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CA BESANÇON (1re ch. civ.), 6 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CA BESANÇON (1re ch. civ.), 6 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Besancon (CA), 1re ch. civ.
Demande : 19/00454
Date : 6/01/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/03/2019
Référence bibliographique : 5710 (arrêt de règlement), 5726 (relevé d’office, 16 CPC)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8742

CA BESANÇON (1re ch. civ.), 6 janvier 2021 : RG n° 19/00454 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Il y a lieu de rappeler, en premier lieu, qu'une décision de justice, fût-elle de la présente cour ou même de la cour de cassation, n'a pas d'effet normatif impératif sous peine de devenir un arrêt de règlement et, en second lieu, que les exigences de la sécurité juridique et de la protection des justiciables ne sauraient consacrer un droit acquis à une jurisprudence constante. Dès lors, la cour statuera [en] fonction des textes normatifs éclairés par la jurisprudence évolutive et non impérative. »

2/ « La seule référence à cette année lombarde ne suffit pas pour considérer que le taux est erroné et lui substituer le taux légal. Encore faut-il pour l'emprunteur qui l'invoque qu'il démontre que le calcul des intérêts sur la base de l'année lombarde a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation (Civ. 1ère, 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-18.246 ; Civ. 1ère, 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-19.097).

En l'espèce, si les contrats de prêt font expressément référence à l'année lombarde, M. X n'administre pas la preuve que les intérêts ont été effectivement calculés sur cette base ni que le calcul des intérêts sur la base de l'année lombarde a généré à son détriment un surcoût supérieur à la décimale prévue par l'article R. 313-1 du code de la consommation.

Le jugement querellé qui, outre qu'il fait une erreur sur le nom d'une partie, annule la clause qu'il qualifie d'abusive sans que ce moyen ait été présenté par les parties ou soulevé d'office dans le respect du contradictoire, doit être entièrement infirmé. »

 

COUR D’APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 6 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/00454. N° Portalis DBVG-V-B7D-ECKK. Sur appel d'une décision du Tribunal de Grande Instance de BESANÇON, en date du 29 janvier 2019 : R.G. n° 17/02660. Contradictoire. Code affaire : 53A Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

Société CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, Sise [adresse], Représentée par Maître Delphine G. de la SELARL T. - A. G.-C.-LE D., avocat au barreau de BESANÇON

 

ET :

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], Représenté par Maître Thierry C., avocat au barreau de BESANÇON

 

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame B. MANTEAUX, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame F. ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré : Madame B. MANTEAUX, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats : Monsieur E. MAZARIN, Président et Madame Bénédicte UGUEN LAITHIER, Conseiller.

L'affaire, plaidée à l'audience du 26 novembre 2020 a été mise en délibéré au 6 janvier 2021. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et prétentions des parties :

Le 9 juillet 2013, M. X a souscrit auprès de la Caisse de Crédit Agricole mutuel de Franche-Comté (la banque) deux prêts en francs suisses (CHF) :

* le premier n° 68228 d'un montant de 157.221 euros soit 196.577,70 CHF d'une durée de 240 mois avec un taux d'intérêt annuel de 1,95 % pour un taux effectif global (TEG) de 2,4925 %,

* le second n° 68229 d'un montant de 64.000 euros soit 80.012,80 CHF d'une durée de 240 mois avec un taux d'intérêt annuel de 1,95 % pour un taux effectif global (TEG) de 2,4925 %.

Par courrier du 23 novembre 2017, M. X a mis la banque en demeure de calculer les intérêts du prêt sur une année civile et d'appliquer le taux d'intérêts légal aux deux contrats de prêt.

Par jugement rendu le 29 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Besançon a :

- ordonné la substitution du taux d'intérêts conventionnel par le taux légal après avoir constaté que les intérêts des deux prêts avaient été calculés sur la base d'une année lombarde, ce qui constitue une clause abusive ;

- condamné en conséquence la banque à imputer sur le capital restant dû au titre des deux prêts la somme de 16.862,57 euros correspondant à la différence entre les intérêts au taux conventionnel indûment perçus et les intérêts au taux légal, à calculer le solde du prêt avec le taux légal à compter de novembre 2017 et déduire du solde restant l'ensemble des versements effectués par M. X au titre du paiement des intérêts au taux conventionnel depuis cette date ;

- condamné la banque à produire un nouveau tableau d'amortissement tenant compte de cette substitution du taux d'intérêts dans le délai d'un mois à compter de la signification de sa décision, sous astreinte, passé ce délai, de 100 euros par jour de retard jusqu'au 25 avril 2019, à charge pour M. X, à défaut de production à l'expiration de ce délai, de solliciter du juge de l'exécution la liquidation de l'astreinte provisoire et le prononcé de l'astreinte définitive ;

- condamné la banque à payer à M. X la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront directement recouvrés par Maître C.

Pour parvenir à cette décision, le premier juge indique faire application directement et rétroactivement d'un arrêt de la cour de cassation du 19 juin 2013 en considérant que, s'agissant de crédits immobiliers souscrits par un consommateur, la clause prévoyant que le calcul des intérêts conventionnels s'effectuant sur la base d'une année de 360 jours était abusive et devait être déclarée nulle sans qu'il soit besoin de rechercher si les conséquences d'un tel calcul avaient un effet réel pour l'emprunteur.

[*]

Par déclaration parvenue au greffe le 4 mars 2019, la banque a régulièrement interjeté appel de ce jugement et, au dernier état de ses écrits transmis le 12 mars 2020, elle conclut à son infirmation en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

- débouter M. X de l'intégralité de ses demandes ;

- subsidiairement, appliquer l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 ;

- plus subsidiairement, si la substitution du taux conventionnel par le taux légal était prononcée, ordonner la variation légale du taux légal et l'imputation des sommes dues en conséquence par la banque sur les sommes encore dues par M. X ;

- en tout état de cause, condamner M. X à lui payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, 1.500 euros pour la première instance et 3.000 euros pour celle d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La banque fait valoir que M. X ne rapporte pas la preuve que les intérêts ont effectivement été calculés sur la base de 360 jours par an et que la seule présence d'une clause indiquant que les intérêts sont calculés sur cette base ne suffit pas à sanctionner la banque par la substitution du taux conventionnel par le taux légal. Quand bien même l'année lombarde aurait été effectivement utilisée pour calculer les intérêts, encore faudrait-il que M. X démontre que ce calcul lui a causé préjudice et que le surcoût en résultant soit supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation.

[*]

M. X a répliqué en dernier lieu le 2 septembre 2019 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et condamner l'appelante à lui verser 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de son conseil, Maître C.

Il soutient qu'il est désormais de jurisprudence absolument constante que le recours par les banques à la technique de l'année lombarde dans les contrats de prêt immobilier est prohibé, qu'une clause mentionnant que le taux d'intérêts est calculé sur une telle base doit être déclarée nulle et que le taux légal doit être substitué au taux conventionnel, sans qu'il soit besoin de démontrer que les intérêts ont été effectivement calculés sur cette base et que ce calcul ait entraîné un surcoût pour lui.

[*]

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Il y a lieu de rappeler, en premier lieu, qu'une décision de justice, fût-elle de la présente cour ou même de la cour de cassation, n'a pas d'effet normatif impératif sous peine de devenir un arrêt de règlement et, en second lieu, que les exigences de la sécurité juridique et de la protection des justiciables ne sauraient consacrer un droit acquis à une jurisprudence constante.

Dès lors, la cour statuera au fonction des textes normatifs éclairés par la jurisprudence évolutive et non impérative.

Il résulte des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil, L. 313-l, L. 313-2, R. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au jour de la conclusion du prêt, que le taux d'intérêts conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt au taux légal, l'année civile comptant 365 jours ou pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés, un mois normalisé comptant 30,41666 jours (c'est-à-dire 365/12) que l'année soit bissextile ou non.

La seule référence à cette année lombarde ne suffit pas pour considérer que le taux est erroné et lui substituer le taux légal. Encore faut-il pour l'emprunteur qui l'invoque qu'il démontre que le calcul des intérêts sur la base de l'année lombarde a généré à son détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation (Civ. 1ère, 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-18.246 ; Civ. 1ère, 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-19.097).

En l'espèce, si les contrats de prêt font expressément référence à l'année lombarde, M. X n'administre pas la preuve que les intérêts ont été effectivement calculés sur cette base ni que le calcul des intérêts sur la base de l'année lombarde a généré à son détriment un surcoût supérieur à la décimale prévue par l'article R. 313-1 du code de la consommation.

Le jugement querellé qui, outre qu'il fait une erreur sur le nom d'une partie, annule la clause qu'il qualifie d'abusive sans que ce moyen ait été présenté par les parties ou soulevé d'office dans le respect du contradictoire, doit être entièrement infirmé.

Au vu de la carence de l'emprunteur dans la charge de la preuve qui lui incombe, la cour le déboute de l'intégralité de ses demandes et le condamne à verser à la banque la somme totale de 2.500 euros au titre de ses frais irrépétibles tant de première instance que d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 29 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute M. X de toutes ses demandes.

Condamne M. X à verser à la société coopérative de crédit la Caisse de crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté la somme de 2.500 (deux mille cinq cents) euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Condamne M. X aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été signé par monsieur Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier,                            le président de chambre