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CA CAEN (2e ch. civ. com.), 8 avril 2021

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (2e ch. civ. com.), 8 avril 2021
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 2e ch.
Demande : 19/00908
Date : 8/04/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/03/2019
Référence bibliographique : 6180 (L. 442-1, critères d’appréciation du déséquilibre significatif)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8892

CA CAEN (2e ch. civ. com.), 8 avril 2021 : RG n° 19/00908

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'article 8 des conditions générales intitulée « dans quels cas la responsabilité de SFR peut elle être engagée » dispose en son article : (....) 8-4 « De convention expresse entre les parties, aucune action judiciaire ou réclamation du client, quelle qu'elle soit, ne pourra être engagée ou formulée contre SFR plus d'un an après la survenance du fait générateur » ;

En l'espèce, l'article 8-4 figure dans les conditions générales que la société Kribs Conseils aujourd'hui Kribs Conseils Immobilier a reconnu, en signant le bon de commande du 5 février 2015, avoir eu connaissance et accepter, les conditions générales produites aux débats étant au demeurant celles émises le 28 novembre 2014 dont antérieures au bon de commande ;

Aux termes des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Ce texte suppose pour la partie qui l'invoque d'établir un déséquilibre global et significatif du contrat, puisque seule une analyse concrète et globale du contrat, de son économie et des conditions dans lesquelles il a été conclu, permet de déterminer si une de ses clauses est susceptible de conduire à déséquilibre significatif ;

En l'occurrence, la société Kribs Conseil Immobilier se contente d'affirmer que la clause litigieuse créée une asymétrie d'obligations sans déterminer en quoi, au vu de l'ensemble des autres clauses du contrat et du contexte de conclusion du contrat, elle conduirait à l'existence d'un déséquilibre significatif ;

Elle sera déboutée de sa demande ».

 

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 8 AVRIL 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/00908. N° Portalis DBVC-V-B7D-GJDQ. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Commerce de CAEN en date du 9 janvier 2019 : RG n° 18/001430.

 

APPELANTE :

SA SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTÉLÉPHONE (SFR)

N° SIRET : XXX [...], [...], représentée par Maître France L., avocat au barreau de CAEN, assistée de Maître Stéphane C., avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉES :

SARL KRIBS CONSEIL IMMOBILIER

N° SIRET : YYY [...], [...], prise en la personne de son représentant légal, représentée et assistée de la SCP C. L. Y. ET ASSOCIES, avocat au barreau de CAEN

SARL MODULO CARTES ENTREPRISE

N° SIRET : YYY, [...], [...], prise en la personne de son représentant légal, non représentée, bien que régulièrement assignée

 

DÉBATS : A l'audience publique du 17 décembre 2020, sans opposition du ou des avocats, Mme VIAUD, Conseiller, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Mme GOUARIN, Conseiller, Mme VIAUD, Conseiller.

ARRÊT prononcé publiquement le 8 avril 2021 à 14h00 par prorogations du délibéré initialement fixé au 25 février 2021, 4 mars 2021, 18 mars 2021 puis au 1er avril 2021 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, président, et Mme ANCEL, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Un bon de commande « Pack Business Entreprises » a été signé le 5 février 2015 entre la société Kribs Conseils et la SA Société Française de Radiotéléphone (société SFR), le distributeur SFR étant la société Modulo Cartes Entreprise, portant sur des abonnements et option : site PBE SDSL de 48 mois et ligne : ligne fixe Absolu pendant 48 mois, un boîtier Ata et un poste IP Policom WX 500 ;

A compter du mois de mars 2015, la société Kribs Conseils a adressé plusieurs courriers à la société Modulo Cartes Entreprise et à la société SFR, rappelant que le système choisi devait répondre à une solution globale de télécommunication compte tenu de l'ouverture d'une nouvelle agence immobilière, et se plaignant du déploiement tardif, de la connexion internet trop lente et du défaut de migration de la ligne téléphonique.

A compter du mois de juin 2016, elle a demandé la portabilité de ses lignes auprès d'un autre opérateur, laquelle sera effective à compter du 23 novembre 2016 ;

Les tentatives de résolution amiable du litige n'ayant pas abouti et poursuivant l'indemnisation de son préjudice, la société Krbis Conseil Immobilier a, par acte des 12 et 16 février 2018, fait assigner la société SFR et la société Modulo Cartes Entreprise devant le tribunal de commerce de Caen, lequel, par jugement du 9 janvier 2019 :

- s'est déclaré compétent pour connaître du litige,

- débouté la société SFR de l'ensemble de ses demandes

- a prononcé la résolution judiciaire du contrat,

- a condamné solidairement les sociétés SFR et Modulo Cartes Entreprises à payer à la société Kribs Conseils Immobilier la somme de 7.077.18 € au titre des prestations facturées,

- a condamné solidairement les sociétés SFR et Modulo Cartes Entreprises à payer à la société Kribs Conseils Immobilier la somme de 20.000 € au titre de la perte de chiffres d'affaires,

- a condamné la société SFR à payer à la société Kribs Conseils Immobilier la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la société Modulo Cartes Entreprises à payer à la société Kribs Conseils Immobilier la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné solidairement les sociétés SFR et Modulo Cartes Entreprises aux dépens ;

Par déclaration au greffe du 11 mars 2019, la société SFR a formé appel de cette décision, critiquant l'ensemble de ses dispositions ;

 

Par conclusions d'appelantes n° 2 enregistrées au greffe le 26 novembre 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société SFR demande à la cour de :

- déclarer la société SFR recevable et bien fondée en son appel ;

- Y faisant droit :

- infirmer le jugement du 9 janvier 2019 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a :

- rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société SFR et jugé le tribunal de commerce de Caen territorialement compétent

- considéré que les conditions contractuelles étaient inopposables à la société KRIBS Conseil Immobilier

- déclaré Kribs Conseil Immobilier recevable en son action, et partiellement bien fondée

- estimé que les sociétés SFR et Modulo auraient reconnu ne pas avoir fourni un service prévu au contrat

- considéré que Kribs Conseil Immobilier aurait payé un service non fourni à concurrence de 7.077,18 €, somme dont elle était recevable à solliciter le remboursement

- jugé que Kribs Conseil Immobilier aurait subi un préjudice consistant dans une perte de chiffre d'affaires

- évalué le préjudice en termes de chiffres d'affaires et non de marge, en l'occurrence à concurrence de 20.000 €

- ignoré l'application de la prescription légale

- refusé de faire application des conditions contractuelles, notamment en ce qui concerne la forclusion conventionnelle et les limitations et exclusions de responsabilité

- rejeté les demandes, fins et prétentions de la société SFR

- condamné la société SFR au paiement des sommes de 7.077,18 € en remboursement de factures, 20.000€ en compensation d'une perte de chiffre d'affaires, 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

- dire et juger Kribs Conseil Immobilier mal fondée en son appel incident et l'en débouter ;

- confirmer le jugement du 9 janvier 2019 en ce qu'il a débouté Kribs Conseil Immobilier de ses demandes de :

- Remboursement du coût d'une formation

- Remboursement de frais de publicité

- Compensation d'un préjudice d'image inexistant

- Désignation d'un expert afin de déterminer le dommage qu'elle prétend avoir subi

- Statuant a nouveau :

- A titre principal,

- dire et juger que la société Kribs Conseil Immobilier ne peut contester l'opposabilité à son égard des clauses d'un contrat auquel elle revendique être partie ;

- dire et juger en conséquence que les conditions générales contractuelles de SFR sont opposables à la société Kribs Conseil Immobilier ;

- juger que les Juridictions du ressort de Caen territorialement incompétentes ;

- Se dessaisir et renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Paris ;

- débouter la société KRIBS de ses demandes, fins et prétentions contraires ;

- Subsidiairement sur le fond,

- dire et juger la société Kribs Conseil Immobilier irrecevable en son action

et ses demandes ;

- dire et juger la société Kribs Conseil Immobilier mal fondée en son action et ses demandes ;

- débouter la société Kribs Conseil Immobilier de ses demandes, fins et prétentions, en ce compris son appel incident ;

- Encore plus subsidiairement,

- faire application des dispositions contractuelles et limiter toute responsabilité de SFR au montant des trois (3) derniers mois facturés à la société Kribs Conseil Immobilier et encaissés ;

- condamner la société Modulo Cartes Entreprises à relever et garantir la société SFR de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge ;

Y ajoutant :

- condamner la société Kribs Conseil Immobilier au paiement de la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ;

- condamner la société Kribs Conseil Immobilier aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître France L., avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

[*]

Par conclusions enregistrées au greffe le 30 août 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Kribs Conseil Immobilier, demande à la cour de :

- vu les dispositions de l'article 1147 du Code Civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 février 2016,

- vu les dispositions des articles 1217 et 1231-1 du code civil,

- recevoir la société SFR en son appel, le dire mal fondé,

- recevoir la société Kribs Conseil Immobilier en son appel incident, le dire

bien fondé,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Caen du 9 janvier 2019 en ce qu'il a

* débouté la société SFR de son exception d'incompétence territoriale, et s'est déclaré par voie de conséquence compétent pour connaître le litige,

* dit que la société SFR et la société Modulo Cartes Entreprises ont manqué à leurs obligations contractuelles au profit de la société Kribs Conseil Immobilier (anciennement KRIBS Conseils),

* En conséquence,

* prononcé la résolution judiciaire du contrat,

* condamné solidairement la société SFR et la société Modulo Cartes Entreprises à rembourser à la société Kribs Conseil Immobilier (anciennement KRIBS Conseils) une somme de 7.077.18 € au titre des prestations facturées,

- L'infirmer sur le montant du préjudice,

- Statuant à nouveau,

- dire et juger que la société SFR et la société Modulo Cartes Entreprises engagent leur responsabilité contractuelle,

- en conséquence,

- condamner solidairement la société SFR et la société Modulo Cartes Entreprises à payer à la société Kribs Conseil Immobilier (anciennement KRIBS Conseils) les dommages et intérêts suivants :

- 80.000 € pour le préjudice lié à la perte de chance de réalisation du chiffre d'affaires,

- 5.640 € au titre du remboursement des frais de publicité inutilement dépensés,

- 10.000 € au titre du préjudice d'image.

- Subsidiairement, si le Cour s'estimait non suffisamment informée du montant du préjudice souffert,

- désigner tel expert qui aura pour mission d'évaluer le montant du préjudice de

la société Kribs Conseils (aujourd'hui Kribs Conseil Immobilier), et plus généralement donner à la juridiction tous éléments utiles pour trancher le différend,

- Très subsidiairement, si par extraordinaire, la Cour estimait que la société Kribs Conseil Immobilier n'était pas fondée à solliciter réparation du préjudice antérieur à la cession,

- Condamner solidairement la société SFR et la société Modulo Cartes Entreprises à rembourser à la société Kribs Conseil Immobilier une somme de 2.705.20 € au titre des prestations facturées,

- dire et Juger que le préjudice souffert par la société Kribs Conseil Immobilier ne saurait être inférieur à la somme de 15.000 euros, par voie de conséquence, condamner solidairement la société SFR et la société Modulo Cartes Entreprises au paiement de cette somme,

- En tout état de cause, et y ajoutant

- Condamner les mêmes sociétés au paiement chacune d'une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner les mêmes sociétés aux dépens,

[*]

La société Modulo Cartes Entreprise, qui s'est vu signifier par actes d'huissier des 24 avril 2019 et 5 juin 2019 délivrés à personne morale la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante, n'a pas constitué avocat ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur le défaut de qualité à agir de la société :

La société SFR estime que la société Kribs Conseil Immobilier n'est pas titulaire des droits à réparation qui sont invoqués, puisque le contrat a été conclu avec la société Kribs Conseil et la cession de fonds de commerce invoquée date du 1er juillet 2016. Elle fait valoir que la cession de contrat dans le cadre de la cession de fonds de commerce ne vaut que pour l'avenir, les droits et obligations nés antérieurement à la date de la cession restant personnels au cédant du contrat. De même la subrogation suppose que la société Kribs Conseil ait réglé le montant de la créance qu'elle estime détenir contre SFR.

La société Kribs Conseil Immobilier fait valoir qu'elle a fait l'objet d'une fusion absorption par la société Vitalepargne qui implique le recueil de l'ensemble des droits de la société Kribs Conseil puis la société Vitalepargne a acquis le fonds de commerce de la société Kribs Conseil incluant l'ensemble des contrats et mandats du fonds cédé ;

Au vu des pièces produites, la société Kribs Conseil a fait l'objet le 11 mai 2016 d'une fusion absorption par la société Vitalepargne impliquant transmission universelle de son patrimoine à cette dernière. Elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 26 juillet 2016 avec effet au 30 juin 2016.

Compte tenu de la transmission universelle du patrimoine, il s'opère une substitution de la société absorbante tant dans les obligations de la société absorpée (passif) que dans ses droits (actifs).

Les droits et obligations du contrat en cause, qui n'est pas un contrat conclu intuitu personae, ont donc été transmis à la société absorbante ;

Par ailleurs, par acte sous seing privé du 30 juin 2016, la société Vitalepargne a cédé à la société Kribs Conseil Immobilier le fonds de commerce de gestion d'administration et de transactions immobilières exploité par le cédant [...]. Selon l'acte, le fonds cédé comprend notamment l'ensemble des contrats et des mandats liées au fonds cédé, et précise que 'la cession des biens et droits ci-dessous est acceptée tels qu'ils existent, s'étendant, se poursuivent et se comportent avec toutes leurs dépendances y compris tous les accessoires et droits y attachés sans aucune exception ni réserve'. L'acte mentionne enfin que l'acquéreur est subrogé dans tous les droits et obligations du cédant.

Dès lors, la mention des contrats en cas de vente du fonds de commerce pouvant être faite tacitement, le contrat d'abonnement en cause faisant partie des contrats liés au fonds cédé, il convient de considérer que la société Kribs Conseil Immobilier a qualité à agir pour l'exécution du contrat conclu entre la société Kribs Conseil et SFR. Le jugement sera confirmé sur ce point ;

 

Sur la clause attributive de compétence territoriale :

La société SFR fait valoir que les conditions générales dont la société Kribs Conseil a reconnu avoir eu connaissance contiennent une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Paris, dont il doit être fait application ;

La société Kribs Conseil Immobilier conteste l'applicabilité de cette clause qui ne figure pas dans le contrat signé mais dans des conditions générales qui ne lui ont jamais été communiquées, et qui ne répond pas au critère d'apparence de l'article 48 du code de procédure civile ;

L'article 48 du code de procédure civile dispose que 'toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux régles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenu entre des personnes ayant toutes contractées en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée' ;

En l'espèce, l'article 18 des conditions générales de vente SFR Business Team intitulé 'Loi applicable et attribution de juridiction' stipule que 'le contrat est soumis au droit français et interprété conformément à celui-ci. Les parties s'efforceront de résoudre à l'amiable, dans un délai de deux mois, tout différent relatif à la conclusion, l'exécution ou l'interprétation du contrat. A défaut d'accord dans ledit délai, le litige sera soumis au tribunal de commerce de Paris (ou le tribunal administratif territorialement compétent lorsque les parties ont conclu un marché public), même en cas de référé, de pluralité de défendeurs ou d'appel en garantie' ;

Le bon de commande comprend au dessus de la signature de la société Kribs Conseil la mention suivante : il [le client] reconnait disposer d'un exemplaire des conditions générales SFR Business Team, des conditions particulières et des annexes associés, documents précités, constituant le contrat de service SFR Business Team et les accepter dans toute leur teneur' ;

Ainsi, même si la clause attributive de compétence ne figure pas dans le bon de commande signé lui même mais dans les conditions générales de vente séparées du contrat, la société Kribs Conseil Immobilier a reconnu par la clause susvisée avoir eu connaissance de ces dernières et les accepter au moment de son engagement contractuel.

Toutefois, la clause litigieuse ne figure pas comme l'exige l'article 48 précité de manière très apparente dans les conditions générales. En effet, les caractères utilisés pour cette clause sont, tant dans son intitulé que dans son contenu, parfaitement identiques aux autres clauses des conditions générales, et aucun signe, couleur, surlignage ne permet de la distinguer immédiatement des autres clauses ;

Il convient dès lors de considérer par confirmation du jugement que la clause attributive de compétence n'est pas opposable à la société Kribs Conseil Immobilier ;

Sur la prescription :

La société SFR invoque la prescription légale prévue par l'article L. 34-2 du code des postes et communications électroniques, estimant que l'action de la société intimée consiste pour partie à se faire rembourser les sommes qu'elle dit avoir payées au titre des factures, qu'en conséquence, l'assignation ayant été délivrée le 12 février 2018, aucun montant payé antérieurement au 12 février 2017 ne peut donner lieu à discussion ou restitution, la demande de 7.077.18 € portant sur les factures payées (selon l'intimée) de juillet à août 2015 pour la DSL, de mars à mai 2015 pour la téléphonie et de juillet 2016 à février 2017 est prescrite ;

La société Kribs Conseil Immobilier estime que cette prescription ne s'applique pas s'agissant d'une action en responsabilité pour défaut de fournitures de services et non d'une action en contestation de facturation, les demandes sollicitées étant des demandes de dommages et intérêts ;

L'article L. 34-2 du code des postes et communications électroniques dispose que « La prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-1, à pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement.

La prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur appartenant aux catégories visées au précédent alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité. »

La qualité d'opérateur de la société SFR n'est pas discutée en l'espèce. Pour autant, la prescription invoquée concerne les actions relatives aux paiements ou contestations des prix des communications électroniques et n'est donc pas applicable au présent litige. En effet, l'action de la société Kribs Conseil Immobilier est une action en responsabilité contractuelle pour des manquements de la société SFR dans la fourniture des services souscrits, les demandes en remboursement des factures n'étant que la conséquence de la résolution du contrat demandée.

Il convient en conséquence de débouter la société appelante de la prescription invoquée ;

 

Sur la forclusion conventionnelle :

La société SFR invoque l'application d'une clause du contrat prévoyant une forclusion pour toute action dont le fait générateur est antérieur d'au moins un an.

Elle conteste tout déséquilibre significatif fondé sur l'article L. 442-6 du code de commerce, rappelant que ce texte ne s'applique pas à des clauses individuelles extraites du contexte et de l'économie générale du contrat. Elle précise au demeurant que la durée d'un an correspond à la durée de la prescription légale et est justifié par l'effacement automatique des données techniques et la déperdition des preuves ;

La société Kbribs Conseil Immobilier considère que cette clause figure sur des conditions générales qu'elle n'a pas acceptées. En outre la société SFR a continué à facturer au-delà du mois de février 2017, et a de toute façon renoncé à se prévaloir de ce délai en adressant une mise en demeure le 21 mars 2018 ;

Elle fait valoir que cette clause créée au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce un déséquilibre significatif au détriment du contractant puisqu'il existe alors une asymétrie d'obligations, contestant la contrepartie fondée sur l'effacement de certaines données techniques au bout d'un an alors que l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques comporte de nombreuses exceptions permettant de conserver les données au-delà de ce délai ;

 

L'article 8 des conditions générales intitulée « dans quels cas la responsabilité de SFR peut elle être engagée » dispose en son article : (....)

8-4 « De convention expresse entre les parties, aucune action judiciaire ou réclamation du client, quelle qu'elle soit, ne pourra être engagée ou formulée contre SFR plus d'un an après la survenance du fait générateur » ;

En l'espèce, l'article 8-4 figure dans les conditions générales que la société Kribs Conseils aujourd'hui Kribs Conseils Immobilier a reconnu, en signant le bon de commande du 5 février 2015, avoir eu connaissance et accepter, les conditions générales produites aux débats étant au demeurant celles émises le 28 novembre 2014 dont antérieures au bon de commande ;

Aux termes des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Ce texte suppose pour la partie qui l'invoque d'établir un déséquilibre global et significatif du contrat, puisque seule une analyse concrète et globale du contrat, de son économie et des conditions dans lesquelles il a été conclu, permet de déterminer si une de ses clauses est susceptible de conduire à déséquilibre significatif ;

En l'occurrence, la société Kribs Conseil Immobilier se contente d'affirmer que la clause litigieuse créée une asymétrie d'obligations sans déterminer en quoi, au vu de l'ensemble des autres clauses du contrat et du contexte de conclusion du contrat, elle conduirait à l'existence d'un déséquilibre significatif ;

Elle sera déboutée de sa demande ;

Selon cette clause, aucune action judiciaire ou réclamation du client, quelle qu'elle soit, ne pourra être engagée ou formulée contre SFR plus d'un an après la survenance du fait générateur ;

En l'espèce, il résulte des pièces produites que par courriel du 23 mars 2015, la société SFR a averti la société Kribs Conseils de la mise en service de l'offre Pack Buisiness Entreprise le 11 juin 2015, cette date ayant été avancée au 9 avril 2015. Les courriels échangés démontrent que le standard a été fonctionnel à compter du 24 août 2015, les lenteurs du service internet s'expliquant par une puissance inadaptée. Par courrier du 23 mars 2016, la société SFR a confirmé au conseil de la société Kbribs qu'il n'était pas techniquement possible de déployer en SDSL un service PBE couplé à une option internet mtualisé.

Dès lors, c'est à cette date que le fait générateur susceptible d'engager la responsabilité contractuelle de la société SFR peut être fixé.

La société Kribs Conseil Immobilier ayant engagé son action par acte d'huissier du 12 février 2018, son action est donc forclose. C'est en effet en vain qu'elle invoque la mise en demeure du 21 mars 2018 pour le recouvrement des factures impayés ou le courriel du 17 octobre 2018 réclamant un solde de 60 € pour justifier un renoncement de la société SFR à se prévaloir de la forclusion, les termes de ces courriers, se bornant à réclamer des sommes impayées ne pouvant s'analyser comme un renoncement même implicite de leur auteur à se prévaloir de la forclusion.

Par infirmation du jugement, il convient de dire irrecevable comme forclose l'action engagée par la société Kribs Conseil Immoblier contre la société SFR ;

 

Sur les demandes formées contre la société Modulo Cartes Entreprise :

Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date du contrat, 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part' ;

La société Kribs Conseil Immobilier invoque en premier lieu que la solution internet prévue soit déploiement en SDSL n'a pas été respectée puisque seul un accès ADSL a été mis en place, générant un retard important de déploiement alors que la seconde agence était ouverte, outre que le débit internet en place très lent empêche le téléchargement de documents et de photographies, en second lieu la facturation des prestations liées aux téléphones portables livrés en mars alors que les lignes n'étaient pas activées, en troisième lieu l'absence de formation pour l'utilisation du standard contractuellement prévue et payée, peu important de savoir qui, de la société Modulo ou de la société SFR, devait organiser cette formation. Elle fait valoir un manquement de la société Modulo à son obligation de conseil qui lui a conseillé une solution internet SDSL inadaptée ;

En l'occurrence, sur le bon de commande conclu pour le compte de la société SFR, la société Modulo Cartes Entreprise apparaît comme un distributeur SFR. C'est d'ailleurs la société Modulo Cartes qui a formalisé par courriel du 8 janvier 2015 à la société Kribs Immobilier la proposition commerciale des produits et abonnements SFR disponibles. Au vu des pièces produites, elle a un rôle d'accompagnement dans le déploiement de la ligne et ce jusqu'à l'activation de l'offre Pack Business Entreprises ;

Le bon de commande du 5 février 2015 mentionne un abonnement site PBE SDSL. Il ressort des échanges de courriels que la société Kribs Conseil Immobilier s'est plainte à plusieurs reprises de la lenteur du système internet, et que par un courriel du 5 août 2015, il lui était répondu par la société SFR que « compte tenu de votre utilisation, l'option internet via le PBE n'est pas suffisante, je me rapproche donc de Modulo Carte pour qu'il revienne vers vous avec une proposition pour une offre internet ». Or, la proposition commerciale incluant le PBE (Pack Business Entreprise) a été proposée par la société Modulo Cartes après entretien avec la société Kribs Conseil Immobilier et donc après analyse de sa situation particulière, soit création d'une nouvelle agence immobilière incluant la téléphonie fixe, la téléphonie mobile et l'internet. Cette société a d'ailleurs ensuite par un courriel du 22 septembre 2015 indiqué à la société Kribs qu'elle avait souscrit l'option internet PBE (débit asymétrique), et que pour un débit symétrique, il faut souscrire un lien internet Premium, remettant ainsi en cause sa propre proposition.

Le courrier du 22 mars 2016 visé plus haut adressé par la société SFR à la société Kribs Conseil Immobilier mentionne d'ailleurs 'qu'il n'est pas techniquement possible de déployer en SDSL un service PBE couplé à une option internet mutualisé. Ainsi, pour que la société Krbis Conseils puisse bénéficier du service PBE avec l'option internet mutualisé, le service a été déployé en ADSL' ;

Il s'avère ainsi que dès le départ, le type d'abonnement souscrit n'était pas adapté à la situation de la société Kribs Conseil Immobilier, et qu'elle n'a pu bénéficier du déploiement en SDSL prévu mais d'un déploiement en ADSL insuffisant au vu de sa situation ;

Il en résulte que la société Modulo Cartes Entreprise a manqué à son obligation de conseil en faisant souscrire un type d'abonnement SFR inadapté ;

Concernant le retard dans le déploiement de la ligne, au vu de l'engagement de la société Modulo Cartes, seul, le retard de la transmission de la demande de déploiement à la société SFR pour permettre une ouverture de l'agence et mise en service de l'abonnement au 1er mars peut être reproché à la société Modulo Cartes Entreprise.

En l'occurrence, le courriel du 8 janvier 2015 de la société Modulo Cartes mentionne un déménagement de la ligne de l'agence pour mi-février, précisant toutefois l'installation retenue nécessite des déploiements un peu plus long qu'un mois, des solutions palliatives étant alors proposées.

Or, il résulte des courriels de la société SFR que celle-ci a été saisie de la demande le 18 mars 2015, ce qui ne permettait pas de respecter les délais proposés par la société Modulo Cartes Entreprise.

Elle a donc manqué à son obligation d'accompagnement du déploiement ;

Enfin, en ce qui concerne la formation non assurée, il résulte du bon de commande du 5 février 2015 qu'a été souscrit par la société Kribs Immobilier une « aide au premier paramétrage Pack Business Entreprise par l'un de nos techniciens sur site. Formation au Pack Business Entreprise 1/2 journée sur site » ;

Le bon de commande ne précise pas laquelle des deux sociétés doit effectuer cette formation. Toutefois, ainsi que les premiers juges l'ont justement relevé, si aucun élément ne permet d'établir la réalisation de cette formation, la société Kribs ne justifie pas, y compris en cause d'appel, en avoir réglé le coût soit 300 € HT ;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de remboursement ;

En ce qui concerne le préjudice subi, la société Kribs Conseil Immobilier indique dans ses écritures que la nouvelle agence ouverte le 30 mars au lieu du 1er mars 2015 a fonctionné sans standard téléphonique ni internet, puis avec un téléphone fixe et une clé 3G de fin avril 2015 au 11 mai 2015, la portabilité de la ligne étant effective le 24 août 2015 ;

Le préjudice subi est lié aux difficultés de joindre téléphoniquement l'agence et de travailler dans des conditions normales compte tenu du débit internet inadapté.

L'évaluation de ce préjudice sur les contacts transformés en vente ne peut être retenue, les pièces produites par la société Kribs Conseil Immobilier qui se limitent à un seul courriel technique sur le nombre de visites du site du 23 mai 2017 est insuffisant pour en déduire, faute de pièces l'établissant, que les 66 contacts sur deux mois (via le formulaire du site) conduisent à 6 à 7 ventes par mois.

L'évaluation sur le chiffre d'affaires peut en revanche être retenue. Selon le courrier du 12 décembre 2017 de la société Fitéco expert-comptable, le chiffre d'affaires sur la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015 est de 401 155 €. Toutefois il concerne nécessairement également l'activité de l'agence de Saint Contest (qui était conservée), et aucun élément ne permet d'évaluer ce chiffre d'affaires pour la seule agence de Caen à compter du 30 mars 2015, qui était au surplus nouvelle. Par ailleurs, la société Kribs qui fixe à 50 % du chiffre d'affaires la perte de chance ne produit aucun élément ou pièce permettant d'évaluer un tel chiffre, notamment en terme de nombres d'appel perdus par jour, ou temps de travail perdu compte tenu de l'insuffisance des moyens de connexion. L'expertise sollicitée ne pouvant suppléer la carence de l'appelante sur ce point ;

Dès lors, le montant du chiffre d'affaires sera minoré de 60 %, et la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaire plus important du 1er mars au 24 août 2015 compte tenu des manquements commis par la société Modulo Cartes Entreprise, soit le retard de transmission de la demande qui a impacté l'ouverture de l'agence et le système inadapté qui n'a pas permis une utilisation normale tant du téléphone que d'internet sera fixée à 10 %, soit une somme globale de 12.000 €. Le jugement sera ainsi infirmé sur le quantum du préjudice mis à la charge de la société Modulo Cartes Entreprise ;

La société Kribs Conseil Immobilier réclame le remboursement des factures réglées à la société SFR qui ne relèvent pas de la responsabilité de la société Modulo Cartes. Sa demande sera rejetée ;

Par ailleurs, pas davantage qu'en première instance, elle ne justifie d'éléments concrets caractérisant le préjudice à l'image qu'elle invoque. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande ;

Il sera également confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais de publicité, les factures produites concernant une période du 1er janvier au 1er juin 2014 dont on ne sait quelle agence elles concernent, étant précisé qu'elles sont très antérieures à la nouvelle agence prévue pour mars 2015.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées sauf celles prononcées à l'encontre de la société SFR qui seront infirmées ;

En cause d'appel, la société Modulo Cartes qui perd le procès sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle réglera une somme de 3.000 € à la société Kribs Conseil Immobilier.

La société Kribs Conseil Immobilier réglera une somme de 3.000 € à la société SFR et sera déboutée des demandes formées à l'encontre de cette dernière au titre des frais de procédure de première instance et d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire

Rejette la prescription fondée sur l'article L. 34-2 du code des postes et communications électroniques soulevée par la société SFR

Confirme le jugement rendu le 9 janvier 2019 par le tribunal de commerce de Caen sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société SFR et en ce qu'il a en conséquence prononcé des condamnations contre elle à ce titre, y compris celle au titre des remboursements de factures, sauf sur ses dispositions pour la société SFR relatives aux dépens et aux indemnités de procédure, et sauf également sur le quantum de la condamnation prononcée contre la société Modulo Cartes Entreprises ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant

Dit irrecevable comme forclose l'action engagée par la société Kribs Conseil Immoblier contre la société SFR ;

Dit que la société Modulo Cartes a manqué à ses obligations contractuelles

Condamne la société Modulo Cartes Entreprise à payer à la société Kribs Conseil Immobilier la somme de 12.000 € à titre de dommages et intérêts

Déboute la société Kribs Conseil Immobilier de ses demandes formées contre la société Modulo Cartes Entreprise au titre du remboursement des factures ;

Condamne la société Modulo Cartes Entreprise à payer à la société Kribs Conseil Immobilier la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Kribs Conseil Immobilier à payer à la société SFR la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La déboute de sa demande formée contre la société SFR sur le même fondement tant pour les frais de première instance que d'appel

Condamne la société Modulo Cartes Entreprise aux dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT

C. ANCEL                            L. DELAHAYE