CA DOUAI (8e ch. 1), 17 juin 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8964
CA DOUAI (8e ch. 1), 17 juin 2021 : RG n° 19/00524 ; arrêt n° 21/701
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « L'analyse financière communiquée par les appelants est contradictoire au sens de l'article 16 du code de procédure civile dès lors qu'elle a été soumise au débat contradictoire des parties et son caractère probant ne peut être écarté au seul motif qu'elle a été établie à l'initiative d'une seule partie, d'autant plus que, s'agissant d'une analyse procédant à des calculs mathématiques, les parties sont à même d'apprécier la pertinence des méthodes utilisées et les résultats obtenus, et par-là, sa force probante, comme le fait la banque en établissant ses propres calculs dans ses conclusions, sans même recourir un expert. »
2/ « Afin de déterminer si la clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30, comme en l'espèce (page 22 des conditions générales « conditions financières »), entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il y a lieu d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit.
S'agissant d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,4166, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation. Un calcul effectué sur la base du mois normalisé de 30,4166 jours appliqué aux échéances du mois de juillet ou du mois de mai 2016, utilisés à titre d'exemple dans l'analyse financière communiquée par les emprunteurs, permet en effet d'obtenir le même montant d'intérêts que l'expert qui a effectué un calcul sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours. En outre, il peut être relevé que le mode de calcul retenu dans l'analyse sur la base d'une année civile (mais non selon des mois normalisés) appliqué à des mois de 31 jours (l'analyse ne porte que sur des mois de 30 jours) conduit à des montants d'intérêts supérieurs à ceux du tableau d'amortissement (et donc réclamés par la banque) de sorte que la méthode proposée n'est pas systématiquement en défaveur de l'emprunteur.
Seule l'échéance du 10 octobre 2013, qui, du fait d'un changement de date d'exigibilité demandée par les emprunteurs et acceptée par la banque, entraînant dix jours d'intérêts intercalaires s'ajoutant à la mensualité prévue, présente une erreur à raison du calcul sur la base d'une année de 360 jours. Cette méthode a en effet entraîné un surplus d'intérêts évalué à 4,78 euros par les emprunteurs et à 1,19 euros par la banque, lequel ne suffit pas toutefois, quel que soit le montant retenu, à caractériser un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1, déséquilibre que les appelants n'ont d'ailleurs pas allégué. En conséquence la clause litigieuse n'est pas une clause abusive au sens de ces dispositions. »
3/ « Par ailleurs, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours peut être sanctionné s'il génère un surcoût entraînant une erreur dans l'évaluation du TEG indiqué dans l'offre, lequel doit être calculé en tenant compte, notamment, des intérêts.
Il résulte des articles L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation que la mention dans l'offre de prêt d'un TEG erroné est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, et ce, uniquement lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale venant au détriment de l'emprunteur (puisque le TEG est calculé par rapport au taux de période avec une précision d'au moins une décimale selon l'article R. 313-1), inexactitude qu'il appartient à ce dernier de démontrer, en application de l'article 9 du code de procédure civile (en ce sens, par exemple : Civ. 1re, 5 juin 2019, pourvoi n° 18-11.459, 18-23.497 ; Civ. 1re, 11 mars 2020, pourvoi n° 19-10.875, en cours de publication), preuve qui pèse sur l'emprunteur qui se prévaut de l'erreur. Les appelants n'allèguent ni ne démontrent l'existence d'une telle erreur dans le calcul du TEG à raison du calcul des intérêts. »
4/ « L'insertion d'une clause prévoyant un calcul d'intérêts non autorisée et conduisant à la perception d'intérêts non justifiés constitue un manquement au devoir de loyauté contractuelle.
Néanmoins les emprunteurs, qui sollicitent des dommages-intérêts sans distinguer les préjudices qui auraient pu résulter du manquement au devoir de mise en garde ou du manquement à l'obligation de loyauté, font état d'un préjudice constitué par les difficultés financières résultant de l'octroi du prêt, mais il n'est pas établi que la faute de la banque au titre du devoir de loyauté, laquelle n'a entraîné qu'un surcoût d'intérêts de quelques euros, serait à l'origine des difficultés alléguées. La demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 17 JUIN 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00524. Arrêt n° 21/701. N° Portalis DBVT-V-B7D-SDW7. Jugement (R.G. n° 16/04202) rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Lille.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville] - de nationalité française, [adresse] , [...]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville] - de nationalité française, [adresse] , [...]
Représentés par Maître Jérémie B., avocat au barreau de Douai substitué par Maître Thomas P., avocat au barreau de Douai
INTIMÉE :
Société Coopérative Banque Populaire du Nord
prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Philippe V., avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 24 mars 2021 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Dominique Duperrier, président de chambre, Madame Pauline Mimiague, conseiller, Madame Catherine Menegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Duperrier, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 4 mars 2021.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 28 août 2011, la société Banque populaire du Nord a consenti à M. X. et Mme Y., son épouse, deux prêts immobiliers :
- un prêt numéroté 08XX89 d'un montant de 84 141 euros remboursable en 180 mensualités, assorti d'un taux d'intérêt contractuel de 4,150 % l'an, l'offre mentionnant un taux effectif global annuel (TEG) de 4,890 %,
- un prêt à taux zéro numéroté 086YY90 d'un montant de 28.000 euros remboursable en 240 mensualités, l'offre mentionnant un TEG de 0,620 %.
Se prévalant de manquements de la banque aux dispositions du code de la consommation et à son devoir de mise en garde, les emprunteurs l'ont assignée par acte du 4 mai 2016 devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins d'obtenir la déchéance de la banque du droit aux intérêts ainsi que réparation de leur préjudice.
Par jugement contradictoire du 20 novembre 2018, le tribunal a débouté M. X. et Mme Y. de leurs demandes et les a condamnés à payer à la Banque populaire du Nord la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
[*]
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 24 janvier 2019 M. X. et Mme Y. ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 mai 2020, ils demandent à la cour de :
- déclarer l'appel recevable et bien fondé et infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- dire leurs demandes recevables et bien fondées,
- constater que les intérêts périodiques du prêt n° 08XX89 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours,
- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial,
- enjoindre à la Banque populaire du Nord d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de la souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre,
- condamner la Banque populaire du Nord à leur restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt n° 08XX89 et les intérêts au taux légal et notamment la somme à parfaire de 18 364,70 euros arrêtée au 17 avril 2019, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- dire et juger que les sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la Banque populaire du Nord au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de la souscription du contrat,
- subsidiairement, prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêt n° 08XX89,
en tout état de cause :
- dire et juger que la banque engage sa responsabilité pour non-respect de l'obligation de loyauté contractuelle et de l'obligation de mise en garde,
- en conséquence, la condamner à leur rembourser une somme correspondant à 20 % du capital,
- condamner la Banque populaire du Nord à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la Banque populaire du Nord,
- la condamner aux dépens.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2020 la Banque populaire du Nord demande à la cour de :
à titre principal :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter M. X. et Mme Y. de leurs demandes,
- les condamner solidairement à une indemnité de procédure de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux dépens d'appel,
- à titre subsidiaire, limiter la condamnation de la banque à l'allocation de dommages-intérêts d'un montant égal à la différence d'intérêts de 1,19 euros, ou tout au plus à la différence d'intérêts alléguée par les emprunteurs de 4,78 euros,
à titre infiniment subsidiaire :
- limiter la déchéance d'intérêts à la différence d'intérêts de 1,19 euros, ou tout au plus à la différence d'intérêts alléguée par les emprunteurs de 4,78 euros,
- dire et juger que, lorsqu'il est substitué au taux conventionnel d'un prêt, l'intérêt au taux légal court à compter de la souscription du prêt au taux alors en vigueur et obéit à aux variations auxquelles la loi le soumet,
- ordonner la compensation entre les sommes devant être remboursées par la banque au titre des intérêts et le capital restant dû au titre du prêt au jour de la décision ayant caractère définitif à intervenir.
[*]
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mars 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 21 mars suivant.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur le moyen tiré du calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours :
La banque conclut à l'irrecevabilité de la demande de substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel, équivalent à une demande de nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel selon elle, alors que le prêt est soumis aux dispositions de l'article L. 312-1 du code de la consommation qui prévoit comme seule sanction applicable la déchéance du droit aux intérêts.
La détermination de la sanction applicable aux irrégularités soulevées par l'emprunteur n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès, de sorte que le moyen d'irrecevabilité sera écarté.
Le premier juge, considérant que les emprunteurs n'apportaient aucun élément ni expertise sérieuse au soutien du moyen tiré du calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, les a déboutés de cette demande.
Les emprunteurs font valoir que, non seulement ils communiquent une expertise démontrant que les intérêts ont été calculés sur la base d'une année de 360 jours, laquelle ne peut être disqualifiée au seul motif qu'elle a été élaborée dans un cadre extrajudiciaire dès lors qu'elle est soumise à la contradiction des parties, mais en plus que l'offre contient une clause prévoyant le calcul des intérêts sur 360 jours, laissant présumer qu'ils l'ont été effectivement, clause qui a pour effet de majorer le montant des intérêts, entraîne en conséquence une hausse du taux nominal et doit dès lors être considérée comme abusive.
L'analyse financière communiquée par les appelants est contradictoire au sens de l'article 16 du code de procédure civile dès lors qu'elle a été soumise au débat contradictoire des parties et son caractère probant ne peut être écarté au seul motif qu'elle a été établie à l'initiative d'une seule partie, d'autant plus que, s'agissant d'une analyse procédant à des calculs mathématiques, les parties sont à même d'apprécier la pertinence des méthodes utilisées et les résultats obtenus, et par-là, sa force probante, comme le fait la banque en établissant ses propres calculs dans ses conclusions, sans même recourir un expert.
En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Afin de déterminer si la clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30, comme en l'espèce (page 22 des conditions générales « conditions financières »), entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il y a lieu d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit.
S'agissant d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,4166, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation. Un calcul effectué sur la base du mois normalisé de 30,4166 jours appliqué aux échéances du mois de juillet ou du mois de mai 2016, utilisés à titre d'exemple dans l'analyse financière communiquée par les emprunteurs, permet en effet d'obtenir le même montant d'intérêts que l'expert qui a effectué un calcul sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours. En outre, il peut être relevé que le mode de calcul retenu dans l'analyse sur la base d'une année civile (mais non selon des mois normalisés) appliqué à des mois de 31 jours (l'analyse ne porte que sur des mois de 30 jours) conduit à des montants d'intérêts supérieurs à ceux du tableau d'amortissement (et donc réclamés par la banque) de sorte que la méthode proposée n'est pas systématiquement en défaveur de l'emprunteur.
Seule l'échéance du 10 octobre 2013, qui, du fait d'un changement de date d'exigibilité demandée par les emprunteurs et acceptée par la banque, entraînant dix jours d'intérêts intercalaires s'ajoutant à la mensualité prévue, présente une erreur à raison du calcul sur la base d'une année de 360 jours. Cette méthode a en effet entraîné un surplus d'intérêts évalué à 4,78 euros par les emprunteurs et à 1,19 euros par la banque, lequel ne suffit pas toutefois, quel que soit le montant retenu, à caractériser un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1, déséquilibre que les appelants n'ont d'ailleurs pas allégué. En conséquence la clause litigieuse n'est pas une clause abusive au sens de ces dispositions.
Par ailleurs, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours peut être sanctionné s'il génère un surcoût entraînant une erreur dans l'évaluation du TEG indiqué dans l'offre, lequel doit être calculé en tenant compte, notamment, des intérêts.
Il résulte des articles L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation que la mention dans l'offre de prêt d'un TEG erroné est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, et ce, uniquement lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale venant au détriment de l'emprunteur (puisque le TEG est calculé par rapport au taux de période avec une précision d'au moins une décimale selon l'article R. 313-1), inexactitude qu'il appartient à ce dernier de démontrer, en application de l'article 9 du code de procédure civile (en ce sens, par exemple : Civ. 1re, 5 juin 2019, pourvoi n° 18-11.459, 18-23.497 ; Civ. 1re, 11 mars 2020, pourvoi n° 19-10.875, en cours de publication), preuve qui pèse sur l'emprunteur qui se prévaut de l'erreur.
Les appelants n'allèguent ni ne démontrent l'existence d'une telle erreur dans le calcul du TEG à raison du calcul des intérêts.
En conséquence la demande principale, comme la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts, doivent être rejetées.
Sur la responsabilité de la banque :
Sur le devoir de mise en garde :
Il résulte des dispositions de l'article 1147 du code civil que l'établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti lors de la conclusion du contrat de prêt, s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt ; ce devoir implique l'obligation pour la banque de se renseigner sur les capacités financières de l'emprunteur pour l'alerter, si nécessaire, sur un risque d'endettement.
Il incombe à l'emprunteur qui invoque un devoir de mise en garde à son égard de démontrer que le prêt n'était pas adapté à sa situation financière et créait, de ce fait, un risque d'endettement contre lequel il devait être mis en garde.
Il n'est pas soutenu, et aucun élément ne permet de l'établir, que M. X. et Mme Y., qui ont contracté le prêt dans un cadre privé, pourraient être considérés comme des emprunteurs avertis.
L'emprunt a été souscrit pour l'acquisition d'un immeuble destiné à abriter la résidence principale des emprunteurs ; l'offre de prêt porte sur une somme totale de 112.141 euros répartie entre deux prêts : un prêt de 84.141 euros, avec intérêts au taux de 4,15 % l'an, remboursable sur quinze années en mensualités de 649,76 euros et un prêt de 28.000 euros, sans intérêts (prêt à taux zéro, l'offre précisant que la charge des intérêts est intégralement assurée par l'Etat) remboursable sur vingt ans par mensualités de 108,11 euros. Il est mentionné sur l'offre que l'acquisition est financée à hauteur de 38.359 euros par un apport des emprunteurs.
Il ressort des pièces versées aux débats que les emprunteurs ont signé avant la souscription des prêts, le 28 juillet 2011, une « déclaration de situation patrimoniale' en y portant la mention manuscrite 'lui et approuvé, certifié sincère et véritable » sur laquelle il est mentionné qu'ils sont mariés sous le régime de la communauté, qu'ils ont un enfant à charge, que M. X. exerce la profession de gérant depuis le 1er janvier 2010, Mme Y. la profession d'assistante maternelle, que M. X. (aucun revenu n'est indiqué s'agissant de Mme Y.) perçoit des revenus mensuels de 2.500 euros, que le couple supporte une charge de loyer de 745 euros ayant vocation à disparaître.
Les emprunteurs soutiennent que le montant de leurs ressources indiqué dans ce document est erroné, relevant qu'il n'a pas été renseigné de manière manuscrite, et que les prêts étaient disproportionnés au regard de leur capacité de remboursement que la banque ne pouvait ignorer dès lors que leur compte bancaire était domicilié dans ses livres et compte tenu des pièces qui lui avaient été communiquées.
Ils versent aux débats leurs avis d'imposition montrant qu'ils ont déclaré en 2010 et 2011 des revenus pour un montant total de 16.632 et de 12.939 euros et des pièces établissant que Mme Y. a été en arrêt maladie et percevait des indemnités journalières au moment de la souscription du prêt mais aucun élément ne permet d'établir que la banque ait eu connaissance de ces informations. Il ne peut se déduire du fait que la mention des revenus n'ait pas été portée de manière manuscrite sur la déclaration, l'ensemble du document ayant été rempli de manière dactylographiée, que la mention serait erronée ou que la banque ait pu la considérer comme telle alors que les emprunteurs ont certifié « sincère et véritable » la fiche avant de la signer. Le caractère adapté du prêt doit s'apprécier au regard des renseignements transmis à la banque qui n'avait pas à se livrer à un contrôle de la véracité des informations communiquées par les emprunteurs lesquels sont tenus d'un devoir de loyauté envers le prêteur. Les difficultés rencontrées par la suite (période de chômage pour M. X., situation d'invalidité reconnue par la CPAM pour Mme Y.), non connues lors de la souscription du prêt, ne peuvent être prises en comptes pour apprécier le caractère adapté du prêt au moment de sa signature.
Or, au regard des ressources et charges des emprunteurs telles qu'elles résultent de la déclaration de situation patrimoniale, le remboursement de l'emprunt souscrit ayant vocation à remplacer la charge de loyer, il n'apparaît pas que l'emprunt était inadapté à la situation financière de M. X. et Mme Y. qui ont d'ailleurs pu le rembourser jusqu'en août 2015 sans incident de paiement (selon les emprunteurs, la banque précisant de son côté qu'ils ne présentent 'à ce jour' aucun impayé). Dès lors il ne pesait sur la banque aucun devoir de mise en garde spécifique et sa responsabilité ne saurait en conséquence se trouver engagée.
Sur le manquement au devoir de loyauté :
Par ailleurs, M. X. et Mme Y. reprochent à la banque un manquement à son devoir de loyauté dans la formation et dans l'exécution du contrat dans la mesure où elle avait parfaitement connaissance de l'interdiction de pratiquer un calcul d'intérêts périodique sur une base autre que l'année civile.
L'insertion d'une clause prévoyant un calcul d'intérêts non autorisée et conduisant à la perception d'intérêts non justifiés constitue un manquement au devoir de loyauté contractuelle.
Néanmoins les emprunteurs, qui sollicitent des dommages-intérêts sans distinguer les préjudices qui auraient pu résulter du manquement au devoir de mise en garde ou du manquement à l'obligation de loyauté, font état d'un préjudice constitué par les difficultés financières résultant de l'octroi du prêt, mais il n'est pas établi que la faute de la banque au titre du devoir de loyauté, laquelle n'a entraîné qu'un surcoût d'intérêts de quelques euros, serait à l'origine des difficultés alléguées.
La demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de mettre les dépens d'appel à la charge de M. X. et de Mme Y., qui succombent.
Compte tenu des sommes allouées en première instance à la banque, il n'apparaît pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, par arrêt contradictoire :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déclare recevable la demande tendant à voir ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial mais mal fondée et la rejette ;
Condamne in solidum M. X. et Mme Y. aux dépens d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
G. Przedlacki D. Duperrier
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