CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 26 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8745
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 26 janvier 2021 : RG n° 18/05203
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il est acquis en jurisprudence que dans une telle hypothèse, la seule sanction civile de l'inobservation des dispositions de l'article L. 312-8 ancien du code de la consommation est la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. Dès lors si l'erreur dont les époux X. se prévalent était établie, elle ne pourrait pas être sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêt et la substitution du taux d'intérêt conventionnel par le taux légal. »
2/ « C'est à tort que les époux X. soutiennent que l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation autorisant l'utilisation du mois normalisé n'est pas applicable au taux effectif global des prêts immobiliers. En effet, le mois normalisé, d'une durée de 30,41666 jours, prévu à l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002 et dans celle issue du décret n° 2011-135 du 1er février 2011, a vocation à s'appliquer au calcul des intérêts conventionnels lorsque ceux-ci sont calculés sur la base d'une année civile et que le prêt est remboursable mensuellement, peu important que le prêt soit de nature immobilière.
S'agissant de prêts dont les intérêts sont payables mensuellement, le montant des intérêts dus chaque mois est le même, que les intérêts soient calculés, par référence au mois normalisé de 30,41666 jours prévu à l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation, ou qu'ils le soient en appliquant le rapport 30/360 par référence à une année de 360 jours et un mois de 30 jours. Le tribunal en a exactement conclu que la seule référence à l'année bancaire dans l'offre de prêt ne suffit pas à établir le caractère erroné de la stipulation d'intérêt.
C'est par une motivation pertinente que la cour adopte que le tribunal a retenu que les écarts minimes relevés dans le rapport versé aux débats par les époux X. (8,24 euros), à les supposer réels, n'ont pas eu d'incidence significative sur le taux d'intérêt conventionnel du prêt.
Et c'est tout aussi exactement que le premier juge a retenu que l'augmentation de la part d'intérêt d'une échéance brisée n'a eu aucun effet sur le montant de la part d'amortissement de cette échéance. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 26 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/05203. N° Portalis DBVM-V-B7C-JZXG. Appel d'un Jugement (R.G. n° 17/01800) rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE, en date du 6 décembre 2018, suivant déclaration d'appel du 20 décembre 2018.
APPELANTS :
M. X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse], [...]
Mme Y. épouse X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse], [...]
représentés par Maître Mathilde B., avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE :
LA BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE DES ALPES
immatriculée au RCS de LYON sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège. [...] [...], représentée par Maître Nathalie C. de la SELARL C. - Q., avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Maître Bénédicte H., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Hélène COMBES Président de chambre, Mme Véronique LAMOINE, Conseiller, M. Frédéric DUMAS, Vice-président placé suivant ordonnance de délégation de la première présidente de la Cour d'appel de Grenoble en date du 17 juillet 2020 ;
Assistés lors des débats de Mme Anne BUREL, Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 14 décembre 2020, Madame COMBES a été entendue en son rapport. Maître Bénédicte H. a été entendu en ses observations. Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 5 mars 2014, les époux X. ont contracté auprès de la Banque Populaire des Alpes un prêt immobilier de 289.900,27 euros au taux d'intérêt de 3,40 % et au taux effectif global de 5,03 %.
Invoquant le caractère erroné de la base de calcul des intérêts, ils ont, par acte du 24 mai 2017, assigné la Banque Populaire des Alpes devant le tribunal de grande instance de Valence pour que soit prononcée la nullité de la stipulation d'intérêts et à défaut la déchéance du droit aux intérêts.
Par jugement du 6 décembre 2018, le tribunal a débouté les époux X. de toutes leurs demandes.
Ils ont relevé appel le 20 décembre 2018.
[*]
Dans leurs dernières conclusions du 18 juin 2019, les époux X. demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :
- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels,
- à défaut, prononcer la déchéance intégrale du droit aux intérêts
- en tout état de cause, prononcer la substitution de l'intérêt conventionnel par l'intérêt au taux légal,
- condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à leur remettre un nouveau tableau d'amortissement,
- de condamner à la banque à leur payer la différence entre les intérêts facturés et les intérêts au taux légal.
Ils réclament 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir au soutien de leur appel que le calcul des intérêts selon un mois normalisé ne repose sur aucun fondement juridique et que la base de calcul des intérêts conventionnels sur 360 jours est erronée, ce qui induit l'application d'un taux d'intérêt distinct du taux conventionnel.
Ils invoquent un manquement de la banque à son devoir d'information, les emprunteurs n'étant pas en mesure de comprendre et de comparer les coûts.
Ils indiquent que du fait de l'erreur de l'établissement bancaire, le montant des intérêts a été augmenté.
Ils soutiennent qu'un taux erroné équivaut à une absence de taux, de sorte que la stipulation des intérêts conventionnels est nulle et que l'intérêt légal doit leur être substitué.
[*]
Dans ses dernières conclusions du 2 octobre 2020, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes demande à la cour de dire les demandes des époux X. irrecevables et en tout état de cause de les en débouter.
Elle réclame 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que la clause insérée dans l'offre de prêt n'implique aucun calcul irrégulier dès lors que le rapport 30/360 est équivalent financièrement au rapport 30,41666 /365 mentionné à l'article R. 313-1 du code de la consommation qui revient à fixer uniformément le montant des intérêts de chaque mois, peu important le nombre de jours du mois ou de l'année.
Elle soutient que la jurisprudence reconnaît la légalité de la clause 30/360 et l'application du mois normalisé quelle que soit la nature du prêt.
Elle fait valoir que les époux X. ne démontrent pas le caractère irrégulier du calcul des intérêts contractuels mensuels et relève le caractère non probant du rapport qu'ils versent aux débats.
Elle ajoute que la clause qui porte sur l'objet principal du contrat ne peut être considérée comme abusive et ne peut relever du périmètre de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Elle observe que la seule critique des époux X. porte non sur les échéances mensuelles constantes, mais sur deux échéances intercalaires inhérentes à la seule exécution du crédit en fonction d'événements sur lesquels elle n'a aucune maîtrise ; que si erreur il y avait, elle ne serait pas de nature à remettre en cause la validité de la stipulation d'intérêts.
Pour le cas où il serait fait droit à l'argumentations des époux X., elle fait valoir subsidiairement que lorsque l'erreur affecte l'offre de crédit immobilier, la seule sanction encourue est la déchéance facultative et le cas échéant partielle des intérêts ;
que la demande d'annulation de la stipulation d'intérêt est irrecevable ou à tout le moins infondée.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
Il sera rappelé à titre liminaire que le contrat liant les parties s'est formé par l'acceptation par les époux X. le 5 mars 2014, de l'offre de prêt de la Banque Populaire des Alpes.
Il est acquis en jurisprudence que dans une telle hypothèse, la seule sanction civile de l'inobservation des dispositions de l'article L. 312-8 ancien du code de la consommation est la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Dès lors si l'erreur dont les époux X. se prévalent était établie, elle ne pourrait pas être sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêt et la substitution du taux d'intérêt conventionnel par le taux légal.
Au soutien de leur action, les époux X. contestent la base de calcul retenue pour l'application du taux d'intérêt conventionnel, qui est exprimée de la façon suivante dans l'offre de prêt de la Banque Populaire des Alpes (page 11) :
« Les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours. »
Ainsi que l'a relevé le premier juge, il appartient aux époux X. de rapporter la preuve du caractère erroné de la stipulation d'intérêt.
C'est à tort que les époux X. soutiennent que l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation autorisant l'utilisation du mois normalisé n'est pas applicable au taux effectif global des prêts immobiliers.
En effet, le mois normalisé, d'une durée de 30,41666 jours, prévu à l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002 et dans celle issue du décret n° 2011-135 du 1er février 2011, a vocation à s'appliquer au calcul des intérêts conventionnels lorsque ceux-ci sont calculés sur la base d'une année civile et que le prêt est remboursable mensuellement, peu important que le prêt soit de nature immobilière.
S'agissant de prêts dont les intérêts sont payables mensuellement, le montant des intérêts dus chaque mois est le même, que les intérêts soient calculés, par référence au mois normalisé de 30,41666 jours prévu à l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation, ou qu'ils le soient en appliquant le rapport 30/360 par référence à une année de 360 jours et un mois de 30 jours.
Le tribunal en a exactement conclu que la seule référence à l'année bancaire dans l'offre de prêt ne suffit pas à établir le caractère erroné de la stipulation d'intérêt.
C'est par une motivation pertinente que la cour adopte que le tribunal a retenu que les écarts minimes relevés dans le rapport versé aux débats par les époux X. (8,24 euros), à les supposer réels, n'ont pas eu d'incidence significative sur le taux d'intérêt conventionnel du prêt.
Et c'est tout aussi exactement que le premier juge a retenu que l'augmentation de la part d'intérêt d'une échéance brisée n'a eu aucun effet sur le montant de la part d'amortissement de cette échéance.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux X. de toutes leurs demandes.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, contradictoirement
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
- Y ajoutant, déboute la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
- Condamne les époux X. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT