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CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 30 juin 2021

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 30 juin 2021
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 4e ch. civ.
Demande : 18/06384
Date : 30/06/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/12/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8978

CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 30 juin 2021 : RG n° 18/06384 

Publication : Jurica

 

Extrait : 1/ « L'action en déchéance du droit aux intérêts du prêt immobilier est soumise au délai de prescription de 5 ans prévu par l'article L. 110-4 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. Conformément à l'article 2224 du code civil, ce délai court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur invoquée.

Et en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur. […]

Or, comme l'a mentionné le premier juge, les emprunteurs profanes n'ont pu se convaincre de l'irrégularité et de l'erreur soulevées qu'après avoir fait diligenter une étude et obtenu un rapport d'analyse mathématique en date du 18 avril 2016.

En effet, les emprunteurs qui ne sont pas professionnels de la banque, mais seulement chef d'entreprise pour l'emprunteur, n'ont nécessairement pas disposé des compétences financières nécessaires pour leur permettre de déceler par eux-mêmes, à la simple lecture de l'acte de prêt, les éventuelles erreurs affectant le calcul du TEG, puisque l'intervention d'un tiers ayant les compétences pour réaliser les opérations mathématiques complexes a été nécessaire pour vérifier le calcul du TEG présenté par la banque.

Le point de départ du délai de prescription de l'action était ainsi le 18 avril 2016, et l'action n'était donc pas prescrite au jour de l'assignation. »

2/ « Il s'évince des dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, que la seule sanction civile possible de l'inobservation des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation est la perte, en totalité ou partie, du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

Alors que ces dispositions sont d'ordre public, l'erreur entachant le taux effectif global d'un prêt immobilier peut être donc sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels dans la proportion laissée à l'appréciation du juge, sans qu'il soit possible, en cette matière, de fonder utilement une action de nullité du TEG sur le fondement des dispositions de l'article 1907 du code civil.

En effet, en vertu du principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales, et dés lors que la nullité automatique est une sanction plus sévère que la déchéance (laquelle peut être totale mais aussi partielle), les dispositions de droit spécial du code de la consommation seraient vidées de leur sens si l'on pouvait les contourner pour se fonder sur les dispositions générales du code civil. »

3/ « En application des dispositions du code de la consommation applicable au litige, le taux d'intérêt conventionnel doit être mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur et doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base d'une année civile. Et si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non contradictoire réalisée à la demande de l'une des parties. […]

Or, s'agissant d'un prêt dont les intérêts sont payés mensuellement, le montant des intérêts dus chaque mois est le même, que les intérêts soient calculés, par référence au mois normalisé de 30,41666 jours en appliquant le rapport 30,41666/365, ou qu'ils le soient par référence à un mois de 30 jours et une année de 360 jours, en appliquant le rapport 30/360, le calcul des intérêts conventionnels sur un mois de 30 jours et une année de 360 jours étant sans incidence s'agissant de mois civils complets, aucune clause n'étant dès lors abusive puisque la clause 30/360 est clairement stipulée aux termes des conditions générales des conventions de prêt et qu'aucun déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs n'est rapporté. De plus la banque démontre, par la production du rapport d'expertise qu'elle a fait réaliser par ses soins par le Cabinet d'actuaires PRIM'ACT, que toutes les échéances d'intérêts du prêt ont bien été calculées sur la base d'une année civile.

Il n'est ainsi rapporté qu'un minime manquement avec un trop perçu d'intérêts égal à 0,46 euro pour le prêt de 50.000 euros, 0,64 euro pour le prêt de 60.000 euros et 1,09 euro pour le prêt de 61.950 euros, limité à la seule échéance intercalaire liée au remboursement anticipé.

L'unique préjudice des emprunteurs est donc de 2,19 euros, de telle sorte que la déchéance du droit aux intérêts sera prononcée à cette hauteur. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 JUIN 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/06384. N° Portalis DBVK-V-B7C-N6BD. Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 NOVEMBRE 2018, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN : RG n° 16/02872.

 

APPELANTE :

SA BANQUE POPULAIRE DU SUD LA SA BANQUE POPULAIRE DU SUD

Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L. 512-2 et suivants du Code Monétaire et Financier et l'ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédits, immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le Numéro XXX, dont le siège social est à [adresse], et pour elle son représentant légal, domicilié es-qualité audit siège social, [...], [...], Représentée par Maître Harald K. de la SCP V.-P. DE L.-E.- K.-H.-P.-J., avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse], [...], Représenté par Maître Aurélie A., avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Y.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse], [...], Représentée par Maître Aurélie A., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020, l'affaire a été jugée sans audience, les conseils des parties en ayant été avisés et ne s'y étant pas opposés dans le délai imparti.

Monsieur Frédéric DENJEAN, Conseiller, a fait un rapport de l'affaire devant la cour composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, M. Frédéric DENJEAN, Conseiller, Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors de la mise à disposition : Mme Henriane MILOT

ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Suivant acte sous seing privé contenant offre de prêt en application des articles L. 312-1 et suivants anciens du code de la consommation relatifs au crédit immobilier, acceptée le 30 mai 2011, la société Banque Populaire du Sud a consenti à M. X. et à Mme Y. quatre prêts pour l'achat de leur résidence principale :

- n°086XX67 d'un montant de 50.000,00 euros et d'une durée de 144 mois, au taux nominal de 3,87 % et au taux effectif global de 5,18 % l'an,

- n°086YY68 d'un montant de 60.000,00 euros et d'une durée de 180 mois, au taux nominal de 4,05 % et au taux effectif global de 5,27 % l'an,

- n°086ZZ69 d'un montant de 31.600,00 euros et d'une durée de 300 mois, au taux nominal égal à zéro et au taux effectif global de 0,59 % l'an,

- n°086WW70 d'un montant de 61.950,00 euros et d'une durée de 300 mois, au taux nominal de 4,33 % et au taux effectif global de 4,94 % l'an.

Par acte d'huissier du 13 juin 2016, M. X. et Mme Y. ont fait assigner la société Banque Populaire du Sud devant le tribunal de grande instance de Perpignan en demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour les trois prêts n°086XX67 d'un montant de 50.000,00 euros, n°086YY68 d'un montant de 60.000,00 euros, et n°086WW70 d'un montant de 61.950,00 euros, avec substitution par l'intérêt au taux légal appliqué depuis l'origine.

Par jugement en date du 29 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Perpignan a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Banque Populaire du Sud, déclaré recevable l'action engagée par M. X. et Mme Y. à l'encontre de la société Banque Populaire du Sud, prononcé la déchéance partielle du droit aux intérêts conventionnels de la société Banque Populaire du Sud, condamné en conséquence la société Banque Populaire du Sud prise en la personne de son représentant légal à rembourser à M. X. et Mme Y. les intérêts conventionnels indûment perçus correspondant à la différence entre les intérêts au taux contractuel indus depuis la première échéance de remboursement de chacun des trois prêts et les intérêts au taux légal en vigueur dus pour chaque année, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation. Le tribunal a également fixé pour la période restant à courir le taux d'intérêt au taux légal en faisant application du taux d'intérêt légal en vigueur pour chaque année concernée, année par année, et condamné la société Banque Populaire du Sud prise en la personne de son représentant légal à payer à M. X. et Mme Y. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration en date du 19 décembre 2018, la SA Banque Populaire du Sud a interjeté appel de la décision.

[*]

Au vu de ses dernières conclusions en date du 13 août 2019, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif, la SA Banque Populaire du Sud sollicite qu'il plaise à la cour de :

- Réformer le jugement

- Déclarer irrecevable comme prescrite l'action de Monsieur X. et Mme Y.

- Débouter Monsieur X. et Mme Y. de l'intégralité de leurs demandes

- A titre subsidiaire de condamner la Banque Populaire du Sud au paiement de dommages et intérêts à hauteur du seul préjudice subi par la partie adverse, soit 2,19 euros.

- A titre très subsidiaire prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA Banque Populaire du Sud à hauteur du seul préjudice démontré par la partie adverse, soit 2,19 euros

- Débouter Monsieur X. et Mme Y. du surplus de leurs demandes

- En toute hypothèse, condamner solidairement Monsieur X. et Mme Y. à verser à la SA Banque Populaire du Sud la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Sur la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels :

Elle fait valoir pour l'essentiel que cette action obéit aux règles de prescription de l'article L.110-4 du code de commerce qui prévoit un délai de prescription de cinq ans. Le point de départ du délai a été fixé en matière de crédit au jour de l'acceptation de l'offre de prêt. Par un arrêt du 6 décembre 2017, la Cour de cassation a jugé, qu'en présence d'une clause de calcul des intérêts conventionnels similaire à celle critiquée en l'espèce, le point de départ du délai de prescription devait être fixé à la date de l'acte de prêt contenant une telle stipulation.

En l'espèce, la clause 30/360 est clairement stipulée aux termes des conditions générales des conventions de prêt. Ainsi, la partie adverse était parfaitement en mesure de constater l'existence de cette clause dès la signature de l'offre et d'initier une contestation de la stipulation des intérêts dans le délai légal prévu à cet effet. Or les prêts ont été conclus le 18 mai 2011 et l'assignation a été signifiée à la Banque le 13 juin 2016 de sorte que l'action est prescrite et sera déclarée irrecevable.

De plus, elle fait valoir qu'admettre comme point de départ du délai de prescription la date d'édition du rapport d'expertise conduirait nécessairement à rendre ledit délai potestatif et rendre l'action imprescriptible. Monsieur X. et Madame Y. avaient la possibilité de vérifier, par eux-mêmes ou par un tiers, l'exactitude du calcul des intérêts conventionnels dès l'acceptation de l'offre puisque les calculs du prétendu expert ne reposent que sur l'analyse du tableau d'amortissement prévisionnel joint. Monsieur X., chef d'entreprise, est certes un consommateur mais suffisamment averti, pour être en mesure d'analyser et comprendre l'offre de prêt qu'il a accepté d'autant que le mode de calcul était explicitement mentionné dans les conditions générales de l'offre. L'action des intimés était donc nécessairement prescrite au jour de la délivrance de l'assignation.

Sur la preuve d'une erreur de TEG :

Elle fait valoir pour l'essentiel que ce n'est pas à la banque de démontrer le caractère exact du TEG mais à l'emprunteur qui invoque le caractère erroné du TEG, d'en apporter la preuve.

L'emprunteur doit démontrer que l'erreur de calcul a une incidence supérieure à la décimale visée à l'article R. 313-1 du code de la consommation. De même, la Cour de cassation considère que les emprunteurs ne peuvent réclamer la nullité de la stipulation d'intérêts en raison d'une erreur de calcul du TEG lorsque cette erreur ne vient pas à leur détriment. Ainsi, même en présence d'une clause prévoyant l'application d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours, encore faut-il démontrer que l'application de cette clause viendrait au détriment de l'emprunteur.

Il en résulte que la Cour de cassation n'entend pas sanctionner de manière automatique toute erreur de TEG et qu'il appartient aux emprunteurs de rapporter la preuve d'un préjudice qu'ils auraient subi en raison de l'erreur de calcul alléguée.

Or, en l'espèce, la partie adverse ne rapporte pas la preuve d'une quelconque erreur de calcul des intérêts conventionnels qui aurait été faite par la banque, ou d'un calcul qui aurait été fait sur la base d'une année de 360 jours. De la même manière, elle ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice qu'ils auraient subi en raison d'une telle erreur.

De plus, alors même que la charge de la preuve ne pèse pas sur elle, la banque a fait vérifier le calcul des intérêts conventionnels par un actuaire, le Cabinet Prim'Act qui a confirmé qu'il n'existait aucun différentiel de calcul.

Sur l'erreur de TEG insuffisante :

Elle fait valoir pour l'essentiel qu'en vertu de l'article 1er alinéa 4 du décret du 4 septembre 1985 et de l'article R. 313-1 alinéa 5 (devenu article R. 314-2 alinéa 4) du code de la consommation, une erreur du TEG inférieure à la décimale n'aurait aucune incidence.

D'une part, en n'indiquant pas le TEG réel revendiqué, la partie adverse ne met pas la Cour en mesure d'apprécier la gravité d'une éventuelle erreur et par la même est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe. D'autre part, l'erreur invoquée par la partie adverse est inférieure à la décimale et représente la marge d'erreur admise par le code de la consommation pour le calcul du TEG.

Sur la conséquence d'une erreur de TEG :

Elle fait valoir pour l'essentiel que la partie adverse ne démontre pas avoir sollicité plusieurs organismes prêteurs et avoir choisi la Banque Populaire du Sud en raison d'une erreur de TEG qui n'est pour le surplus pas avérée. En conséquence, elle ne peut justifier d'aucun vice de son consentement, tant sur le fondement de l'erreur que sur le fondement du dol et elle ne justifie pas plus du moindre préjudice.

Sur la signification de la clause 30/360 :

Elle fait valoir pour l'essentiel que la Clause 30/360 est une clause de rapport ou d'équivalence financière, qui a pour objet de fixer les rapports à retenir pour le calcul des échéances périodiques du prêt. Ainsi, que les échéances soient calculées sur une base de périodes mensuelles ou qu'elles le soient sur la base d'une année civile, force est de constater qu'il existe une équivalence financière du coût du crédit.

Sur le caractère prétendument abusif de la Clause 30/360 :

Elle fait valoir pour l'essentiel que cette clause n'est pas abusive car n'a ni pour objet, ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de prêt.

Sur l'exactitude du TEG indiqué :

Elle fait valoir pour l'essentiel que seul le TEG a pour but d'informer pleinement l'emprunteur sur le coût total de son emprunt, donc les modalités de calcul de ce taux sont précisément réglementées par le code de la consommation. Dans ces conditions, il est injustifié de reprocher à la BPS d'avoir manqué de clarté dans son information sur les modalités de calcul des intérêts conventionnels, dans la mesure où le TEG a été valablement et correctement fourni à l'occasion de l'offre de prêt.

Sur les modalités de calcul des intérêts conventionnels :

Elle fait valoir pour l'essentiel qu'elle a sollicité les services du Cabinet d'actuaires Prim'Act pour procéder à la vérification du mode de calcul des intérêts conventionnels des trois prêts immobiliers et que le cabinet a confirmé que toutes les échéances d'intérêt du prêt, ont bien été calculées sur la base d'une année civile. A toutes fins utiles, la Banque démontre que le logiciel utilisé par ses soins pour calculer les intérêts conventionnels est conforme à la loi.

Sur le calcul des échéances d'intérêts intercalaires :

Elle fait valoir pour l'essentiel qu'à l'échelle de la durée d'un prêt, la différence résultant de l'usage du diviseur de 360 ou de 365 pour le calcul de ces intérêts intercalaires est minime.

La partie adverse met en évidence un trop perçu d'intérêts égal à 0,46 euro pour le prêt de 50.000 euros, 0,64 euro pour le prêt de 60.000 euros et 1,09 euro pour le prêt de 61.950 euros, limité à la seule échéance intercalaire liée au remboursement anticipé. Ainsi, la partie adverse fonde son action sur un préjudice égal à 2,19 euros. Le différentiel identifié par la partie adverse est donc parfaitement insignifiant.

* * *

Au vu de ses dernières conclusions en date du 16 mai 2019, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif, M. X. et Mme Y. demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Perpignan en date du 11 novembre 2018 en ce qu'il a déclaré recevable l'action engagée par Monsieur X. et Madame Y. à l'encontre de la Banque Populaire du Sud, prononcé la déchéance partielle du droit aux intérêts de la Banque Populaire du Sud et condamné en conséquence la société Banque Populaire du Sud prise en la personne de son représentant légal à rembourser à Monsieur X. et Madame Y. les intérêts conventionnels indûment perçus correspondant à la différence entre les intérêts au taux contractuel indus depuis la première échéance de remboursement de chacun des trois prêts n°086XX67 d'un montant de 50.000 €, n° 086YY68 d'un montant de 60.000 €, numéro 086WW70 d'un montant de 61.950 € conclus le 30 et les intérêts au taux légal en vigueur dus pour chaque année, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

- Condamner la banque appelante à verser à Monsieur X. et Madame Y. la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 CPC,

- Condamner la banque appelante aux entiers frais et dépens en ce compris les frais d'exécution à intervenir conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC

Sur la prescription des demandes :

Ils font valoir pour l'essentiel que d'une part la clause dite clause année lombarde est une clause abusive qui ne se prescrit pas. Et d'autre part le point de départ de la prescription retenu ne saurait être le jour de la signature de l'offre quand, à la lecture de celle-ci, il est manifestement impossible pour le consommateur de relever l'erreur affectant le TEG comme c'est le cas en l'espèce. En effet, au moment de la signature de l'offre de prêt il n'était pas possible pour un emprunteur normalement averti de s'apercevoir de l'erreur commise par la banque sans effectuer une opération mathématique en outre fort complexe.

Les demandes formées par les concluants et relatives à l'offre de prêt en date du 18 mai 2011 devront dès lors être déclarées recevables.

Sur l'année lombarde pour le calcul des intérêts :

Ils font valoir pour l'essentiel qu'il est stipulé par la BPS en page 30 des CONDITIONS GENERALES et au paragraphe « CONDITIONS FINANCIERES » que « Les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux Conditions Particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ». Cette clause fait entrer dans le champ contractuel l'utilisation de l'année dite lombarde, c'est-à-dire une année théorique de 360 jours, en vue du calcul des intérêts conventionnels. Or, au terme d'un arrêt rendu le 19 juin 2013, la Cour de cassation a précisé que cette pratique, appliquée au taux nominal et/ou au taux effectif global est sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêts.

Sur la preuve de l'irrégularité du calcul des intérêts conventionnels :

Ils font valoir pour l'essentiel que quand bien même il ressortirait de la lettre de l'article R. 313-1 du code de la consommation une marge d'erreur admissible, celle-ci n'est pas transposable à la problématique du calcul des intérêts sur la base de l'année lombarde. De ce fait, la démonstration d'une erreur de TEG, et a fortiori d'une erreur d'au moins une décimale, n'a pas à être apportée par le demandeur.

Sur la prétendue équivalence du calcul des intérêts sur la base d'une année lombarde et d'une année civile

Ils font valoir pour l'essentiel que la seule stipulation d'une clause prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours est sanctionnée par la nullité de la stipulation de l'intérêt nominal et sa substitution par le taux légal.

[*]

Vu l'ordonnance de clôture du 12 avril 2021 du conseiller de la mise en état informant qu'à défaut d'opposition la procédure se déroulera sans audience conformément à l'ordonnance 2020-1400 du 18 novembre 2020 et du décret 2020-1405 du 18 novembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur la prescription :

L'action en déchéance du droit aux intérêts du prêt immobilier est soumise au délai de prescription de 5 ans prévu par l'article L. 110-4 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. Conformément à l'article 2224 du code civil, ce délai court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur invoquée.

Et en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur.

En l'espèce, la banque fait valoir que la partie adverse était parfaitement en mesure de constater l'existence de la clause 30/360 dès la signature de l'offre et d'initier une contestation de la stipulation des intérêts dans le délai légal prévu à cet effet.

Mais M. X. et Mme Y. font valoir quant à eux qu'au moment de la signature de l'offre de prêt il n'était pas possible pour un emprunteur normalement averti de s'apercevoir de l'erreur commise par la banque sans effectuer une opération mathématique complexe.

Or, comme l'a mentionné le premier juge, les emprunteurs profanes n'ont pu se convaincre de l'irrégularité et de l'erreur soulevées qu'après avoir fait diligenter une étude et obtenu un rapport d'analyse mathématique en date du 18 avril 2016.

En effet, les emprunteurs qui ne sont pas professionnels de la banque, mais seulement chef d'entreprise pour l'emprunteur, n'ont nécessairement pas disposé des compétences financières nécessaires pour leur permettre de déceler par eux-mêmes, à la simple lecture de l'acte de prêt, les éventuelles erreurs affectant le calcul du TEG, puisque l'intervention d'un tiers ayant les compétences pour réaliser les opérations mathématiques complexes a été nécessaire pour vérifier le calcul du TEG présenté par la banque.

Le point de départ du délai de prescription de l'action était ainsi le 18 avril 2016, et l'action n'était donc pas prescrite au jour de l'assignation.

La décision doit donc être confirmée sur ce point.

 

Sur la demande de déchéance des intérêts :

[L’article] L. 312-33 du code de la consommation indique que le prêteur pourra être déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, cependant cette déchéance est une sanction civile dont la loi laisse à la discrétion du juge tant l'application que la détermination.

Il s'évince des dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, que la seule sanction civile possible de l'inobservation des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation est la perte, en totalité ou partie, du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

Alors que ces dispositions sont d'ordre public, l'erreur entachant le taux effectif global d'un prêt immobilier peut être donc sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels dans la proportion laissée à l'appréciation du juge, sans qu'il soit possible, en cette matière, de fonder utilement une action de nullité du TEG sur le fondement des dispositions de l'article 1907 du code civil.

En effet, en vertu du principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales, et dés lors que la nullité automatique est une sanction plus sévère que la déchéance (laquelle peut être totale mais aussi partielle), les dispositions de droit spécial du code de la consommation seraient vidées de leur sens si l'on pouvait les contourner pour se fonder sur les dispositions générales du code civil.

 

Sur le recours à l'année lombarde pour le calcul des intérêts et l'erreur du taux effectif global :

En application des dispositions du code de la consommation applicable au litige, le taux d'intérêt conventionnel doit être mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur et doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base d'une année civile.

Et si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non contradictoire réalisée à la demande de l'une des parties.

En l'espèce, les emprunteurs se contentent de produire un document émanant d'une SASU dénommée 2 CLM, sans aucune précision ni sur la qualité ni sur l'identité du rédacteur, daté du 18 avril 2016 et intitulé « Rapport d'analyse mathématique », qui se contente d'indiquer que le TEG est erroné, mais sans préciser dans quel pourcentage, et sans non plus démontrer que les intérêts calculés sur une année dite lombarde, rapportée à 360 jours, a eu une incidence sur le montant des intérêts dus, dès lors qu'ils sont décomptés mensuellement et non jour par jour.

Or, s'agissant d'un prêt dont les intérêts sont payés mensuellement, le montant des intérêts dus chaque mois est le même, que les intérêts soient calculés, par référence au mois normalisé de 30,41666 jours en appliquant le rapport 30,41666/365, ou qu'ils le soient par référence à un mois de 30 jours et une année de 360 jours, en appliquant le rapport 30/360, le calcul des intérêts conventionnels sur un mois de 30 jours et une année de 360 jours étant sans incidence s'agissant de mois civils complets, aucune clause n'étant dès lors abusive puisque la clause 30/360 est clairement stipulée aux termes des conditions générales des conventions de prêt et qu'aucun déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs n'est rapporté.

De plus la banque démontre, par la production du rapport d'expertise qu'elle a fait réaliser par ses soins par le Cabinet d'actuaires PRIM'ACT, que toutes les échéances d'intérêts du prêt ont bien été calculées sur la base d'une année civile.

Il n'est ainsi rapporté qu'un minime manquement avec un trop perçu d'intérêts égal à 0,46 euro pour le prêt de 50.000 euros, 0,64 euro pour le prêt de 60.000 euros et 1,09 euro pour le prêt de 61.950 euros, limité à la seule échéance intercalaire liée au remboursement anticipé.

L'unique préjudice des emprunteurs est donc de 2,19 euros, de telle sorte que la déchéance du droit aux intérêts sera prononcée à cette hauteur.

Par conséquent il conviendra d'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a condamné la société Banque Populaire du Sud prise en la personne de son représentant légal à rembourser à M. X. et Mme Y. les intérêts conventionnels indûment perçus correspondant à la différence entre les intérêts au taux contractuel indus depuis la première échéance de remboursement de chacun des trois prêts et les intérêts au taux légal en vigueur dus pour chaque année, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et a fixé pour la période restant à courir le taux d'intérêt au taux légal en faisant application du taux d'intérêt légal en vigueur pour chaque année concernée, année par année ; de le confirmer pour le surplus ; et statuant à nouveau de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels des prêts n°086XX67, n°086YY68 et n°086WW70 à hauteur de 2,19 euros, ainsi que de condamner la Banque Populaire du Sud à rembourser cette somme aux emprunteurs.

Sur les autres demandes

L'article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est condamnée aux dépens, il conviendra donc de condamner la Banque Populaire du Sud aux entiers dépens d'appel.

Selon l'article 700 du même code le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et en l'espèce il n'apparait pas inéquitable de dire n'y avoir lieu à condamner sur ce fondement en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant par arrêt contradictoire, par arrêt mis à disposition

Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a condamné la société Banque Populaire du Sud prise en la personne de son représentant légal à rembourser à M. X. et Mme Y. les intérêts conventionnels indûment perçus correspondant à la différence entre les intérêts au taux contractuel indus depuis la première échéance de remboursement de chacun des trois prêts et les intérêts au taux légal en vigueur dus pour chaque année, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et a fixé pour la période restant à courir le taux d'intérêt au taux légal en faisant application du taux d'intérêt légal en vigueur pour chaque année concernée, année par année,

Statuant à nouveau,

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels des prêts n°086XX67, n°086YY68 et n°086WW70 à hauteur de 2,19 euros,

Condamne la Banque Populaire du Sud à rembourser la somme de 2,19 euros à M. X. et Mme Y.,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la Banque Populaire du Sud aux entiers dépens d'appel.

Dit n'y avoir lieu à l'application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT