CA LYON (6e ch.), 3 juin 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8972
CA LYON (6e ch.), 3 juin 2021 : RG n° 20/06535
Publication : Jurica
Extrait : « L'article XI des conditions générales des prêts immobiliers, applicable au prêt global consenti par le prêteur en vertu de l'acte notarié et donc à la fois au prêt 3 axes et au prêt à 0 % contrairement à ce que le premier juge a considéré, prévoit que le contrat de prêt sera résilié de plein droit et les sommes prêtées immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec avis de réception ou acte extrajudiciaire.
Les clauses prévoyant la déchéance du terme du prêt sans mise en demeure sont valables, sauf abus de la part du créancier. La clause de déchéance du terme prévue à l'article XI des conditions générales des prêts immobiliers étant plus favorable aux emprunteurs qu'une clause de déchéance du terme sans mise en demeure, les époux X. ne démontrent pas le caractère abusif de cette clause. Au surplus, le prêteur n'a prononcé la déchéance du terme que le 26 novembre 2019. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme X. de leur demande de nullité de la clause de déchéance du terme du prêt. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
SIXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 3 JUIN 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/06535. N° Portalis DBVX-V-B7E-NIAO. Décision du Juge de l'exécution de SAINT-ÉTIENNE du 9 novembre 2020 : R.G. n° 20/00615.
APPELANTS :
M. X.
né le [date] à [ville], [adresse], [...], Représenté par Maître Isabelle G., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 51
Mme Y. épouse X.
née le [date] à [ville], [adresse], [...], Représentée par Maître Isabelle G., avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE, toque : 51
INTIMÉE :
LE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE, venant aux droits lui-même du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE SUD RHONE ALPES AUVERGNE
[...], [...], Représenté par Maître Olivier B. de la SELARL B.-A., avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Date de clôture de l'instruction : 27 avril 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 avril 2021
Date de mise à disposition : 3 juin 2021
Audience tenue par Dominique BOISSELET, président, et Evelyne ALLAIS, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier. A l'audience, Evelyne ALLAIS a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Dominique BOISSELET, président, - Evelyne ALLAIS, conseiller, - Magali DELABY, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Par acte notarié des 8 et 12 septembre 2005, la société Crédit Immobilier de France Sud Rhône Alpes Auvergne a consenti à M. X. et Mme Y. épouse X. deux prêts immobiliers, soit un prêt 3 axes d'un montant de 149.375 euros en capital avec un taux d'intérêt révisable et un prêt de 24.000 euros en capital à 0 %.
Ces prêts étaient destinés à financer l'acquisition d'une maison d'habitation en l'état futur d'achèvement à usage de résidence principale, sise [adresse].
A la suite d'une mise en demeure du 29 octobre 2019, la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD), venant aux droits de la société Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, venant elle-même aux droits de la société Crédit Immobilier de France Sud Rhône Alpes Auvergne, s'est prévalue de la déchéance du terme de ces prêts.
Le 27 décembre 2019, la société CIFD a fait délivrer à M. et Mme X. un commandement valant saisie des biens et droits immobiliers leur appartenant à [...] afin d'obtenir le paiement de la somme totale de 82.719,53 euros arrêtée au 29 novembre 2019 en vertu de l'acte notarié susvisé.
Le 7 janvier 2020, elle a fait délivrer à M. et Mme X. un commandement aux fins de saisie-vente afin d'obtenir le paiement de la somme totale de 83.343,66 euros en vertu de l'acte notarié susvisé.
Par acte d'huissier du 30 janvier 2020, M. et Mme X. ont fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Etienne la société CIFD en contestation des commandements des 27 décembre 2019 et 7 janvier 2020. Ils sollicitaient en dernier lieu de voir :
- prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière, et donc de la saisie immobilière,
- ordonner à la société CIFD de produire un décompte récapitulant les sommes payées au titre du prêt et le taux d'intérêt appliqué pour chaque échéance,
- prononcer la nullité du prêt de 149.375 euros,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts,
- prononcer la nullité de la clause de déchéance du terme,
- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts et condamner la société CIFD à produire un décompte de sa créance au taux légal,
- prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie-vente,
A titre subsidiaire, ils demandaient un report de deux ans, une réduction de la clause pénale à un euro ainsi que la fixation de la créance de la société CIFD au seul capital restant dû et à titre plus subsidiaire, l'autorisation de vendre amiablement leur bien immobilier.
Par jugement du 9 novembre 2020, le juge de l'exécution a :
- déclaré irrecevables les demandes relatives au commandement de payer valant saisie immobilière et aux fins d'autorisation de vente amiable du bien immobilier saisi,
- diminué le montant de l'indemnité d'exigibilité à la somme de 100 euros,
- débouté M. et Mme X. de leur demande d'annulation du commandement aux fins de saisie-vente,
- octroyé à M. et Mme X. un délai pour s'acquitter de la dette envers la société CIFD, dans les conditions suivantes,
- dit que M. et Mme X. devraient se libérer de la dette par 23 échéances mensuelles de 900 euros chacune, la 24ème devant solder la dette en principal, intérêts et frais, la première mensualité devant être payée au plus tard le 5 du mois suivant la signification du jugement, et les suivantes avant le 5 de chaque mois,
- dit qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à son terme, M. et Mme X. seraient déchus du bénéfice des délais et que l'intégralité des sommes restant dues serait alors immédiatement exigible,
- dit que les paiements effectués par M. et Mme X. dans les conditions ordonnées ci-dessus s'imputeraient d'abord sur le capital,
- rappelé que pendant le délai accordé, les mesures d'exécution étaient suspendues,
-condamné M. et Mme X. in solidum aux dépens de l'instance,
- rejeté la demande fondée par la société CIFD sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 23 novembre 2020, M. et Mme X. ont interjeté appel de la décision.
L'affaire a été fixée d'office à l'audience du 27 avril 2021 par ordonnance du président de la chambre du 3 décembre 2020 en application des articles R.121-20 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution et 905 du code de procédure civile
[*]
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 21 avril 2021, M. et Mme X. demandent à la Cour de :
Sur l'appel principal,
- réformer le jugement,
- déclarer recevables les demandes relatives au commandement de payer valant saisie immobilière et aux fins d'autorisation de vente amiable du bien immobilier saisi,
- en conséquence, prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 27 décembre 2019 pour non-respect de l'article R. 321-2-13° du code des procédures civiles d'exécution,
- prononcer la nullité du prêt d'un montant de 149.375 euros suivant acte reçu par Maître C., les 8 et 1er septembre 2005 :
* pour dol sur le fondement de l'article 1116 et 1117 du code civil ancien et 1178 du code civil, ou pour erreur sur les qualités substantielles du contrat de prêt sur le fondement de l'article 1110 du code civil en vigueur à la souscription du contrat,
* remettre les parties en l'état antérieur au contrat et juger qu'ils sont tenus au remboursement de la somme empruntée,
* ordonner à la société CIFD de produire un décompte actualisé,
subsidiairement,
- juger que les clauses de révision du taux ne sont pas claires, que la clause doit être interprétée en faveur de l'emprunteur et qu'il en résulte que le taux conventionnel du prêt n'a pas été porté à leur connaissance,
- juger que le taux d'intérêt est remplacé par le taux légal,
- prononcer la nullité du prêt qui leur a été consenti par le CIFD en application de l'article L. 312-8 du code de la consommation dans sa version applicable au litige,
après avoir retenu l'ensemble ou un seul de ces motifs,
- juger que les intérêts contractuels ne peuvent leur être réclamés,
- juger que le taux conventionnel doit être remplacé par le taux légal et condamner la société CIFD à fournir un décompte appliquant le taux légal,
- prononcer la nullité de la stipulation des intérêts au taux contractuel en raison du TEG erroné indiqué dans l'offre de prêt et condamner la société CIFD à produire un décompte de sa créance en appliquant le taux légal,
- prononcer la nullité des commandements aux fins de saisie vente en date des 7 janvier qui leur ont été remis à la requête de la société CIFD,
- prononcer la nullité des commandements de saisie-vente et de saisie immobilière, la société CIFD ne disposant pas d'une créance liquide et exigible étayée par un décompte,
- juger abusive la clause permettant à la société CIFD de prononcer la déchéance du terme après un délai de huitaine et prononcer sa nullité,
- réformer le jugement en ce qu'il les a condamnés in solidum aux dépens de la présente instance,
sur l'appel incident,
- confirmer le jugement :
* en ce qu'il a diminué le montant de l'indemnité d'exigibilité à la somme de 100 euros,
* en ses dispositions leur octroyant des délais de paiement, sauf à préciser que la première mensualité de 900 euros sera payable le 5 du mois suivant celui de la signification du présent arrêt,
- rejeter la demande de la société CIFD au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en tout état de cause,
* condamner la société CIFD à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Dans ses conclusions notifiées le 19 janvier 2021, la société CIFD demande à la Cour, au vu du code des procédures civiles d'exécution et au visa de l'article 564 du code de procédure civile, de :
- déclarer irrecevable la demande nouvelle des époux X. tendant à solliciter la nullité du contrat de prêt d'un montant de 149.375 euros suivant acte reçu par Maître C., les [8 et 12 septembre 2005], pour dol, sur le fondement des articles 1116 du code civil ancien, et 1178 du code civil, ou pour erreur sur les qualités substantielles du contrat de prêt sur le fondement de l'article 1110 du code civil en vigueur à la souscription du contrat, alors même que cette demande n'a jamais été formée en première instance,
- juger mal fondé l'appel interjeté par les époux X. à l'encontre du jugement,
par conséquent,
- débouter les époux X. de toutes leurs demandes, fins et conclusions, non fondées et totalement injustifiées,
dès lors et déclarant recevable et bien fondé l'appel incident formé par elle,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il :
* a diminué le montant de l'indemnité d'exigibilité à la somme de 100 euros,
* a octroyé à M. et Mme X. un délai de 24 mois pour s'acquitter de leur dette par mensualités de 900 euros, la dernière réglant le solde de la dette, et a dit que les paiements échelonnés s'imputeraient d'abord sur le capital de la dette,
* a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a déboutée de ses demandes plus amples ou contraires,
- juger que le juge de l'exécution mobilier saisi par les époux X. est incompétent pour pouvoir prononcer la nullité d'un commandement de payer dûment publié à la conservation des hypothèques,
- juger que seul le juge de l'exécution immobilier est compétent pour connaître de cette demande,
- débouter les époux X. de toutes leurs demandes, fins et conclusions, non fondées et totalement injustifiées,
- condamner solidairement les époux X. à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les époux X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les demandes relatives au commandement valant saisie-immobilière :
M. et Mme X. font valoir que :
- à la date de la saisine du juge de l'exécution, le commandement valant saisie-immobilière n'était pas encore publié et seul le créancier poursuivant pouvait les assigner à une audience d'orientation, de telle sorte que leur demande de nullité du commandement valant saisie-immobilière est recevable ; au surplus, il n'existe pas d'autre créancier inscrit que la société CIFD, de telle sorte que leur assignation ne lèse personne,
- le commandement de saisie immobilière ne mentionne pas l'acte en vertu duquel la société CIFD vient aux droits du Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne contrairement aux dispositions de l'article R. 321-3-13° du code des procédures civiles d'exécution, de telle sorte qu'il est nul en application de cet article,
- par ailleurs, la société CIFD ne justifie pas d'une créance liquide et exigible étayée par un décompte.
La société CIFD réplique que :
- le commandement de payer valant saisie immobilière a été publié le 24 février 2020 et les époux X. assignés à comparaître à une audience d'orientation prévue le 3 juillet 2020, de telle sorte que le juge de l'exécution mobilier est incompétent pour prononcer la nullité du commandement considéré, seul le juge de l'exécution immobilier étant compétent pour en connaître,
- le commandement de payer et l'extrait Kbis de la société font clairement apparaître que la société CIFD vient aux droits du Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne à la suite d'une fusion totale.
[*]
La procédure de saisie-immobilière est régie par les dispositions d'ordre public des articles L. 311-1 à L.341-1 et R.311-1 à R.334-3 du code des procédures civiles d'exécution.
Aux termes de l'article R.322-15 du même code, à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.
M. et Mme X. ne contestent pas avoir été assignés par la société CIFD à une audience d'orientation à la suite de la publication le 18 février 2020 du commandement de payer valant saisie-immobilière du 27 décembre 2019. Aussi, en application des dispositions d'ordre public susvisées, ils ne peuvent contester la validité du commandement de saisie-immobilière que devant le juge de l'exécution statuant dans le cadre de cette audience d'orientation. Le jugement sera confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des époux X. relatives au commandement de payer valant saisie immobilière en dehors de cette audience.
Le jugement dont appel a également déclaré irrecevable la demande aux fins d'autorisation de vente amiable du bien immobilier saisi. Si M. et Mme X. contestent avoir formé une telle demande contrairement à ce qui est mentionné dans l'exposé du litige du jugement, ils ne prouvent pas le contraire, la copie de leurs conclusions de première instance versée aux débats étant incomplète (12 pages sur 14). Le jugement sera également confirmé sur ce point, le juge de l'exécution ne pouvant autoriser la vente amiable du bien immobilier saisi que dans le cadre de l'audience d'orientation.
Sur les contestations relatives au prêt 3 axes de 149.375 euros en capital :
M. et Mme X. font valoir que :
- le prêteur ne les a pas informés de manière précise quant aux conditions et aux modalités de variation du taux d'intérêt conventionnel applicable à ce prêt, de telle sorte que celui-ci doit être annulé pour dol ou au moins pour erreur sur la portée de leur engagement ; leur demande de nullité du contrat de prêt n'est pas nouvelle en cause d'appel au regard de leurs conclusions de première instance et des mentions du jugement reprenant leurs prétentions,
- le taux d'intérêt contractuel de 3,20 % à la date de souscription du prêt est inférieur au taux de 3,747 % résultant des modalités de calcul de ce taux à la même date ; il est également très inférieur six mois plus tard au taux de 3,98 % obtenu après application de la clause de révision du taux d'intérêt conventionnel ; le taux d'intérêt contractuel d'un prêt immobilier étant un élément substantiel du contrat, c'est à juste titre qu'ils sollicitent la nullité de ce prêt, n'ayant pas compris qu'ils souscrivaient un crédit à un taux d'intérêt très différent du taux affiché,
- à titre subsidiaire, le prêteur ne peut réclamer aux emprunteurs les intérêts conventionnels pour les raisons suivantes :
* la société CIFD ne leur a pas remis une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt conformément aux dispositions de l'article L.312-8 du code de la consommation dans sa rédaction applicable,
* la seule mention du taux initial de 3,20 % dans le contrat de prêt était à la fois insuffisante en l'absence d'indication explicite des modalités de variation du taux et trompeuse, dès lors que le taux nominal initial de 3,20 % ne correspondait pas à la définition du taux révisé comme étant égal à une base fixe de 1.60 point + le taux euribor 6 mois,
* la clause relative à la révision du taux d'intérêt est trop imprécise et doit s'interpréter en faveur des emprunteurs,
* tant le taux nominal que le taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt sont erronés, le taux nominal de 3.747 % pratiqué au moment de l'offre de prêt étant supérieur au taux effectif global de 3.49 % mentionné dans cette offre.
La société CIFD réplique que :
- la demande de M. et Mme X. afin de voir prononcer la nullité du prêt immobilier 3 axes pour dol ou erreur est nouvelle en cause d'appel, de telle sorte qu'elle doit être déclarée irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile,
- l'acte notarié stipule que le taux nominal initial est de 3,20 %, le taux effectif global annuel hors assurances est de 3,49 % et le même taux, assurances comprises, est de 4,465 % ; le taux de période est également clairement indiqué et la clause renvoie à l'offre de prêt pour les modalités et conditions de révision du taux ; enfin, le coût total du crédit figure au paragraphe suivant et est détaillé poste par poste, de telle sorte que l'acte notarié contient une information claire quant au taux d'intérêt conventionnel,
- les stipulations contractuelles relatives à la révision du taux ne s'appliquent pas au taux nominal initial, de telle sorte que celui-ci n'est pas erroné,
- M. et Mme X. doivent être déboutés de leur demande de déchéance du droit aux intérêts et d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts, compte tenu du respect par elle de ses obligations quant au taux d'intérêt conventionnel, au taux effectif global et aux clauses relatives à la révision du taux d'intérêt.
Quant à la nullité du prêt pour dol ou erreur :
L'exposé des prétentions des parties dans le jugement dont appel ainsi que les conclusions de première instance des époux X. font apparaître que ceux-ci ont sollicité devant le premier juge la nullité du prêt 3 axes pour dol ou erreur. Toutefois, le jugement a débouté M. et Mme X. de cette demande sans expliquer pourquoi dans ses motifs, de telle sorte qu'il a omis de statuer sur ce point. La demande de nullité considérée n'étant pas nouvelle, il convient de déclarer recevable la demande de nullité du prêt des époux X. et de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société CIFD en application de l'article 564 du code de procédure civile.
L'acte notarié des 8 et 12 septembre 2005 renvoie aux conditions particulières de chacun des prêts immobiliers ainsi qu'aux conditions générales des prêts immobiliers qui lui sont annexées, de telle sorte que ces conditions font partie intégrante de cet acte.
L'acte notarié mentionne :
- le taux nominal initial : 3,20 %,
- le taux effectif global annuel hors assurance : 3,49 %,
- la date de la première révision : 10 janvier 2006,
- les modalités de révision de ce taux comprenant notamment les clauses suivantes :
« DÉFINITION DU TAUX RÉVISÉ :
Le taux révisé est égal à la somme de l'index de référence et d'une partie fixe.
Index de référence : Euribor 6 Mois 21122006 taux interbancaire offert en euros publié ;
le 20 juin et le 20 décembre pour les offres émises au 2ème et 4ème trimestre
le 20 mars et le 20 septembre pour les offres émises au 1er et 3ème trimestre
- La partie fixe à ajouter au taux de base ci-dessus défini ressort à 1.60 points.
PERIODICITE ET DATE D'APPLICATION DES REVISIONS
Semestrielle :
- en janvier et juillet de chaque année pour les offres émises au 2ème et 4ème trimestre
- en avril et octobre de chaque année pour les offres émises au 1er et 3ème trimestre
Néanmoins aucune révision n'est appliquée si la différence du taux précédent et du taux révisé est inférieure ou égale à 0.10. »
M. et Mme X. ne prouvent pas que le taux nominal initial de 3,20 % convenu entre les parties devait être fixé de la même manière que le taux révisé. Aussi, ils ne démontrent pas que le taux nominal et le taux effectif global du prêt à la date de conclusion du contrat étaient erronés, en ce que ces taux étaient supérieurs à ceux mentionnés. Par ailleurs, M. et Mme X. étaient informés du caractère révisable du taux nominal initial ainsi que des modalités de révision de ce taux nominal. S'ils font état de ce qu'ils ont dû régler le 10 juillet 2006 une première échéance de 1.114,53 euros au lieu de celle de 975,38 euros prévue, le tableau d'amortissement joint au contrat de prêt n'avait qu'un caractère indicatif et il était mentionné dans les conditions particulières du prêt que l'effet de la révision du taux pouvait entraîner en cas de hausse une majoration de l'échéance.
Compte tenu de ces éléments, M. et Mme X. n'établissent pas avoir cru souscrire un contrat de prêt avec un taux d'intérêt révisable inférieur à celui appliqué en raison de manœuvres du prêteur ou du fait d'une erreur.
Ils seront donc déboutés de leur demande de nullité du prêt 3 axes pour dol ou erreur sur les qualités substantielles du prêt.
Quant au droit du prêteur aux intérêts conventionnels :
M. et Mme X. ayant reçu un exemplaire de l'acte notarié qui contient les conditions particulières du contrat de prêt précisant les modalités de révision du taux du prêt 3 axes, le prêteur s'est acquitté de son obligation de remise aux emprunteurs d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux en application de l'article L. 312-8 dernier alinéa du code de la consommation.
Les conditions particulières du prêt, qui précisent les modalités de révision du taux d'intérêt, faisant partie de l'acte authentique, M. et Mme X. n'établissent pas le caractère insuffisant des mentions de l'acte notarié quant aux modalités de variation du taux. Par ailleurs, dans le cadre de l'examen de la demande de nullité du prêt, la Cour a dit que les époux X. ne prouvaient pas le caractère erroné du taux nominal et du taux effectif global initiaux. M. et Mme X. ne démontrent donc pas non plus le caractère trompeur des mentions de l'acte notarié quant au taux nominal initial du prêt.
Enfin, M. et Mme X. n'explicitent pas en quoi les clauses relatives à la définition du taux révisé ainsi qu'à la périodicité et à la date d'application des révisions sont imprécises, se contentant de citer une jurisprudence afférente à une clause définissant le taux révisé d'une manière différente de la clause insérée dans l'acte notarié. Or, les clauses litigieuses sont suffisamment précises pour permettre aux emprunteurs de connaître le taux d'intérêt conventionnel applicable, de telle sorte que ce taux a bien été porté à la connaissance de M. et Mme X. par écrit conformément aux dispositions de l'article 1907 du code civil. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de déchéance du droit aux intérêts et d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêt ainsi que la demande subséquente de production d'un décompte expurgé des intérêts.
Sur la nullité de la clause de déchéance du terme :
M. et Mme X. font valoir que :
- la clause prévoyant que la déchéance du terme peut intervenir à défaut de règlement dans un délai de huitaine est manifestement abusive, ce délai imposé par la banque n'étant pas suffisant pour permettre au consommateur de mobiliser des fonds pour régulariser la situation,
- cette clause doit être annulée en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date du prêt, de telle sorte que sa créance n'est pas exigible.
La société CIFD réplique que :
- la clause de déchéance du terme insérée dans le contrat de prêt n'est pas abusive et que les époux X. ont bien accusé réception le 30 octobre 2019 de sa mise en demeure avec déchéance du terme adressée le 29 octobre 2019,
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L'article XI des conditions générales des prêts immobiliers, applicable au prêt global consenti par le prêteur en vertu de l'acte notarié et donc à la fois au prêt 3 axes et au prêt à 0 % contrairement à ce que le premier juge a considéré, prévoit que le contrat de prêt sera résilié de plein droit et les sommes prêtées immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec avis de réception ou acte extrajudiciaire.
Les clauses prévoyant la déchéance du terme du prêt sans mise en demeure sont valables, sauf abus de la part du créancier. La clause de déchéance du terme prévue à l'article XI des conditions générales des prêts immobiliers étant plus favorable aux emprunteurs qu'une clause de déchéance du terme sans mise en demeure, les époux X. ne démontrent pas le caractère abusif de cette clause. Au surplus, le prêteur n'a prononcé la déchéance du terme que le 26 novembre 2019. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme X. de leur demande de nullité de la clause de déchéance du terme du prêt.
Sur la nullité des commandements aux fins de saisie-vente :
M. et Mme X. font valoir que :
- le commandement de saisie-vente était inutile et vexatoire, la vente de leur mobilier n'étant pas susceptible de désintéresser le prêteur,
- le commandement de saisie-vente est affecté de plusieurs irrégularités :
il ne comporte qu'une seule feuille au lieu des deux feuilles mentionnées en bas de page,
il n'indique pas les recours pouvant être formés par les débiteurs,
il ne respecte pas les dispositions de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, contenant une mention erronée quant à la date de l'acte notarié (8 et 1er septembre 2005 au lieu de 8 et 12 septembre 2005), ne précisant pas le montant des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'existence de deux prêts au lieu d'un seul,
- les irrégularités affectant ce commandement leur causent un préjudice, le détail de la créance en principal, intérêts et frais étant une mention essentielle pour le débiteur, qui doit pouvoir vérifier l'exactitude du montant réclamé ; le non-respect des dispositions de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution entraîne la nullité du commandement de saisie-vente, les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile régissant la nullité pour vice de forme des actes de procédure n'étant pas applicables aux actes d'exécution.
La société CIFD réplique que :
- le commandement, l'acte authentique de prêt ainsi que les décomptes versées aux débats sont suffisants pour permettre d'évaluer sa créance et les époux X. n'ont jamais contesté les sommes dues, ayant commencé à s'exécuter,
- le commandement de saisie-vente n'était nullement vexatoire et inutile au regard des dispositions de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution, étant observé au surplus qu'il a fait réagir les débiteurs qui ont procédé à des paiements réguliers à compter de janvier 2020,
- par ailleurs, ce commandement est constitutif d'une mise en demeure de payer et ne mentionne pas de voie de recours, n'étant qu'un préalable à la voie d'exécution à pratiquer.
[*]
Un commandement aux fins de saisie-vente, rédigé de manière identique, a été délivré le 7 janvier 2020 à chacun des époux X.
Il ne ressort pas des articles R. 221-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution que le commandement de payer doit mentionner des voies de recours. Par ailleurs, M. et Mme X. ne produisent pas le commandement de payer du 7 janvier 2020 qu'ils ont reçu, de telle sorte qu'ils ne prouvent pas que celui-ci ne comportait pas les deux feuilles mentionnées.
En revanche, le commandement de payer ne respecte pas les dispositions de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, prévues à peine de nullité, en ce qu'il fait état :
- d'un acte notarié des 8 septembre et 1er septembre 2005 au lieu des 8 et 12 septembre 2005,
- un décompte en principal (82.719,53 euros) et frais (624,13 euros au total) sans indication des intérêts échus et du taux des intérêts appliqués.
Le commandement aux fins de saisie-vente étant un acte d'huissier de justice, même s'il est régi par le code des procédures civiles d'exécution, les irrégularités qui l'affectent sont constitutives de vices de forme et sa nullité est soumise aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile. Aussi, la nullité du commandement aux fins de saisie-vente ne peut être prononcée qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.
M. et Mme X. ne font état ni n'établissent avoir subi de grief du fait de l'erreur matérielle commise dans le commandement quant à la date de l'acte notarié.
La société CIFD produit en outre un décompte actualisé au 29 novembre 2019 détaillant la somme de 82.719,53 euros de la façon suivante :
prêt 3 axes | |
capital restant dû au 26 novembre 2019 | 47.045,59 € |
solde débiteur au 26 novembre 2019 | 8.219,10 € |
indemnité d'exigibilité (7 % du capital restant dû à la date de déchéance du terme): | 3.293,19 € |
intérêts échus du 26 au 29 novembre 2019 | 6,85 € |
sous-total: | 58.564,73 € |
prêt à 0 % | |
capital restant dû au 26 novembre 2019 | 24.000 € |
solde débiteur au 26 novembre 2019 | 154,80 € |
sous-total : | 24.154,80 € |
Total : | 82.719,53 € |
Néanmoins, ce décompte ne précise pas :
- pour le prêt 3 axes les modalités de calcul du capital restant dû au 26 novembre 2019, les intérêts échus inclus dans le solde débiteur au 26 novembre 2019 ainsi que les différents taux appliqués pour le calcul des intérêts, ce taux d'intérêt était variable,
- pour le prêt à 0 % les modalités de calcul du solde débiteur au 26 novembre 2020.
Aussi, il est insuffisant pour pallier l'irrégularité commise par le prêteur, ne mettant pas en mesure M. et Mme X. de contrôler les sommes qui leur sont réclamées en exécution du titre exécutoire. Or, ceux-ci contestent le montant de leur dette dans leurs écritures, même s'ils règlent mensuellement une somme sur le compte Carpa de leur avocat au titre de celle-ci.
Les mentions manquantes quant aux sommes réclamées dans les commandements de payer aux fins de saisie-vente délivrés respectivement à M. et Mme X. le 7 janvier 2020 causant un préjudice à ceux-ci, il y a lieu de prononcer la nullité de ces actes. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Les commandements étant annulés, le jugement sera également infirmé en ses dispositions afférentes à la réduction de l'indemnité d'exigibilité et aux délais de paiement, les demandes formées à titre subsidiaire par M. et Mme X. de ces chefs étant désormais sans objet.
M. et Mme X. obtenant principal gain de cause dans le cadre de leur recours, la société CIFD sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile. Toutefois, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit M. et Mme X.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement en ce que celui-ci a :
- déclaré irrecevables les demandes de M. et Mme X. relatives au commandement de payer valant saisie immobilière et aux fins d'autorisation de vente amiable du bien immobilier saisi,
- débouté M. et Mme X. de leurs demandes de déchéance du droit aux intérêts et d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêt ainsi que de leur demande subséquente de production d'un décompte expurgé des intérêts,
- débouté M. et Mme X. de leur demande de nullité de la clause de déchéance du terme
L'infirme pour le surplus,
STATUANT A NOUVEAU et Y AJOUTANT,
- Déclare recevable la demande de M. et Mme X. afin de nullité du prêt 3 Axes pour dol ou pour erreur sur les qualités substantielles ;
- Déboute M. et Mme X. de cette demande ;
- Prononce la nullité des commandements aux fins de saisie-vente délivrés respectivement à M. et Mme X. le 7 janvier 2020 ;
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes subsidiaires des époux X. afin d'obtenir une réduction de la clause pénale et des délais de paiement, ces demandes étant sans objet ;
- Condamne la société CIFD aux dépens de première instance et d'appel ;
- Déboute chacune des parties de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT