CA GRENOBLE (ch. com.), 4 mars 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8847
CA GRENOBLE (ch. com.), 4 mars 2021 : RG n° 18/04999
Publication : Jurica
Extrait : « L'article L. 442-6-I-2° (ancien) du code de commerce invoqué par les parties, et repris par le jugement déféré, s'inscrit dans le cadre des pratiques restrictives de concurrence entre partenaires commerciaux. Cette notion de partenariat renvoie, comme soutenu par l'appelante, à la notion d'association, et le but de ce texte s'inscrit dans la volonté d'éviter des abus de puissance économique dans le cadre de relations d'affaires suivies. En l'espèce, il est établi que les parties n'ont pas agi dans le cadre d'un partenariat supposant des relations empreintes d'une certaine continuité, mais dans le cadre d'une opération ponctuelle, l'appelante n'étant pas chargée de l'entretien courant de l'alternateur. Elle n'est intervenue qu'afin d'effectuer une opération déterminée, suite à un sinistre. Rien n'établit qu'elle seule disposait du matériel permettant la remise en état de l'alternateur. Elle s'est d'ailleurs approvisionnée auprès d'une entreprise tierce concernant les roulements en cause, comme la société Ksb Eitb ainsi que l'indique le rapport d'expertise.
En conséquence, le tribunal de commerce n'a pu rejeter l'application de la clause limitant la responsabilité de l'appelante au seul motif qu'elle créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, en omettant le fait que cette interdiction ne concerne que les relations entretenues entre partenaires commerciaux. En outre, l'appelante n'a pas accepté le principe de l'indemnisation des préjudices économiques ou immatériels devant l'expert judiciaire. Ce dernier a seulement constaté l'accord des différents experts des parties sur la description et l'évaluation des préjudices.
En l'espèce, l'article XVI des clauses générales de vente de l'appelante, prévoyant une limitation de sa responsabilité au montant contractuel du matériel livré et de ses prestations, n'est pas ainsi illicite, s'inscrivant dans le cadre de l'article 1150 (ancien) du code civil. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 4 MARS 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n 18/04999. N° Portalis DBVM-V-B7C-JZFI. Appel d'un Jugement (R. n° 2017J322) rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 12 novembre 2018 suivant déclaration d'appel du 6 décembre 2018.
APPELANTE :
SAS MOTEURS LEROY SOMER
Société par Actions Simplifiée inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de ANGOULÊME sous le numéro XXX, représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...], représentée par Maître Sylvain R. de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Maître Olivier G., avocat au barreau d'ANGOULEME
INTIMÉES :
GEG ENERGIES NOUVELLES RENOUVELABLES (GEG ENER)
Société par Actions Simplifiée inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de GRENOBLE sous le numéro YYY, [...], [...]
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Société d'assurance Mutuelle à cotisations fixes, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de LE MANS sous le numéro ZZZ, [...], [...]
SA MMA IARD
Société Anonyme, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de LE MANS sous le numéro WWW, [...], [...],
représentées par Maître Franck B. de la SCP V. B. & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Maître Laure-Cécile P., avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Patricia GONZALEZ, Présidente, Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère, M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS : A l'audience publique du 13 janvier 2021, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport, Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Maître G. en sa plaidoirie, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
La Sas Geg Energies Nouvelles et Renouvelables (ci-après désignée par la société Geg) gère pour la ville de Grenoble, la production et la distribution du gaz et de l'électricité, et pour ce faire, exploite la centrale de production d'énergie hydroélectrique de Mizoën.
En février 2012, dans le cadre d'une maintenance programmée, la société Geg a confié à la société Ksb Eitb la révision de l'alternateur de la centrale. Le 15 avril 2012, lors du démontage, la société Ksb Eitb a remarqué que le roulement de butée de l'alternateur de la centrale était détruit et a procédé à son remplacement. Le 16 mai 2012, à la suite d'un dysfonctionnement, la société Ksb Eitb a démonté à nouveau l'alternateur et a constaté la détérioration du roulement de butée.
La société Geg a sollicité alors le fabricant de l'alternateur, à l'effet de procéder à l'expertise technique et à la réparation.
La société Moteurs Leroy Somer a procédé au remplacement du roulement à billes de l'alternateur, permettant à la centrale de redémarrer le 22 décembre 2012.
Le 18 janvier 2013, la compagnie d'assurance Mma, assureur de la société Geg, a sollicité du juge des référés qu'il ordonne une expertise afin de déterminer les causes du sinistre. Par ordonnance du 6 mars 2013, M. M. a été désigné en qualité d'expert.
Le 11 septembre 2013, des vibrations ont été constatées, et ont entraîné la rupture du roulement de butée. L'alternateur a été à nouveau à l'arrêt.
Le 10 octobre 2013, la compagnie Mma et la société Geg ont sollicité du juge des référés que la mission d'expertise soit étendue à la recherche des causes du second sinistre, et étendues à la société Moteurs Leroy Somer. Il y a été fait droit par ordonnance du 13 novembre 2013.
La société Geg et la Compagnie Mma se sont rapprochées de la société Moteurs Leroy Somer afin de trouver une issue amiable, et si la société Ksb Eitb a accepté de prendre en charge les conséquences pécuniaires du premier sinistre, la société Moteurs Leroy Somer a refusé d'assumer les conséquences du second sinistre en dehors du coût de la réparation.
Le 10 juillet 2017, les compagnies Mma Assurances Mutuelles, Mma Iard Sa et la société Geg, ont assigné la société Moteurs Leroy Somer afin de notamment voir homologuer le rapport d'expertise de monsieur M., et de condamner cette défenderesse à leur payer diverses indemnités, sur le fondement des articles 1134 et 1147 (anciens) du code civil.
Par jugement du 12 novembre 2018, le tribunal de commerce de Grenoble a :
- rejeté la demande de la société Moteurs Leroy Somer tendant à dire qu'elle n'est pas tenue d'indemniser les demanderesses en raison de l'article XVI de ses conditions générales de vente ;
- dit que la responsabilité de cette société est entière et qu'elle est tenue d'indemniser la société Mma Iard Assurances Mutuelles et la société Geg du préjudice subi ;
- condamné en conséquence la société Moteurs Leroy Somer à payer à la société Mma Iard Assurances Mutuelles la somme de 338.045,47 euros, et à la société Geg celle de 43.640,82 euros ;
- dit ne pas y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;
- condamné la société Moteurs Leroy Somer à payer la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la même société aux dépens incluant le reliquat des frais d'expertise judiciaire pour 4.737,82 euros.
La société Moteurs Leroy Somer a interjeté appel de cette décision le 6 décembre 2018.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 10 décembre 2020.
Prétentions et moyens de la société Moteurs Leroy Somer :
Selon ses conclusions n° 2 remises le 4 juin 2019, elle demande :
- de réformer le jugement déféré ;
- de juger qu'en application de l'article XVI de ses conditions générales de vente et de maintenance, elle n'est pas tenue d'indemniser la société Geg et les sociétés Mma Iard Assurances Mutuelles et Mutuelles du Mans Iard des pertes de production, d'exploitation et de profit ou plus généralement tout préjudice indemnisable de nature autres que corporel ou matériel ;
- de débouter en conséquence les intimées de leurs demandes ;
- subsidiairement, de dire qu'en ordonnant l'arrêt des travaux de reprise proposés par elle, à seule fin de lui rendre opposables les opérations d'expertise judiciaire, la société Geg a elle-même créé les conditions de ses pertes d'exploitation et de ses préjudices immatériels ;
- de limiter à la somme de 86.993 euros le montant des indemnités dues aux intimées ;
- de les condamner au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Elle expose :
- que quelques semaines après l'intervention de la société Ksb Eitb dans le cadre d'une maintenance programmée sur l'alternateur de la centrale, le personnel en charge de la surveillance des installations de la société Geg a remarqué que de la limaille métallique était mélangée à la graisse qui sortait de l'alternateur, ainsi qu'un bruit de roulement anormal ; qu'une nouvelle intervention de la société Ksb Eitb du 16 mai 2015 a permis alors de découvrir que le roulement à billes servant de butée axiale était de nouveau fortement dégradé ; que sollicitée en sa qualité de fabricant de l'alternateur, la concluante a procédé au remplacement du roulement à billes, permettant à la centrale de redémarrer le 22 décembre 2012 ; que le 11 septembre 2013, l'alternateur a connu une nouvelle avarie par suite de la rupture du roulement de butée et qu'elle a proposé un calendrier incluant le démontage de l'alternateur pour le lendemain même, ce qui a été refusé par la société Geg le 3 octobre, laquelle a préféré saisir le juge des référés pour que la mission d'expertise précédemment confiée à monsieur M. soit étendue afin de rechercher désormais les causes du second sinistre ; que les opérations d'expertise ont été menées du 17 janvier au 13 juin 2014, le rapport définitif étant déposé le 28 décembre 2015 ;
- que si la concluante a expressément reconnu sa responsabilité dans la survenance du second sinistre, cela ne la rend pas nécessairement responsable de la durée totale d'immobilisation de l'alternateur et de la centrale, le fait d'un tiers ou la faute de la victime pouvant venir alléger ou exclure la responsabilité de l'auteur d'un dommage ;
- qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que la centrale a été remise en service par la concluante le 18 décembre 2012 ; qu'elle a été à nouveau arrêtée le 11 septembre 2013 ; qu'un processus amiable a été mis en place le 30 septembre 2013 entre la concluante et la société Geg dans le cadre d'une réunion d'expertise ; que le 2 octobre 2013, la concluante a proposé un plan d'actions que les techniciens dépêchés sur place n'ont pu mettre en œuvre, suite à l'assignation délivrée par la société Geg le 10 octobre 2013 ; que lors de ce nouvel arrêt, la concluante a proposé d'intervenir dans le cadre de leur garantie, mais que la société Geg a décidé d'étendre la procédure judiciaire en cours avec la société Ksb Eitb afin de comprendre les raisons de ces dégradations prématurées successives, ce qui a entraîné un retard du redémarrage de cinq mois ; que si ceci explique que les sociétés Mma et Geg ne revendiquent aucune perte matérielle, l'intégralité des frais de réparation ayant été spontanément pris en charge par la concluante au titre de sa garantie, l'obstination des appelantes à mener une expertise longue et coûteuse est à l'origine principale du retard de remise en route ; que celle-ci aurait dû intervenir bien avant le 16 juin 2014, de sorte que les pertes d'exploitations et les frais techniques seraient bien moindres que ceux réclamés ;
- concernant l'opposabilité des conditions générales de vente et de maintenance de la concluante, que si pour les écarter le tribunal a retenu qu'elles ne pouvaient faire l'objet d'une acceptation tacite en l'absence de relations d'affaires régulières et suivies entre les deux sociétés, qu'elles ont été transmises postérieurement à la commande alors que la société Geg entendait y faire valoir ses conditions générales d'achat, et qu'elles n'ont ni été signées ni expressément acceptées par la société Geg, le tribunal a ainsi commis une erreur, puisque entre professionnels, l'opposabilité de conditions générales de vente peut ressortir d'une acceptation tacite, l'essentiel étant que le cocontractant ait été informé de leur existence avant que la prestation ne soit exécutée, lui offrant ainsi la possibilité de la refuser ; que la poursuite de relations commerciales ne permet que de déduire la connaissance des conditions générales et leur acceptation tacite, par absence de contestation et ne constitue ainsi qu'un mode de preuve alors qu'en matière commerciale, celle-ci est libre ; qu'en l'espèce, le devis du 3 août 2012, établi à la demande de la société Geg, contient indiscutablement les conditions générales de vente et de maintenance, y faisant référence en son article 7 ; que lors de sa commande adressée le 13 août 2012, la société Geg a tenté de faire entrer dans le champ contractuel ses propres conditions générales d'achat, ce qui prouve qu'elle connaissait l'usage de telles clauses, ce que la concluante a refusé le 16 août 2012, indiquant que ses propres conditions prévalaient en cas de conflit ; que les 19 et 24 septembre 2012, la concluante a transmis à la société Geg deux autre devis complémentaires, que la société Geg a accepté en adressant un bon de commande le 2 octobre 2012, contenant ses conditions générales d'achat, à nouveau réfutées par la concluante se référant à ses conditions de vente ; qu'ainsi, à deux reprises, la société Geg a eu connaissance des conditions générales de maintenance et de leur importance pour la concluante, qu'elle a accepté en validant les commandes et en acceptant la réalisation des travaux sans protestation ; que la société Geg a même accepté expressément ces conditions en signant le 13 août 2012 un document d'ouverture de compte, mentionnant que sa signature entraîne l'acceptation sans exception ni réserve des conditions générales de ventes figurant au verso ;
- que selon l'article XVI de ces conditions générales, la responsabilité du vendeur est limitée, les pénalités et indemnités pouvant être prévues à la commande ayant la nature de dommages et intérêts forfaitaires, libératoires et exclusifs de toute autre sanction ou indemnisation ; qu'à l'exclusion de la faute lourde et de la réparation des dommages corporels, la responsabilité du vendeur sera limitée, toutes causes confondues, à une somme qui est plafonnée au montant contractuel hors taxes du matériel ou de la prestation donnant lieu à réparation ; qu'en aucune circonstance, le vendeur ne sera tenu d'indemniser les dommages immatériels et/ou les dommages indirects dont le client pourrait se prévaloir au titre d'une réclamation ; que de ce fait, il ne pourra être tenu d'indemniser notamment les pertes de production, d'exploitation et de profit ou plus généralement tout préjudice indemnisable de nature autre que corporelle ou matérielle ; que le client se porte encore garant de la renonciation à recours de ses assureurs ou de tiers en situation contractuelle avec lui, contre le vendeur et ses assureurs, au-delà des limites et pour les exclusions fixées ; que ces conditions ont notamment fait l'objet d'échanges par voie électronique avec la société Geg, les 2 et 3 octobre 2012 ; qu'elles ont été rappelées à l'expert dans le dire n°1 adressé par la concluante ; que cela justifie le rejet de toutes prétentions de la société Geg et de sa compagnie d'assurances ;
- que si le tribunal a considéré que cet article instituait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties car remettant en cause les droits de la société Geg à être indemnisée de l'ensemble de son préjudice, en violation de l'article L. 442-6 du code de commerce, ce texte ne reçoit cependant application qu'en ce qu'il régule les pratiques commerciales entre partenaires commerciaux ou économiques habituels, par opposition à la notion plus étroite de contractant ; qu'en l'espèce, il n'existait pas de relation d'affaires stable et suivie avec la société Geg avant la commande d'août 2012 ; que les parties ont été liées par un contrat d'entreprise ponctuel, même si par le passé il a été précédé par d'autres contrats de même nature ; que la démonstration d'un abus de position n'est pas rapportée puisque la concluante n'a été sollicitée qu'en raison des manquements de la société Ksb Eitb, pour une opération ponctuelle que d'autres entreprises auraient pu réaliser, ne disposant pas d'un monopole sur le marché ; que l'article 1150 (ancien) du code civil prévoit que l'on peut prévoir les dommages et intérêts dans le contrat, si ce n'est point par dol que l'obligation n'est pas exécutée, ce qui consacre la validité des clauses limitatives de responsabilité ; qu'il n'existe aucun déséquilibre significatif au profit de la concluante ; que les pertes d'exploitation ou préjudices immatériels ne sont objectivement pas prévisibles au stade de la formation du contrat, contrairement au préjudice matériel qui oblige l'entreprise dont la responsabilité est recherchée à reprendre sa prestation ; que cette exclusion n'a pas pour effet de vider de sa substance l'objet du contrat, d'autant que les désordres ont bien été repris.
Prétentions et moyens des compagnies Mma Iard Assurances Mutuelles, Mma Iard Sa et de la société Geg :
Selon leurs conclusions remises le 26 mars 2019, elles demandent, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil :
- de confirmer le jugement déféré ;
- d'homologuer le rapport d'expertise de monsieur M. ;
- de dire que l'appelante est seule et entièrement responsable du second sinistre ayant conduit à l'arrêt de l'alternateur de la centrale électrique du 13 septembre 2013 au 16 juin 2014 ;
- en conséquence, de condamner l'appelante à payer à la compagnie Compagnie Mma les sommes de 335.195 euros pour les dommages immatériels, et de 2.850,47 euros pour les frais d'investigations techniques ;
- de condamner l'appelante à payer à la société Geg les sommes de 36.521 euros pour les dommages immatériels, de 1.513 euros pour les frais d'investigations techniques et de 5.606,82 pour les honoraires de l'expert ;
- y ajoutant, de condamner l'appelante à la société Mma la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, comprenant le reliquat de frais d'expertise judiciaire non indemnisé par la société Ksb Eitb, soit 4.737.82 euros ;
- de mettre à la charge de l'appelante, en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, les sommes retenues par l'huissier de justice instrumentaire au titre de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, tel que modifié par l'article 2 du décret 2001-212 du 8 mars 2001.
Elles soutiennent :
- que la compagnie Mma a indemnisé son assuré, la société Geg, dans les conditions et limites de la police d'assurance qu'elles avaient souscrites ; que par application de l'article L. 121-12 du code des assurances, celle-ci est subrogée dans les droits de son assuré à concurrence de l'indemnité versée contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ; que cependant, la société Geg subit un préjudice propre correspondant au reliquat de frais non couverts par la Compagnie Mma, qui n'a pas vocation à rester à sa charge à partir du moment où l'appelante est seule responsable du second sinistre ; qu'ainsi, le tribunal de commerce a jugé recevable et fondée l'action des sociétés Mma Iard, Mma Iard Assurances Mutuelles et Geg, ce que l'appelante ne conteste pas ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
- que l'appelante, au titre de sa responsabilité civile contractuelle, ne critique pas vraiment la motivation de la décision de première instance ; qu'elle s'était vue confier la réparation de l'alternateur et était débitrice d'une obligation de résultat d'effectuer une réparation pérenne et efficace, ce qu'elle n'a jamais contesté ; qu'elle est ainsi responsable du sinistre à partir du moment où il est constaté qu'elle n'a pas atteint le résultat escompté ; qu'ainsi, après avoir été redémarré le 22 décembre 2012, suite à l'intervention de l'appelante, l'alternateur a de nouveau été à l'arrêt le 11 septembre 2013, pendant les opérations d'expertise judiciaire menées par monsieur M., suite à la nouvelle rupture du roulement de butée de l'alternateur ; que dans son dire n°1 du 5 février 2014, l'appelante a reconnu avoir commis une erreur dans sa réparation, en remplaçant le roulement de butée par un roulement rigoureusement identique à celui qu'elle avait trouvé en démontant l'alternateur, alors que le premier changé par la société Ksb Eitb n'était pas conforme au roulement prévu dans les plans du constructeur, les deux intervenants commettant ainsi la même erreur successivement ; que l'appelante a ainsi offert de remplacer cette pièces à ses frais pendant les opérations d'expertise, ce que monsieur M. et les parties ont accepté ; que ce remplacement a été effectué mais avec encore la présence de bruit et de vibrations excessives, de sorte que le 8 avril 2014, la société Geg a pris la décision d'arrêter à nouveau la centrale ; que diverses interventions ont été exécutées par la société Prediag, spécialisée dans le diagnostic vibratoire des machines ; que ce n'est que le 13 juin 2014 qu'il a pu être remédier aux problèmes résultant de l'ajustage de divers composants ;
- que ces données techniques permettent de comprendre que l'appelante a commis plusieurs fautes à l'origine du second sinistre, alors que les réparations n'étaient pas simples ainsi qu'elle le soutient ; qu'outre une erreur de référence du roulement, il existait également une erreur dans les valeurs d'ajustement de l'alternateur et l'absence de prise en compte du matage d'une pièce ce qu'a relevé l'expert ; que le tribunal a ainsi justement retenu que la responsabilité de l'appelante était entière ;
- que ce second sinistre, imputable à l'appelante seule, a entraîné un arrêt de l'alternateur du 13 septembre 2013 au 16 juin 2014 et des préjudices immatériels pour un total de 371.716 euros, outre des frais d'investigations de la société Prediag pour 16.161 euros, dont la société Ksb Eitb a accepté de supporter 73'% de même que concernant les frais d'expertise et le découvert de l'assuré sur les honoraires d'expert d'assuré ;
- que la société Geg supporte un découvert d'assurance sur les postes suivants :
* Dommages immatériels : 36.521 euros
* Frais d'investigations techniques : 1.513 euros
* Honoraires d'experts d'assuré (27 % de 20 766 euros) : 5.606,82 euros ;
- que la Compagnie Mma supporte la prise en charges des dommages immatériels pour 335.195 euros et les frais d'investigations techniques pour 2.850.47 euros ;
- que l'appelante ne peut leur opposer les conditions générales de son contrat de vente pour s'opposer à toute demande indemnitaire, qui n'ont pas été acceptées par la société Geg même implicitement ; que le mail du 3 octobre 2012 de l'appelante, dans lequel elle indique ne pouvoir accepter les conditions d'achat, ne permet pas de démontrer que la société Geg a accepté tacitement les conditions générales de vente ; que le devis du 3 août 2012 n'était pas accompagné de ces conditions alors que le bon de commande du 13 août 2012 a prévu des pénalités, ce qui démontre que la société Geg entendait imposer ses propres conditions d'achat ; que le tribunal a ainsi considéré que ces conditions générales n'avaient pas été communiquées à la société Geg avant la commande initiale ;
- que ces conditions ne peuvent entraîner un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce, alors qu'elles remettent en cause les droits de la société Geg, tirés du droit commun de la vente, à être indemnisée de l'ensemble du préjudice découlant d'une erreur de l'appelante, ainsi que retenu par les premiers juges ; que l'appelante ne démontre pas l'existence de relations commerciales suivies, puisqu'elle n'avait pas en charge la maintenance régulière de l'alternateur ; que dans le cadre de son dire à l'expert, l'appelante a renoncé à se prévaloir de ses propres conditions générales de vente ;
- que l'appelante ne peut soutenir qu'il n'existerait pas de lien de causalité entre sa faute et les préjudices subis, en invoquant qu'elle était parfaitement capable de réparer de manière pérenne l'alternateur en phase amiable mais qu'elle en a été empêchée suite à la décision de la société Geg et de la Compagnie Mma de diligenter une procédure de référé; qu'en effet, devant deux pannes identiques survenues à quelques mois d'intervalle, les intimées n'avaient pas d'autre choix et ne pouvaient occulter à l'expert déjà désigné dans le cadre du premier sinistre cette nouvelle panne ; que l'expert se serait inévitablement rendu compte par lui-même de ce nouveau désordre et aurait demandé des explications et la mise en cause de l'appelante.
* * *
Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
Il résulte des éléments techniques développés par les parties que l'appelante n'a jamais contesté sa responsabilité dans la survenue des seconds désordres, suite à son intervention sur l'alternateur de la centrale hydroélectrique.
Elle est mal fondée à opposer aux intimées la durée totale de l'immobilisation de cette centrale en raison du refus de la société Geg d'intervenir suite à l'arrêt survenu le 11 septembre 2013, les intimées ayant préféré voir étendre la mission de l'expert désigné au titre du premier sinistre imputable à la seule société Ksb Eitb, puisque ainsi que soutenu par elles, l'expert se serait nécessairement aperçu de l'existence d'un nouveau problème alors que les intimées n'auraient pu le lui occulter, ce qui aurait eu nécessairement pour conséquence l'extension de sa mission. En outre, seule l'intervention de la société Prodiag, spécialisée dans les problèmes vibratoires, a permis de remédier définitivement à la difficulté. Ce n'est que le 13 juin 2014 que les difficultés ont trouvé ainsi une solution.
Concernant le droit à indemnisation de la société Geg, et par voie de subrogation, de ses assureurs, ainsi que le rappelle l'appelante, l'article 1150 (ancien) du code civil dispose que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée. Ce texte permet ainsi de prévoir contractuellement une limitation du droit à indemnisation du créancier de l'obligation inexécutée. En l'espèce, il est acquis que l'appelante a manqué à son obligation de résultat d'effectuer une réparation correcte et pérenne. Mais il n'est pas soutenu ni prouvé qu'elle ait commis un dol, ou une faute lourde, compte tenu des énonciations de l'expert.
L'article L. 442-6-I-2° (ancien) du code de commerce invoqué par les parties, et repris par le jugement déféré, s'inscrit dans le cadre des pratiques restrictives de concurrence entre partenaires commerciaux. Cette notion de partenariat renvoie, comme soutenu par l'appelante, à la notion d'association, et le but de ce texte s'inscrit dans la volonté d'éviter des abus de puissance économique dans le cadre de relations d'affaires suivies. En l'espèce, il est établi que les parties n'ont pas agi dans le cadre d'un partenariat supposant des relations empreintes d'une certaine continuité, mais dans le cadre d'une opération ponctuelle, l'appelante n'étant pas chargée de l'entretien courant de l'alternateur. Elle n'est intervenue qu'afin d'effectuer une opération déterminée, suite à un sinistre. Rien n'établit qu'elle seule disposait du matériel permettant la remise en état de l'alternateur. Elle s'est d'ailleurs approvisionnée auprès d'une entreprise tierce concernant les roulements en cause, comme la société Ksb Eitb ainsi que l'indique le rapport d'expertise.
En conséquence, le tribunal de commerce n'a pu rejeter l'application de la clause limitant la responsabilité de l'appelante au seul motif qu'elle créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, en omettant le fait que cette interdiction ne concerne que les relations entretenues entre partenaires commerciaux. En outre, l'appelante n'a pas accepté le principe de l'indemnisation des préjudices économiques ou immatériels devant l'expert judiciaire. Ce dernier a seulement constaté l'accord des différents experts des parties sur la description et l'évaluation des préjudices.
En l'espèce, l'article XVI des clauses générales de vente de l'appelante, prévoyant une limitation de sa responsabilité au montant contractuel du matériel livré et de ses prestations, n'est pas ainsi illicite, s'inscrivant dans le cadre de l'article 1150 (ancien) du code civil.
Concernant l'acceptation de ces clauses générales, un devis a été adressé par mail par l'appelante le 3 août 2012 pour la réparation à effectuer suite au premier sinistre imputable à la société Ksb Eitb. Il a été stipulé que les conditions générales de l'appelante seront applicables. La société Geg a accepté ce devis en émettant un bon de commande le 13 août 2012 transmis par mail à l'appelante, ne contenant aucune précision concernant un refus de l'application des conditions générales invoquées par l'appelante dans le devis, mais précisant seulement l'application de pénalités de retard. Par retour de mail du même jour, l'appelante a refusé l'application de ces pénalités de retard, en rappelant que ces conditions générales de vente prévalent.
Le 13 août 2012, la société Geg a ouvert dans les livres de l'appelante un compte client, et la demande signée par cette intimée rappelle, en caractères parfaitement apparents, que sa signature entraîne l'acceptation sans exception ni réserve des conditions générales de vente figurant à son verso.
Deux autres devis ont par la suite été adressés à la société Geg en septembre et octobre 2012, avec les mêmes rappels aux conditions générales de vente, et refus d'acceptation des pénalités de retard stipulées par la société Geg.
Il résulte de ces éléments que la société Geg a accepté d'abord tacitement une limitation de son droit à indemnisation, et expressément en signant la demande d'ouverture de compte, ainsi que soutenu par l'appelante. En acceptant ces conditions, la société Geg s'est également portée garante de la renonciation de ses assureurs, concernant les préjudices exclus du droit à indemnisation, ainsi que stipulé à la fin de l'article XVI des conditions générales de vente.
Il s'ensuit que le jugement ne peut qu'être infirmé en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, la cour déboutera les intimées de l'intégralité de leurs prétentions. Succombant devant cet appel, elles seront condamnées à payer à l'appelante la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1150 (ancien) du code civil, et L. 442-6 (ancien) du code de commerce ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Déboute les sociétés Geg Energies Nouvelles et Renouvelables, Mma Assurances Mutuelles et Mma Iard, de toutes leurs demandes ;
Condamne les sociétés Geg Energies Nouvelles et Renouvelables, Mma Assurances Mutuelles et Mma Iard, à payer à la société Moteurs Leroy Somer la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les sociétés Geg Energies Nouvelles et Renouvelables, Mma Assurances Mutuelles et Mma Iard, aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel ;
SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par Mme RICHET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président