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CA PARIS (pôle 5 ch. 16), 16 février 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 16), 16 février 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 16
Demande : 19/22197
Date : 16/02/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Référence bibliographique : 6170 (L. 442-6, notion de soumission), 6203 (442-1 C. com., distribution)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8799

CA PARIS (pôle 5 ch. 16), 16 février 2021 : RG n° 19/22197 

Publication : Jurica

 

Extrait : « 49. L'article L. 442-6-I-2° du code de commerce prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, « le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre du commerce (...) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

50. La mise en œuvre de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce suppose l'existence d'un rapport de force entre les cocontractants ayant permis à l'un d'eux de soumettre ou de tenter de soumettre son partenaire commercial, lors de la conclusion du contrat, à des obligations manifestement déséquilibrées. 51. Il incombe à la partie qui invoque l'existence d'un déséquilibre significatif de rapporter la preuve qu'elle a été soumise, du fait du rapport de force existant, à des obligations injustifiées et non réciproques.

52. En l'espèce la société Algérika ne démontre pas que la clause lui a été imposée par la société Wiko ni aucune circonstance caractérisant l'existence d'une soumission. 53. Il ressort au contraire des termes du contrat corroborés par les échanges d'emails produits qui précèdent la signature du contrat, que les parties ont décidé de leurs droits et obligations à l'issue de discussions antérieures au cours desquelles elles ont eu le temps de la réflexion pour librement négocier leur accord.

54. De surcroît cette clause analysée en elle-même et dans le contexte global du contrat apparaît normale et justifiée dès lors qu'elle évoque l'hypothèse de l'impossibilité pour le distributeur de poursuivre son activité pour des raisons extérieures aux parties qui ne dépendent de la volonté du Fournisseur.

55. La clause replacée dans le contexte de l'article 11 du contrat qui régit la résiliation, prévoit en effet deux hypothèses particulières de résiliation qui dérogent au cas général de résiliation bilatérale prévue en premier lieu par l'article 11.1, qui sont l'ouverture d'une procédure collective du distributeur ou son insolvabilité (a) et une cessation d'activité ou la perte du droit d'exploiter (b).

56. Or il n'est pas contesté que cette hypothèse b) quelle que soit son interprétation par rapport aux faits de l'espèce, vise l'hypothèse de circonstances extérieures aux parties qui affectent la poursuite du contrat dans le cas où le distributeur n'est pas en droit d'exercer son activité sur le territoire algérien caractérisant une situation d'impossibilité d'exécution qui libérerait dans ce cas le fournisseur de ses obligations. 57. Pour ces motifs la demande tendant à qualifier la clause d'illicite ou abusive au sens des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce sera rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 16

CHAMBRE COMMERCIALE INTERNATIONALE

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/22197 (14 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDIB. Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 novembre 2019 - Tribunal de Commerce de MARSEILLE – R.G. n° 2018F01315.

 

APPELANTE :

ALGERIKA

Immatriculée au RCS d'ALGER sous le numéro XX, Ayant son siège social : [adresse], Prise en la personne de ses représentants légaux, Représentée par Maître Matthieu B. G. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 - Ayant pour avocat plaidant Maître D. de la Selarl F. D. ET ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P69

 

INTIMÉE :

SASU WIKO

Immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le numéro XXX, Ayant son siège social : [adresse], Prise en la personne de ses représentants légaux, Représentée par Maître Bruno R. de la SCP SCP R. - B. - M., avocat au barreau de PARIS, toque : L0050 - Ayant pour avocat plaidant Maître C.-Le G. de la Selarl H C. LE G., avocat au barreau de Marseille,

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de : M. François ANCEL, Président, Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère, Mme Laure ALDEBERT, Conseillère, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Laure ALDEBERT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François ANCEL, Président et par Clémentine GLEMET, Greffière à qui la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I - FAITS ET PROCÉDURE :

Faits :

1. La société Algérika est une société de droit algérien créée en 2003 qui a pour activité l'importation et la distribution de produits divers dont des produits de téléphone mobile et leurs accessoires sur le territoire algérien.

2. La commercialisation et la distribution des produits importés par la société Algérika sont assurées par sa filiale de droit algérien, la société Darkom qui les distribue à travers un réseau de magasins sous l'enseigne Darkom, répartis sur tout le territoire algérien ou les revend à des grossistes ou d'autres détaillants installés en Algérie.

3. La société Wiko est une société de droit français créée en 2011 à capitaux chinois spécialisée dans l'importation et la commercialisation de produits de téléphonie mobile et de leurs accessoires provenant de Chine qui développe et commercialise ses smartphones et téléphones mobiles en France et à l'étranger notamment en Afrique, sous la marque Wiko.

4. Dans le cadre de son implantation sur le marché algérien, la société Wiko a par contrat du 15 septembre 2014 confié la distribution de ses produits à la société Algérika par un contrat de distribution à durée déterminée, dont l'exclusivité pour la revente était conditionnée par la réalisation d'objectifs chiffrés des ventes.

5. Ce contrat soumis au droit français et à la compétence des juridictions marseillaises a fait l'objet de différents avenants dont le dernier en date du 27 janvier 2017 a eu pour effet de reporter son échéance au 15 septembre 2020.

6. Il était prévu par l'article 11.2 b) du contrat la possibilité de résilier le contrat sans préavis dans l'hypothèse où le distributeur cesserait ses opérations, ou perdrait le droit d'exercer dans le territoire.

7. Le 19 octobre 2015 la société Wiko a confié également à la société Algérika le service après-vente de ses téléphones Wiko pour une durée déterminée d'un an renouvelable tacitement.

8. A partir de 2017 deux modifications réglementaires sont intervenues en Algérie visant à interdire l'importation de produits finis, dont les téléphones mobiles sur le territoire algérien.

9. Le 31 mai 2017 le gouvernement algérien a imposé par décret, à l'ensemble des opérateurs du marché Algérien, d'obtenir une licence d'importation de produits finis comprenant les téléphones mobiles.

10. Puis par décret du 7 janvier 2018 il a interdit toute importation de produits finis selon une liste incluant les téléphones mobiles.

11. C'est dans ce contexte réglementaire que courant août 2017 la société Algérika, anticipant la mesure d'interdiction, a proposé à la société Wiko de monter une usine d'assemblage sur place mais la société Wiko a préféré retenir en septembre 2017 la candidature de la société algérienne Sacomi pour réaliser l'assemblage de ses téléphones.

12. En 2018 la société Algérika n'ayant plus les autorisations d'importer ses produits finis, la société Wiko a estimé que cette interdiction rendait impossible la poursuite du contrat de distribution et après discussion, a par courrier du 24 janvier 2018 fait part à la société Algérika de sa décision de résilier le contrat de distribution avec effet immédiat sur le fondement de la clause de résiliation unilatérale prévue par l'article 11.2b) du contrat, lui réclamant par ailleurs le paiement de la somme de 368.998,40 dollars américains au titre des pénalités et indemnités forfaitaires pour retard de paiement des factures.

13. Elle a le même jour par courrier distinct mis fin également au contrat de service après-vente pour un autre motif.

14. Par courrier en retour du 12 février 2018, la société Algérika a contesté la résiliation à effet immédiat des deux contrats estimant que les conditions n’en étaient pas remplies.

15. C'est dans ce contexte que la société Algérika a, par acte du 5 juin 2018, fait assigner la société Wiko devant le tribunal de commerce de Marseille en paiement de dommages et intérêts (i) pour rupture fautive du contrat de distribution intervenue plus de deux ans avant son échéance, (ii) ingérence dans sa politique tarifaire des prix de revente tout au long des relations contractuelles en contravention avec l'article L. 442-5 du code de commerce, et (iii) en paiement d'une somme due au d'une remise prévue que la société Wiko n'avait pas acquittée en 2016, réclamant en outre les frais de procédure.

16. Devant le tribunal la société Wiko a contesté l'intégralité des demandes sollicitant reconventionnellement le paiement des pénalités de retard visés dans son courrier de résiliation du 24 janvier 2018 et des dommages et intérêts pour procédure abusive assortis des frais de procédure.

17. Par jugement du 12 novembre 2019, le tribunal de commerce de Marseille a :

- dit n'y avoir lieu d'écarter des débats le rapport établi pour le compte de la société Algérika par la société PROREVISE ;

- déclaré irrecevables les demandes formulées par la société Algérika au nom et pour le compte de sa filiale Darkom ;

- débouté la société Algérika de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- déclaré recevable, conformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles de la société WIKO ;

- débouté la société WIKO SAS de ses demandes reconventionnelles formulées des chefs d'une amende civile, d'une procédure abusive et d'intérêts de retard ;

- condamné la société Algérika à payer à la société Wiko la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

18. Le 2 décembre 2019, la société Algérika a interjeté appel du jugement du 12 novembre 2019 uniquement en ce qu'il a rejeté ses demandes et l'a condamnée aux frais de procédure.

 

II - PRÉTENTIONS DES PARTIES :

19. Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 21 décembre 2020, la société Algérika demande à la cour, au visa des articles 1212 et 1193 du code civil et des articles L. 420-1, L. 420-2, L. 442-5 et L. 442-6-I-2° du code de commerce de bien vouloir :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables ses demandes au nom et pour le compte de la Société DARKOM ;

- débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- déclaré recevable, conformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles de la société WIKO S.A.S. ;

- condamné à payer à la société WIKO S.A.S., la somme de 8.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l'article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 74,18 € ;

- rejeté pour le surplus, toutes autres demandes, fins et conclusions des parties contraires aux dispositions du présent jugement, mais uniquement lorsqu'il a rejeté ses demandes

Statuant à nouveau,

- déclarer recevables ses demandes formulées au nom et pour le compte de la société DARKOM ;

- dire et juger que la clause de résiliation unilatérale est déséquilibrée en faveur de la société Wiko et la dire non écrite ; et, dans tous les cas, constater que la résiliation est abusive ;

- dire et juger que les modifications réglementaires intervenues en mai 2017 et janvier 2018 en Algérie ne constituent pas un motif valable de résiliation anticipée du contrat ;

- constater l'absence de manquement grave de sa part à ses obligations contractuelles ;

- dire et juger que la société Wiko a résilié de façon fautive le contrat de distribution exclusive avant son échéance prévue au 15 septembre 2020 ;

- dire et juger que la société Wiko s'est également rendue coupable de pratiques restrictives et fautives en intervenant dans la politique tarifaire de la société Algérika et imposant des prix de revente ;

En conséquence :

- condamner la société Wiko à lui payer les sommes de 15.880.000 euros à titre de l'indemnisation pour le préjudice subi du fait de la rupture anticipée et fautive du contrat ;

- condamner la société Wiko à lui payer la somme de 3.394.000 euros à titre de l'indemnisation pour la perte de marge du fait de l'intervention dans la politique tarifaire de la société Algérika et de ristournes non versées ;

- condamner la société Wiko à lui payer la somme de 300.000 euros au titre du préjudice d'image et de réputation subi;

- déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles de la société WIKO, et subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'elles ont été rejetées ;

- condamner la société Wiko au paiement de la somme de 35.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et frais de procédure.

[*]

20. Aux termes de ses conclusions n°3 communiquées par voie électronique le 14 décembre 2020, la société Wiko demande à la Cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 12 novembre 2019 sauf en ce qu'il a refusé ses demandes d'indemnisation pour procédure abusive et de paiement des intérêts de retard ;

- déclarer irrecevables les demandes formulées par la société ALGERIKA au nom et pour le compte de la Société DARKOM ;

- dire et juger que l'article 11.2.b) du Contrat de distribution conclu avec la société ALGERIKA le 15 septembre 2014 est valide au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

- dire et juger qu 'elle n'a commis aucune faute en résiliant le Contrat de distribution conclu avec la société ALGERIKA le 15 septembre 2014 sur le fondement de l'article 11.2.b) du Contrat ;

- dire et juger que le Contrat de distribution conclu avec la société ALGERIKA le 15 septembre 2014 est devenu caduc du fait de l'adoption par le gouvernement algérien du Décret exécutif algérien n° 18-02 du 7 janvier 2018 ;

- condamner la société ALGERIKA à la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et,

- la recevoir dans son appel incident et infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes

Statuant à nouveau sur l'appel incident de la société WIKO :

- condamner la société ALGERIKA à une amende civile de 10.000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamner la société ALGERIKA à lui verser la somme de 44.000 euros au titre du préjudice subi par cette dernière au titre de la procédure abusive initiée par la société ALGERIKA ;

- condamner la société ALGERIKA à lui verser la somme de 368.736,09 USD au titre des intérêts de retard.

En toute hypothèse,

- Condamner la société ALGERIKA à la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel et aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SCP R.-B.-M. au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

21. La clôture a été prononcée le 4 janvier 2021.

 

III - MOYENS DES PARTIES :

22. La société Algérika fait valoir sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile qu'elle est recevable à agir au nom et pour le compte de sa filiale Darkom pour obtenir la réparation du préjudice subi par cette dernière du fait de la rupture fautive par la société Wiko du contrat. Elle soutient que la jurisprudence reconnaît la possibilité pour une société-mère de se prévaloir à titre personnel des conséquences dommageables qui résultent de la rupture de relations contractuelles subies par sa filiale. Elle ajoute de surcroît qu'en dépit de leurs personnalités juridiques distinctes, les sociétés Algérika et Darkom forment une unité économique unique au sens du droit de la concurrence qui l'habilite à agir en réparation du préjudice qui a été évalué distinctement pour chacune des sociétés.

23. La société Algérika soutient sur le fond que la résiliation du contrat de distribution est fautive.

24. A cette fin, elle fait valoir en premier lieu que la société Wiko ne pouvait pas valablement se fonder sur l’article 11.2b) du contrat de distribution pour résilier de façon anticipée le contrat, eu égard à son caractère déséquilibré au sens des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° code de commerce et à la nullité encourue par une telle disposition contractuelle.

25. Elle expose en second lieu que le motif contractuel prévu par l'article 11.2b) sur lequel la société Wiko a motivé la résiliation du contrat sans délai n'était pas rempli et qu'elle a été victime d'une résiliation fautive.

26. Elle avance à ce titre que nonobstant la réglementation algérienne il était parfaitement envisageable, de continuer la distribution des produits Wiko sur le territoire dans le cadre du contrat liant les parties, puisqu'elle pouvait non seulement assembler elle-même les produits ou distribuer les produits assemblés par un tiers assembleur.

27. Elle soutient que la société Wiko a pris prétexte de la nouvelle réglementation algérienne pour mettre en œuvre de mauvaise foi la clause de résiliation anticipée alors qu'il n'y avait ni force majeure ni nécessité de terminer le contrat souhaitant en réalité lui retirer le droit de distribution exclusif de ses produits pour contrôler la politique tarifaire et lui permettre de conclure sans préavis un nouveau partenariat avec un distributeur en partenariat avec la société Sacomi et la société Telking.

28. Elle sollicite en réparation la somme de 15.880.000 euros comprenant son préjudice et celui de sa filiale Darkom, sur la base d'un rapport d'expertise amiable établi par la société d'expertise comptable Prorevise en date du 17 mai 2018 qu'elle a missionnée outre un préjudice moral de 300.000 euros.

29. La société Algérika fait en outre grief à la société Wiko d'avoir eu tout au long du contrat de façon manifeste une pratique d'imposition de prix de revente des produits et mis en place une police des prix qui l'empêchaient de déterminer librement ses prix de revente en contravention avec les dispositions de l'article L. 442-5 du code de commerce et demande réparation à ce titre.

30. Elle demande enfin le paiement d'une somme complémentaire au titre des remises consenties que la société Wiko lui doit sur les ventes 2016.

[*]

31. En réponse, la société Wiko fait valoir que nul ne pouvant plaider par procureur, conformément à la jurisprudence constante, la qualité d'actionnaire unique de la société Algérika ne lui permet pas de se substituer à sa filiale Darkom qui n'est pas partie à la procédure ni partie au contrat pour intenter en ses lieu et place une action visant à la réparation du préjudice subi personnellement par la société Darkom qui revient par ailleurs pour la société Algérika à demander une double indemnisation.

32. Elle ajoute que la notion d’unité économique fût-elle établie n'est pas applicable dans le cadre d'une action civile en responsabilité contractuelle.

33. Sur le fond, la société Wiko soutient qu'elle a valablement et de bonne foi mis en œuvre l'article 11.2.b) du contrat dont les conditions d'application étaient réunies.

34. Elle conteste le caractère illicite de la clause au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code commerce et le bien-fondé de la demande en nullité formée.

35. Elle ajoute que la mesure d'interdiction d'importation constitue bien la perte du droit d'exercer de la société Algérika tel que les parties l'ont entendu en insérant l'article 11.2b) dès lors qu'elle ne peut plus importer les produits objets du contrat ni continuer son activité d'importateur-revendeur.

36. Elle soutient en tout état de cause et même en l'absence de la clause que le contrat était devenu impossible à exécuter du fait du décret algérien d'interdiction d'importation des téléphones mobiles qui a eu pour effet d'empêcher la société Algérika d'exercer son activité d'importateur-revendeur de téléphones mobiles entrainant la disparition de l'objet même du contrat et partant sa caducité.

37. Elle en déduit que c'est par la survenance d'un élément extérieur à sa volonté que le contrat a pris fin la rendant libre de toute obligation envers la société Algérika et de conclure avec qui elle voulait l'assemblage des téléphones sur place ce qui ne peut donner lieu à aucune réparation.

38. Elle conteste en tout état de cause l'existence d'un préjudice et le caractère probant et objectif du rapport d'expertise Prorevise établi à la demande de l'appelante à partir d’hypothèses prévisionnelles qui ne se sont pas réalisées sans joindre les éléments comptables.

39. La société Wiko conteste avoir imposé le prix de revente de ses produits que la société Algérika maitrisait seule.

40. La société Wiko soutient enfin que la société Algérika lui doit les pénalités attachées au retard du paiement des factures que le tribunal a rejetées à tort et demande réparation pour procédure abusive.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IV - MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la fin de non-recevoir :

41. L'article 31 du code de procédure civile énonce que « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

42. En l'espèce la société Algérika agit en réparation de son préjudice et de celui subi par sa filiale à titre personnel du fait de la rupture du contrat de distribution.

43. Si la société Algérika assurait la commercialisation et la distribution des produits de la société Wiko au travers de sa filiale chargée de les vendre dans ses boutiques ou à des revendeurs indépendants, il n'en demeure pas moins qu'elle entend obtenir le respect d'engagements qu'elle a seule négociés et conclus avec la société Wiko qui s'imposent aux deux seules parties signataires, étant rappelé qu'il n'a existé aucune relation commerciale entre la société Wiko et la société Darkom.

44. Sauf à méconnaitre la règle selon laquelle « nul ne plaide par procureur » la société Algérika ne peut se substituer à sa filiale pour intenter à ses lieu et place une action judiciaire visant à la réparation de son préjudice personnel et la seule relation de contrôle de la société Darkom par sa mère, la société Algérika ne confère pas davantage à celle-ci un intérêt à agir.

45. En l'état de ces constatations, il y a lieu de déclarer la société Algérika irrecevable à agir en réparation du préjudice subi par sa filiale la société Darkom, qui est une société distincte non présente dans la procédure, et de confirmer la décision du tribunal sur ce chef.

 

Sur le caractère fautif de la rupture du contrat de distribution conclu le 15 septembre 2014 :

Sur la nature de la clause de résiliation anticipée 11. 2b) du contrat de distribution :

46. En premier lieu la société Algérika pour fonder sa demande, conteste le caractère licite de la clause au motif qu'elle contreviendrait aux dispositions de L'article L. 442-6-I-2° du code de commerce en prétendant que cette clause a été prévue par la société Wiko afin de se ménager la possibilité de résilier le contrat sans préavis à sa seule initiative et sans contrepartie pour la société Algérika.

47. Il convient de rappeler ce que les parties ont convenu dans le contrat de distribution à l’article 11. intitulé résiliation Terme sous lequel figure l'article 11.2 b) litigieux.

« Article 11 : résiliation-Terme

« 11.1: Si l'une des parties commettait à un quelconque moment une violation significative des termes et/ou engagements contenus dans le Contrat et ne remédiait pas à cette violation dans le délai de un mois, suivant la notification écrite faite par l'autre Partie en ce sens, il sera automatiquement mis un terme au contrat ( c'est-à-dire sans qu'il soit besoin pour la Partie qui n'a pas commis de violation d'obtenir une décision de juridiction compétente en la matière) à l'expiration de la période mentionnée ci-dessus.

« 11.2 Le Fournisseur sera de plus autorisé à mettre un terme au Contrat, avec effet immédiat à compter de la réception par le Distributeur de la notification de la résiliation adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, sans avoir à adresser une notification préalable spécifiant une date limite et sans qu'il soit besoin d'obtenir une décision d'une autorité compétente en la matière dans les cas cités ci-dessous :

a) dans l'hypothèse où le Distributeur serait mis en liquidation judiciaire, deviendrait insolvable, serait placé en procédure collective, demanderait l'arrêt de poursuites par ses créditeurs, ou se verrait dans l'impossibilité de payer ses dettes au moment où elles arrivent à échéance,

b) dans l'hypothèse où le Distributeur cesserait ses opérations ou perdrait le droit d'exercer sur le Territoire ».

48. La clause 11.3 vise les suites de la résiliation pour les deux parties.

49. L'article L. 442-6-I-2° du code de commerce prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, « le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre du commerce (...) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

50. La mise en œuvre de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce suppose l'existence d'un rapport de force entre les cocontractants ayant permis à l'un d'eux de soumettre ou de tenter de soumettre son partenaire commercial, lors de la conclusion du contrat, à des obligations manifestement déséquilibrées.

51. Il incombe à la partie qui invoque l'existence d'un déséquilibre significatif de rapporter la preuve qu'elle a été soumise, du fait du rapport de force existant, à des obligations injustifiées et non réciproques.

52. En l'espèce la société Algérika ne démontre pas que la clause lui a été imposée par la société Wiko ni aucune circonstance caractérisant l'existence d'une soumission.

53. Il ressort au contraire des termes du contrat corroborés par les échanges d'emails produits qui précèdent la signature du contrat, que les parties ont décidé de leurs droits et obligations à l'issue de discussions antérieures au cours desquelles elles ont eu le temps de la réflexion pour librement négocier leur accord.

54. De surcroît cette clause analysée en elle-même et dans le contexte global du contrat apparaît normale et justifiée dès lors qu'elle évoque l'hypothèse de l'impossibilité pour le distributeur de poursuivre son activité pour des raisons extérieures aux parties qui ne dépendent de la volonté du Fournisseur.

55. La clause replacée dans le contexte de l'article 11 du contrat qui régit la résiliation, prévoit en effet deux hypothèses particulières de résiliation qui dérogent au cas général de résiliation bilatérale prévue en premier lieu par l'article 11.1, qui sont l'ouverture d'une procédure collective du distributeur ou son insolvabilité (a) et une cessation d'activité ou la perte du droit d'exploiter (b).

56. Or il n'est pas contesté que cette hypothèse b) quelle que soit son interprétation par rapport aux faits de l'espèce, vise l'hypothèse de circonstances extérieures aux parties qui affectent la poursuite du contrat dans le cas où le distributeur n'est pas en droit d'exercer son activité sur le territoire algérien caractérisant une situation d'impossibilité d'exécution qui libérerait dans ce cas le fournisseur de ses obligations.

57. Pour ces motifs la demande tendant à qualifier la clause d'illicite ou abusive au sens des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce sera rejetée.

 

Sur l'application de la clause 11.2b) du contrat de distribution :

58. En second lieu à l'appui de sa demande, la société Algérika prétend que la mesure d'interdiction réglementaire intervenue par décret du 7 janvier 2018 ne correspond pas au motif contractuel prévu par l'article 11.2 b) et que la société Wiko a rompu le contrat de mauvaise foi ce que la société Wiko conteste en prétendant au contraire que cette circonstance faisait partie des négociations et recouvre l'hypothèse prévue par l'article 11.2 b) précité et que ce n'est qu'après l'échec des discussions au cours desquelles elle avait proposé à la société Algérika de faire évoluer son contrat qu'elle a mis en œuvre la clause en constatant en tout état de cause l'impossibilité de poursuivre le contrat.

59. Toutefois il ne ressort d'aucun élément que le motif prévu pour la résiliation contractuelle par l'article 11.2 b) soit d'anticiper une éventuelle mesure d'interdiction d'importation qui aurait conditionné la poursuite de leur contrat.

60. Aucune pièce n'établit qu'il y ait eu un échange sur cette position du gouvernement algérien qui a été pressentie par la société Algérika en avril 2017 date à laquelle elle en a informé son fournisseur soit bien après la signature du contrat qui avait donné lieu à exécution.

61. Par ailleurs si la clause exprime vraisemblablement le souhait de prendre en compte l'instabilité réglementaire existant en Algérie, les parties entendaient l'impossibilité absolue d'exercer du distributeur ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la société Algérika continue son activité commerciale de revente de produits et n'est pas privée du droit de distribution des téléphones Wiko en Algérie.

62. En effet contrairement à ce que la société Wiko tente de faire croire, l'objet du contrat ne portait pas sur le droit d'importer des produits finis mais sur le droit de commercialiser les produits de la marque Wiko comme indiqué par les parties sous l'article 2 intitulé - « Objet du contrat » - ainsi rédigé :

« Le Fournisseur accorde par les présentes et aux conditions ci-après mentionnées au Distributeur qui l'accepte, le droit de commercialiser les produits (en gros et au détail) de la marque Wiko sur le territoire.

Le Distributeur s'engage à acheter les produits de la Marque exclusivement auprès du Fournisseur en vue de leur commercialisation sur le Territoire. »

63. Par ailleurs les obligations du Distributeur détaillées à l'article 5 du contrat sont en lien avec la distribution à savoir les obligations d'information, d'établissement du Rolling Forecast (prévisionnel de commandes), d'usage de la marque et d'objectifs de vente, sans référence à l'importation qui est énoncée de manière dissociée dans les « engagements particuliers » du contrat qu'il convient de rappeler.

64. Les parties ont convenu sous l'article 6 intitulé « engagements particuliers » que « jusqu'à l'obtention des agréments nécessaires à l'importation des Produits sur le Territoire par le Distributeur, Telking pourra poursuivre l'importation des Produits qui seront revendus exclusivement par le Distributeur, - à compter de l'obtention des agréments et autorisations du Distributeur, Telking pourra continuer à importer les Produits nécessaires pour les besoins du SAV ».

65. En d'autres termes selon ces dispositions clairement énoncées, la société Algérika avait le droit de commercialiser les produits sans avoir l'autorisation d'importer qui était encore attribuée au représentant local de la société Wiko la société de droit algérien Telking que la société Wiko avait créée en 2012 pour s'implanter en Algérie avant de solliciter les services de la société Algérika.

66. La société Wiko avait en effet décidé de confier à la société Algérika la distribution de ses produits en considération de sa position de leader en Algérie et de son réseau de distribution multimédia Darkom qui était « incontournable » selon l'intimée pour pénétrer plus facilement le marché, le contrat étant expressément reconnu « Intuitu Personae » (article 14 du contrat).

67. Ces dispositions confirment que dans l'esprit des parties et au moment de la signature du contrat qui n'a pas été modifié sur ce point, l'importation des Produits n'était pas une obligation essentielle à la charge du Distributeur conditionnant la distribution des Produits Wiko dès lors que la société Algérika pouvait être approvisionnée sans importer elle-même les produits, ce qui avait été le cas au début du contrat, et que le choix de la société Algérika était déterminé par son expérience de revendeur en Algérie qui était connue.

68. Il ressort de plus des échanges intervenus entre les parties en 2017 dans le cadre du durcissement de la politique d'importation des produits finis du gouvernement algérien, que la société Wiko avait envisagé comme les autres opérateurs la possibilité d'importer les pièces détachées dites « SKD » et de les assembler en Algérie pour approvisionner la société Algérika des produits sur place.

69. A cet égard si la société Wiko était tout à fait libre de refuser la candidature de la société Algérika pour assembler sur place les pièces et retenir une offre concurrente d'une société d'assemblage algérienne, en l'occurrence la société Sacomi, elle avait néanmoins expressément confirmé à la société Algérika dans son courrier du 2 octobre 2017 que « cela ne l'empêcherait pas d'acheter les produits finis à l'entreprise qui les assemblera en Algérie ».

70. Il ressort ainsi de ce qui précède que la société Wiko ne pouvait sérieusement décider dans son courrier du 24 janvier 2018 de résilier le contrat avec effet immédiat au motif que la société Algérika ne disposait plus des autorisations nécessaires pour importer les produits Wiko sur le territoire algérien en visant l'article 11.2b) du contrat dès lors que la société Algérika n'avait pas perdu le droit d'exercer sur le territoire son activité de distributeur.

71. Il est par ailleurs établi par de nombreux emails échangés à partir de février 2017 que nonobstant le durcissement de la politique d'importation des produits finis du gouvernement algérien, les parties avaient constaté une baisse des ventes qui donnaient lieu à des réunions au cours desquelles elles étaient en désaccord sur la stratégie commerciale, la politique de marketing, le renouvellement de la gamme des produits et leur positionnement et adaptation de prix sur un marché très concurrentiel.

72. La cour relève de l'examen de ces échanges que la société Wiko cherchait à revoir la distribution de ses produits avec son partenaire local ou un nouveau distributeur de son choix, en faveur duquel elle avait demandé une licence et à se libérer de la clause d'exclusivité consentie avec la société Algérika.

73. Il est constant en effet qu’aux termes de la clause 5.5 du contrat la société Wiko s'était engagée à une exclusivité de fourniture au profit de la société Algérika à la condition qu'elle atteigne au minimum 80 % des objectifs de vente sur l'année écoulée ce qui s'était réalisé en 2015 et 2016. Cette clause lui interdisait en principe de contracter avec un tiers pour la revente de ses produits tant que les résultats étaient atteints et de revoir dans l'immédiat son schéma de distribution.

74. Il résulte ainsi de ces constatations et énonciations que la mesure d'interdiction ne constituait pas la perte du droit d'exercer sur le territoire susceptible de satisfaire au motif de résiliation prévu par l'article 11.2 b) du contrat ni une impossibilité d'exécuter le contrat de distribution entrainant la disparition de son objet et ce faisant sa caducité et que c'est sous un faux prétexte que la société Wiko a mis fin au contrat de distribution plus de deux ans avant son échéance prévue en septembre 2020 dans le but d'évincer son distributeur.

75. La rupture fautive est caractérisée sans qu'il y ait lieu de tenir compte d'une situation de dépendance économique au sens des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce dont les conditions ne sont en tout état de cause pas démontrées.

76. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la société Wiko est responsable d'une rupture fautive du contrat de distribution qui ouvre droit à réparation à la société Algérika

77. Il convient en conséquence d'infirmer la décision sur ce chef.

 

Sur les pratiques restrictives de concurrence :

78. La pratique de prix imposés est une pratique restrictive de concurrence sanctionnée par l'article L. 442-5 du code de commerce qui dispose : « Est puni d'une amende de 15.000 euros le fait par toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale ».

79. En l'espèce comme le tribunal l'a relevé, il résulte des pièces du dossier qu'au cours de discussions commerciales, normales entre un fournisseur et son distributeur, des prix de vente moyens conseillés ont été évoqués par la société Wiko mais aucune preuve n'est apportée pour autant par la société Algérika démontrant que la société Wiko lui aurait imposé des prix de revente de ses téléphones et que la mise en œuvre d'une politique de prix soit caractérisée.

80. Par ailleurs des relevés de prix effectués par la société Wiko, non contestés par la société Algérika, démontrent que les prix de vente effectifs de ces téléphones varient très notablement en plus ou en moins par rapport aux prix de vente moyens conseillés, ce qui démontre, a contrario, qu'ils ne sont pas imposés.

81. C'est donc par une exacte appréciation des faits et de justes motifs que le tribunal a rejeté la demande sur ce chef qu'il convient de confirmer.

 

Sur le préjudice :

82. La société Algérika ne peut calculer son préjudice sur la marge qu'elle aurait pu réaliser à l'avenir si la société Wiko lui avait confié l'assemblage de ses produits mais seulement sur le fait qu'elle aurait pu continuer son activité de distributeur jusqu'à l'échéance contractuelle fixée au 15 septembre 2020.

83. Il convient donc d'évaluer son préjudice par le calcul de la perte de marge réalisée sur ses ventes pour une durée arrondie de 2 ans et 8 mois à laquelle la société Algérika pouvait prétendre.

84. La cour dispose pour ce faire des chiffres comptables figurant dans le rapport d'expertise de la société d'expertise comptable Propevise qui ont régulièrement été soumis à la discussion des parties et ne sont pas contredits.

85. A cet égard la cour relève que si tous les éléments comptables ne sont pas joints, il n'en demeure pas moins que les chiffres s'appuient sur le volume des ventes et des achats de produits de marque Wiko que la société Wiko connaît, s'agissant de données qu'elle relevait ou qui lui étaient reportées.

86. La cour prendra en conséquence comme référence de base la marge brute de la société telle qu'elle résulte du dernier exercice comptable avant la rupture en 2016, dans le rapport d'expertise, soit la somme de 90.257 KDZD (kilo dinars algériens) équivalent en euros à la somme annuelle de 561.456 euros ou la somme de 46.788 euros par mois de sorte que le préjudice à retenir est 32 X cette somme (2 ans + 8 mois = 32 mois) soit la somme totale de 1.497.216 euros au titre de dommages et intérêts pour la rupture fautive.

87. S'agissant du préjudice moral, il ne ressort pas des pièces produites que la société Wiko ait porté atteinte à l'image et la réputation de la société Algérika, seul étant évoqué aux yeux du public le nouveau partenariat avec la société Sacomi Electronicas pour l'assemblage que la société Wiko restait libre d'organiser.

88. Cependant il est incontestable que la rupture fautive des relations intervenue avec effet immédiat le 24 janvier 2018 a créé un préjudice moral à la société Algérika compte tenu des engagements pris avec la société Wiko pour développer les produits de sa marque auxquels elle consacrait sa force commerciale.

89. Il est en effet établi et non contesté que la société Algérika avait donné une visibilité à la marque Wiko en Algérie qui n'était pas connue avant 2014 et réalisé l'objectif poursuivi par la société Wiko de pénétrer le marché algérien assurant en outre le service après-vente.

90. Si une baisse des ventes avait été constatée au premier trimestre 2017 donnant lieu à des sujets de désaccords sur la stratégie commerciale, force est de constater que la société Algérika restait investie et motivée par la performance des ventes de téléphones portables de la marque Wiko en Algérie qui constituaient la majorité de son chiffre d'affaires.

91. A cet égard il convient de souligner qu'au cours de la période passée, aucun manquement contractuel n'avait été reproché à la société Algérika, qui avait accepté par le dernier avenant du 27 janvier 2017 portant la durée du contrat jusqu'au 15 septembre 2020, une clause d'exclusivité, s'interdisant de revendre des marques concurrençant directement la marque Wiko (ex Oppo, Huawei etc).

92. Il résulte ainsi de ce qui précède que la société Wiko en rompant sans préavis le contrat de distribution pour un faux prétexte après avoir laissé croire à son distributeur que le partenariat allait encore durer plus de deux ans a nécessairement causé un préjudice moral à la société Algérika qui avait mis avec succès ses efforts à contribution pour faire connaître les produits de la marque Wiko en Algérie.

93. Ce préjudice sera entièrement réparé par l'octroi de la somme de 100.000 €.

94. En conséquence il convient d'infirmer la décision du tribunal qui a débouté la société Algérika de ses demandes à ce titre et de condamner la société Wiko à payer à la société Algérika la somme de 1.497.216 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice économique et celle de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral.

 

Sur la demande additionnelle en paiement d'une remise :

95. Il est exact que les parties avaient convenu dans un email du 24 novembre 2015 d'une remise potentielle sur le chiffre d'affaires 2016 ainsi exprimée « Sur la base d'un objectif de 33,5M de dollars pour 2016, Wiko SAS rémunèrera Algérika à hauteur de 1,8 % complémentaire en terme de ristourne à valoir sur chaque approvisionnement »

96. Cependant la société Algérika ne démontre pas avoir réalisé ce chiffre d'affaires en 2016 de sorte qu'elle ne peut pas prétendre au paiement d'une somme complémentaire au titre de la remise qui était clairement conditionnée par l'atteinte de cet objectif.

97. Pour ce motif la décision sera confirmée sur ce chef.

 

Sur la demande reconventionnelle de la société Wiko au paiement d'intérêts de retard ;

98. La société Wiko réclame la somme de 368.736,09 USD au titre de pénalités de retard à l'appui d'un tableau récapitulatif des sommes dues dont elle rappelle que la société Algérika est débitrice de plein droit en application de l'article L. 441-6 du code de commerce contrairement à ce que le tribunal a retenu.

99. Cette demande, dont la recevabilité est contestée par la société Algérika sans être soutenue dans ses écritures, est recevable s'agissant d'une demande en lien avec la demande principale.

100. Toutefois sur le fond, cette réclamation a été formalisée par un courrier du 1er décembre 2017 et a été immédiatement contestée par un courrier en réponse de la société Algérika. Celle-ci a fait valoir qu'elle avait toujours effectué les paiements dans les délais et que la société Wiko ne tenait pas compte des dates effectives des ordres de virement émis vers sa banque et des accords intervenus pour certains paiements différés.

101. A cet égard il ressort d'une part des échanges produits, que la société Wiko avait effectivement donné son accord pour des reports, d'autre part que cette demande qui concerne les années 2015, 2016 et 2017 a été adressée le 1er décembre 2017 soit plus de trois ans après le début des relations contractuelles à un moment où la société Wiko tentait d'obtenir de renégocier le contrat de distribution et qu'enfin son montant est seulement établi par un tableau que la société Wiko a établie elle-même sans autre pièce le corroborant.

102. Au vu de ces éléments la cour retient que la demande de la société Wiko n'est pas suffisamment justifiée et qu'il convient comme le tribunal l'a fait en première instance de la rejeter.

103. La décision sur ce chef sera confirmée.

 

Sur les frais et dépens :

104. La société Wiko succombant, doit être déboutée du surplus de ses demandes portant sur des dommages et intérêts pour procédure abusive et en paiement d’une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

105. Il y a lieu en revanche de la condamner à payer à la société Wiko la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

V - DISPOSITIF :

Par ces motifs, la cour :

1 - Confirme le jugement rendu le 12 novembre 2019 sauf en ce qu'il a débouté la société Algérika de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de distribution et l'a condamnée à payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Statuant à nouveau sur ces points,

2 - Dit que la rupture du contrat de distribution intervenue en date du 24 janvier 2018 à l'initiative de la société Wiko est fautive ;

En conséquence,

3 - Condamne la société Wiko au paiement de la somme de 1.497.216 euros en réparation du préjudice économique et à celle de 100.000 euros en réparation du préjudice moral subis du fait de cette résiliation fautive ;

4 - Condamne la société Wiko à payer à la société Algérika la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière                           Le président

C. GLEMET                         F. ANCEL