CA NÎMES (1re ch. civ.), 18 février 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8808
CA NÎMES (1re ch. civ.), 18 février 2021 : RG n° 19/01823
Publication : Jurica
Extrait : « En l'occurrence, le contrat du 23 janvier 2016 est un contrat hors établissement au sens de l'article L. 121-6 ancien du code de la consommation, devenu L. 221-1, puisqu'il a été conclu dans les locaux de Mme X., dont il n'est pas discuté qu'elle n'emploie pas de salariés.
Il a été souscrit par celle-ci dans le cadre de son activité professionnelle de tatoueuse mais, s'il porte sur un matériel utile à l'administration de celle-ci, il n'est pas destiné à concourir à la réalisation de la prestation de tatouage ou piercing constituant l'objet même de cette activité. C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que le contrat n'entrait pas dans le champ de l'activité professionnelle principale de Mme X.
La société appelante soutient également au visa de l'article L. 221-2-4°, anciennement L. 121-16-1 4°, que le bénéfice des dispositions du code de la consommation ne peuvent s'appliquer en présence d'un service financier. Cependant, l'article 2 de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, dont les dispositions ont été transposées en droit interne par la loi Hamon, définit le service financier comme étant « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ». Contrairement à ce que soutient la société Locam, le contrat de location de longue durée qui avait pour objet la mise à disposition de Mme X. d'un photocopieur pendant une durée de trois années en contrepartie du paiement d'un loyer n'est pas un service financier au sens du texte précité en sorte que ce moyen ne peut qu'être écarté. »
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/01823. N° Portalis DBVH-V-B7D-HK4T. [Sur appel de] TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON, 1er avril 2019 : R.G. n° 17/02992.
APPELANTE :
SAS LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES ET MATÉRIEL
Société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de SAINT-ÉTIENNE sous le N° XXX prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [...], [...], Représentée par Maître Philippe P. de la SELARL AVOUEP., Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Alain K., Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES :
Madame X.
née le [date] à [ville], [adresse], [...], Représentée par Maître Florence R. de la SELARL R.-G.-H..B., Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON,
Maître DE C. Vincent pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS NEOS COPY 13
[...], [...], [...], Assigné le 28/06/2019, à personne morale, Sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : M. Jean-Christophe BRUYERE, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Jean-Christophe BRUYERE, Président, Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER : Mme Maléka BOUDJELLOULI, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : À l'audience publique du 3 décembre 2020, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Février 2021, prorogé au 18 février 2021, Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Jean-Christophe BRUYERE, Président, le 18 Février 2021, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 23 janvier 2016, Mme X. exerçant son activité sous l'enseigne Y. Tatoo a signé avec la SAS Neos Copy 13 un contrat de location de photocopieur payable en 12 loyers trimestriels de 1.080 euros TTC par un contrat de financement signé avec la SAS Locam.
Le matériel a été fourni et livré par la société Neos Copy 13 le 26 janvier 2016.
Par acte du 22 août 2017 la SAS Locam a assigné Mme X. devant le tribunal de grande instance d'Avignon en résiliation du contrat de location pour défaut de paiement des loyers.
Par acte du 7 février 2018, Mme X. a assigné la SAS Neos Copy 13 devant le même tribunal en nullité du contrat de location et de financement sur le fondement des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation.
Par ordonnance du 26 février 2018 les deux affaires ont été jointes.
La société Neos Copy 13 ayant été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en date du 8 février 2018, Mme X. a, par acte du 6 juillet 2018, fait appelé en la cause Maître Vincent de C., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Neos Copy 13.
Par jugement du 1er avril 2019, le tribunal de grande instance d'Avignon a :
- prononcé la nullité du contrat conclu le 23 janvier 2016 entre Mme X. exerçant sous l'enseigne Y. Tatoo, la SAS Neos Copy 13 et la SAS Locam,
- condamné la SAS Locam à payer à Mme X. la somme de 4.428,03 euros TTC au titre de la restitution des loyers perçus,
- dit que la SAS Neos Copy 13, prise en la personne de son liquidateur judiciaire Maître Vincent de C., devra récupérer à ses frais le matériel loué, à savoir un photocopieur PCn°3065 MFP,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la SAS Locam à payer à Mme X. la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la SAS Neos Copy 13,
- condamné la SAS Locam aux dépens de l'instance.
[*]
Par déclaration du 30 avril 2019, la SAS Locam a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 novembre 2019, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal de grande instance d'Avignon en date du 1er avril 2019,
- débouter Mme X. de sa demande d'annulation du contrat de location au visa de l'article L. 221 3 du code de la consommation s'agissant d'un contrat financier au sens de l'article L. 221-2-4° du code de la consommation,
- à défaut, débouter madame X. laquelle a contracté dans son champ d'activité principal professionnel et non à titre personnel,
- à titre subsidiaire, débouter madame X. de demande d'annulation en l'absence de bordereau de rétractation, en vertu de l'article L. 221-20 du code de la consommation pour n'avoir pas invoqué et sollicité dans le délai de l'article L. 221-20, la rétractation du dit contrat,
- débouter Mme X. de sa demande de caducité du contrat de location longue durée,
- juger que la liquidation judiciaire de Neos Copy est sans conséquence à l'égard de la SAS Locam, compte tenu de l'acquisition préalable de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, Mme X. ne justifiant de l'accomplissement des formalités de l'article L. 614-11-1 du code de commerce,
en conséquence,
- résilier le contrat de location pour défaut de paiement des loyers,
- condamner Mme X. à lui verser :
* une somme de 11.066,11 € avec intérêts de droit au taux légal à compter du 7 juin 2017 se ventilant comme suit:
* principal 10.060,10 €
* clause 1.006,01€,
* une somme 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la restitution du matériel sous astreinte de 50 euros par jour de retard entre les mains de la SAS Locam à son siège social et aux frais de Mme X.,
- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du code civil,
- débouter Mme X. de sa demande en annulation du contrat de location longue durée souscrit,
- juger la liquidation judiciaire de Neos Copy sans effet à l'égard des demandes de la SAS Locam, la clause résolutoire étant acquise préalablement à l'ouverture de la procédure collective et emportant la déchéance du terme et l'exigibilité des sommes dues,
- condamner Mme X. aux dépens distraits au profit de la SELARL Avouep. en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- le contrat de location longue durée souscrit par Mme X. à l'occasion de son activité professionnelle entre dans la catégorie « des services financiers » et est exclu du code de la consommation,
- le contrat de location s'est trouvé résilié par application de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, Mme X. devant être condamnée au titre de la clause pénale,
- la liquidation judiciaire de Neos Copy est sans effet à l'égard des demandes de la SAS Locam, l'acquisition de la clause résolutoire étant antérieure à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 septembre 219, Mme X. demande à la cour de :
- débouter la SAS Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer dans son ensemble le jugement querellé,
à titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour réformait le jugement rendu le 1er avril 2019 par le tribunal de grande instance d'Avignon,
- prononcer la résiliation du contrat conclu entre Madame X. et la société Neos Copy 13 en date du 3 janvier 2017, et à défaut, en date de la liquidation judiciaire,
- prononcer en conséquence à la caducité du contrat de financement conclu entre Madame X. et la société Locam à la date de résiliation du contrat X. / Neos Copy 13,
- juger qu'aucune somme ne saurait être due par Madame X. au titre des loyers au-delà de la date de caducité du contrat,
- juger que la restitution du matériel à la société Neos Copy 13 aura lieu aux seuls frais du fournisseur, la société Neos Copy 13, prise en la personne de son liquidateur Maître Vincent de C.,
- juger qu'aucune condamnation ne saurait intervenir au titre de la clause pénale contenue dans le contrat conclu avec la société Locam et débouter la société Locam de toute demande de ce chef,
- débouter l'appelante de ses demandes de condamnations,
à titre infiniment subsidiaire,
- fixer au passif de la société Neos Copy 13 la somme de 9.048 € TTC due à Madame X. au titre de sa participation prévue par le contrat,
- juger que la société Neos Copy 13 prise en la personne de son liquidateur devra relever et garantir Madame X. de toute condamnation prononcée éventuellement à son encontre au titre de la clause pénale,
- fixer au passif de la société Neos Copy 13 ledit montant,
en tout état de cause,
- condamner la société Locam à payer la somme de 3.500 € à Madame X. par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- fixer au passif de la société Neos Copy 13 la somme de 3.500 € due à Madame X. par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Locam aux dépens de première instance et d'appel.
L'intimée fait valoir que :
- à titre principal, le code de la consommation est applicable au litige s'agissant d'un contrat conclu entre deux professionnels, hors établissement, sans lien avec son activité principale de tatouages et de pierçings pour laquelle elle n'emploi aucun salarié,
- à titre subsidiaire, les contrats conclus entre elle et les sociétés Locam et Neos Copy 13 sont interdépendants et en conséquence la résiliation du contrat conclu avec la société Neos Copy entraine la caducité du contrat conclu avec la société Locam de sorte qu'aucune condamnation ne saurait intervenir au titre de la clause pénale contenue dans le contrat conclu avec la société Locam,
- à titre infiniment subsidiaire, ce n'est que par la faute de la société Neos Copy 13 qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité financière d'assumer la charge du loyer puisqu'elle a
- cessé de verser sa contribution et qu'à ce titre, il devra être porté au passif de la société Neos Copy les versements des mois restants ainsi que le montant de sa condamnation au titre de la clause pénale.
[*]
Maître De C., mandataire judiciaire pris en sa qualité de liquidateur de la société Neos copy n'a pas constitué avocat. L'appelante lui a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions par acte d'huissier du 28 juin 2019 ; Mme X. lui a fait signifier ses conclusions par acte d'huissier du 24 septembre 2019 ; dans tous les cas, les actes ont été remis à une personne habilitée à les recevoir. Il a écrit le 17 juillet 2019 pour indiquer qu'il disposait d'aucun fonds et ne comparaîtrait pas.
[*]
La clôture de l'instruction est intervenue le 19 novembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation, anciennement article L. 121-16-1 issu de la loi du 17 mars 2014, dite loi Hamon, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat avec un autre professionnel dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie de certaines des dispositions protectrices du consommateur parmi lesquelles figure le droit de rétractation.
En l'occurrence, le contrat du 23 janvier 2016 est un contrat hors établissement au sens de l'article L. 121-6 ancien du code de la consommation, devenu L. 221-1, puisqu'il a été conclu dans les locaux de Mme X., dont il n'est pas discuté qu'elle n'emploie pas de salariés.
Il a été souscrit par celle-ci dans le cadre de son activité professionnelle de tatoueuse mais, s'il porte sur un matériel utile à l'administration de celle-ci, il n'est pas destiné à concourir à la réalisation de la prestation de tatouage ou piercing constituant l'objet même de cette activité. C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que le contrat n'entrait pas dans le champ de l'activité professionnelle principale de Mme X.
La société appelante soutient également au visa de l'article L. 221-2-4°, anciennement L. 121-16-1-4°, que le bénéfice des dispositions du code de la consommation ne peuvent s'appliquer en présence d'un service financier. Cependant, l'article 2 de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, dont les dispositions ont été transposées en droit interne par la loi Hamon, définit le service financier comme étant « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ». Contrairement à ce que soutient la société Locam, le contrat de location de longue durée qui avait pour objet la mise à disposition de Mme X. d'un photocopieur pendant une durée de trois années en contrepartie du paiement d'un loyer n'est pas un service financier au sens du texte précité en sorte que ce moyen ne peut qu'être écarté.
Mme X. peut donc prétendre à l'application de l'ancien L. 121-18-1 repris à l'article L. 221-9, imposant au professionnel, à peine de nullité, de fournir un contrat comprenant notamment, par renvoi à l'article L. 121-17 dorénavant L. 221-5, les informations sur les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétraction lorsqu'il existe ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
Expressément prévue par le texte, la nullité du contrat du 23 janvier 2016 est donc encourue, même si le cocontractant peut également se prévaloir d'une prolongation du droit de rétractation dans les conditions de l'ancien article L. 121-21-1 du code de la consommation, désormais l'article L. 221-20. Par ailleurs, Mme X. n'a pu confirmer la nullité du contrat puisque son droit de rétractation a été totalement passé sous silence et qu'elle n'a pas été en mesure d'en faire usage.
Il convient donc de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, qui a prononcé la nullité du contrat et en a tiré les exactes conséquences.
L'appelante supportera les dépens d'appel, l'équité ne commandant pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au-delà de ce qu'a décidé le premier juge.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne la société Locam aux dépens d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par M. BRUYERE, Président et par Mme BOUDJELLOULI, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale