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CA LYON (3e ch. A), 6 mai 2021

Nature : Décision
Titre : CA LYON (3e ch. A), 6 mai 2021
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 3e ch.
Demande : 18/08776
Date : 6/05/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/12/2018
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3 C. consom.), 5945 (L. 212-1, domaine, téléphonie)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8908

CA LYON (3e ch. A), A, 6 mai 2021 : RG n° 18/08776

Publication : Jurica

 

Extrait : « Si la condition de souscription hors établissement n'est pas discutable, dès lors que le contrat a été conclu dans les locaux de BOM, peu important que les opérations aient résulté d'un rendez-vous de prospection téléphonique, entre deux sociétés dont la qualité de professionnel n'est pas contestée, la condition du champ d'application est également remplie, contrairement à ce qu'a jugé le premier juge.

En effet, l'objet du contrat ne doit pas entrer dans le champ d'activité principale du professionnel, condition que remplit BOM en l'espèce dès lors que son activité principale, à savoir son champ de compétence professionnelle, est constituée par la fabrication de pièces d'usinage. La circonstance, retenue par le premier juge, que BOM a eu intérêt pour l'exercice de son activité à utiliser divers services de téléphonie, est indifférente.

En revanche, la condition de l'effectif chez BOM au moment de la souscription du contrat le 15 avril 2015, qui doit être inférieur ou égal à 5, n'est pas prouvée, ce qui a conduit le premier juge à retenir que la condition de l'effectif n'était pas remplie.

BOM ne communique aucune pièce à ce sujet, ne revendiquant pas le droit à rétractation.

Quant aux extraits K-bis, NAF et « société.com » produits par Paritel, qui évoquent un effectif inférieur à 6 salariés en 2015 pour BOM, aucune mention ne révèle la date exacte de leur tirage permettant de les corréler au jour de souscription des contrats SCT. Il ne suffit pas dans cet état pour Paritel de soutenir que la condition de l'effectif n'est pas contestée par les autres parties, alors que l'application d'un texte d'ordre public requiert une certitude dans ses conditions d'application.

Il n'est donc pas démontré que BOM bénéficiait à cette époque du droit à rétractation, de sorte que Paritel est déboutée de son appel principal. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 6 MAI 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/08776. N° Portalis DBVX-V-B7C-MC4X. Décision du Tribunal de Commerce de LYON, Au fond, du 19 juillet 2018 : R.G. n° 2017j00154.

 

APPELANTE :

SASU PARITEL OPÉRATEUR

[...], [...], [...], Représentée par Maître Marie-Josèphe L. de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768 et ayant pour avocat plaidant, Maître Nicolas K., avocat au barreau du VAL DE MARNE

 

INTIMÉES :

SARL B. OUTILLAGE MECANIQUE (« BOM »)

[...], [...], Représentée par Maître Hélène D. de la SELARL CONSTRUCTIV'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 638

SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION

[...], [...], Représentée par Maître Julien M. de la SELARL P. - M., avocat au barreau de LYON, toque : 1287

 

Date de clôture de l'instruction : 11 octobre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 3 mars 2021

Date de mise à disposition : 6 mai 2021

Audience présidée par Anne-Marie ESPARBÈS, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne-Marie ESPARBÈS, président, - Hélène HOMS, conseiller, - Catherine CLERC, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La Société Commerciale de Télécommunication (SCT) SASU courtier en fourniture de services et de matériels de téléphonie fixe et mobile a conclu le 15 avril 2015 trois contrats avec la société B. Outillage Mécanique (BOM) SARL spécialisée dans la fabrication de pièces d'usinage, à savoir :

- un contrat dit « prestations d'installation / accès Web » pour couvrir les prestations d'installation et de maintenance liées aux lignes téléphoniques (fixe et télécopie), moyennant une redevance mensuelle de 298,78 € HT comprenant les services d'assistance et de maintenance visés,

- un contrat de services de téléphonie fixe, portant sur le numéro d'abonnement téléphonique 04XXXX et sur le numéro de télécopie 04.YYYY moyennant un forfait illimité fixe 24/24 7/7, vers l'ensemble des fixes et mobiles y compris à l'international, moyennant une redevance mensuelle de 87 € HT,

- un contrat pour la téléphonie mobile au titre de deux lignes (06.ZZZZ et 07.WWWW) pour un forfait illimité dit « full » de 178 € HT par mois.

Le 30 mars 2016, en faisant usage de son droit de rétractation, BOM a résilié les contrats pour s'engager envers la société Paritel Opérateur (Paritel) SASU.

SCT a pris acte de cette résiliation anticipée et, considérant notamment que la Loi Hamon n'était pas applicable, a réclamé à BOM le paiement de frais de résiliation d'un montant de 24.606 € TTC au titre de la téléphonie fixe et de 7.221,60 € TTC au titre de la téléphonie mobile, soit un total de 31.827,60 € en principal.

Par acte du 13 janvier 2017, SCT a fait assigner en constatation de la résiliation du contrat et en paiement BOM, qui a appelé en garantie Paritel par acte du 4 avril 2017.

Par jugement du 19 juillet 2018, le tribunal de commerce de Lyon a :

- ordonné la jonction des deux affaires,

- dit que la loi Hamon ne s'applique pas en l'espèce,

- dit que BOM a eu connaissance des conditions générales et particulières de SCT, qu'elle détenait,

- en conséquence, les termes de résiliation anticipée des conditions générales et particulières de SCT s'appliquent,

- condamné BOM à payer à SCT la somme de 31.827,60 € TTC en principal au titre des frais de résiliation fixe et mobile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation.

- constaté que Paritel a commis une faute en poussant BOM à résilier ses contrats avec SCT et est tenue responsable du dommage subi par BOM,

- condamné Paritel à indemniser BOM du préjudice subi du fait de la résiliation à tort des contrats, soit la somme de 31.827,60 € TTC en principal augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation,

- condamné BOM à payer la somme de 738,56 € TTC au titre de la facture de téléphonie mobile partiellement impayée, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

- débouté BOM de toutes ses autres demandes,

- débouté Paritel de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné BOM à payer à SCT la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Paritel à payer à BOM la somme de 1.500 € du même chef,

- prononcé l'exécution provisoire,

- et condamné Paritel aux dépens.

Paritel a interjeté appel le 18 décembre 2018.

L'affaire qui avait été initialement audiencée au 30 janvier 2020, a été déplacée à l'audience du 3 mars 2021 en raison du mouvement de grève des avocats.

[*]

Par conclusions du 11 juillet 2019 fondées sur les articles 1134, 1147, 1382 du code civil en vigueur au jour de la signature des contrats, L. 121-16-1 et suivants, L. 121-21, L. 121-21-1 du code de la consommation, Paritel demande à la cour de :

- déclarer bien fondé l'exercice du droit de rétractation de BOM,

- constater le refus fautif de SCT d'y faire droit,

- constater qu'elle n'a commis aucune faute au titre de son obligation d'information et de conseil,

- en conséquence, infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et, statuant à nouveau,

- débouter BOM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- en tout état de cause, condamner BOM et SCT à lui payer, chacune, la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Par conclusions du 7 juin 2019, au visa de l'article 1240 du code civil, BOM demande à la cour de :

- juger la Loi Hamon inapplicable à l'espèce et en conséquence,

- juger que Paritel s'est rendue complice de la violation de ses obligations contractuelles à l'égard de SCT et est pleinement responsable de la résiliation à tort des contrats souscrits entre elle et SCT,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de Paritel à son égard,

- condamner cette dernière à lui payer la somme de 31.827,60 € en principal au titre des frais de résiliation fixe et mobile,

- rejeter la demande en paiement de SCT au titre de la somme de 738,56 €,

- infirmer en conséquence le jugement rendu en ce qu'il l'a condamnée à payer à SCT la somme de 738,56 €,

- en tout état de cause,

- condamner Paritel à lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- et aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Constructiv'avocats sur son affirmation de droit,

- en rejetant toutes demandes, fins et prétentions contraires de Paritel et de SCT.

[*]

Par conclusions du 24 avril 2019 fondées sur l'article 1134 du code civil, SCT demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* dit que la loi Hamon ne s'applique pas en l'espèce,

* dit que BOM a eu connaissance des conditions générales et particulières qu'elle détenait,

* condamné BOM à lui payer la somme de 31.827,60 € TTC en principal au titre des frais de résiliation fixe et mobile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation,

* constaté que Paritel a commis une faute en poussant BOM à résilier ses contrats avec SCT et est tenue responsable du dommage subi par BOM,

* condamné BOM à lui payer la somme de 738,56 € TTC au titre de la facture de téléphonie mobile partiellement impayée, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation,

* condamné Paritel à indemniser BOM du préjudice subi du fait de la résiliation à tort des contrats soit la somme de 31.827,60 € TTC,

* condamné BOM au paiement de la somme de 1.500 € par application de l'article 700 code de procédure civile,

- suite à l'appel interjeté par Paritel, condamner celle-ci à lui payer la somme de 5.000€ par application de l'article 700 code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

A titre liminaire, il est rappelé que la cour ne statue que sur les prétentions des parties en cause d'appel.

 

Sur l'application de la loi Hamon (droit de rétractation) :

Est encourue la nullité du contrat pour défaut de mention du droit de rétractation et de respect des dispositions issues du code de la consommation, et notamment de celle de l'article L.121-16-1 dans sa version applicable au litige qui instaure un délai de rétraction de 14 jours même au profit du professionnel personne morale, dès lors que le contrat a été souscrit hors établissement, que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale du client et que le nombre de salariés que celui-ci emploie est inférieur ou égal à 5, conditions cumulatives.

En l'espèce, contrairement à ce que BOM fait plaider eu égard à la garantie qu'elle a obtenue de la part de Paritel par le jugement déféré tout en soulignant qu'elle ne dispose pas de compétences professionnelles en matière de téléphonie compte tenu de son activité, Paritel soutient que le premier juge a fait une application erronée des conditions d'application du droit de rétractation et demande de déclarer bien fondé l'exercice du droit de rétractation de BOM.

Ce qui est partiellement exact.

Si la condition de souscription hors établissement n'est pas discutable, dès lors que le contrat a été conclu dans les locaux de BOM, peu important que les opérations aient résulté d'un rendez-vous de prospection téléphonique, entre deux sociétés dont la qualité de professionnel n'est pas contestée, la condition du champ d'application est également remplie, contrairement à ce qu'a jugé le premier juge.

En effet, l'objet du contrat ne doit pas entrer dans le champ d'activité principale du professionnel, condition que remplit BOM en l'espèce dès lors que son activité principale, à savoir son champ de compétence professionnelle, est constituée par la fabrication de pièces d'usinage. La circonstance, retenue par le premier juge, que BOM a eu intérêt pour l'exercice de son activité à utiliser divers services de téléphonie, est indifférente.

En revanche, la condition de l'effectif chez BOM au moment de la souscription du contrat le 15 avril 2015, qui doit être inférieur ou égal à 5, n'est pas prouvée, ce qui a conduit le premier juge à retenir que la condition de l'effectif n'était pas remplie.

BOM ne communique aucune pièce à ce sujet, ne revendiquant pas le droit à rétractation.

Quant aux extraits K-bis, NAF et « société.com » produits par Paritel, qui évoquent un effectif inférieur à 6 salariés en 2015 pour BOM, aucune mention ne révèle la date exacte de leur tirage permettant de les corréler au jour de souscription des contrats SCT. Il ne suffit pas dans cet état pour Paritel de soutenir que la condition de l'effectif n'est pas contestée par les autres parties, alors que l'application d'un texte d'ordre public requiert une certitude dans ses conditions d'application.

Il n'est donc pas démontré que BOM bénéficiait à cette époque du droit à rétractation, de sorte que Paritel est déboutée de son appel principal.

Par voie de conséquence, dès lors qu'il est établi par les pièces du dossier et notamment par le courriel de Paritel du 30 mars 2016 que cette fausse information donnée par Paritel à BOM a conduit celle-ci à résilier les contrats souscrits avec SCT par lettre du 30 mars 2016, le jugement qui a condamné BOM à payer à SCT les sommes réclamées au titre de la résiliation anticipée des contrats, montants non discutés, sous la garantie de Paritel, est confirmé, par ces motifs partiellement substitués.

 

Sur la facture impayée :

BOM soutient que SCT a été réglée d'une somme de 788 € lors de la résiliation des contrats par elle le 30 mars 2016, ce dont elle justifie par un ordre de virement externe, et que la facture réclamée par SCT de 738,56 € au paiement de laquelle le premier juge l'a condamnée, ne correspond à aucun détail, induisant que SCT ne prouve pas la réalité de la somme sollicitée.

Ce qui est exact.

En effet, si SCT énonce dans ses écritures que BOM n'a réglé que partiellement sa facture de téléphonie mobile du 31 mai 2016 restant redevable d'un total de 738,56 € TTC, en se reportant à ses pièces 3 et 4, il résulte de l'examen de la pièce 3 d'une part, qu'aucun impayé du montant réclamé n'y apparaît et de celui de la pièce 4 que l'indication d'un « solde cumulé » de 32.565,56 € figurant au compte de BOM au poste comptable 55997 ne révèle pas plus l'impayé prétendu.

Il est observé de plus que les courriers de SCT en réponse à la lettre de résiliation de BOM du 30 mars 2016, datés des 4 avril et 13 mai 2016, qui mentionnent l'exigibilité d'indemnités de résiliation du fait de la résiliation anticipée des contrats, ne visent aucun impayé de facture, après la réception non contestée du virement précité et antérieur de BOM de 788 €.

Par voie de conséquence, à défaut de prouver son droit à paiement, SCT est déboutée de sa demande, par infirmation du jugement.

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les dépens de première instance et d'appel, ces derniers à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, sont à la charge de Paritel.

Les dispositions du jugement sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées, et pour la cause d'appel, Paritel est condamnée à verser une indemnité de procédure à BOM et à SCT.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, dans la limite de l'appel et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf sur la facture impayée de 738,56 €,

L'infirme sur ce seul point, statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute la Société Commerciale de Télécommunication de sa demande en paiement de la facture de 738,56 €,

Condamne la société Paritel Opérateur à verser à la société B. Outillage Mécanique une indemnité de procédure de 4.000 € pour la cause d'appel,

Condamne la société Paritel Opérateur à verser à la Société Commerciale de Télécommunication une indemnité de procédure de 3.000 € pour la cause d'appel,

Déboute la société Paritel Opérateur de ses demandes y compris de celle en indemnité de procédure,

Dit que les dépens d'appel, à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, sont à la charge de la société Paritel Opérateur.

Le Greffier,                           Le Président,