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CA RIOM (3e ch. civ. com.), 26 mai 2021

Nature : Décision
Titre : CA RIOM (3e ch. civ. com.), 26 mai 2021
Pays : France
Juridiction : Riom (CA), 3e ch. civ. et com.
Demande : 18/01595
Date : 26/05/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/07/2018
Référence bibliographique : 6151 (1171, application dans le temps), 6389 (opposabilité des CGV)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8995

CA RIOM (3e ch. civ. com.), 26 mai 2021 : RG n° 18/01595 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La SAS X. qui n'est pas un consommateur mais une société commerciale rompue au monde des affaires ne pouvait ignorer ces conditions générales et particulières reproduites au verso des documents portant la signature de son gérant et son cachet, et pour partie sur la même page que le mandat de prélèvement SEPA également signé et tamponné. Contrairement à ce qu'elle soutient, si la police de ces conditions est effectivement de taille très réduite rendant le document inconfortable à lire, la cour a pu constater, malgré la médiocre qualité de la photocopie, que ces conditions étaient lisibles à l'œil nu. Le moyen tiré de l'inopposabilité des conditions générales du contrat sera en conséquence rejeté.

Sera pareillement écarté le moyen fondé sur les dispositions de l'article 1171 du code civil, ce texte issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 n'étant applicable qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 ainsi qu'il résulte de l'article 9 de ladite ordonnance, qui précise que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public et que seuls les articles 1123 alinéas 3 et 4, 1158 et 1183 sont d'application immédiate. »

 

COUR D’APPEL DE RIOM

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIAL

ARRÊT DU 26 MAI 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/01595. N° Portalis DBVU-V-B7C-FBE5. Sur APPEL d'une décision rendue le 5 juillet 2018 par le Tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2017-00998).

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, Madame Virginie DUFAYET, Conseiller, En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé.

 

ENTRE :

APPELANTE :

La société dénommée « SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT »

SAS à associé unique immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° XXX, [...], [...], [...], Représentants : la SCP C. DE R. C. B. G. & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SCP M. & PONS-T., avocats au barreau de TOULOUSE (plaidant)

 

ET :

INTIMÉE :

La société TRANSPORT X.

SAS immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° YYY [...], [...], Représentant : la SCP T.-P.-V. ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

 

DÉBATS : A l'audience publique du 1er avril 2021 Madame CHALBOS a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 26 mai 2021.

ARRÊT : Prononcé publiquement le 26 mai 2021, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SAS TRANSPORTS X. (la SAS X.) a conclu sous seing privé, avec la SAS SCT TELECOM le 2 juillet 2015, un contrat de prestations portant sur des services de téléphonie mobile.

Par lettre datée du 22 septembre 2016, la SAS X. a fait connaître à la SAS SCT TELECOM (la SAS SCT) sa décision de résilier le contrat. La SAS SCT lui a répondu par une lettre du 28 septembre 2016, pour lui indiquer que la résiliation était enregistrée à effet du 27 septembre 2016, mais qu'elle lui facturerait une indemnité de résiliation de 12.455 euros hors taxe.

La SAS SCT a émis la facture portant l'indemnité annoncée, le 31 octobre 2016 ; la SAS X. ne l'ayant pas payée, la SAS SCT l'a mise en demeure par lettre recommandée le 18 mai 2017, puis l'a fait assigner le 25 septembre 2016 devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, aux fins d'obtenir paiement des sommes principales de 14.496 euros à titre d'indemnité de résiliation, et de 389,59 euros au titre de factures de prestations.

Le tribunal de commerce, suivant un jugement contradictoire du 5 juillet 2018, a déclaré irrecevable l'action de la SAS SCT, au motif de la prescription d'un an prévue à l'article L. 34-2 du code des postes et télécommunications, a débouté cette société de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamnée à payer à la SAS X. une somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

La SAS SCT, par une déclaration reçue au greffe de la cour le 26 juillet 2018, a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 19 novembre 2018, elle critique le jugement déféré, en ce qu'il a fait application d'une prescription spéciale, prévue par la loi pour les seules dettes liées à des prestations électroniques, à une indemnité de résiliation qui ne constitue pas une dette de cette nature ; elle fait d'ailleurs valoir que, même en retenant la prescription d'un an prévue à l'article susdit, son action ne serait pas prescrite, le point de départ du délai devant être fixé à la date de la facture du 31 octobre 2016, antérieure de moins d'un an à l'assignation du 25 septembre 2017.

La SAS SCT expose d'autre part que la clause du contrat qui stipule une indemnité de résiliation est claire et lisible, dès lors opposable à la SAS X.

La SAS SCT conclut à la réformation du jugement, et à la condamnation de la SAS X. à lui payer les sommes qu'elle demandait en première instance : 14.496 euros d'indemnité de résiliation, 389,59 euros au titre de factures impayées.

[*]

Par conclusions déposée et notifiées le 19 octobre 2018, la SAS X. demande à la cour de confirmer le jugement, faisant valoir que l'indemnité de résiliation se rattache au prix de communications électroniques, qu'elle est donc soumise à la prescription annale de l'article L. 34-2 du code des postes et télécommunications, et que cette prescription, ayant commencé de courir non à la date de la facture mais à celle de la résiliation le 22 septembre 2016, était acquise dès avant l'assignation du 25 septembre 2017.

À titre subsidiaire sur le fond, la SAS X. soulève l'inopposabilité des conditions générales de l'acte contractuel, aux motifs qu'elles sont illisibles, et dépourvues de la signature de son gérant.

Elle demande plus subsidiairement que la clause prévoyant l'indemnité de résiliation soit réputée non écrite, en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les parties au contrat, au sens de l'article 1171 nouveau du code civil.

Elle demande enfin, si cette clause devait néanmoins s'appliquer, que l'indemnité qui en résulte soit réduite, vu son excès manifeste, à la somme de 200 euros.

[*]

La procédure a été clôturée le 27 juin 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la prescription :

Aux termes de l'article L. 32-4 alinéa 2 du code des postes et des communications électroniques, la prescription est acquise au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur mentionné à l'article L. 33-1 lorsque celui-ci ne les a pas réclamés dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité.

La société SCT sollicite le paiement d'une facture établie le 30 septembre 2016 pour un montant de 330,79 euros TTC correspondant au forfait mobile du mois de septembre 2016 (265 euros HT) et aux communications facturées sur la même période pour un montant de 10,56 euros HT.

Cette somme due à compter de l'échéance du 30 septembre 2016 a fait l'objet d'une demande en paiement par assignation du 25 septembre 2017 de sorte que la prescription n'est pas acquise.

La société SCT sollicite également le règlement d'une facture émise le 31 octobre 2016 pour une somme de 58,80 euros TTC, correspondant au prix d'une clé 3G fournie au cours de l'exécution du contrat.

Il résulte des explications de l'appelante sur ce point que ce matériel a été facturé en raison de la résiliation du contrat.

La date d'exigibilité de cette créance au sens de l'article L. 32-4 précité doit en conséquence être fixée à la date de résiliation du contrat, quelle que soit la date d'émission de la facture correspondante.

C'est à tort que les premiers juges ont considéré que la date de résiliation anticipée du contrat était le 22 septembre 2016.

Si cette date figure effectivement sur le courrier de résiliation adressé par la SAS X., ce courrier, qui semble avoir été expédié en lettre simple, n'a cependant pas date certaine en l'absence de production par l'expéditeur d'un justificatif postal.

Par courrier du 28 septembre 2016, la société SCT en a accusé réception au 27 septembre 2016, date d'effet de la résiliation et du point de départ de la prescription concernant les sommes dues en raison de la résiliation.

La facture de 58,80 euros TTC a également fait l'objet d'une demande en paiement par assignation du 25 septembre 2017 de sorte que cette créance n'est pas non plus atteinte par la prescription.

Concernant l'indemnité de résiliation sollicitée à hauteur de 14.496 euros TTC, ainsi que le fait valoir l'appelante à juste titre, les dispositions relatives aux courtes prescriptions étant d'application strictes et ne pouvant être étendues à des cas qu'elles ne visent pas expressément, la prescription annale régissant « les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques » ne peuvent être appliquées à la demande en paiement d'une indemnité pour résiliation anticipée, étrangère dans son objet à la fourniture des prestations de communications électroniques.

En tout état cause, la date d'effet de la résiliation ne pouvant être fixée à une date antérieure au 27 septembre 2016 comme exposé précédemment, la créance d'indemnité de résiliation réclamée par assignation du 25 septembre 2016 ne pourrait être prescrite.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit la société SCT irrecevable en ses demandes.

 

Sur le fond :

La SAS X. ne formule aucune contestation concernant les factures émises le 30 septembre 2016 pour un montant de 330,79 euros TTC correspondant au forfait mobile du mois de septembre 2016 et le 31 octobre 2016 pour une somme de 58,80 euros TTC, correspondant au prix d'une clé 3G fournie au cours de l'exécution du contrat.

Elle sera en conséquence condamnée au paiement de ces sommes, la résiliation intervenue le 27 septembre 2016 ne la dispensant pas du paiement de sommes correspondant à des prestations antérieures.

 

Concernant l'indemnité de résiliation :

L'appelante verse aux débats la photocopie du contrat souscrit par l'intimée.

Le gérant de la société cliente a apposé sa signature ainsi que le cachet commercial de la société au dessous de la mention aux termes de laquelle le client déclare avoir pris connaissance et accepté les conditions générales de location et de services ainsi que les conditions particulières relatives à chaque service fourni par la société SCT TELECOM ainsi que leurs annexes.

La SAS X. qui n'est pas un consommateur mais une société commerciale rompue au monde des affaires ne pouvait ignorer ces conditions générales et particulières reproduites au verso des documents portant la signature de son gérant et son cachet, et pour partie sur la même page que le mandat de prélèvement SEPA également signé et tamponné.

Contrairement à ce qu'elle soutient, si la police de ces conditions est effectivement de taille très réduite rendant le document inconfortable à lire, la cour a pu constater, malgré la médiocre qualité de la photocopie, que ces conditions étaient lisibles à l'œil nu.

Le moyen tiré de l'inopposabilité des conditions générales du contrat sera en conséquence rejeté.

Sera pareillement écarté le moyen fondé sur les dispositions de l'article 1171 du code civil, ce texte issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n'étant applicable qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 ainsi qu'il résulte de l'article 9 de ladite ordonnance, qui précise que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public et que seuls les articles 1123 alinéas 3 et 4, 1158 et 1183 sont d'application immédiate.

L'indemnité de résiliation réclamée par la société SCT est prévue par l'article 4 des conditions générales des services qui stipule que la résiliation du contrat de service avant expiration de la période initiale rendra immédiatement exigible les montants dus au titre du service pour la période restant à courir jusqu'au terme de la période initiale et ce sans préjudice des sommes mentionnées dans les conditions particulières spécifiques de chaque contrat de services et de celles que pourrait réclamer SCT TELECOM au titre de dommages et intérêts en cas de résiliation fautive ou de violation des stipulations du contrat de service imputable au client.

La clause qui prévoit une indemnité de résiliation équivalente au prix dû en cas d'exécution du contrat et immédiatement exigible, sans considération de l'exécution partielle du contrat, revêt nécessairement un caractère comminatoire ayant pour objectif de contraindre l'usager à exécuter le contrat jusqu'à son terme.

Elle ne saurait être analysée comme une clause de dédit en ce qu'elle rend illusoire toute liberté de choix de résiliation avant terme, et présente en conséquence le caractère d'une clause pénale soumise au pouvoir de modération du juge.

Le montant de 14.496 euros TTC, correspondant à 47 mois de forfait, réclamé par la société SCT est manifestement excessif au regard du préjudice effectivement subi par le créancier et sera ramené à la somme de 3.000 euros TTC.

Partie succombante, la société TRANSPORTS X. sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles comme il sera dit au dispositif.

Le présent arrêt n'étant pas susceptible de recours suspensif, les demandes des parties tendant au prononcé de l'exécution provisoire sont sans objet.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société SCT TELECOM,

Condamne la société TRANSPORTS X. à payer à la société SCT TELECOM la somme de 389,59 euros TTC au titre des factures de prestations des 30 septembre et 31 octobre 2016 ainsi que la somme de 3.000 euros TTC au titre de l'indemnité de résiliation anticipée après modération, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 25 novembre 2017,

Déboute la société SCT TELECOM du surplus de sa demande,

Condamne la société TRANSPORTS X. à payer à la société SCT TELECOM la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le Greffier,                           Le Président,