CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 9 mars 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8863
CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 9 mars 2021 : RG n° 19/02546 ; arrêt n° 21/151
Publication : Jurica
Extrait : « Au vu de ces éléments, la cour estime que la clause critiquée définit l'objet principal du contrat et est rédigé en termes clairs, précis et dénués de toute ambiguïté.
Enfin, Monsieur X. ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à son détriment. En effet, le déséquilibre ne peut résulter de la seule limitation de la garantie, et par ailleurs la rédaction de la clause critiquée ne créée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat en conférant un avantage excessif à l'assureur, puisque le risque de se trouver dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle quelconque existe bien. »
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 9 MARS 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/02546. Arrêt n° 21/151. N° Portalis DBVQ-V-B7D-EZC4.
APPELANT :
d'un jugement rendu le 22 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de TROYES
Monsieur X.
[...], [...], Représenté par Maître Patrick V. de la SCP V.-L., avocat au barreau d'AUBE
INTIMÉES :
SA CNP ASSURANCES
Entreprise régie par le code des assurances, inscrite au RCS de PARIS, au capital de XXX €, [...], [...], Représentée par Maître Didier L. de la SCP L.-R., avocat au barreau d'AUBE
SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE GRAND EST EUROPE
banque coopérative régie par les articles L. 512-85 et suivants du Code monétaire et financier - SA à directoire et conseil d'orientation et de surveillance, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social, [...], [...], Représentée par Maître Florence S. de la SCP H. AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller, Madame Florence MATHIEU, conseiller, rédacteur
GREFFIER : Monsieur Xicolas MUFFAT-GENDET, greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 25 janvier 2021, où l'affaire a été mise en délibéré au 9 mars 2021,
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Le 27 février 2006, Monsieur X. a souscrit deux prêts immobiliers d'un montant respectif de 81.000 euros (prêt Promolis 3 phases) et de 19.200 euros (prêt Patz Barème 1) signés de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand-Est Europe, anciennement dénommée, Caisse d'Epargne Lorraine Champagne Ardenne.
Concomitamment à cette souscription il a conclu avec la compagnie CNP ASSURANCES un contrat d'assurance-groupe décès, incapacité de travail, invalidité.
Le 19 juillet 2010, Monsieur X. a été victime d'un accident de travail alors qu'il exerçait la profession d'opérateur refondage et pontier. Le 2 octobre 2012, il était déclaré inapte à son poste et le 21 novembre 2012 son employeur procédait à son licenciement.
Monsieur X. a sollicité le remboursement anticipé des prêts auprès de la CNP ASSURANCES, qui a refusé toute prise en charge de l'accident du travail, au motif que Monsieur X. ne se trouvait pas en incapacité totale de travail au sens du contrat.
Par acte d'huissier en date du 12 janvier 2017, Monsieur X. a fait assigner la CNP ASSURANCES devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins d'obtenir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- la prise en charge des échéances de remboursement mensuelles des emprunts par la compagnie d'assurances, au titre de la garantie incapacité totale de travail, et ce depuis le 19 octobre 2010 (période de franchise de 120 jours décomptée),
- subsidiairement la condamnation de la CNP ASSURANCES à lui payer des dommages et intérêts dont le montant sera équivalent aux montants des échéances du prêt depuis la date de l'accident, soit le 19 juillet 2010, jusqu'à l'issue du remboursement complet, soit la somme de 68.783,52 euros,
- à titre infiniment subsidiaire, une mesure d'expertise.
Il réclame en outre le paiement par la CN ASSURANCES des sommes de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Par acte d'huissier en date du 14 août 2018, Monsieur X. a appelé en la cause la Caisse d'Epargne aux fins de déclaration de jugement commun.
Par jugement du 22 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Troyes a :
- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Monsieur X. à l'encontre de la CNP ASSURANCES,
- débouté Monsieur X. de toutes ses demandes formées à l'encontre de la CNP ASSURANCES et de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe,
- condamné Monsieur X. à payer à chacune des défenderesses la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que :
- la compagnie d'assurances avait par une correspondance datée du 19 janvier 2011 répondu à la demande d'indemnisation par un refus de prise en charge explicite et dépourvu d'équivoque, et qu'aucun élément n'ayant interrompu le délai de prescription, l'action de Monsieur X. s'était trouvée éteinte par la prescription à compter du 20 janvier 2013,
- s'agissant des contrats d'assurance-groupe, seul l'établissement de crédit souscripteur du contrat d'assurances était débiteur d'une obligation d'information à l'égard de l'emprunteur, de sorte que la CNP ASSURANCES n'était pas tenue d'une obligation d'information à l'égard de Monsieur X.
Par acte en date du 26 décembre 2019, Monsieur X. a interjeté appel de ce jugement.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 23 mars 2020, Monsieur X. conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :
- juger que la clause relative à l'incapacité de travail est abusive et doit donc être réputée non écrite,
- condamner la CNP ASSURANCES à prendre en charge les échéances de remboursement mensuelles des emprunts par la compagnie d'assurances, au titre de la garantie incapacité totale de travail, et ce depuis le 19 octobre 2010 (période de franchise de 120 jours décomptée),
- subsidiairement, la condamnation de la CNP ASSURANCES à lui payer des dommages et intérêts dont le montant sera équivalent aux montants des échéances du prêt depuis la date de l'accident, soit le 19 juillet 2010, jusqu'à l'issue du remboursement complet, soit la somme de 68.783,52 euros,
- plus subsidiairement, la condamnation de la banque Caisse d'Epargne à lui payer des dommages et intérêts dont le montant sera équivalent aux montants des échéances du prêt depuis la date de l'accident, soit le 19 juillet 2010, jusqu'à l'issue du remboursement complet, soit la somme de 68.783,52 euros,
- à titre infiniment subsidiaire, une mesure d'expertise médicale.
Il réclame en outre le paiement par la CNP ASSURANCES des sommes de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Il expose que s'il a formulé une première demande de remboursement auprès de la CNP ASSURANCES le 18 octobre 2010, le refus qui lui a été notifié était motivé par le fait que Monsieur X. ne subissait aucune perte de revenu.
Il explique qu'il n'a été consolidé que le 30 septembre 2012 et n'a été avisé qu'à compter de cette date du taux d'incapacité permanente dont il était atteint. Il précise qu'il a adressé un nouveau courrier le 4 février 2015 à la CNP ASSURANCES pour voir examiner à nouveau sa situation au vu du changement de sa situation et qu'un nouveau refus lui a été opposé le 19 février au motif de l'inscription de celui-ci à Pôle emploi et d'une indemnisation à ce titre à compter du 8 janvier 2015.
Il soutient qu'après le 19 janvier 2011, il a continué à adresser à la compagnie d'assurances des éléments justifiant de sa situation. Il indique que c'est dans ce contexte que CNP ASSURANCES lui aurait adressé un nouveau courrier le 15 février 2013 mais insiste sur le fait que la compagnie à qui la charge de la preuve incombe ne rapporte par la preuve de l'envoi et de la réception dudit courrier.
Il insiste sur le fait que la prise en charge au titre de la garantie incapacité totale de travail est intrinsèquement liée à la situation professionnelle ainsi qu'à l'état de santé du salarié.
Il estime que la clause litigieuse est abusive et invoque la jurisprudence européenne, selon laquelle le juge doit apprécier si la clause porte sur l'objet principal du contrat d'une part, et, si la réponse est positive, il doit s'assurer du fait que la clause est rédigée de manière « claire et compréhensible ».
Il soutient que la clause contenue dans le contrat s'analyse de la manière suivante : la prise en charge au titre de l'incapacité totale de travail est exclue à partir du moment où le consommateur est susceptible de pouvoir exercer une quelconque activité qu'elle soit rémunératrice ou non et qu'elle soit professionnelle ou non. Selon lui, cette définition englobant toutes les activités de quelque sorte que ce soit, la garantie se trouve systématiquement exclue, ce qui créé nécessairement un déséquilibre significatif entre les parties au détriment du consommateur.
Il précise qu'il est à jour du remboursement de ses prêts.
Il fait valoir que l'assureur est tenu de mettre à la disposition de l'assuré un contrat comportant des informations complètes et véridiques, de sorte que ce dernier exécute son obligation précontractuelle d'information par ce biais.
Enfin, il demande une mesure d'expertise médicale sur le fondement de l'article 143 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 31 juillet 2020, la CNP ASSURANCES conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite une somme supplémentaire de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Subsidiairement, elle demande à la cour de juger que toute éventuelle prise en charge par elle des échéances de prêt ne peut s'effectuer que dans les termes et limites contractuels et au profit de l'organisme prêteur, qui est le bénéficiaire du contrat d'assurance.
Elle soutient que dès le courrier du 19 janvier 2011, Monsieur X. a été informé du refus de prise en charge que ce dernier reconnaît lui-même ne pas avoir contesté, de sorte que la prescription est acquise puisque l'assignation n'a été délivrée que le 12 janvier 2017.
Elle fait valoir que Monsieur X. ne remplit pas les conditions du contrat, car le risque couvert est l'incapacité totale de travail constatée médicalement.
Elle précise que l'assuré a renoncé à la garantie perte d'emploi et ne peut dès lors sérieusement soulever pour les besoins de la cause le caractère abusif de la définition contractuelle de la clause ITT, « en ce qu'elle ne respecte pas les exigences de clarté et de compréhension et créé un déséquilibre significatif entre les parties au contrat » afin de tenter de s'affranchir des limites contractuelles.
Elle affirme qu'elle n'est pas tenue à une obligation d'information et de conseil et qu'en tout état de cause, s'agissant d'un manquement à une obligation d'information précontractuelle, l'action est prescrite.
Elle ajoute que Monsieur X. a reçu un document d'information remis par le prêteur qui constitue la notice d'assurance.
Elle précise que l'expertise judiciaire n'est pas justifiée car Monsieur X. ne justifie pas d'une perte de revenu pour la première période et pour la deuxième, ce dernier ne produit pas d'arrêt de travail pour maladie ou accident.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 23 avril 2020, la Caisse d'Epargne conclut à la confirmation du jugement entrepris, à l'irrecevabilité de la demande formée à son encontre pour la première fois à hauteur d'appel par Monsieur X. et sollicite une somme supplémentaire de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Elle s'en rapporte à prudence de justice s'agissant de la demande formée par Monsieur X. contre la compagnie d'assurances.
Elle soutient que sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, Monsieur X. est irrecevable à former une demande de condamnation à son encontre pour la première fois à hauteur d'appel.
Subsidiairement, elle fait valoir que la demande de condamnation pour manquement à l'obligation de conseil est prescrite, dans la mesure où le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en responsabilité débute à compter de la conclusion du contrat ou de la réalisation du dommage ou plus favorablement à la date de refus de prise en charge. Elle insiste sur le fait que la première demande de condamnation a été présentée suivant conclusions du 23 mars 2020.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* Sur la recevabilité des demandes formées à titre principal par Monsieur X. à l'encontre de la CNP Assurances :
Selon l'article L. 114-1 du code des assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui donne naissance.
En matière d'assurance de groupe souscrite par un établissement de crédit et à laquelle adhère un emprunteur pour la couverture de risque pouvant avoir une incidence sur le remboursement de l'emprunt, la prescription biennale court à compter du premier des deux éléments suivants :
- soit le refus de garantie de l'assureur,
- soit la demande en paiement de l'organisme prêteur bénéficiaire de l'assurance par l'effet de la stipulation faite à son profit.
Dans le cas où le refus de garantie de l'assureur marque le point de départ de la prescription de l'action de l'assuré contre l'assureur, ce refus doit être explicite et dépourvu d'équivoque.
En l'espèce, Monsieur X. établit qu'il a formé une première demande de prise en charge auprès de la CNP dès le 18 octobre 2020 et que la compagnie lui a répondu par courrier, daté du 19 janvier 2011,qu'elle ne pouvait pas donner de suite favorable à la demande de prise en charge, motif pris qu'il ne subissait pas de perte de revenus et terminait son courrier en indiquant « Nous vous invitons à nous signaler tout changement de situation pouvant modifier votre perte de revenus et vous invitons à conserver l'ensemble des justificatifs d'arrêt travail ».
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, cette correspondance ne doit pas être analysée comme un refus de prise en charge explicite et dépourvue d'équivoque. En effet, à cette date l'état de santé de Monsieur X. n'était pas consolidé puisque sa consolidation n'est intervenue que le 30 septembre 2012 par décision du médecin conseil (pour un accident survenu le 23 juillet 2010).
Par ailleurs, Monsieur X. s'est vu notifier le 21 novembre 2012 un licenciement pour inaptitude à tous les postes de production de l'entreprise, inaptitude constatée par le médecin du travail le 15 octobre 2012.
En raison du changement de sa situation, un taux d'incapacité permanente de 40 % lui ayant été reconnu, Monsieur X. a informé, par courrier du 4 février 2015, la CNP de sa perte de revenus importantes suite à son invalidité et à sa perte d'emploi consécutive à son accident.
Par courrier du 19 février 2015, la CNP a informé Monsieur X. qu'aucune prise en charge n'était envisageable et écrivait « (...) après étude de votre dossier, il apparaît que vous êtes inscrit et indemnisé par pôle emploi depuis le 8 juin 2015. Or, selon l'article L 351-1 du code du travail, l'inscription sur le registre de cet organisme implique obligatoirement l'aptitude physique au travail du bénéficiaire des prestations. Le service des allocations pour l'emploi confirme donc que votre état de santé ne correspond plus un incapacité temporaire totale au sens du contrat d'assurance auxquels vous avez adhéré ».
Il y a lieu de constater que le motif de ce rejet est différent de celui développé par la CNP en 2011, aussi c'est à compter de ce courrier du 19 février 2015 dont Monsieur X. conteste la teneur qu'il convient de faire débuter le délai de prescription.
L'introduction de la présente instance ayant été réalisée, suivant assignation délivrée le 12 janvier 2017, force est de constater que l'action diligentée par Monsieur X. contre la CNP n'est pas prescrite.
Dans ces conditions, il convient de déclarer Monsieur X. recevable en son action formée à l'encontre de la CNP, et par conséquent, d'infirmer le jugement déféré de ce chef.
* Sur la demande de prise en charge des échéances du prêt par Monsieur X. à l'égard de la CNP Assurances :
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, applicable au contrat dont s'agit, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Monsieur X. invoque la nullité de la clause du contrat d'assurance relative à l'incapacité totale de travail, sur le fondement des articles L. 133-2 et L. 132-1 du code de la consommation et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne, laquelle a indiqué que le juge doit apprécier si la clause porte sur l'objet principal du contrat d'une part, et si, la réponse est positive, il doit s'assurer du fait que la clause est rédigée de manière « claire et compréhensible ».
L'article L. 133-2 du code de la consommation énonce que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel.
Aux termes de l'article L. 132-1 du même code, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Dans le corps du contrat souscrit le 12 janvier 2006 par Monsieur X., il a été mentionné que celui-ci renonçait à l'assurance perte d'emploi proposée par le prêteur.
L'article 8 définit l'incapacité totale de travail comme suit : « l'assuré est en état d'ITT lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activités de 120 jours consécutives à la maladie ou l'accident appelé délai de franchise, il se trouve dans l'impossibilité absolue constatée médicalement d'exercer une quelconque activité, professionnelle ou non, même à temps partiel ».
S'agissant des prestations garanties, l'article 10 du contrat concernant l'incapacité totale de travail stipule que :
« a. Montant des prestations :
les prestations servies sont calculées en fonction de la situation professionnelle de l'assuré au jour du sinistre, et de la quotité figurant sur le bulletin d'adhésion.
En cas d'ITT, et pendant toute la durée de celle-ci, l'assureur règle :
III) si l'assuré est salarié, fonctionnaire ou assimilé ou perçoit des allocations ASSEDIC ou d'organismes similaires :
Les prestations mensuelles sont, dans tous les cas, limitées à la perte de revenus de l'assuré, et ne peuvent en aucun cas excéder le montant des échéances mensuelles de remboursement à la charge de l'assuré au cours de la période d'ITT.
La perte de revenus est définie comme étant la différence entre « le revenu de référence» (1) de l'assuré avant l'arrêt travail et son « revenu de remplacement » (2) au prorata du nombre de jours d'incapacité reconnue.
(1) le revenu de référence est défini contractuellement comme étant le revenu et les indemnités mensuels nets imposables moyens des 12 mois précédant l'arrêt travail.
(2) le revenu de remplacement est calculé par l'assureur en appliquant à ce revenu de référence les principes d'indemnisation (taux, durée, délais) des accords employeurs, des conventions collectives et des régimes de prévoyance de base et complémentaires. À défaut, le revenu de remplacement sera déterminé tous les mois à partir de l'ensemble des justificatifs des prestations en espèces réglées par des régimes d'indemnisation de l'assuré y compris maintien de salaire employeur (…).
b. versement des prestations :
- début des prestations :
les prestations sont versées, ou plutôt :
Si l'assuré est salarié, fonctionnaires ou assimilés, ou perçoit des allocations ASSEDIC ou d'organismes similaires :
après expiration du délai de franchises susvisé, au plus tôt à la date où est enregistrée la perte de revenus.
-fin des prestations :
Pour tous les assurés :
les prestations cessent de plein droit, lorsque l'assuré a la capacité d'exercer une activité, même partielle (...) ».
Au cas présent, il ressort de l'article 1 des dispositions contractuelles intitulé « objet du contrat » que le contrat d'assurance est destiné à accorder aux emprunteurs la garantie notamment du risque ITT ; or, la clause ITT critiquée, qui délimite ledit risque, porte sur la définition de l'objet principal du contrat d'assurance.
La cour rappelle que la définition de l'ITT ouvrant droit à garantie relève de la liberté contractuelle et c'est donc à cette définition qu'il convient de se reporter sans la dénaturer. En l'espèce, la clause définissant le risque ITT est claire, précise et dénuée de toute ambiguïté : elle correspond à un risque réel.
En effet, la CNP n'exige pas de l'assuré qu'il soit dans l'impossibilité non seulement d'exercer une activité professionnelle mais encore une activité non professionnelle. La condition médicale de l'ITT se définit comme « l'impossibilité absolue constatée médicalement d'exercer une quelconque activité, professionnelle ou non (…) ». Force est de constater que le critère d'appréciation considéré (activité professionnelle ou activité non professionnelle) est alternatif et non pas cumulatif. La garantie est ainsi rédigée pour être appliquée aussi bien à l'assuré exerçant une activité professionnelle ou en recherchant une, qu'à l'assuré n'exerçant pas d'activité rémunérée au jour de la survenance du sinistre.
En l'espèce, il s'agit d'apprécier l'aptitude de Monsieur X. à l'exercice d'une quelconque activité professionnelle, puisque celui-ci exerçait une activité professionnelle au jour du sinistre.
Ainsi, le risque ITT prévu au contrat est l'incapacité totale de travail constatée médicalement. De plus, il convient de souligner que Monsieur X. a renoncé expressément à la garantie « perte d'emploi », de sorte qu'il n'a pas pu se méprendre sur la portée de la clause d'ITT.
Par ailleurs, il y a lieu de relever que Monsieur X. à la suite de son accident du travail a perçu dans un premier temps des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie ainsi qu'un complément de salaire versé par le régime de prévoyance de son employeur jusqu'à la date de son licencient pour inaptitude.
Dans le courrier lui notifiant son licenciement, l'employeur écrivait :
« (…) Le médecin du travail vous a déclaré, lors de votre visite du 1er octobre 2012, inapte à tous les postes de production de l'entreprise. 1er avis. Apte à un poste type « bureautique », limitant fortement les déplacements pédestres. Sans port de charge.
Le 15 octobre 2012, le médecin du travail confirmait votre inaptitude suite à la visite de poste réalisée le 2 octobre 2012.
Néanmoins, nous avons cherché un poste correspondant aux capacités définies dans la fiche de visite. Nous avons convoqué les délégués du personnel lors d'une réunion exceptionnelle le 25 octobre 2012 et avons accueilli leur avis sur votre reclassement. Ils ont proposé le poste d'agent d'exploitation transport vacant, suite à une mutation du titulaire du poste.
(…) Après réflexion, vous avez décliné cette proposition.
Malgré ces recherches, nous n'avons pas trouvé, ni actuellement, ni en prévision, de poste de travail répondant à toutes ces restrictions médicales (…) ».
Ainsi, depuis le 16 octobre 2012, Monsieur X. bénéficie d'un revenu de remplacement délivré par Pôle emploi aux personnes aptes au travail, il n'est plus en arrêt de travail délivré par son médecin.
Au vu de ces éléments, la cour estime que la clause critiquée définit l'objet principal du contrat et est rédigé en termes clairs, précis et dénués de toute ambiguïté.
Enfin, Monsieur X. ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à son détriment. En effet, le déséquilibre ne peut résulter de la seule limitation de la garantie, et par ailleurs la rédaction de la clause critiquée ne créée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat en conférant un avantage excessif à l'assureur, puisque le risque de se trouver dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle quelconque existe bien.
Dès lors, la cour constate que Monsieur X. n'établit pas le caractère abusif de la clause et ne démontre pas remplir les conditions d'application de la garantie au titre de l'ITT, telle que prévue au contrat, puisque sa situation constatée médicalement ne l'empêche pas d'exercer une autre profession que celle qu'il exerçait au moment du sinistre. Aussi, au vu de la définition contractuelle de l'ITT qui s'impose aux parties, la demande d'expertise judiciaire n'a pas lieu d'être ordonnée.
Par conséquent, il convient de débouter Monsieur X. de ses demandes de prise en charge par la CNP des échéances de son prêt ainsi que d'expertise médicale.
* Sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée à l'encontre de la CNP Assurances pour manquement à l'obligation de conseil et d'information :
En l'espèce, la banque est le prêteur et le souscripteur du contrat d'assurance, la CNP est l'assureur et Monsieur X. est l'adhérent au contrat d'assurance.
S'agissant d'un contrat d'assurance-groupe, seul l'établissement de crédit souscripteur du contrat d'assurance est tenu à une obligation d'information telle que prescrite par l'article 1147 ancien du code civil, de sorte que la CNP n'est pas débitrice d'une obligation d'information à l'égard de Monsieur X.
Dans ces conditions, il convient de débouter Monsieur X. de sa demande en paiement à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information et de conseil formée à l'encontre de la CNP, et par conséquent de confirmer le jugement déféré de ce chef.
* Sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée à l'encontre de la Caisse d'Epargne pour manquement à l'obligation de conseil et d'information :
En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre la cour de nouvelles prétentions, à peine d'irrecevabilité. En l'espèce, force est de constater que Monsieur X. forme pour la première fois à hauteur d'appel une demande de condamnation de la banque au paiement de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de conseil et d'information, alors qu'en première instance, il n'avait formé à l'encontre de cette dernière qu'une demande de déclaration de jugement commun. Il agit donc d'une demande nouvelle au sens de l'article susvisé, de sorte qu'il convient de la déclarer irrecevable.
Au surplus, sur le fondement de l'article 122 du même code, il convient de constater que Monsieur X. a formé cette demande, suivant conclusions notifiées électroniquement le 23 mars 2020, soit plus de cinq ans après le refus de prise en charge du sinistre notifié à l'intéressé par courrier du 19 février 2015.
Par conséquent, il convient de déclarer Monsieur X. irrecevable en sa demande de condamnation en paiement de dommages et intérêts formée à l'encontre de la banque.
* Sur les autres demandes :
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur X. succombant, il sera tenu aux dépens d'appel.
Les circonstances de l'espèce commandent de débouter les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu le 22 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Troyes en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par Monsieur X. à l'encontre de la CNP Assurances.
Et statuant à nouveau,
Déclare Monsieur X. recevable en ses demandes formées à l'encontre de la CNP assurances.
Le déboute de toutes ses demandes formées à l'encontre de la CNP assurances.
Le confirme pour le surplus.
Y ajoutant,
Déclare Monsieur X. irrecevable en sa demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information et de conseil formée à l'encontre de la banque caisse d'épargne et de prévoyance grand Est Europe.
Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Condamne Monsieur X. aux dépens d'appel.
Le greffier La présidente
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6363 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Incapacité temporaire de travail