CA LYON (3e ch. A), 14 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8746
CA LYON (3e ch. A), 14 janvier 2021 : RG n° 18/07461
Publication : Jurica
Extrait : « Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le 29 novembre 2017, jour de la conclusion du contrat de location d'un défibrillateur à [ville S.], où est situé le bar-brasserie-PMU qu'il exploitait en nom personnel, M. X., présentait des troubles le mettant dans l'incapacité intellectuelle de mesurer la portée des engagements professionnels et financiers qu'il prenait, peu important la reprise, à ce moment-là, de son activité depuis moins de trois mois alors que son état de santé n'était pas consolidé et qu'il a dû finalement cesser son activité en raison des importantes séquelles subsistant après la consolidation de son état intervenue six mois après et encore au 6 juin 2018 selon son médecin traitant.
De même est inopérant le fait que M. X. ait signé le procès-verbal de livraison le 6 décembre 2017 (et non un mois après comme dit par la société Locam) et notifié une rétractation à la société Locam un mois après la signature du contrat, sur dit-il, les conseils de son épouse et de son comptable, dont il ne bénéficiait pas au moment de la conclusion du contrat.
En conséquence, la demande de nullité du contrat sollicitée par M. X. est fondée ce qui conduit, par infirmation du jugement entrepris, à débouter la société Locam de ses prétentions. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 14 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/07461. N° Portalis DBVX-V-B7C-L7XU. Décision du Tribunal de Commerce de Saint-Étienne, Au fond, du 11 septembre 2018 : RG : 2018j778.
APPELANT :
M. X. LE CAP OUEST
Forme Juridique : Auto Entrepreneur - X. LE CAP OUEST, [...], [...], Représenté par Maître C. GRAS de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON, toque : 1866 Représenté par Maître Amélie L., avocat au barreau de NANTES, toque : 1
INTIMÉE :
SAS LOCAM
[...], [...], Représentée par Maître Michel T. de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Date de clôture de l'instruction : 13 septembre 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 novembre 2020
Date de mise à disposition : 14 janvier 2021
Audience tenue par Hélène HOMS, président, et Catherine CLERC, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Elsa MILLARY, greffier placé.
A l'audience, Hélène HOMS a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne-Marie ESPARBES, président, - Hélène HOMS, conseiller, - Catherine CLERC, conseiller.
Arrêt : Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne-Marie ESPARBES, président, et par Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. X. est appelant d'un jugement réputé contradictoire rendu le 11 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Saint-Étienne qui, saisi par assignation de la SAS Locam, l'a condamné, avec exécution provisoire, à payer à cette dernière la somme de 9.706,20 € plus 1 € à titre de clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ainsi qu'aux dépens sur le fondement d'un contrat de location n°1383023.
Par conclusions déposées le19 juillet 2019, fondées sur les articles 1129 du code civil, L. 221-3 du code de la consommation, L. 111-10 du code des procédures d'exécution, 1231-5 du code civil, 695 et suivants du code de procédure civile, M. X. demande à la cour de :
à titre principal,
- constater qu'il ne présentait pas au 29 novembre 2017 les facultés mentales suffisantes pour lui permettre d'appréhender le contenu et la portée exacte de l'engagement découlant de la signature du contrat de location en raison des séquelles laissées par des accidents vasculaires cérébraux,
en conséquence,
- réformer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses prétentions, prononcer la nullité du contrat de location,
à titre subsidiaire,
- juger qu'il bénéficie du droit de rétraction prévu à l'article L. 221-3 du code de la consommation,
- constater que la société Locam n'a fourni aucune information sur l'existence et les modalités d'exercice du droit de rétractation,
- juger qu'il a valablement exercé son droit de rétractation par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 décembre 2017,
en conséquence,
- réformer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses prétentions, prononcer la nullité du contrat de location,
à titre infiniment subsidiaire,
- constater qu'il a restitué le matériel objet du contrat,
- juger que la sanction prévue en cas de résiliation contractuelle constitue une clause pénale, d'une part, en ce qu'elle met à la charge du locataire une indemnité de résiliation évaluée à hauteur de l'intégralité des loyers à échoir au jour de la résiliation et, d'autre part, une majoration de 10 % sur l'intégralité des sommes dues,
- constater qu'une application littérale de cette clause procurerait à la société Locam un avantage excessif au regard du préjudice subi,
en conséquence,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses prétentions,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a réduit la majoration conventionnelle de 10 % à l'euro symbolique,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à la société Locam la somme principale de 9.706,20 € au titre de l'indemnité de résiliation et statuant à nouveau,
- réduire à de plus justes proportions les sommes qu'il serait, le cas échéant, condamné à payer au titre de l'indemnité de résiliation du contrat,
en tout état de cause,
- condamner la société Locam, sur le fondement de l'article L. 111-10 du code des procédures d'exécution civiles à lui payer la somme de 1.000 € en indemnisation du préjudice moral subi,
- condamner la société Locam à lui payer la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître L.,
- condamner la société Locam aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
Par conclusions déposées le 23 avril 2019, fondées sur les articles 1103 et suivants, 1231-2 du code civil, l'article liminaire du code de la consommation, les articles L. 111-2 II, L. 222-1, L. 221-2 4éme, L. 222-3 du même code, les articles L. 311-2 et L. 511-21 du code monétaire et financier, la société Locam demande à la cour de :
- dire non fondé l'appel de M. X. ;
- le débouter de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a réduit à l'euro symbolique la clause pénale de 10 % ;
- lui allouer la somme complémentaire de 969,83 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 mars 2018,
- condamner M. X. à lui régler une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner en tous les dépens d'instance et d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la nullité du contrat pour absence de consentement valable :
Au soutien de ce moyen, qu'il invoque sur le fondement de l'article 1129 du code civil, M. X. fait valoir qu'il a signé le contrat peu de temps après la survenance de deux accidents vasculaires cérébraux alors qu'il présentait et présente toujours, des séquelles altérant ses facultés mentales lesquelles n'étaient pas suffisantes pour lui permettre d'appréhender le contenu et la portée exacte de l'engagement conséquent découlant du contrat qu'il a signé.
Il ajoute que l'insanité d'esprit privant un contractant d'un consentement éclairé, même s'il n'était pas frappé au jour de la conclusion du contrat d'une incapacité d'exercice, est nécessairement sanctionnée par la nullité du contrat.
La société Locam réplique que M. X. ne justifie d'aucune mesure de tutelle ou curatelle ni actuelle ni au moment de la conclusion du contrat ni un mois après lorsqu'il a attesté par écrit de la délivrance du matériel commandé ; qu'il admet avoir contracté alors qu'il exploitait personnellement son débit de boissons ; qu'il revendique avoir exercé son droit de rétractation un mois après la conclusion du contrat.
Elle prétend que ces éléments sont contradictoires voire incompatibles avec l'insanité d'esprit alléguée et que le document daté de son médecin qu'il produit n'est pas contemporain de la conclusion du contrat et est muet sur les dates des accidents cérébraux.
[*]
L'article 1129 du code civil dispose : « conformément à l'article 414-1, il faut être sain d'esprit pour consentir valablement à un contrat ».
L'article 414-1 prévoit : « Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ».
Il résulte des pièces qu'il produit que M. X. a été victime d'un premier accident vasculaire cérébral le 10 mars 2017 dont il gardait toujours au mois de juin 2017 une hémiparésie droite et d'un second accident de même nature peu de temps après avec troubles phasiques ; qu'il a été hospitalisé au CHU de Nantes du 10 au 30 mars 2017 puis au Centre hospitalier de réadaptation de [ville M.] du 30 mars jusqu'à une date postérieure au 12 avril puis du 26 avril au 28 juillet 2017.
M. X. produit également :
- un certificat médical du Dr F. en date du 6 juin 2018 qui atteste que suite aux accidents vasculaires cérébraux dont il a été victime, M. X. est dans l'incapacité intellectuelle de prendre des décisions autres que celles des actes simples du quotidien,
- un bulletin de situation au répertoire Sirene mentionnant la cessation de l'activité le 10 juillet 2018,
- les conclusions d'un rapport médical du 28 septembre 2018 fixant la durée de l'ITT du 10 mars 2017 au 1er mai 2018, date de la consolidation avec un taux d'incapacité fonctionnelle de 60 % et un taux d'incapacité professionnelle de 100 % par rapport à son activité professionnelle ou à toute activité,
- la photocopie d'une carte d'invalidité délivrée le 31 août 2018,
- une attestation du 22 juin 2019 de Mme A. qui décrit les modifications de la personnalité et caractère de M. X. à la suite de ces accidents et déclare avoir remarqué des troubles de la mémoire avec problèmes de compréhension et une incapacité à prendre des initiatives,
- une attestation de M. B. qui décrit les difficultés physiques éprouvées par M. X. suite à aux accidents ainsi que les troubles d'élocution persistant au jour de son attestation le 22 juin 2019.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le 29 novembre 2017, jour de la conclusion du contrat de location d'un défibrillateur à [ville S.], où est situé le bar-brasserie-PMU qu'il exploitait en nom personnel, M. X., présentait des troubles le mettant dans l'incapacité intellectuelle de mesurer la portée des engagements professionnels et financiers qu'il prenait, peu important la reprise, à ce moment-là, de son activité depuis moins de trois mois alors que son état de santé n'était pas consolidé et qu'il a dû finalement cesser son activité en raison des importantes séquelles subsistant après la consolidation de son état intervenue six mois après et encore au 6 juin 2018 selon son médecin traitant.
De même est inopérant le fait que M. X. ait signé le procès-verbal de livraison le 6 décembre 2017 (et non un mois après comme dit par la société Locam) et notifié une rétractation à la société Locam un mois après la signature du contrat, sur dit-il, les conseils de son épouse et de son comptable, dont il ne bénéficiait pas au moment de la conclusion du contrat.
En conséquence, la demande de nullité du contrat sollicitée par M. X. est fondée ce qui conduit, par infirmation du jugement entrepris, à débouter la société Locam de ses prétentions.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts d'un montant de 1'000'€ en réparation d'un préjudice moral :
M. X. présente cette demande sur le fondement de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution selon lequel l'exécution forcée d'un titre exécutoire à titre provisoire est poursuivie aux risques du créancier, le débiteur étant rétabli dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.
La société Locam ne formule aucune observation sur cette prétention.
M. X. justifie que deux jours avant la déclaration d'appel, par lettre du 22 octobre 2018, son conseil a informé la société Locam qu'elle était chargée d'interjeter cet appel dans la mesure où d'une part, les facultés mentales de son client avaient été gravement altérées suite à deux accidents vasculaires cérébraux remettant en cause son consentement à l'adhésion au contrat de location et d'autre part, qu'aucune information sur le droit de rétractation ne lui avait été donnée.
Le 29 novembre 2018, la société Locam a fait diligenter une saisie-attribution en exécution du jugement dont appel assorti de l'exécution provisoire sans constituer avocat devant la cour, ce qu'elle n'a fait que le 11 février 2019 après avoir reçu signification de la déclaration d'appel par acte du 26 décembre 2018.
Cette exécution forcée par la société Locam, sans considération des moyens que le conseil de l'appelant a pris la peine de porter à sa connaissance avant de régulariser la déclaration d'appel et sans diligence pour faire connaître sa position, a causé à M. X. un préjudice moral que la société Locam doit réparer et qui est justement évalué à 1.000 € par l'appelant.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant dans son action, la société Locam doit supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais irrépétibles qu'elle a exposés et verser à M. X. une indemnité de procédure sans possibilité de distraction au profit de son conseil qui n'est pas prévue par l'article 699 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Prononce la nullité du contrat de location conclu le 29 novembre 2017 entre la SAS Locam et M. X.,
Déboute la SAS Locam de l'ensemble de ses prétentions,
Condamne la SAS Locam a verser à M. X. :
- la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts,
- une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Locam aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
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