CA PARIS (pôle 1 ch. 3), 6 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8721
CA PARIS (pôle 1 ch. 3), 6 janvier 2021 : RG n° 20/08324 ; arrêt n° 9
Publication : Jurica
Extrait (motifs) : « Il s'avère qu'en 2018 a eu lieu une transformation digitale et marketing mise en œuvre par la SEH nécessitant l'adoption de nouveaux outils de réservation et logiciels - le site internet Relais du Silence ayant été désactivé ainsi qu'il ressort d'un courrier de la SEH du 17 mai 2019 - et touchant à la marque Relais du Silence, laquelle a été mise en retrait au sein de la nouvelle politique marketing développée autour de la marque The Originals Hotels et s'est trouvée mêlée aux autres marques de la SEH, sans distinction, comme en fait état le procès-verbal de constat du 7 novembre 2019 dressé à la requête de la SEH.
C'est donc à juste titre que la société Auberge H. se prévaut d'une contestation sérieuse quant à son obligation de régler les cotisations de l'année 2019 au regard de la modification substantielle et unilatérale par la SEH du contrat de partenariat conclu entre les parties, nonobstant les statuts et le règlement intérieur de la coopérative à laquelle la société Auberge H. n'a adhéré que pour la marque et l'enseigne Relais du Silence, la qualité d'adhérent et celle de signataire du contrat d'enseigne étant étroitement liées en vertu de l'article 1 du contrat du 12 novembre 2012. »
Extrait (arguments de l’appelant) : « La société Auberge H. se prévaut d'une contestation sérieuse tenant d'une part au quantum des cotisations 2019 au vu des différents montants appelés et de l'incertitude de la somme réclamée en résultant et d'une facturation différente des modalités contractuelles, d'autre part au principe même du règlement desdites cotisations dès lors que la SEH a modifié unilatéralement le contrat d'enseigne et de collaboration commerciale du 12 novembre 2012 et les conditions essentielles de celui-ci, entraînant la mise en place d'un ensemble de nouveaux outils et logiciels extrêmement coûteux pour les adhérents et la suppression de tout équipement et de tout support commercial sous la marque Relais du Silence. Elle ajoute que le nouveau contrat de partenariat par lequel la SEH tente de la soumettre à de nouvelles obligations est un contrat d'adhésion soumis aux dispositions de l'article 1171 du code civil relatives au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dont l'appréciation ne relève pas de la compétence du juge des référés. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
POLE 1 CHAMBRE 3
ARRÊT DU 6 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/08324. Arrêt n° 9 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6PH. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 juin 2020 - Président du TC de PARIS 04 - RG n° 2020001875.
APPELANTE :
SASU AUBERGE H.
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [...], [...], N° SIRET : XXX, représentée par Maître Matthieu B. G. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, et par Maître Lucie G. de la SELARL LEXJURISMO, avocat au barreau de SENLIS, toque : 160
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ EUROPÉENNE D'HÔTELLERIE
société coopérative de commerçants détaillants à forme anonyme à capital variable, représentée par ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité [...], [...], N° SIRET : YYY, représentée par Maître Michel G. de la SELARL G. ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, et par Maître Camille G., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, toque : NAN702
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Carole CHEGARAY, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre, Mme Carole CHEGARAY, conseillère, Mme Edmée BONGRAND, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffière, lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Société Européenne d'Hôtellerie dite SEH, société coopérative de commerçants détaillants à forme anonyme à capital variable, exploite le réseau d'hôtellerie dénommé « The Originals, Human Hotels & Resorts » précédemment dénommé « Relais du Silence ».
Par acte du 12 novembre 2012, la SAS Auberge H. a conclu avec la SEH un contrat d'enseigne et de collaboration commerciale renforcée relatif à la marque Relais du Silence aux termes duquel la SEH autorise la société Auberge H. à utiliser ladite marque et son logo sous forme de sigle et d'enseigne ainsi que l'identité sonore ou musique pour l'hôtel exploité par cette dernière.
L'article 16 du contrat « conditions financières » prévoit, en contrepartie des services et avantages dispensés par la SEH, à la charge de l'adhérent, une cotisation annuelle fixe identique pour chaque hôtel, une cotisation variable selon le nombre de chambres et une contribution aux frais de l'assemblée générale annuelle et aux réunions régionales.
En 2018, la SEH a procédé à une profonde transformation digitale et marketing avec changement de la marque qui est devenue The Originals Human Hotels & Resorts et des outils de réservation.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 septembre 2018, la société Auberge H. a informé la SEH qu'elle n'entendait pas adhérer au nouveau programme dit « transformation digitale et marketing » et lui a « notifié la résiliation du contrat en date du 12 novembre 2012 ».
Par courrier du 28 novembre 2018, la SEH a pris note de la volonté de la société Auberge H. de résilier l'adhésion de son établissement au réseau Relais du Silence, lui rappelant toutefois qu'elle était redevable d'un préavis de 12 mois et que son retrait prendrait effet à la fin de l'exercice social en cours à l'expiration du délai de préavis de 12 mois, soit à partir du 1er janvier 2020.
La SEH a réclamé à la société Auberge H. la cotisation au titre de l'année 2019, laquelle est restée impayée malgré deux mises en demeure en date des 19 juillet et 25 octobre 2019.
Par acte du 17 janvier 2020, la société SEH a fait assigner en référé la société Auberge H. devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 17.423,37 euros, augmentée des intérêts et pénalités de retard et indemnité forfaitaire de recouvrement, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 18 juin 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
Vu l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile,
- condamné à titre provisionnel la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 17.423,37 euros en principal, outre intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure, outre les pénalités de retard au taux d'intérêt légal à compter du lendemain de la date d'exigibilité de la somme indiquée sur la facture dont le recouvrement est poursuivi,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- condamné à titre provisionnel la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- condamné la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus de la demande,
- condamné en outre la société Auberge H. aux dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 1er juillet 2020, la société Auberge H. a interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance.
[*]
Dans ses dernières conclusions du 12 novembre 2020, la SAS Auberge H. demande à la cour de :
Vu l'article 872 du code de procédure civile,
- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris en date du 18 juin 2020, en ce qu'elle a :
* condamné à titre provisionnel la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 17.423,37 euros en principal, outre intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure, outre les pénalités de retard au taux d'intérêt légal à compter du lendemain de la date d'exigibilité de la somme indiquée sur les factures dont le recouvrement est poursuivi,
* ordonné la capitalisation des intérêts,
* condamné à titre provisionnel la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
* condamné la société Auberge H. à porter et payer à la société SEH la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné en outre la société Auberge H. aux dépens de l'instance,
statuant à nouveau,
- déclarer la SAS Auberge H. tant recevable que bien fondée en son appel, et y faisant droit,
- dire et juger qu'il existe une contestation sérieuse soulevée par la SAS Auberge H. à la demande de provision présentée par la Société Européenne d'Hôtellerie,
en conséquence,
- débouter la Société Européenne d'Hôtellerie de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- renvoyer la Société Européenne d'Hôtellerie à mieux se pourvoir,
- condamner la Société Européenne d'Hôtellerie à verser à la SAS Auberge H. la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Dans ses dernières conclusions du 18 novembre 2020, la Société Européenne d'Hôtellerie demande à la cour de :
Vu l'article 873 du code de procédure civile,
Vu les articles 1103, 1104, 1231-6 et 1343-5 du code civil,
Vu l'article L. 441-10 du code de commerce,
Vu les pièces versées au débat,
Vu l'absence de contestation sérieuse,
- confirmer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a :
* condamné à titre provisionnel la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 17.423,37 euros en principal, outre intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure, outre les pénalités de retard au taux d'intérêt légal à compter du lendemain de la date d'exigibilité de la somme indiquée sur la facture dont le recouvrement est poursuivi,
* ordonner la capitalisation des intérêts,
* condamné à titre provisionnel la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
* condamné la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* rejeté le surplus de la demande,
* condamné en outre la société Auberge H. aux dépens de l'instance,
- l'infirmer en ce qu'elle a limité les intérêts au taux légal,
statuant à nouveau,
- condamner à titre provisionnel la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 17.423,37 euros en principal, outre intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure,
- y ajouter les pénalités de retard égales à trois fois de taux d'intérêt légal à compter du lendemain de la date d'exigibilité de la somme indiquée sur la facture dont le recouvrement est poursuivi,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner à titre provisionnel la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 40 euros par facture au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
y ajoutant,
- débouter la société Auberge H. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Auberge H. à porter et à payer à la société SEH la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
[*]
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Axu termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'article 21 « résiliation » du contrat du 12 novembre 2012, reprenant les termes de l'article 11 des statuts de la SEH, stipule que « la résiliation pourra être effectuée, par les parties, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée en respectant un préavis de 12 mois et avec effet à la fin de l'exercice social en cours à l'expiration du délai de préavis de 12 mois ».
La SEH fait valoir que la société Auberge H. est adhérente de la coopérative SEH et qu'elle doit à ce titre obligatoirement se conformer au respect des statuts et du règlement intérieur prévoyant le respect d'un préavis de 12 mois, le retrait prenant effet en l'espèce le 31 décembre 2019, de sorte que le règlement des cotisations appelées sur l'année 2019 n'est pas contestable. Elle ajoute que la société Auberge H. a continué à bénéficier des services du réseau, que la marque Relais du Silence était mise à disposition et sa valorisation renforcée, le site internet y faisant par ailleurs toujours référence.
La société Auberge H. se prévaut d'une contestation sérieuse tenant d'une part au quantum des cotisations 2019 au vu des différents montants appelés et de l'incertitude de la somme réclamée en résultant et d'une facturation différente des modalités contractuelles, d'autre part au principe même du règlement desdites cotisations dès lors que la SEH a modifié unilatéralement le contrat d'enseigne et de collaboration commerciale du 12 novembre 2012 et les conditions essentielles de celui-ci, entraînant la mise en place d'un ensemble de nouveaux outils et logiciels extrêmement coûteux pour les adhérents et la suppression de tout équipement et de tout support commercial sous la marque Relais du Silence. Elle ajoute que le nouveau contrat de partenariat par lequel la SEH tente de la soumettre à de nouvelles obligations est un contrat d'adhésion soumis aux dispositions de l'article 1171 du code civil relatives au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dont l'appréciation ne relève pas de la compétence du juge des référés.
[*]
Il n'est pas contestable que le « contrat d'enseigne et de collaboration commerciale renforcée -Relais du Silence » conclu entre les parties le 12 novembre 2012 porte sur la mise à disposition de la marque Relais du Silence et prévoit des obligations destinées à promouvoir cette seule et même marque. Il n'est pas non plus contestable que la société Auberge H. a adhéré à la SEH en vue de l'utilisation de la marque et de l'enseigne Relais du Silence.
Il s'avère qu'en 2018 a eu lieu une transformation digitale et marketing mise en œuvre par la SEH nécessitant l'adoption de nouveaux outils de réservation et logiciels - le site internet Relais du Silence ayant été désactivé ainsi qu'il ressort d'un courrier de la SEH du 17 mai 2019 - et touchant à la marque Relais du Silence, laquelle a été mise en retrait au sein de la nouvelle politique marketing développée autour de la marque The Originals Hotels et s'est trouvée mêlée aux autres marques de la SEH, sans distinction, comme en fait état le procès-verbal de constat du 7 novembre 2019 dressé à la requête de la SEH.
C'est donc à juste titre que la société Auberge H. se prévaut d'une contestation sérieuse quant à son obligation de régler les cotisations de l'année 2019 au regard de la modification substantielle et unilatérale par la SEH du contrat de partenariat conclu entre les parties, nonobstant les statuts et le règlement intérieur de la coopérative à laquelle la société Auberge H. n'a adhéré que pour la marque et l'enseigne Relais du Silence, la qualité d'adhérent et celle de signataire du contrat d'enseigne étant étroitement liées en vertu de l'article 1 du contrat du 12 novembre 2012.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SEH.
La SEH, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à la société Auberge H. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la Société Européenne d'Hôtellerie,
Condamne la Société Européenne d'Hôtellerie aux dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoue, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la Société Européenne d'Hôtellerie à verser à la société Auberge H. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
- 6206 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Hôtellerie
- 9753 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Hôtel
- 9762 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par clause – Modification du contrat