CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA RENNES (4e ch.), 12 mai 2021

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (4e ch.), 12 mai 2021
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 4e ch.
Demande : 19/02069
Décision : 21/181
Date : 12/05/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/03/2019
Numéro de la décision : 181
Référence bibliographique : 6302 (architecte, clause excluant la solidarité), 5881 (domaine, identité de spécialité), 5920 (domaine, société immobilière)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8931

CA RENNES (4e ch.), 12 mai 2021 : RG n° 19/02069 ; arrêt n° 181 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le cahier des clauses générales du contrat d'architecte, dont la communication au maître d'ouvrage n'est plus discutée devant la cour, prévoit à l'article 1-1 que l'architecte n'assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règles en vigueur et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du code civil, que dans la mesure de ses fautes personnelles et qu'il ne pourra être tenu pour responsable, ni solidairement, ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération objet du contrat.

Si elle ne peut s'appliquer à la responsabilité légale spécifique des constructeurs prévue par l'article 1792 du code civil, cette clause est licite au titre de la responsabilité contractuelle pour défaut de respect par l'architecte de son obligation de moyen. Elle doit donc être appliquée en ce qu'elle limite sa responsabilité aux seuls dommages qui sont la conséquence directe de ses fautes personnelles, en proportion de sa part de responsabilité.

Les intimées ne peuvent invoquer utilement le caractère abusif de cette clause au regard des dispositions du code de la consommation. En effet, si aucune pièce n'établit que la SCI la Chan Sol peut être considérée comme une professionnelle de la construction, de sorte qu'elle doit être considérée comme une non professionnelle ou un consommateur dans son rapport contractuel avec la société Archi'tec, il apparaît que la clause litigieuse n'a pas pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du maître de l'ouvrage du fait des manquements de l'architecte, qui reste tenu d'assumer dans leur intégralité les conséquences de ses fautes personnelles. De la même façon, elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties au détriment de la société La Chan Sol, n'introduisant aucune limite d'indemnisation des conséquences dommageables des manquements de l'architecte.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a déclaré cette clause abusive et de ce fait non écrite. Elle doit être appliquée dès lors que la responsabilité contractuelle de la société Archi'tec est engagée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

QUATRIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 12 MAI 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/02069. Arrêt n° 181. N° Portalis DBVL-V-B7D-PUTW.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER : Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 4 mars 2021, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE et Madame Hélène RAULINE, magistrates tenant seules l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 12 mai 2021 par mise à disposition au greffe, date indiquée à l'issue des débats : 22 avril 2021 prorogée au 12 mai 2021

 

APPELANTES :

SELARL ARCHI'TEC

[...], [...], Représentée par Maître Etienne G. de la SELARL G., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

SAMCV MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

[...], [...], Représentée par Maître Etienne G. de la SELARL G., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

 

INTIMÉES :

SCI LA CHAN SOL

[...], [...], Représentée par Maître Matthieu M. de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D'AFFAIRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

SARL JLD MOTOCULTURE

[...], [...], Représentée par Maître Matthieu M. de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D'AFFAIRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par convention du 1er février 2007, la SCI La Chan Sol a confié à la société Archi'tec, assurée auprès de la société Mutuelle des Architectes Français (MAF), la maîtrise d'œuvre complète de la construction d'un bâtiment à usage industriel et commercial situé [...].

Le lot gros-oeuvre a été confié à la société PC Habitat, assurée auprès de la société MAAF Assurances, et le lot terrassement et VRD à la société Monnier TP, assurée auprès de la société CRAMA.

L'ouvrage a été réceptionné les 21 mars et 10 octobre 2008, sans réserves en lien avec le litige.

Un bail commercial a été conclu avec la société JLD Motoculture.

Alléguant l'apparition de différents désordres, la SCI La Chan Sol a fait assigner, par acte d'huissier du 17 mars 2009, la société PC Habitat devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes aux fins d'expertise. Une ordonnance du 14 mai 2009 a désigné M. Y.

Les opérations d'expertise ont été étendues à la société Archi'tec, à Maître M. en qualité de mandataire judiciaire de la société Monnier TP, à la MAAF et à la société CRAMA (Groupama Loire-Bretagne) par ordonnance du 26 novembre 2009, la société JLD Motoculture intervenant volontairement à cette instance.

L'expert a déposé son rapport le 19 octobre 2011.

Par acte d'huissier du 16 mai 2013, la SCI La Chan Sol et la société JLD Motoculture ont fait assigner les sociétés Archi'tec, Groupama Loire-Bretagne en qualité d'assureur de la société Monnier TP et MAAF en qualité d'assureur de la société PC Habitat devant le tribunal de grande instance de Rennes en indemnisation de leurs préjudices.

Par acte d'huissier du 9 octobre 2013, la société MAAF a fait assigner la société Axa France IARD, assureur de la société PC Habitat à compter du 1er janvier 2009, en intervention forcée.

Par ordonnance du 27 novembre 2014, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Rennes a notamment ordonné un complément d'expertise et condamné la société Archi'tec à verser à la SCI La Chan Sol diverses indemnités provisionnelles.

La CRAMA a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 22 décembre 2014, intimant la SCI La Chan Sol, la société JLD Motoculture, la société MAAF, la société Axa et, par déclaration du 6 janvier 2015, en intimant la société Archi'tec.

Par un arrêt du 12 novembre 2015, la cour d'appel de Rennes a confirmé l'ordonnance, sauf en ce qui concernait le montant des provisions mises à la charge de la société Archi'tec au titre de la fissure du mur entre le magasin et l'atelier et de la finition de surface du sol du magasin et, statuant à nouveau sur ce point, condamné cette dernière à verser au maître d'ouvrage une provision totale de 2.746,82 euros.

Par acte d'huissier du 18 juillet 2016, la société Groupama Loire-Bretagne a appelé en garantie la société MAF, assureur de la société Archi'tec.

L'expert judiciaire a déposé son rapport complémentaire le 21 octobre 2016.

Par jugement, assorti de l'exécution provisoire, du 28 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a :

- condamné la société Archi'Tec et la MAF à payer en deniers ou quittances valables à la SCI La Chan Sol la somme de 1.297,83 euros TTC, avec indexation sur la variation de l'indice BT01 entre le mois de mars 2011 et la date du jugement, au titre des travaux de réparation de la fissure dans le mur entre l'atelier et le magasin ;

- condamné in solidum la société Archi'Tec et la MAF à payer à la SCI La Chan Sol en deniers ou quittances valables la somme de 4.195,81 euros TTC, avec indexation sur la variation de l'indice BT01 entre le mois de mars 2011 et la date du jugement, au titre des travaux de réparation de la finition de la surface de la dalle ;

- condamné la société Archi'Tec, la MAF et la CRAMA in solidum à payer en deniers ou quittances valables à la SCI La Chan Sol la somme de 31.724,46 euros TTC, avec indexation sur l'indice BT01 entre le mois de mars 2011 et le jour du jugement, au titre des travaux de réparation des remontées d'humidité ;

- condamné la société Archi'Tec et la MAF, d'une part, et la CRAMA, d'autre part, à se garantir réciproquement de cette dernière condamnation dans la limite de 50 % ;

- condamné in solidum la société Archi'Tec et la MAF à payer à la société JLD Motoculture la somme de 15.909,70 euros au titre de son préjudice de jouissance arrêté au mois de février 2017

- condamné in solidum la société Archi'Tec et la MAF à payer à la société JLD Motoculture la somme de 24.000 euros au titre de son préjudice d'exploitation arrêté au mois de février 2017 ;

- condamné in solidum la société Archi'Tec, la MAF et la CRAMA à payer à la SCI La Chan Sol la somme de 3.000 euros, et à la société JLD Motoculture la somme de 2.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la CRAMA à garantir la société Archi'Tec, la MAF à hauteur de 25 % des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné in solidum la société Archi'Tec, la MAF et la CRAMA aux dépens, comprenant ceux de l'instance en référé et la rémunération de l'expert.

La société Archi'tec et la société MAF ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 mars 2019, intimant la SCI La Chan Sol et la société JLD Motoculture.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 24 juin 2019, la société Archi'tec et la société MAF demandent à la cour de :

Sur la clause de limitation de responsabilité,

- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a considéré la clause limitative de responsabilité insérée dans le contrat de maîtrise d'œuvre abusive et non écrite ;

- constater que la SCI La Chan Sol n'est pas un consommateur ni un non-professionnel au sens de l'article liminaire du code de la consommation ;

- dire et juger valable la clause limitative de responsabilité insérée dans le contrat de maîtrise d'œuvre de la société Archi'tec ;

Sur la finition de surface du sol dans le magasin,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Archi'tec et la MAF au paiement de la somme de 4.195,81 euros en réparation de ce désordre ;

- débouter la société La Chan Sol de ses demandes fins et conclusions à son encontre à ce titre ;

- dire et juger que la société Archi'tec et la MAF ne seraient tenues qu'au titre de la perte de chance ;

- faire droit à la demande de la société Archi'tec et de la MAF tendant à voir les condamnations prononcées à leur encontre limitées à 50 % du coût des travaux réparatoires ;

En toute hypothèse,

- condamner la SCI La Chan Sol et la société JLD Motoculture au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les sociétés appelantes font valoir que le rapport d'expertise a mis en évidence que la responsabilité de la société Archi'tec au titre des désordres n'était que partielle et que la clause du contrat excluant que l'architecte puisse être tenu au-delà de ses fautes personnelles solidairement ou in solidum avec d'autres intervenants doit recevoir application, tant en ce qui concerne la responsabilité légale que contractuelle.

Elles soutiennent que le maître de l'ouvrage ne peut lui opposer les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives. Elles objectent que le contrat est conclu entre deux professionnels et que la SCI ne peut être considérée comme un consommateur au sens du code de la consommation, que l'édification du bien pour en assurer la gestion entre dans son objet social et est poursuivie à des fins professionnelles.

Concernant la finition de surface du sol dans le magasin, elles estiment que ce désordre n'est pas de nature physique décennale, que l'expert a considéré à tort que la faute en incombait pour moitié à l'architecte et pour le surplus à l'entreprise PC habitat. Elles relèvent que le maître d'ouvrage ne démontre pas ses exigences relatives à la destination de chaque partie de l'ouvrage. Elles relèvent que la proposition de mission du 1er février 2007 prévoyait la pose d'un carrelage en grés et il n'est pas démontré que la modification par la pose d'un revêtement en béton lissé résulte d'une initiative de l'architecte. Elles estiment que le préjudice du maître d'ouvrage s'analyse au plus en une perte de chance.

[*]

Dans leurs dernières conclusions en date du 24 septembre 2019, la SCI La Chan Sol et la société JLD Motoculture au visa des articles L. 132-1 et R. 132-1 anciens du code de la consommation, ainsi que des articles 1134 et 1147 anciens et 1792 et suivants du code civil, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il n'a pas retenu l'engagement de la responsabilité décennale de l'architecte au titre de la finition de surface du sol dans le magasin ;

- débouter la société Archi'tec et la MAF de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions dirigées contre les concluantes ;

Sur la finition de surface du sol dans le magasin,

A titre principal,

- constater l'impropriété à destination du revêtement de sol préconisé par la société Archi'tec, lequel n'est pas adapté à un usage commercial ;

- dire et juger que la responsabilité décennale de la société Archi'tec est engagée ;

En conséquence,

- condamner in solidum la société Archi'tec et la MAF à verser à la société La Chan Sol, sur le fondement de la garantie décennale, la somme de 4.195,81 euros TTC, outre l'indexation sur l'indice BT01, le premier indice étant celui existant à la date de ce devis du 3 mars 2011 et le second celui existant à la date du jugement à intervenir ;

A titre subsidiaire,

- constater la faute de conception de l'architecte qui n'a pas alerté la société La Chan Sol sur l'inadaptation de la finition lissée à l'usage d'espace commercial attendu et prévu dans le contrat ;

- constater le caractère abusif de la clause limitative de responsabilité contenue dans le contrat de maîtrise d'œuvre et dont les appelantes se prévalent, en ce que cette clause avait pour objet ou pour effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi par la société La Chan Sol en cas de manquement par la société Archi'tec à l'une quelconque de ses obligations ;

En conséquence,

- condamner la société Archi'tec et la MAF, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à verser à la société La Chan Sol la somme de 4.195,81 euros TTC, outre l'indexation sur l'indice BT01, le premier indice étant celui existant à la date de ce devis du 3 mars 2011 et le second celui existant à la date du jugement à intervenir ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens,

- condamner in solidum la société Archi'tec et son assureur la MAF aux entiers dépens ;

- condamner in solidum la société Archi'tec et son assureur la MAF à verser aux sociétés La Chan Sol et JLD Motoculture la somme de 3.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimées relèvent que les appelantes qui contestaient dans la déclaration d'appel l'ensemble des désordres et condamnations prononcées à leur encontre, ont limité dans leurs conclusions leur recours à l'indemnisation du désordre relatif à la reprise de la surface de la dalle du magasin.

Elles font observer que l'expert a considéré que la conception de la surface du sol du magasin est fautive dès lors que la prescription ne correspond pas à l'usage prévu, puisque le sol ne peut être nettoyé par un moyen mécanique sans dégradation. Elles soutiennent que ce désordre présente une nature décennale, que l'inadaptation à l'usage commercial suffit à caractériser l'impropriété à destination.

Subsidiairement, elles recherchent la responsabilité contractuelle de la société Archi'tec en raison de la faute de conception imputable à l'architecte. Elles estiment qu'il importe peu de déterminer les conditions dans lesquelles est intervenue la modification du revêtement initialement prévu, dès lors que l'architecte avait en tout état de cause une obligation de conseil à l'égard de la SCI et ne devait pas préconiser ou laisser son client choisir un revêtement totalement inadapté à l'usage de commercial de la salle d'exposition.

Elles ajoutent qu'ayant contribué à la réalisation du préjudice dans son intégralité, le maître d'œuvre doit être tenu du montant de son indemnisation totale. Elles soutiennent que la clause de non solidarité prévue au contrat ne peut s'appliquer à la responsabilité décennale de l'architecte, que dans le cadre de la responsabilité contractuelle, elle méconnaît les dispositions du code de la consommation en limitant la responsabilité du professionnel à l'égard du non professionnel ou du consommateur et en créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Elle conteste la qualité de professionnel qui lui est attribuée par les appelantes.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions de parties, la cour se réfère aux écritures visées ci-dessus.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 février 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

Dans leurs dernières écritures, les sociétés appelantes contestent le jugement uniquement en ce que le tribunal a estimé que la clause d'exclusion de solidarité était abusive et par suite non écrite, et ce qu'il les a condamnées à indemniser les désordres relatifs à la finition de surface du sol dans le magasin.

 

- Sur l'application de la clause de défaut de solidarité :

Le cahier des clauses générales du contrat d'architecte, dont la communication au maître d'ouvrage n'est plus discutée devant la cour, prévoit à l'article 1-1 que l'architecte n'assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règles en vigueur et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du code civil, que dans la mesure de ses fautes personnelles et qu'il ne pourra être tenu pour responsable, ni solidairement, ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération objet du contrat.

Si elle ne peut s'appliquer à la responsabilité légale spécifique des constructeurs prévue par l'article 1792 du code civil, cette clause est licite au titre de la responsabilité contractuelle pour défaut de respect par l'architecte de son obligation de moyen. Elle doit donc être appliquée en ce qu'elle limite sa responsabilité aux seuls dommages qui sont la conséquence directe de ses fautes personnelles, en proportion de sa part de responsabilité.

Les intimées ne peuvent invoquer utilement le caractère abusif de cette clause au regard des dispositions du code de la consommation. En effet, si aucune pièce n'établit que la SCI la Chan Sol peut être considérée comme une professionnelle de la construction, de sorte qu'elle doit être considérée comme une non professionnelle ou un consommateur dans son rapport contractuel avec la société Archi'tec, il apparaît que la clause litigieuse n'a pas pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du maître de l'ouvrage du fait des manquements de l'architecte, qui reste tenu d'assumer dans leur intégralité les conséquences de ses fautes personnelles. De la même façon, elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties au détriment de la société La Chan Sol, n'introduisant aucune limite d'indemnisation des conséquences dommageables des manquements de l'architecte.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a déclaré cette clause abusive et de ce fait non écrite. Elle doit être appliquée dès lors que la responsabilité contractuelle de la société Archi'tec est engagée.

 

- Sur le désordre relatif à la finition de surface du magasin :

La SCI La Chan Sol recherche la responsabilité décennale de la société Archi'tec et subsidiairement sa responsabilité contractuelle.

L'expert a constaté que la surface du sol ne permettait pas un nettoyage efficace et se dégradait en cas de nettoyage mécanique. Il a relevé que le CCTP établi par la société Archi'tec prévoyait une finition lissée, prescription inadaptée à l'usage prévu dans un espace commercial et que l'exécution par la société PC habitat était également fautive.

Comme l'a justement relevé le premier juge, les dégradations notées par l'expert sont uniquement superficielles et ne remettent pas en cause la solidité du sol. De la même façon, il n'a été constaté aucun délitement du matériau de nature à rendre les déplacements sur cette surface dangereux ou difficiles et à entraîner une impropriété à destination. La photographie annexée au procès-verbal du 20 février 2014 révèle que ce désordre est esthétique.

En conséquence, ce désordre ne présente pas un caractère décennal et seule la responsabilité contractuelle de l'appelante peut être engagée pour faute. Cette dernière est caractérisée par le choix d'un matériau inadapté à la destination prévue pour cet espace commercial, dont la création est clairement mentionnée dans la présentation du bâtiment à réaliser, portée au contrat d'architecte.

La circonstance que le remplacement du revêtement en grés cérame initialement prévu par l'architecte par le revêtement litigieux n'est pas imputable à la société Archi'tec est indifférente. En effet, celle-ci ne pouvait valider cette modification sans s'assurer de son adaptation à la destination du local, en prenant notamment en compte les contraintes éventuelles liées aux modalités de nettoyage de ce matériau, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait.

Ce manquement dans la phase de conception engage donc la responsabilité contractuelle de l'architecte.

Ce dernier soutient que le préjudice qui en découle pour le maître d'ouvrage s'analyse en une perte de chance sans expliciter ce moyen. Or, ce n'est pas un défaut de conseil qui est retenu contre le maître d'œuvre, mais l'absence de vérification que le sol choisi par le maître de l'ouvrage était adapté à la destination des lieux.

Toutefois, cette faute n'a contribué que pour moitié à la réalisation du dommage au côté de celle de la société PC Habitat, comme l'a relevé l'expert, ce qui justifie qu'en application de la clause de défaut de solidarité et d'obligation in solidum avec un autre intervenant à la construction prévue au contrat de maîtrise d'œuvre, la société Archi'tec et la MAF soient condamnées in solidum à verser à la société La Chan Sol la moitié du coût des travaux de reprise fixés à 4.195,81 €, soit 2.097,90 € avec indexation sur l'évolution de l'indice BT 01 entre le mois de mars 2011 et la date du jugement. Le jugement sera réformé en ce sens.

Il n'a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour, les demandes à ce titre seront rejetées.

Succombant sur l'essentiel de son argumentation devant la cour, la société La Chan Sol sera condamnée aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Déclare licite la clause de défaut de solidarité et d'obligation in solidum de l'architecte avec les autres intervenants à la construction prévue au contrat, en cas d'engagement de sa responsabilité contractuelle,

Condamne in solidum la société Archi'tec et la MAF à verser à la société La Chan Sol la somme de 2.097,90 € avec indexation sur l'évolution de l'indice BT 01 entre le mois de mars 2011 et la date du jugement, au titre des travaux de reprise du désordre relatif à la finition de surface du magasin,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la société La Chan Sol aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,                           Le Président,