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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 22 juin 2021

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 22 juin 2021
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 19/03113
Date : 22/06/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 17/07/2019
Référence bibliographique : 5889 (L. 221-3), 5947 (L. 212-1, domaine, photocopieur)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8969

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 22 juin 2021 : RG n° 19/03113

Publication : Jurica

 

Extrait : « En vertu de ce texte, la seule qualité de professionnel ne suffit pas à exclure l'application de dispositions protectrices du code de la consommation. Ces dispositions sont en effet applicables lorsque le contrat conclu hors établissement, ce qui est le cas en l'espèce, ne présente pas de lien avec l'activité principale du professionnel qui n'emploie pas plus de cinq salariés.

Il n'est pas allégué [que] Mme X. emploie plus de 5 salariés. En outre la compétence qu'elle développe dans l'exercice de son métier d'orthophoniste n'a aucun rapport avec l'utilisation d'un photocopieur.

Dès lors, le contrat conclu n'entrant pas dans le champ de son activité principale, elle doit être considérée comme un consommateur pouvant se prévaloir des dispositions des sections applicables aux relations entre consommateurs et professionnels.

C'est à bon droit que le premier juge a dit que les dispositions du code de la consommation sont applicables à la relation contractuelle, la société Locam soutenant à tort que le contrat de location conclu entre elle et Mme X. est un contrat portant sur les services financiers échappant aux dispositions du code de la consommation. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 JUIN 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/03113. N° Portalis DBVM-V-B7D-KDD2. Appel d'une décision (R.G. n° 17/03002) rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 28 mai 2019 suivant déclaration d'appel du 17 juillet 2019.

 

APPELANTE :

LA SOCIÉTÉ LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS

immatriculée au RCS de SAINT-ÉTIENNE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], représentée par Maître Laurence B.-M. de la SELARL L.B.-M., avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉS :

Mme X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...], représentée par Maître Régine P. de la SCP CONSOM'ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE

M. Philippe P. pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL IMPRESSIONS MULTIFONCTIONS & ÉQUIPEMENTS

de nationalité Française [...], [...], Non représenté

LA SOCIÉTÉ IMPRESSIONS MULTIFONCTIONS & ÉQUIPEMENTS

prise en la personne de son administrateur judiciaire maître Olivier F. demeurant [...] [...] [...], Non représentée

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Hélène COMBES Président de chambre, Mme Joëlle BLATRY, Conseiller, Mme Véronique LAMOINE, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 1er juin 2021 Madame COMBES Président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne BUREL, Greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 15 juillet 2015, Mme X. qui exerce la profession d'orthophoniste a conclu avec la société Chrome Bureautique devenue la société I.M.E, un contrat portant sur la fourniture et la maintenance d'un photocopieur de marque Olivetti.

L'opération a été financée par la société Locam dans le cadre d'un contrat de location de longue durée moyennant 21 loyers trimestriels de 867 euros.

Invoquant le non-paiement de plusieurs loyers, la société Locam a par acte du 14 septembre 2017, assigné Mme X. devant le tribunal de grande instance de Valence pour obtenir le paiement de la somme de 17.166,60 euros.

Mme X. a appelé la société I.M.E à la procédure.

Par jugement du 28 mai 2019, le tribunal a constaté la nullité des contrats conclus avec la société I.M.E et la société Locam, débouté la société Locam de sa demande en paiement, et condamné la société Locam à restituer à Mme X. la somme de 4.046 euros au titre des loyers perçus et à récupérer le matériel.

La société Locam a relevé appel le 17 juillet 2019 intimant Mme X., la société I.M.E et Maître Philippe P. en sa qualité de liquidateur de la société I.M.E.

[*]

Dans ses dernières conclusions du 14 avril 2020, la société Locam demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter Mme X. de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 17.166,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017, ainsi que 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir l'argumentation suivante au soutien de son appel :

- l'engagement d'Mme X. envers elle est irrévocable et le matériel a été livré, Mme X. ayant ratifié le procès-verbal de livraison sans opposition ni réserve,

- Mme X. ne peut se prétendre dégagée de ses engagements financiers au motif des difficultés qu'elle allègue avec le fournisseur, elle-même ayant mobilisé l'intégralité du capital représentatif du prix du matériel,

- contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, les dispositions du code de la consommation sur les contrats conclus hors établissement n'ont pas vocation à s'appliquer aux contrats portant sur les services financiers,

- Mme X. a elle-même reconnu que le contrat de location est en rapport direct avec son activité professionnelle,

- les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables,

- il n'y a pas lieu de réduire l'indemnité de résiliation.

[*]

Dans ses dernières conclusions du 16 avril 2021, Mme X. demande à la cour de confirmer le jugement et forme des demandes subsidiaires de rejet ou de réduction de l'indemnité de résiliation en cas de condamnation.

Elle réclame 3.000 euros à titre de dommages intérêts et 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose les circonstances dans lesquelles le contrat principal a été conclu, la société I.M.E lui ayant fait miroiter le bénéfice d'une participation commerciale de 5.000 euros tous les 21 mois, participation qui lui a été refusée lorsqu'elle l'a sollicitée.

Elle dénonce les pratiques dolosives de la société I.M.E.

Elle fait valoir que le contrat conclu avec la société Locam ne constitue nullement un service financier au sens de l'article L. 221-2-4° du code de la consommation, mais un contrat de location relevant des dispositions de l'article 1709 du code civil.

Elle invoque la nullité du contrat principal pour non-respect des dispositions du code de la consommation dont les dispositions lui sont étendues en application de l'article L. 221-3 du code de la consommation et la nullité subséquente du contrat de location.

[*]

Assigné dans les formes de l'article 658 du code de procédure civile, Maître Philippe P. n'a pas constitué avocat. Il sera statué par défaut.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

L'article L. 221-3 du code de la consommation issu de la loi du 17 mars 2014, applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014 dispose :

« Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »

En vertu de ce texte, la seule qualité de professionnel ne suffit pas à exclure l'application de dispositions protectrices du code de la consommation.

Ces dispositions sont en effet applicables lorsque le contrat conclu hors établissement, ce qui est le cas en l'espèce, ne présente pas de lien avec l'activité principale du professionnel qui n'emploie pas plus de cinq salariés.

Il n'est pas allégué [que] Mme X. emploie plus de 5 salariés. En outre la compétence qu'elle développe dans l'exercice de son métier d'orthophoniste n'a aucun rapport avec l'utilisation d'un photocopieur.

Dès lors, le contrat conclu n'entrant pas dans le champ de son activité principale, elle doit être considérée comme un consommateur pouvant se prévaloir des dispositions des sections applicables aux relations entre consommateurs et professionnels.

C'est à bon droit que le premier juge a dit que les dispositions du code de la consommation sont applicables à la relation contractuelle, la société Locam soutenant à tort que le contrat de location conclu entre elle et Mme X. est un contrat portant sur les services financiers échappant aux dispositions du code de la consommation.

L'article L. 221-9 du code de la consommation détaille les obligations du professionnel qui doit fournir au consommateur un exemplaire du contrat qui doit être lisible et comporter toutes les informations pré-contractuelles prévues à l'article L. 221-5.

L'article L. 242-1 du code de la consommation prévoit que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prescrites à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, ainsi que l'a relevé le premier juge, Mme X. n'a reçu aucune information pré-contractuelle.

Quant au document contractuel remis par la société Chrome Bureautique, intitulé « contrat de maintenance » et « contrat de partenariat client référent », il n'est pas daté, ne précise pas la date de début de contrat, ne précise pas les coordonnées du démarcheur, ne mentionne pas l'intervention d'un tiers finançant l'opération et ne comporte pas de bordereau de rétractation.

Il comporte en outre un engagement de participation commerciale de 5.000 euros après la livraison ainsi qu'une nouvelle participation commerciale de 5.000 euros lors du renouvellement du matériel tous les 21 mois.

Mme X. rapporte la preuve par un courrier du 17 mars 2017, que lorsqu'elle a sollicité le bénéfice de la participation financière, la société IME a refusé d'honorer son engagement, de sorte qu'elle soutient à juste titre qu'elle a été trompée lors de la signature du contrat, ce qui constitue un dol.

Pour toutes ces raisons, Mme X. est bien fondée à invoquer la nullité du contrat principal et compte tenu de l'interdépendance entre les deux contrats, la nullité du contrat de location, lequel ne précise ni la désignation du fournisseur, ni la date et le lieu de la livraison.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Mme X. ne justifie pas d'un préjudice non réparé par la restitution des sommes versées et sera déboutée de sa demande de dommages intérêts.

Il lui sera alloué la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par défaut,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant, déboute Mme X. de sa demande de dommages intérêts.

Condamne la société Locam à payer à Mme X. la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

Condamne la société Locam aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                    LE  PRÉSIDENT