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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 1er avril 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 1er avril 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 17/22074
Date : 1/04/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/06/2017
Référence bibliographique : 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office), 5725 (R. 632-1, relevé d’office, prescription)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8924

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 1er avril 2021 : RG n° 17/22074 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En application de l'article 23 de la Directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédit à la consommation transposée par la loi précitée, il appartient aux États membres de prendre toutes mesures nécessaires pour faire en sorte que les sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à cette directive soient effectives, proportionnées et dissuasives.

L'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation dispose que le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Ce texte de droit interne traduit le rôle conféré au juge par la directive précitée dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen. Il confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action ou à une demande formulée par voie d'exception, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse. C'est ainsi que défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

En l'espèce, il faut observer que l'intimé étant défaillant, les moyens soulevés d'office par la cour et susceptibles de conduire à priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels, ne peuvent avoir pour effet de conférer à l'emprunteur un avantage autre qu'une minoration de la créance dont le prêteur poursuit le paiement. Loin de constituer un remboursement des intérêts acquittés par l'effet d'une compensation qui supposerait une condamnation de la banque à payer une dette réciproque, ces moyens ne peuvent avoir pour seul effet que de modifier l'imputation des paiements faits par l'emprunteur. Partant, la société Sogefinancement est mal fondée en sa prétention relative à la prescription et à l'irrecevabilité des moyens soulevés d'office par la cour. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9 - A

ARRÊT DU 1er AVRIL 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/22074 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7B-B4R67. Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 juin 2017 - Tribunal d'Instance de MEAUX : RG n° 11-16-001774.

 

APPELANTE :

La société SOGEFINANCEMENT

société par actions simplifiée prise en la personne de son président en exercice domicilié ès-qualités audit siège N° SIRET : XXX, [...], [...], représentée et assistée de Maître Sébastien M. G. de la SELARL C. & M.-G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], DÉFAILLANT

 

COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 février 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Agnès BISCH, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 11 mai 2013, la société Sogefinancement a consenti à M. X. un crédit renouvelable d'un montant maximum de 6.000 euros remboursable avec intérêts au taux révisable selon le montant du crédit utilisé.

Par avenant du 5 mars 2015, les parties ont convenu de réaménager le remboursement de ce crédit en 17 mensualités de 411,04 euros.

Statuant sur l'appel du jugement rendu le 21 juin 2017 par lequel le tribunal d'instance de Meaux avait déclaré forclose l'action en paiement de la société Sogefinancement à l'encontre de M. X., cette cour, par un arrêt rendu le 17 septembre 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- infirmé le jugement en toutes ses dispositions,

- déclaré recevable l'action en paiement,

- ordonné la réouverture des débats afin que l'appelante présente ses observations sur une éventuelle déchéance du droit aux intérêts contractuels résultant de l'absence de fiche de dialogue, de l'absence de précision sur la possibilité d'un paiement comptant par carte bancaire, de l'absence de consultation annuelle du fichier des incidents de remboursement crédits aux particuliers , de la présence d'un dépassement du montant maximum du crédit à compter du 19 mai 2014 et en l'absence d'une nouvelle offre de crédit.

Par des conclusions remises le 23 octobre 2020 et signifiées à l'intimé le 26 octobre 2020, la société Sogefinancement demande à la cour de :

- dire prescrits les moyens afférents au formalisme précontractuel ou contractuel et irrecevable le moyen visant à la restitution d'intérêts ;

- subsidiairement dire que la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue,

- constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement prononcer la résiliation du contrat à effet au 22 octobre 2015,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 7.075,99 euros outre intérêts au taux contractuel de 13,49 % l'an à compter du 23 octobre 2015 sur la somme de 6.506,70 euros et au taux légal sur le surplus,

- subsidiairement en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, condamner M. X. à lui payer la somme de 6.043,68 euros outre intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2015, plus subsidiairement celle de 5.567,28 euros outre intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2015,

- condamner M. X. aux dépens et à la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient que l'acquisition de la prescription quinquennale rend irrecevable la discussion soulevée d'office par le juge sur le formalisme de l'information précontractuelle et du contrat imposé par le code de la consommation qui tend en réalité en une restitution des intérêts payés par l'effet d'une compensation.

Elle soutient justifier du respect des obligations à sa charge en soulignant :

- au visa de l'article L. 311-9 du code de la consommation applicable à l'espèce que le contrat n'a pas été conclu à distance ou sur le lieu de vente,

- au visa de l'article L. 311-16 qu'elle justifie avoir consulté le fichier des incidents de remboursement crédits aux particuliers en 2014, seule période antérieure à l'avenant de reconduction du contrat qui n'est pas soumis à l'exigence de consultation de ce fichier,

- au visa des articles 4, 5 et 6 du code de procédure civile, que le juge ne peut soulever des moyens d'office que lorsque l'irrégularité résulte des faits dont il est saisi.

Elle rappelle en quoi consiste un réaménagement des modalités de remboursement du crédit et le régime juridique, dépourvu de formalisme qui lui est applicable.

Mentionnant les conditions dans lesquelles la déchéance du terme du contrat a été prononcée, elle détaille le montant de sa créance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

En application de l'article 23 de la Directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédit à la consommation transposée par la loi précitée, il appartient aux États membres de prendre toutes mesures nécessaires pour faire en sorte que les sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à cette directive soient effectives, proportionnées et dissuasives.

L'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation dispose que le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte de droit interne traduit le rôle conféré au juge par la directive précitée dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

Il confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action ou à une demande formulée par voie d'exception, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

En l'espèce, il faut observer que l'intimé étant défaillant, les moyens soulevés d'office par la cour et susceptibles de conduire à priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels, ne peuvent avoir pour effet de conférer à l'emprunteur un avantage autre qu'une minoration de la créance dont le prêteur poursuit le paiement.

Loin de constituer un remboursement des intérêts acquittés par l'effet d'une compensation qui supposerait une condamnation de la banque à payer une dette réciproque, ces moyens ne peuvent avoir pour seul effet que de modifier l'imputation des paiements faits par l'emprunteur.

Partant, la société Sogefinancement est mal fondée en sa prétention relative à la prescription et à l'irrecevabilité des moyens soulevés d'office par la cour.

* * *

Dans sa décision rendue le 17 septembre 2020, la cour a retenu que l'avenant conclu le 5 mars 2015 avait pour objet un réaménagement des modalités de remboursement du crédit. Dès lors seul le contrat initial conclu le 11 mai 2013 est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants (désormais L. 312-1 et suivants) du code de la consommation.

A l'appui de son action, la société Sogefinancement produit le contrat signé par M. X. auquel est joint un bordereau de rétractation conforme à l'article R. 311-4 ancien du code de la consommation, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, une fiche mentionnant les charges et ressources de l'emprunteur qui suffit à justifier la vérification de la solvabilité de ce dernier s'agissant d'un contrat non soumis à l'article L. 311-10 du même code, le justificatif de la consultation du fichier des incidents de remboursement crédits aux particuliers et la synthèse des garanties du contrat d'assurance Alterna proposé à l'emprunteur.

En revanche, n'est pas produite la notice d'information complète relative à l'assurance facultative et si l'emprunteur a signé une clause indiquant qu'il avait « pris connaissance » de ce document, il n'est pas justifié qu'il ait pu en conserver un exemplaire. La teneur même du contrat produit aux débats par l'appelante traduit une telle absence de remise de cette notice.

Or, l'article L. 311-19 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige impose cette remise à peine de déchéance du droit aux intérêts contractuels par application de l'article L. 311-48 du même code.

Partant, la société Sogefinancement est déchue du droit de percevoir les intérêts contractuels.

* * *

La société Sogefinancement produit un courrier émanant d'un huissier en date du 27 octobre 2015 mettant M. X. en demeure de payer la somme totale de 7.095,67 euros représentant des échéances impayées et le capital restant dû au 22 octobre 2015.

Pour autant, le prêteur ne justifie pas avoir informé l'emprunteur du prononcé de la déchéance du terme après l'avoir mis en capacité de remédier à des impayés.

L'appelante ne peut donc se prévaloir du prononcé unilatéral de la déchéance du terme selon des modalités conformes aux articles L. 311-22-2 du code de la consommation et de l'article 1231 du code civil auquel renvoie expressément l'article L. 311-24 du code de la consommation.

Néanmoins, la défaillance avérée et persistante de M. X. dans le remboursement du crédit est suffisamment grave pour justifier que la résiliation du contrat soit prononcée en application de l'article 1184 ancien du code civil applicable au litige.

Il ressort des relevés du compte de M. X. que celui-ci s'est vu mettre à disposition les sommes de 1.200 euros, 3.800 euros, 300 euros et qu'il a retiré la somme de 3.230 euros en utilisant la carte bancaire attachée à son compte Alterna, soit un crédit utilisé à hauteur de 8.530 euros.

Parallèlement, M. X. a remboursé la somme totale de 5.130,64 euros qui a été créditée sur son compte Alterna ; en revanche, il n'a remboursé aucune somme après le réaménagement convenu en 2015.

M. X. reste ainsi devoir à la société Sogefinancement la somme de 3.399,36 euros.

Partant, l'intimé est condamné à payer cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2018, date à laquelle la société Sogefinancement a sollicité la résiliation du contrat.

* * *

Partie perdante, M. X. supporte les dépens d'appel.

Il n'y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

- Vu l'arrêt rendu le 17 septembre 2020,

- Rejette le moyen tiré de la prescription des moyens soulevés d'office par la cour relativement à la régularité du contrat ;

- Prononce la déchéance du droit pour la société Sogefinancement de percevoir les intérêts au taux contractuel ;

- Prononce la résiliation du contrat de crédit renouvelable à effet au 22 octobre 2015 ;

- Condamne M. X. à payer à la société Sogefinancement la somme de 3.399,36 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2018 ;

- Déboute la société Sogefinancement du surplus de ses demandes ;

- Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la SELARL C. & M.-G. conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                           La présidente