CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 28 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8741
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 28 janvier 2021 : RG n° 19/15804 ; arrêt n° 2021/34
Publication : Jurica
Extrait : « Il convient de rappeler que l'obligation de communication du TEG qui s'impose au prêteur se justifie par la nécessité de transparence que l'emprunteur est en droit d'attendre de tout établissement bancaire. Le consommateur doit ainsi recevoir des informations adéquates sur les conditions et le coût du crédit, qui doivent faciliter la comparaison des différentes offres de crédit qu'il a pu recevoir.
Comme les consorts X.-Y. le rappellent en page 6 de leurs écritures, le TEG doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, et il résulte des articles L. 312-2 et R. 313-1 du code de la consommation qu'en matière de crédit immobilier, le TEG est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires.
Les consorts X.-Y. sont certes engagés dans les termes des deux contrats des 5 février 2007 et 23 octobre 2007 qui fait la loi des parties, engagement limité dans le temps, et dont la clause 4 qui stipule un TEG prévisionnel n'est plus discutable. Cependant, l'obligation d'information des banques à l'égard de leur client est un principe régulièrement réaffirmé par la jurisprudence, laquelle est amenée à pallier l'absence de disposition législative afin de faire respecter cette obligation en complétant l'ensemble normatif.
C'est pourquoi, au titre de son obligation d'information, lorsque l'indice de variation est potestatif, que l'emprunteur ne peut pas avoir cette donnée par un autre moyen empreint de neutralité comme extérieur au prêteur, la banque doit préciser le TEG à l'occasion de chaque variation afin que le client ait toutes informations sur l'évolution du coût réel de son prêt, ce que ne permet pas la seule indication du taux de l'intérêt variable applicable.
Les modalités de calcul du TEG en cours de contrat sont nécessairement les mêmes que celles qui s'imposent lors de l'offre de prêt, tous les frais inclus dans le calcul du TEG initial devant être repris afin que la comparaison, qui est la finalité de cette obligation jurisprudentielle, soit possible avec le TEG mentionné dans l'offre de prêt.
Comme en matière d'absence de TEG dans le contrat de prêt, la sanction de l'absence de TEG sur les relevés d'information trimestriels est la déchéance du droit aux intérêts, laquelle est une possibilité laissée au juge, et qui peut être totale ou partielle. Afin d'en apprécier le quantum, doit être pris en compte le préjudice subi par les emprunteurs, en lien avec l'absence de mention du TEG sur les roll-overs. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3-4
ARRÊT DU 28 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 19/15804. Arrêt n° 2021/34. N° Portalis DBVB-V-B7D-BFAHG. ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION. Arrêt prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 9 janvier 2019 qui a cassé et annulé partiellement l'arrêt n° [2016/659] de la 8ème chambre C de la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE le 10 novembre 2016 [RG n°14/07517].
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :
Monsieur X.
né le [date], demeurant [adresse], représenté par Maître Nikita S. de la SELARL NIKITA S., avocat au barreau de GRASSE et assisté de Maître Sarah B., avocat au barreau de GRASSE substituant Me Nikita S., avocat
Madame Y.
née le [date], demeurant [adresse], représentée par Maître Nikita S. de la SELARL NIKITA S., avocat au barreau de GRASSE et assisté de Maître Sarah B., avocat au barreau de GRASSE substituant Maître Nikita S., avocat
DÉFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :
Société JYSKE BANK A/S
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, dont le siège est sis [adresse], représentée par Maître Isabelle F., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Maître Aurélie B., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er décembre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure BOURREL, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport. Madame Laure BOURREL, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Laure BOURREL, Président, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021. Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
En vue de réaliser des travaux de rénovation dans leur maison de [ville M.], et de procéder au rachat d'un prêt antérieur, M. X. et Mme Y. ont souscrit auprès de la société Jyske Bank A/S, société de droit danois, deux prêts libellés en francs suisses, le premier le 5 février 2007 pour un montant de 2.650.000 € , soit la contre-valeur de 4.319.500 CHF, et le second le 23 octobre 2007 pour un montant de 925.000 €, soit la contre-valeur de 1.552.150 CHF.
Ces deux prêts ont été consentis à taux variable composé du taux de base bancaire de la Jyske Bank, « Jyske Bank Funding Rate », et d'un taux fixe de 1,5 %. À la date de souscription de chacun des deux prêts, il est mentionné dans les contrats que le taux applicable est respectivement de 5,3 % et 6,35 %, avec un taux effectif global respectivement de 5,53 % et 7,13 %. Ces prêts sont d'une durée de 35 ans et sont consentis moyennant une hypothèque de premier rang sur le bien immobilier de [ville M.] et une garantie à première demande de 200.000 €.
L'article 11 de ces deux contrats prévoit un mécanisme autorisant la banque en cas de variation des taux de change ayant pour effet que l'endettement en cours dépasse un certain seuil, « Limite de facilité sterling », de prendre à son entière discrétion certaines mesures, notamment de convertir l'endettement en cours en livre sterling au taux de change de la banque en vigueur au jour de la conversion, de réaliser ou appeler toute ou partie de la sûreté garantissant le remboursement du prêt ou demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement en cours.
En janvier 2011, le taux de change du franc suisse s'est notablement renforcé par rapport à l'euro. Prévenus par la Jyske Bank A/S, en juin 2011 Monsieur X. et Mme Y. ont préféré consentir une nouvelle garantie plutôt que la conversion des emprunts.
Nonobstant, le 9 août 2011 la Jyske Bank a procédé à la conversion des emprunts en euro. Les emprunteurs ont contesté cette conversion.
Par exploit du 7 avril 2012, Monsieur X. et Madame Y. ont assigné la société Jyske Bank A/S afin qu'il soit dit que l'article 4 des contrats de prêts était nul, que l'article 11 était abusif et par conséquent non écrit, en déchéance totale des intérêts, en nullité des conversions opérées par la société Jyske Bank A/S, et que soit ordonnée la poursuite des deux prêts en francs suisses, qu'il soit interdit à la société Jyske Bank tout autre conversion que ce soit en euro ou livre sterling, subsidiairement, que soit prononcée la résolution des deux contrats de prêts, qu'à défaut, la société Jyske Bank soit condamnée à leur payer à titre de dommages-intérêts le montant des intérêts, outre la somme de 100.000 € à titre de dommages intérêts contractuels, que soit ordonnée la publication de la décision à intervenir, une indemnisation au titre de l'article 700 du CPC de 10.000 € , le tout avec exécution provisoire.
La société Jyske Bank A/S a conclu au débouté des demandeurs, et reconventionnellement a sollicité leur condamnation au paiement de la somme de 153.750,26 euros au titre des intérêts des prêts, outre un article 700 du CPC de 10.000 €, et ce avec exécution provisoire.
Par jugement du 20 mars 2014, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- dit que le manquement à une obligation d'information justifie la résolution du contrat lorsque le manquement est d'une gravité suffisante,
- dit que la gravité doit pouvoir s'apprécier au regard de l'examen de l'article 4 des contrats,
- dit que la clause d'intérêt variable prévu à l'article 4 des contrats de prêt doit être annulée,
- dit que la nullité pure et simple du taux conventionnel emporte l'application du taux légal à compter de la date de réalisation du prêt,
- dit n'y avoir lieu à la déchéance du droit aux intérêts,
- dit que le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'est pas suffisamment caractérisé,
- débouté Monsieur X. et Madame Y. de leur demande tendant à voir déclarer nul l'article 11 du contrat de prêt,
- constaté que les deux prêts prévoyaient exclusivement une conversion en euros (sic),
- dit que seule la conversion en livre sterling répond à l'exécution du contrat,
- dit que la société Jyske Bank n'a pas respecté son obligation de conversion,
- dit que les circonstances de fait de cette inexécution sont suffisamment graves, puisque cette défaillance s'inscrit dans un contexte d'annulation du taux variable et de défaut d'information,
- dit que la poursuite des contrats avec une nouvelle conversion a posteriori n'est pas envisageable eu égard au contexte litigieux de formation et exécution des contrats,
- prononcé la résolution des deux contrats de prêt en date des 5 février et 23 octobre 2007 aux torts exclusifs de la société Jyske Bank,
- dit que Monsieur X. et Madame Y. ne sont plus redevables que du principal, déduction faite des intérêts déjà réglés qui devront en conséquence s'imputer sur le capital,
- débouté Monsieur X. et Madame Y. de leur demande en paiement de dommages et intérêts,
- ordonné la publication en première page du site Internet de la société Jyske Bank dans un encadré identique à ceux usuellement utilisés pour cette première page, pendant la durée de deux mois, et ce dans le mois de la signification du présent jugement, de l'intégralité des termes du dispositif,
- débouté Monsieur X. et Madame Y. de leur demande en paiement de dommages et intérêts,
- condamné la société Jyske Bank à payer à Monsieur X. et Madame Y. la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Jyske Bank aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- rejeté le surplus des demandes et les prétentions contraires.
La société Jyske Bank A/S a relevé appel de cette décision par déclaration du 14 avril 2014.
[*]
Par arrêt du 10 novembre 2016, la cour d'appel de céans autrement composée a :
- rejeté les exceptions de procédure,
- infirmé le jugement rendu le 20 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Grasse sauf en ce qu'il a dit que la clause figurant à l'article 11 du contrat n'était pas abusive,
statuant à nouveau pour le surplus,
- déclaré prescrite l'action en nullité exercée à l'égard du prêt souscrit le 5 février 2007,
- rejeté la demande en nullité dirigée contre le prêt souscrit le 23 octobre 2007,
- rejeté la demande de résolution pour inexécution des contrats de prêts,
- constaté que l'obligation de remboursement des deux prêts contractés par Monsieur X. et Madame Y. les 5 février et 23 octobre 2007 auprès de la Jyske bank A/S a été souscrite en francs suisses, respectivement pour les montants de 4.319.500 CHF et de 1.552.150 CHF et que les échéances de remboursements tant en capital qu'en intérêts doivent être remboursées en francs suisses conformément aux stipulations des offres de prêt,
- dit que la conversion des contrats de prêts opérée par la Jyske bank A/S le 9 août 2011 est nulle et de nul effet,
- condamné solidairement Monsieur X. et Madame Y. au paiement d'une somme, arrêtée au 9 septembre 2015, de 311.626,41 CHF au titre des intérêts impayés des prêts ou sa contre-valeur en euro au jour du présent arrêt, sauf à parfaire,
- rejeté tout autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
En janvier 2018, M. X. et Mme Y. ont remboursé l'intégralité du capital et des intérêts dus au titre du prêt n° 2 à la suite de la vente de la propriété hypothéquée.
[*]
Sur pourvoi de Monsieur X. et Madame Y., par arrêt du 9 janvier 2019, la première chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé mais seulement en ce qu'il condamnait solidairement Monsieur X. et Madame Y. à payer la somme de 311.626, 41 francs suisse ou sa contre-valeur en euros, au titre des intérêts impayés des prêts, l'arrêt rendu le 10 novembre 2016 et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, a condamné la société Jyske Bank aux dépens et a rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour de cassation a validé que la sanction de l'exécution défectueuse par la banque de la faculté de conversion n'est pas la résolution des prêts mais seulement l'annulation de la conversion effectuée. Elle casse sur la déchéance des intérêts en décidant :
« Vu l'article L. 313-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
Attendu que pour rejeter les demandes des emprunteurs tendant à voir prononcer la déchéance totale des intérêts, l'arrêt retient que le taux d'intérêt applicable, décomposé entre la partie variable et la partie fixe, figurait sur chaque relevé trimestriel, permettant aux emprunteurs de connaître le taux applicable à chaque période,
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause prévoyait une variation automatique du taux effectif global en fonction de l'évolution du taux de base décidée par la banque, lequel ne constitue pas un indice objectif, de sorte que le prêteur avait l'obligation de faire figurer sur chacun des relevés reçus par les emprunteurs le taux effectif global appliqué, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
[*]
En mars 2019, la Jyske Bank A/S a appelé la garantie à première demande souscrite par M. X. et Mme Y. auprès de la Jyske Bank Gilbraltar de 200.000 €.
[*]
Monsieur X. et Madame Y. ont saisi après cassation la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 11 octobre 2019.
Par conclusions du 9 mai 2020, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur X. et Madame Y. demandent à la cour de :
« Vu notamment les dispositions des articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile,
vu notamment les dispositions des articles L. 133-2, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation,
vu notamment les dispositions des articles 1134, 1147, 1382 et 1907 du Code civil,
vu les pièces versées aux débats,
Infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts.
Déclarer le TEG nul ou à tout le moins irrégulier.
Prononcer la déchéance totale des intérêts ou substituer à défaut le taux légal au taux conventionnel.
Enjoindre Jyske Bank à produire un nouveau décompte expurgé des intérêts au taux contractuel.
Débouter Jyske Bank de toutes ses demandes, fins et conclusions qui seraient contraires aux présentes.
Condamner Jyske Bank à payer à Monsieur X. et Madame Y. la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.
Condamner Jyske Bank à payer à Monsieur X. et Madame Y. la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner Jyske Bank aux entiers dépens. »
[*]
Par conclusions du 25 mai 2020, qui sont tenues pour entièrement reprises, la société Jyske Bank A/S demande à la cour de :
« Vu les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation,
À titre liminaire
Dire et juger irrecevables toutes demandes de nullité du TEG des contrats de prêt et de dommages intérêts.
À titre principal
Dire et juger que Jyske Bank A/S n'a commis aucune violation des dispositions de l'article L. 313-2 du code de la consommation en ne mentionnant le TEG que dans les contrats de prêts.
En conséquence,
Dire et juger Monsieur X. et Madame Y. mal fondés en leur demande de déchéance du droit aux intérêts ; les en débouter.
Confirmer l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 novembre 2016 en ce qu'il a condamné Monsieur X. et Madame Y. à rembourser les échéances des prêts dans les conditions contractuellement prévues.
Condamner Monsieur X. et Madame Y. au paiement d'une somme, en décembre 2019, de 1.701.144,53 CHF au titre des intérêts et des échéances de capital impayés du prêt n° 1, sauf à parfaire.
À titre subsidiaire,
si la cour devait par extraordinaire considérer que Jyske Bank A/S a violé l'article L. 313-2 du code de la consommation
Constater l'absence de préjudice subi par Monsieur X. et Madame Y. en conséquence du défaut de mention du TEG sur chaque lettre de roll-over pendant l'exécution de leurs prêts.
En conséquence,
Débouter Monsieur X. et Madame Y. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts.
Confirmer l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 novembre 2016 en ce qu'il a condamné Monsieur X. et Madame Y. à rembourser les échéances des prêts dans les conditions contractuellement prévues.
Condamner Monsieur X. et Madame Y. au paiement d'une somme, en décembre 2019, de 701.144,53 CHF au titre des intérêts et des échéances de capital impayés du prêt n°1 sauf à parfaire.
À titre infiniment subsidiaire,
si la cour devait par extraordinaire considérer que Jyske Bank A/S a violé l'article L. 313-2 du code de la consommation
Prononcer la déchéance partielle de Jyske Bank A/S de son droit aux intérêts à hauteur de la somme des frais de roll-over qui aurait dû être intégrés dans le TEG sur chaque lettre de roll-over.
En conséquence
Condamner Monsieur X. et Madame Y. au paiement des intérêts impayés du prêt n° 1, déduction faite du montant ainsi obtenu, et des échéances de capital impayées.
En tout état de cause,
Condamner Monsieur X. et Madame Y. à payer à Jyske Bank A/S la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. »
[*]
L'instruction de l'affaire a été close le 26 mai 2020.
Ensuite du refus par les parties de la procédure sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, l'affaire qui avait été fixée à l'audience du 23 juin 2020 a été déplacée au 1er décembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi :
D'une part, aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
D'autre part, en cas de cassation partielle, l'article 624 du code de procédure civile énonce que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et qu'elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
L'article 638 du même code ajoute que l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non-atteints par la cassation.
Ainsi, en cas de cassation partielle, la censure qui s'attache à cet arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui lui sert de base et laisse subsister les dispositions non attaquées par le pourvoi, sauf dans les cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
Dans le dispositif de leurs écritures, les consorts X.-Y. sollicitent, notamment, la nullité du TEG ou à tout le moins son irrégularité.
Le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 20 mars 2014 avait annulé la clause 4 des deux contrats de prêts du 5 février 2007 et du 23 octobre 2007 dans laquelle est stipulé le taux variable, ses modalités de calcul, ainsi que le TEG applicable à la date de souscription des deux contrats.
L'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 10 novembre 2016 a infirmé cette décision sur ce point, a déclaré prescrite les demandes de nullité du prêt n° 1 du 4 février 2007 en ce qu'elle était dirigée contre l'article 4, et a rejeté la demande de nullité du prêt n° 2 du 23 octobre 2007 aux motifs que la clause 4 du contrat instaurant un taux variable était valide, que le TEG était mentionné dans le contrat de prêt, ce qui n'était pas contesté, et que les relevés trimestriels ou roll-over précisaient pour chaque période le taux d'intérêt applicable décomposé entre la partie variable et la partie fixe.
Dans la présente instance, la cour en sa qualité de cour de renvoi, n'est saisie que de la condamnation des consorts X.-Y. à payer les intérêts dus en application des contrats de prêts au motif « que pour rejeter les demandes des emprunteurs tendant à voir prononcer la déchéance totale des intérêts, l'arrêt retient que le taux d'intérêt applicable, décomposé entre la partie variable et la partie fixe, figurait sur chaque relevé trimestriel, permettant aux emprunteurs de connaître le taux applicable à chaque période, qu'en statuant ainsi, alors que la clause prévoyait une variation automatique du taux effectif global en fonction de l'évolution du taux de base décidée par la banque, lequel ne constitue pas un indice objectif, de sorte que le prêteur avait l'obligation de faire figurer sur chacun des relevés reçus par les emprunteurs le taux effectif global appliqué, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Il résulte de l'arrêt de cassation du 9 janvier 2019, ainsi d'ailleurs que des moyens qui y sont annexés que les consorts X.-Y. n'ont pas contesté l'arrêt du 10 novembre 2016 de la Cour d'appel d'Aix en Provence en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en nullité à l'encontre du prêt du 4 février 2007, et il n'y a pas cassation sur ce point.
L'arrêt n'est pas non plus cassé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat de prêt du 23 octobre 2007 et en ce qu'il a rejeté la demande des consorts X.-Y. de « nullité ou à tout le moins d'irrégularité du TEG » stipulé à l'article 4 de cette convention.
La cour de céans est donc saisie uniquement de l'absence de mention du TEG sur les roll-overs et sur les conséquences que le juge doit en tirer.
La demande des consorts X.-Y. de nullité du TEG est donc irrecevable.
Par contre, bien que déboutés de leur demande de dommages et intérêts par l'arrêt du 10 novembre 2016, cette demande étant accessoire à la demande de déchéance du droit aux intérêts, est comprise dans la saisine de la cour de renvoi.
Enfin, au regard de l'arrêt de cassation du 9 janvier 2019, qui remet en cause la condamnation à paiement des intérêts, nécessairement, est cassé l'arrêt du 10 novembre 2016 de la cour d'appel d'Aix en Provence en ce qu'il a condamné M. X. et Mme Y. à rembourser les échéances des prêts dans les conditions contractuellement prévues. Cette décision ayant été anéantie par l'effet de la cassation, la Société Jyske Bank A/S est irrecevable a en sollicité la confirmation.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
L'article 4 du contrat du 5 février 2007 stipule à propos du TEG :
« Taux effectif global : 5,53 % annuel pour un prêt en euros et au taux Jyske Bank Funding Rate à la date de la présente offre. Le taux sera modifié en fonction du taux Jyske Bank Funding Rate applicable à la date de tirage du prêt.
Taux effectif global de période : 1,36 %
Conformément aux dispositions de l'article L. 313-1 du code de la consommation, le taux effectif global du prêt a été calculé en tenant compte des frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt. Le taux effectif global du prêt a également été calculé conformément aux dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation. Il est précisé que le prêt n'a pas donné lieu à souscription d'une assurance décès-invalidité par l'emprunteur. »
Les dispositions relatives au taux effectif global dans le prêt du 23 octobre 2007 sont identiques saufs que le TEG est de 7,13 % annuel et le taux effectif global de la période de 1,74 %.
Ces deux conventions stipulent donc que le TEG définitif serait arrêté le jour du tirage des fonds. Or, la régularité de ces TEG « prévisionnels » ne peut plus être contestée à ce stade de la procédure, cette disposition ayant été définitivement déclarée inattaquable soit par prescription soit parce que déclarée valide de façon définitive, comme il a été explicité ci-dessus.
Les consorts X.-Y. soutiennent, à l'instar de la Cour de cassation, que dès lors que le taux d'intérêt varie en fonction d'un indice dénué d'objectivité, comme en l'espèce le Jyske Bank Funding Rate qui est défini par l'article 4 des deux contrats de prêt, comme le taux de financement permettant à la banque d'obtenir un montant identique au prêt, dans la monnaie du prêt, pour la durée du prêt, sur les marchés interbancaires deux jours ouvrables avant le premier jour de la période au cours de laquelle courront les intérêts, le prêteur doit informer l'emprunteur de la modification du TEG. Ils en concluent que tous les relevés trimestriels auraient dû mentionner le TEG résultant de la variation du taux.
La société Jyske Bank A/S conteste cette position en invoquant que les relevés d'information trimestriels ou roll-overs, ne sont pas des contrats de prêt, qu'aucune disposition légale n'imposent de faire figurer le TEG sur chaque roll-over dès lors que le taux de l'intérêt appliqué pour la période suivante est précisé, le TEG étant dépourvu de valeur informative en cours d'exécution du contrat, et qu'il n'existe aucune précision légale ou jurisprudentielle sur les modalités de calcul du TEG pendant la vie d'un contrat de crédit à taux variable.
Il convient de rappeler que l'obligation de communication du TEG qui s'impose au prêteur se justifie par la nécessité de transparence que l'emprunteur est en droit d'attendre de tout établissement bancaire. Le consommateur doit ainsi recevoir des informations adéquates sur les conditions et le coût du crédit, qui doivent faciliter la comparaison des différentes offres de crédit qu'il a pu recevoir.
Comme les consorts X.-Y. le rappellent en page 6 de leurs écritures, le TEG doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, et il résulte des articles L. 312-2 et R. 313-1 du code de la consommation qu'en matière de crédit immobilier, le TEG est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires.
Les consorts X.-Y. sont certes engagés dans les termes des deux contrats des 5 février 2007 et 23 octobre 2007 qui fait la loi des parties, engagement limité dans le temps, et dont la clause 4 qui stipule un TEG prévisionnel n'est plus discutable. Cependant, l'obligation d'information des banques à l'égard de leur client est un principe régulièrement réaffirmé par la jurisprudence, laquelle est amenée à pallier l'absence de disposition législative afin de faire respecter cette obligation en complétant l'ensemble normatif.
C'est pourquoi, au titre de son obligation d'information, lorsque l'indice de variation est potestatif, que l'emprunteur ne peut pas avoir cette donnée par un autre moyen empreint de neutralité comme extérieur au prêteur, la banque doit préciser le TEG à l'occasion de chaque variation afin que le client ait toutes informations sur l'évolution du coût réel de son prêt, ce que ne permet pas la seule indication du taux de l'intérêt variable applicable.
Les modalités de calcul du TEG en cours de contrat sont nécessairement les mêmes que celles qui s'imposent lors de l'offre de prêt, tous les frais inclus dans le calcul du TEG initial devant être repris afin que la comparaison, qui est la finalité de cette obligation jurisprudentielle, soit possible avec le TEG mentionné dans l'offre de prêt.
Comme en matière d'absence de TEG dans le contrat de prêt, la sanction de l'absence de TEG sur les relevés d'information trimestriels est la déchéance du droit aux intérêts, laquelle est une possibilité laissée au juge, et qui peut être totale ou partielle. Afin d'en apprécier le quantum, doit être pris en compte le préjudice subi par les emprunteurs, en lien avec l'absence de mention du TEG sur les roll-overs.
M. X. et Mme Y. sollicitent la déchéance totale du droit aux intérêts de la société Jyske Bank A/S sans explication sur le préjudice qu'ils ont subi en lien avec l'absence de TEG sur les relevés trimestriels, alors que pourtant, la société Jyske Bank A/S n'a pas manqué de souligner cette carence des emprunteurs dans leurs écritures. C'est pourquoi, à défaut d'explication sur leur préjudice, sans réouverture d'office des débats, il sera dit qu'il n'y a lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts.
Sur la demande en paiement de la société Jyske Bank A/S :
La société Jyske Bank A/S demande la condamnation de M. X. et de Mme Y. à la somme, arrêtée en décembre 2019, de 701.144,53 CHF au titre des intérêts et échéances impayés du prêt du 5 février 2007 dans la mesure où le prêt du 23 octobre 2007 a été soldé suite à la vente du bien hypothéqué.
Eu égard à la solution adoptée par la cour, et en l'absence de contestation des consorts X.-Y. sur le quantum de la demande, ils seront condamnés à payer cette somme.
Sur la demande de dommages et intérêts :
M. X. et Mme Y. sollicitent la somme de 50.000 € au titre de leur préjudice financier et moral.
Au regard des développements qui précèdent, M. X. et Mme Y. ne peuvent prétendre à une quelconque indemnisation tant au titre de leur préjudice financier que moral, et ils seront déboutés de cette demande.
Sur les autres demandes :
L'équité ne commande pas de faire bénéficier une quelconque parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens, ainsi que les dépens de l'arrêt cassé, seront partagés par moitié entre les parties.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt de cassation partielle du 9 janvier 2019 de la première chambre civile de la Cour de cassation,
Déclare irrecevable la demande de M. X. et de Mme Y. en nullité du TEG,
Déclare irrecevable la demande de la société Jyske Bank A/S de confirmation de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 10 novembre 2016 en ce qu'il a condamné M. X. et Mme Y. à rembourser les échéances des prêts dans les conditions contractuellement prévues,
Dit que la Jyske Bank A/S avait l'obligation de faire figurer sur les relevés trimestriels le TEG qui varie en fonction de l'évolution de son taux de base bancaire,
Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts de la société Jyske Bank A/S,
Condamne M. X. et Mme Y. à payer à la société Jyske Bank A/S la somme de 701.144,53 CHF au titre des intérêts et échéances de capital impayés du prêt du 5 février 2007, arrêtée en décembre 2019,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens, ainsi que les dépens de l'arrêt cassé, seront partagés par moitié entre d'une part M. X. et Mme Y., et d'autre part, la société Jyske Bank A/S, et les y condamne.
LE GREFFIER LE PRESIDENT