.
L'intimée explique par ailleurs que M. X. lui a bien commandé « la création » d'un site internet, qu'il a rempli un cahier des charges à cet effet et que cette prestation est prévue sur le bon de commande et sur le contrat de licence d'exploitation. Elle détaille les prestations réalisées et soutient que la complète satisfaction de M. X. quant au site internet livré résulte de l'apposition de sa signature sans aucune réserve sur le procès-verbal de réception-conformité. Elle rappelle que selon l'article 2.2 des conditions générales, cette signature vaut reconnaissance par le client de la conformité du site au cahier des charges et à ses besoins et estime que cette signature sans restriction ni réserve rend irrecevable toute contestation postérieure à la conformité du site.
La SARL Cometik conteste avoir failli à son obligation d'information précontractuelle en affirmant qu'elle n'avait pas connaissance du site internet préexistant de M. X. avant la signature du contrat et qu'il appartenait à celui-ci de l'en informer. Elle ajoute qu'il était également de sa responsabilité de se tenir informé des règles déontologiques de sa propre profession en matière de création de site internet et qu'il n'a subi de ce chef aucun préjudice, le site livré respectant les dites règles.
Sur la prestation de référencement, l'intimée fait valoir que M. X. ne prouve pas qu'elle aurait été déterminante de son consentement, le contrat démontrant au contraire selon elle que la prestation principale consistait en la création d'un nouveau site internet. Elle rappelle que selon une jurisprudence constante, cette prestation de référencement constitue une simple obligation de moyen dans la mesure où elle est nécessairement aléatoire en ce qu'elle relève de la seule appréciation des moteurs de recherche. Elle précise que le positionnement de son site aurait été meilleur si M. X. avait accepté de collaborer comme elle le lui a proposé, que le site qu'elle a créé a comptabilisé 5.829 visite en 2016 et 1316 sur le seul mois de janvier 2017, qu'il est donc resté tout à fait attractif et que M. X. a nécessairement tiré un profit économique de la visibilité de son activité.
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La SAS Locam demande à la cour de rejeter l'appel de M. X., de le débouter de toutes ses demandes et de le condamner à lui régler une indemnité de 1.750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens d'instance et d'appel.
Elle fait valoir que l'exception de nullité soulevée par M. X. est irrecevable et se heurte à une fin de non-recevoir, faute par celui-ci d'avoir agi en résolution ou en nullité du contrat le liant à son fournisseur, préalablement à la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement des loyers.
La SAS Locam soutient par ailleurs que M. X. invoque à tort les dispositions du code de la consommation dans la mesure où il ne prouve ni qu'il n'emploie pas plus de cinq salariés, ni que le contrat n'entre pas dans le champ de son activité principale alors que le site web était destiné à être la vitrine de son activité professionnelle.
Elle explique que les dommages et intérêts dont elle sollicite l'allocation, soit le montant des loyers échus et à échoir, lui sont dus tant en vertu des dispositions légales (article 1149 du code civil) que des dispositions contractuelles (article 16-3 des conditions générales du contrat de location). Elle fait également valoir qu'il n'est pas justifié du caractère manifestement excessif de la clause pénale au regard du préjudice notamment lié aux frais administratifs et de gestion et aux frais engendrés par la défaillance de M. X. et précise qu'elle ne pourra pas réutiliser le site internet litigieux qui présente des caractéristiques propres à l'activité de l'appelant et à sa personnalité.
La SAS Locam fait valoir par ailleurs que le contrat n'est pas dépourvu de cause. Elle explique que l'obligation de l'appelant trouve sa cause dans l'obligation qu'elle a de mettre à sa disposition le site dont elle a acquis les droits d'exploitation et que son obligation est elle-même causée par l'obligation de M. X. de lui régler en contrepartie des loyers financiers. Elle ajoute que la cause ou l'absence de cause d'une convention s'évalue au moment de sa signature et non postérieurement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les écritures déposées le 12 février 2019 par M. X., le 13 mai 2019 par la SAS Locam et le 13 mai 2019 par la SARL Cometik auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 mars 2020 ;
Sur la résolution des contrats :
Il est rappelé à titre liminaire qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il est relevé que la SAS Locam conclut aux termes du dispositif de ses conclusions, au rejet et non à l'irrecevabilité des demandes de M. X., de sorte que la cour n'a pas à statuer sur « l'irrecevabilité de l'exception de nullité formulée par M. X. » qu'elle développe dans les motifs de ses conclusions, étant observé d'ailleurs que l'appelant ne soulève en cause d'appel aucune exception de nullité.
La demande relative à la résolution du contrat est fondée sur l'article 8 des conditions générales du contrat de licence, selon lesquelles « le contrat est conclu sous condition résolutoire de la signature du procès-verbal de conformité dans les conditions définies à l'article 2.2 ». Cet article prévoit notamment que 'le refus non motivé par des raisons de conformité, par le client de signer le procès-verbal de conformité, entraînera 8 jours après une mise en demeure envoyée par lettre recommandée avec AR restée infructueuse, la résiliation de plein droit du contrat'. Outre le fait que cette clause est prévue en faveur du fournisseur comme en atteste la somme forfaitaire mise à la charge du client dans ce cas (2.000 euros), sa mise en œuvre est conditionnée par le refus de signer le procès-verbal de conformité du site internet et l'envoi d'une mise en demeure préalable. Il n'est justifié en l'espèce, d'aucune de ces deux conditions. Si la signature d'un procès-verbal de réception est établie, en revanche, l'existence d'un procès-verbal de conformité, le refus de M. X. de procéder à sa signature pour une autre raison que la conformité du site et l'envoi d'une mise en demeure ne ressortent d'aucune pièce du dossier.
Il s'en déduit que M. X. ne peut valablement se prévaloir de la clause résolutoire. Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de constat de résolution du contrat.
Sur le droit de rétractation :
Il résulte de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable au litige, recodifié L. 221-3, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce même code, relatives notamment au droit de rétractation. Cet article instauré par la loi du 17 mars 2014 a remplacé celui prévu par la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 qui excluait des dispositions protectrices du code de la consommation les contrats ayant un « rapport direct avec les activités exercées » par le professionnel. Le nouveau texte se réfère donc à l'inclusion du contrat dans le champ de l'activité principale du professionnel et non plus à la finalité de l'opération à laquelle renvoyait la notion de rapport direct avec les activités exercées.
En l'espèce, il est acquis aux débats pour n'être contesté ni de part, ni d'autre, que les contrats litigieux ont été conclu hors établissement au sens du texte précité. Il résulte par ailleurs des pièces figurant au dossier, en particulier des copies d'écran du site incriminé ou encore du papier à entête de l'appelant, que celui-ci a quitté un grand cabinet pour être un avocat indépendant, qu'il exerce seul cette profession à titre individuel, sans associé et sans collaborateur, et donc qu'il emploie moins de 5 salariés comme il le soutient sans être contredit sur ce point pas la SARL Cometik avec qui il a contracté. Enfin, si le contrat portant sur la création et l'exploitation du site internet litigieux présente un rapport certain avec l'activité de M. X. qu'il était destiné à promouvoir, en revanche, il ne participe pas, par son objet, à la réalisation de cette activité de praticien du droit. Il n'entre donc en rien dans le champ de l'activité principale d'avocat de M. X. dont il n'est ni justifié, ni même allégué qu'il dispose d'une compétence particulière en matière informatique.
C'est en vain que la SARL Cometik se prévaut de l'article L. 121-21-8 recodifié L. 221-28 du code de la consommation selon lequel le droit de rétractation ne peut être exercé pour les « contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ». En effet, il ressort du bon de commande et du contrat de licence que les prestations proposées à M. X. figuraient sur des imprimés pré-établis comportant des tableaux dans lesquels les signataires des contrats ont simplement mentionné « 0 » ou « 1 » selon les prestations choisies. Le cahier des charges qui comporte quelques cases renseignées n'est pas plus significatif et ce d'autant qu'il fait référence à un modèle de site (www.cabinet-Z-avocat.com) pré-établi. Au regard de ces documents, il apparaît que la SARL Cometik n'a pas créé de logiciel ou de site sur mesure pour M. X. mais a adapté un modèle pré-existant en fonction des options présentées et choisies par le client, de sorte que le site ou le logiciel ne sont pas confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisé. La dérogation prévue par le texte précité n'est donc pas applicable.
Il est rappelé que la disposition protectrice de l'article L. 121-16-1 III est d'ordre public et que son bénéficiaire ne peut y renoncer par avance. En conséquence, la mention selon laquelle « le client reconnaît que l'objet du contrat a un rapport direct avec son activité commerciale et qu'en conséquence le code de la consommation ne s'applique pas » (article 1 des conditions générales du contrat de licence) n'est pas susceptible de faire obstacle à l'exercice par M. X. du droit de rétraction prévu par le code de la consommation et ce indépendamment du fait que cette mention fait référence à l'ancienne notion de « rapport direct » et non à celle applicable en l'espèce de contrat entrant dans le champ de l'activité principale.
Il s'ensuit que M. X. bénéficiait d'un droit de rétractation dont le délai initial d'exercice de 14 jours prévu à l'article L. 121-17 recodifié L. 221-5 du code de la consommation, a été prolongé à son expiration de 12 mois supplémentaires conformément à l'article L. 121-21-1 recodifié L. 221-20, faute par la SARL Cometik de démontrer lui avoir fourni les informations relatives à ce droit. Avant l'expiration du délai prolongé, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 5 juillet 2015, M. X. a indiqué à la SARL Cometik qu'il résiliait le contrat. Même en l'absence de référence expresse à une 'rétractation', les termes de ce courrier sont dénués de toute ambiguïté, quant à la volonté unilatérale de M. X. de mettre fin aux contrats et d'exercer son droit de rétractation, au sens de l'article L. 121-21-2 recodifié L. 221-21 du code de la consommation.
M. X. ayant valablement exercé son droit à rétractation par lettre recommandée du 2 juillet 2015, il est constaté l'anéantissement du contrat de commande d'un site internet et du contrat de licence d'exploitation conclus le 19 février 2015.
Selon l'article L. 121-21-7 recodifié L. 221-27 du code de la consommation, l'exercice du droit de rétractation d'un contrat principal met automatiquement fin à tout contrat accessoire. Il est donc également constaté l'anéantissement du contrat par lequel la SARL Cometik a cédé à la SAS Locam les droits résultant du contrat de licence d'exploitation internet. Par voie de conséquence, la SAS Locam n'est pas fondée à solliciter le paiement des sommes dues en vertu des contrats anéantis, respectivement les loyers échus (720 euros), les loyers à échoir (7.380 euros) et le montant de la clause pénale (810 euros), soit 8.910 euros au total. Le jugement déféré est infirmé et la SAS Locam est déboutée de ce chef de demande.
Sur les loyers perçus :
L'article L. 121-21-4 recodifié L. 221-24 du code de la consommation applicable en l'espèce, dispose que lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel rembourse le consommateur de la totalité des sommes versées. Il résulte des pièces fournies que M. X. a réglé trois mensualités de 180 euros à la SAS Locam, de sorte que celle-ci est condamnée à payer à l'appelant la somme de 540 euros en remboursement de ces échéances, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. En revanche, M. X. qui ne justifie pas avoir payé une somme quelconque à la SARL Cometik, est débouté de cette même demande en tant que dirigée à son encontre.
Sur la demande de dommages et intérêts :
L'appelant ne démontre pas avoir renseigné la SARL Cometik, préalablement à la conclusion du contrat, sur l'existence d'un premier site internet créé à son nom. Il ne peut dès lors valablement reprocher à cette société de ne pas l'avoir informé sur les conséquences de la pré-existence de ce site sur le référencement du site qu'il lui a commandé. L'intimée ne peut davantage être incriminée pour ne pas l'avoir renseigné sur les obligations déontologiques de sa profession en matière de site internet qu'il lui appartenait de connaître, à tout le moins de rechercher. La preuve d'une faute commise par la SARL Cometik au titre de l'information pré-contractuelle n'est donc pas rapportée. En conséquence, M. X. est débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un manquement à ce titre.
Il est par ailleurs relevé que M. X. qui a formé appel du jugement notamment en ce que celui-ci l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de résultat en matière de référencement du site, ne sollicite à hauteur de cour aucune condamnation de ce chef. La décision est donc confirmée sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont infirmées.
La SARL Cometik et la SAS Locam, parties perdantes, devront supporter les dépens de première instance et d'appel. Pour des raisons d'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties sont déboutées des demandes présentées sur ce fondement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté M. X. de sa demande de résolution des contrats conclus le 19 février 2015
- débouté M. X. de sa demande en paiement de la somme de 1.080 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de résultat en matière de référencement du site ;
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,
DÉBOUTE la SAS Locam - Location Automobile et Matériels de sa demande de condamnation de M. X. au paiement de la somme de 8.910 euros avec intérêts au taux légal ;
Y ajoutant,
CONSTATE l'anéantissement du contrat de commande d'un site internet et du contrat de licence d'exploitation conclus le 19 février 2015 entre M. X. et la SARL Cometik ;
CONSTATE l'anéantissement du contrat de cession des droits résultant du contrat de licence d'exploitation internet, conclu entre la SARL Cometik et la SAS Locam - Location Automobile et Matériels ;
CONDAMNE la SAS Locam - Location Automobile et Matériels à payer à M. X. la somme de 540 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
DÉBOUTE M. X. de sa demande en remboursement des mensualités payées en tant que dirigée à l'encontre de la SARL Cometik ;
DÉBOUTE M. X. de sa demande en paiement de la somme de 2.800 euros de dommages et intérêts au titre d'un manquement de la SARL Cometik à l'obligation précontractuelle d'information;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL Cometik et la SAS Locam - Location Automobile et Matériels aux dépens d'instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de METZ et par Madame GUIMARAES, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5827 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : clauses de renonciation dans le contrat
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet