CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 11 février 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8891
CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 11 février 2021 : RG n° 18/02038
Publication : Jurica
Extrait : « La société Locam fait valoir que les dispositions invoquées ne sont pas applicables en ce que l'activité exercée constitue un service financier et que le contrat de location conclu est en conséquence exclu du champ d'application du chapitre consacré aux contrats conclus à distance et hors établissement par l'article L. 221-2 du code de la consommation. Cette argumentation ne saurait être suivie dès lors que le contrat porte sur la location d'une licence d'exploitation d'un site internet et non sur un service financier tel qu'exclu par l'article L. 221-2-4°.
La société Locam soutient également que M. X. a conclu le contrat litigieux dans le cadre et pour les besoins de son activité professionnelle et qu'il ne peut en conséquence se prévaloir de la qualité de consommateur au sens de l'article liminaire du code de la consommation.
Aux termes de l'article L. 221-3 du code de la consommation applicable en l'espèce, [...]. En application de ces dispositions, le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur relatives notamment au droit de rétractation.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat a été conclu hors établissement au sens des dispositions de l'article L. 221-1-I-2° a) du code de la consommation dès lors que le contrat a été conclu dans le lieu où M. X. exerce son activité de soutien scolaire, qui n'est pas celui où le professionnel, la société Locam, exerce habituellement son activité. Il n'est pas davantage contesté que M. X. n'emploie aucun salarié et qu'il peut être qualifié de « micro professionnel » au sens de l'article L. 221-3.
Si le contrat portant sur la création et l'exploitation d'un site internet présente un rapport direct avec l'activité professionnelle de M. X. qu'il a pour vocation de promouvoir, il ne participe cependant pas, par son objet, à la réalisation de l'action de soutien scolaire exercée par l'intéressé.
M. X. est en conséquence fondé à invoquer l'application des dispositions du code de la consommation permettant l'exercice d'un droit de rétractation. »
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/02038. N° Portalis DBVC-V-B7C-GDWY. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal d'Instance de CAEN en date du 19 avril 2018 : R.G. n° 1118000024.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [...], [...], représenté et assisté de Maître Gaël B., substitué par Maître V., avocats au barreau de CAEN
INTIMÉE :
SAS LOCAM
N° SIRET : XXX, [...], [...], prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Julia Z., substituée par Maître L., avocats au barreau de CAEN, assistée de la SELARL LEXI CONSEIL ET DEFENSE, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
DÉBATS : A l'audience publique du 3 décembre 2020, sans opposition du ou des avocats, Mme DELAHAYE, Président de Chambre, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Mme GOUARIN, Conseiller, Mme VIAUD, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 11 février 2021 à 14 h 00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, président, et Mme LE GALL, greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte sous seing privé établi le 29 juin 2017, M. X., qui exerce à titre individuel une activité de soutien scolaire sous l'enseigne Math Plus, a conclu avec la SARL Cometik un contrat de licence d'exploitation de site internet.
Le même jour, il a conclu avec la SAS Locam un contrat de location du site web fourni par la SARL Cometik pour une durée de 48 mois moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 150 euros HT soit 180 euros TTC.
Un procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement a été établi le 29 juin 2017 entre M. X. et la SARL Cometik.
Par lettre adressée le 6 octobre 2017 à la SARL Cometik, M. X. a sollicité la mise en œuvre de son droit de rétractation.
Par lettre du 16 octobre 2017, il a informé la SAS Locam de sa volonté de rétracter le contrat de location puis a cessé le paiement des loyers.
Par lettre recommandée expédiée le 29 novembre 2017, se prévalant de la clause résolutoire prévue par le contrat, la SAS Locam a mis en demeure M. X. de lui régler les loyers impayés sous peine de prononcé de la déchéance du terme rendant exigible la totalité de sa créance.
Par acte d'huissier du 31 janvier 2018, la SAS Locam a assigné M. X. en paiement des sommes restant dues.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 19 avril 2018, le tribunal d'instance de Caen a :
- condamné M. X. à payer à la SAS Locam la somme de 9.108 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 ;
- condamné M. X. à payer à la SAS Locam la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 2 juillet 2018, M. X. a interjeté appel de la décision.
[*]
Par dernières conclusions du 2 avril 2019, M. X. demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu ;
Statuant à nouveau
A titre principal
- débouter la SAS Locam de ses demandes ;
A titre subsidiaire
- annuler le contrat de location souscrit le 29 juin 2017 ;
- débouter la société Locam de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire
- juger que le procès-verbal de réception est inopposable à M. X. ;
- constater en conséquence la caducité du contrat de location, faute de réalisation de la condition suspensive prévue à l'article 2-2 du contrat ;
- à tout le moins, ordonner la résiliation du contrat de location aux torts de l'intimée ;
- la débouter de toutes ses demandes ;
A titre encore plus subsidiaire
- condamner la SAS Locam à lui payer la somme de 9.108 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;
- réduire dans de plus justes proportions le montant de l'indemnité de résiliation ;
- ordonner la compensation des créances réciproques des parties ;
En tout état de cause
- débouter la SAS Locam de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
- la condamner au paiement de la somme de 360 euros en remboursement des échéances prélevées en juillet et août 2017 ;
- la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
- ordonner la compensation des créances réciproques des parties.
[*]
Par dernières conclusions en date du 2 janvier 2019, la SAS Locam demande à la cour de :
- débouter M. X. de ses demandes ;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
- condamner « M. Y. » (sic) à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux dépens « d'appel et d'instance ».
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé des moyens de celles-ci.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue 4 décembre 2019.
Par conclusions reçues le 25 novembre 2020, M. X. a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, demande qui a été rejetée par le conseiller de la mise en état le 1er décembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'exercice du droit de rétractation :
M. X. soutient qu'il est fondé à se prévaloir des dispositions des articles L. 221-18, L. 221-20 et L. 221-3 du code de la consommation dès lors que le contrat a été conclu hors établissement, qu'il n'emploie aucun salarié et que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de son activité principale.
La société Locam fait valoir que les dispositions invoquées ne sont pas applicables en ce que l'activité exercée constitue un service financier et que le contrat de location conclu est en conséquence exclu du champ d'application du chapitre consacré aux contrats conclus à distance et hors établissement par l'article L. 221-2 du code de la consommation.
Cette argumentation ne saurait être suivie dès lors que le contrat porte sur la location d'une licence d'exploitation d'un site internet et non sur un service financier tel qu'exclu par l'article L. 221-2-4°.
La société Locam soutient également que M. X. a conclu le contrat litigieux dans le cadre et pour les besoins de son activité professionnelle et qu'il ne peut en conséquence se prévaloir de la qualité de consommateur au sens de l'article liminaire du code de la consommation.
Aux termes de l'article L. 221-3 du code de la consommation applicable en l'espèce, les dispositions des sections II, III et VI du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
En application de ces dispositions, le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur relatives notamment au droit de rétractation.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat a été conclu hors établissement au sens des dispositions de l'article L. 221-1-I-2° a) du code de la consommation dès lors que le contrat a été conclu dans le lieu où M. X. exerce son activité de soutien scolaire, qui n'est pas celui où le professionnel, la société Locam, exerce habituellement son activité.
Il n'est pas davantage contesté que M. X. n'emploie aucun salarié et qu'il peut être qualifié de « micro professionnel » au sens de l'article L. 221-3.
Si le contrat portant sur la création et l'exploitation d'un site internet présente un rapport direct avec l'activité professionnelle de M. X. qu'il a pour vocation de promouvoir, il ne participe cependant pas, par son objet, à la réalisation de l'action de soutien scolaire exercée par l'intéressé.
M. X. est en conséquence fondé à invoquer l'application des dispositions du code de la consommation permettant l'exercice d'un droit de rétractation.
En application des dispositions de l'article L. 221-18 figurant à la section VI auquel l'article L. 221-3 renvoie expressément, M. X. disposait d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation, délai prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies, ce conformément aux dispositions de l'article L. 221-20.
En l'espèce, le contrat litigieux a été conclu le 29 juin 2017 et M. X. a exercé son droit de rétractation le 16 octobre 2017, soit dans le délai de douze mois suivant l'expiration du délai de quatorze jours suivant la conclusion du contrat, par lettre exprimant sans ambiguïté sa volonté de se rétracter.
Il en résulte que M. X. a valablement exercé son droit de rétractation et qu'il convient en conséquence de débouter la SAS Locam de sa demande en paiement des sommes réclamées au titre du contrat rétroactivement anéanti, le jugement déféré à ce titre devant être infirmé.
La SAS Locam doit en conséquence être condamnée à rembourser à M. X. la somme de 360 euros correspondant aux deux échéances réglées aux mois de juillet et août 2017.
M. X. ne caractérisant pas le préjudice moral qu'il invoque sera débouté de sa demande indemnitaire formée à ce titre.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront infirmées.
Partie perdante, la SAS Locam devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
Aussi la SAS Locam sera-t-elle condamnée à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande formée à ce titre, laquelle n'est au demeurant pas formée contre M. X. mais à l'encontre d'un tiers.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 avril 2018 par le tribunal d'instance de Caen ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant
Déboute la SAS Locam de sa demande en paiement ;
Condamne la SAS Locam à rembourser à M. X. la somme de 360 euros au titre des échéances réglées aux mois de juillet et août 2017 ;
Déboute M. X. de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
Condamne la SAS Locam aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SAS Locam à verser à M. X. la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SAS Locam de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
LE GALL L. DELAHAYE
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet