CA TOULOUSE (2e ch.), 7 juillet 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9034
CA TOULOUSE (2e ch.), 7 juillet 2021 : RG n° 18/03483 ; arrêt n° 405
Publication : Jurica
Extrait : « La demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
S'il existe une recommandation de la commission des clauses abusives relative aux conventions de compte de dépôt préconisant un calcul quotidien des intérêts, elle ne concerne pas les crédits immobiliers remboursables mensuellement de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause de calcul des intérêts conventionnels du prêt litigieux.
La clause litigieuse n'est pas en elle-même abusive au motif qu'elle priverait le consommateur de la possibilité de calculer le coût réel de son crédit. Il incombe au juge examinant le caractère abusif de la clause d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
En l'espèce, les emprunteurs, s'appuyant sur les calculs effectués par la société Les expertiseurs du crédit, invoquent sur la durée de remboursement du crédit, soit 20 ans, un surcoût de 107,21 €, lequel est contesté par la banque qui souligne que l'analyste a pris en compte des dates de versement des fonds erronées, ce qui a pour effet de minorer le montant des intérêts calculés ; elle relève ainsi par exemple que la date de premier versement des fonds retenue par l'analyste est fixée au 30 juillet 2009 alors que l'envoi des fonds est intervenu le 29 juillet 2009.
En tout état de cause et même à le supposer démontré, le surcoût allégué, qui doit être rapproché d'une part du montant emprunté (200.000 €) mais surtout du coût total du crédit qui s'élève à 109.839,40 €, ne permet pas d'estimer que la clause litigieuse aurait pour effet d'entraîner un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 7 JUILLET 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/03483. Arrêt n° 405. N° Portalis DBVI-V-B7C-MONC. Décision déférée du 12 juillet 2018 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (R.G. n° 18/1051).
APPELANTS :
Monsieur X.
[...], [...], Représenté par Maître Laure L.-B. de la SELARL L. & ASSOCIES - L&MC, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame Y. épouse X.
[...], [...], Représentée par Maître Laure L.-B. de la SELARL L. & ASSOCIES - L&MC, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE MIDI-PYRÉNÉES
[...], [...], Représentée par Maître Xavier R., avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller faisant fonction de président, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller faisant fonction de président, P. BALISTA, conseiller, S. TRUCHE, conseiller.
Greffier, lors des débats : J. BARBANCE- DURAND
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller faisant fonction de président, et par C. OULIE, greffier de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre de crédit immobilier émise 10 juillet 2009 acceptée le 22 juillet 2009, Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ont souscrit auprès de la CAISSE D’ÉPARGNE de Midi-Pyrénées (ci-après la CAISSE D’ÉPARGNE), un prêt n° 75XXX25 Habitat Primo.
Par acte d'huissier du 2 février 2016, les époux X. ont assigné la CAISSE D’ÉPARGNE devant le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE.
Les époux X. sollicitaient initialement :
- La condamnation de la CAISSE D’ÉPARGNE au remboursement des intérêts contractuels en ce qu'ils excèdent le taux d'intérêt légal
- l'établissement d'un nouveau tableau d'amortissement sur la base du taux légal
- la condamnation de la CAISSE D’ÉPARGNE à 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement du 12 juillet 2018, le Tribunal de Grande Instance de Toulouse a :
- Reçu la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE MIDI-PYRENEES en sa fin de non-recevoir ;
- Déclaré prescrite l'action diligentée par M. X. et Mme Y., son épouse, à l'encontre de la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE MIDI-PYRENEES
- Débouté M. X. et Mme Y., son épouse, de l'ensemble de leurs demandes formées à rencontre de la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE MIDI-PYRENEES
- Condamné M. X. et Mme Y., son épouse, à payer à la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE MIDI-PYRENEES la somme de 1.500,00 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné M. X. et Mme Y., son épouse, aux dépens de l'instance et autorise Maître R. à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;
Les époux X. ont relevé appel de cette décision sur déclaration d'appel du 31 juillet 2018.
[*]
En l'état de leurs conclusions d'appelant signifiées le 3 mars 2020, les époux X. demandent à la cour de :
A titre principal :
- Constater qu'ils ne sont tenus qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu.
- Condamner la CAISSE D’ÉPARGNE à leur restituer ou à imputer sur le capital restant dû, les sommes perçues au titre des intérêts du crédit litigieux, soit 46.022,57 euros au 10 juin 2017, augmentées des intérêts produits au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement.
A titre subsidiaire :
- Condamner la CAISSE D’ÉPARGNE à restituer aux époux X. ou à imputer sur le capital restant dû, les sommes perçues au titre des intérêts du crédit litigieux jusqu'au jugement à intervenir, en ce qu'ils excèdent le taux d'intérêt légal, soit au 21 juillet 2015 un montant de 24.036,00 €, à parfaire au jour du jugement.
- Condamner la CAISSE D’ÉPARGNE à recalculer à compter de cette date, chaque semestre, à compter du jugement à intervenir et jusqu'au terme du prêt, un nouveau tableau d'amortissement sur la base du taux légal en vigueur au titre dudit trimestre tant que celui-ci demeurera inférieur à 1,95 % taux contractuel intervenu en dernier lieu.
A l'appui de leurs prétentions, les époux X. font valoir que la clause prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année lombarde est une clause abusive ; l'action qui tend au constat de la nullité de cette clause est imprescriptible. La banque n'est donc pas fondée à invoquer la prescription de cette demande.
Ils n'ont eu connaissance de l'irrégularité de la clause litigieuse de leur prêt qu'après avoir eu connaissance du premier rapport des Expertiseurs du Crédit du 21 juillet 2015 et à l'occasion d'un avenant à l'offre de prêt du 2009 en date du 31 janvier 2015 refondant l'offre de prêt originale ;
Au fond, ils relèvent que la stipulation du calcul de l'intérêt sur la base d'une année lombarde est contraire aux dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qu'une ne telle clause est frappée de nullité, dans tous les cas de figure, ce qui entraine la nullité de la stipulation d'intérêts et que l'utilisation du diviseur 360 induit nécessairement à l'occasion des échéances dites rompues une majoration dissimulée du montant des intérêts.
Ils soutiennent qu'en l'espèce, la CAISSE D’ÉPARGNE a réellement calculé les intérêts du prêt litigieux sur la base de l'année lombarde de 360 jours et non comme elle y était contrainte sur la base de l'année civile de 365 jours, que cette pratique a eu directement pour effet de surévaluer le montant total des intérêts dus à chaque échéance et de fausser le mode de calcul des échéances suivantes et qu'en l'espèce le mode de calcul des intérêts a engendré un surcoût de 107,21 € sur l'ensemble du prêt.
[*]
Par conclusions signifiées le 3 mars 2020, la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE MIDI-PYRENEES demande à la cour de :
- déclarer irrecevable les époux X. en leur action de nullité de la stipulation d'intérêt fondée sur les dispositions de l'article 1907 du code civil ;
- la recevoir en sa fin de non-recevoir et déclarer prescrite l'action diligentée par M. X. et Mme Y., son épouse, à l'encontre de la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE MIDI-PYRENEES
- dire que la preuve d'une erreur dans l'établissement du calcul des intérêts conventionnels n'est pas rapportée par les emprunteurs
- dire que la CAISSE D’ÉPARGNE démontre au contraire la pertinence des calculs des intérêts conventionnels ;
- dire, s'agissant des deux premières mensualités comprises entre la date de déblocage des fonds et la date d'amortissement, que la différence d'intérêts est insignifiante et surabondamment n'a eu aucune influence sur les intérêts conventionnels perçus durant l'exécution du prêt et le TEG du prêt, auquel a consenti l'emprunteur
- en conséquence débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes
A titre très subsidiaire, dire que l'éventuelle irrégularité de la stipulation d'intérêts dans l'offre de prêt ne peut être sanctionnée que par une déchéance facultative du droit, à tout, ou partie des intérêts ;
Prononcer la déchéance partielle du droit aux intérêts à hauteur du seul préjudice démontré par la partie adverse, soit 12,01 €.
A titre très subsidiaire, dire que l'éventuelle irrégularité de la stipulation d'intérêts dans l'offre de prêt ne peut être sanctionnée que par une déchéance facultative du droit, à tout, ou partie des intérêts
A titre infiniment subsidiaire, dire que la demande de nullité de la stipulation d'intérêt est irrecevable à défaut de démonstration d'un vice ayant affecté le consentement des emprunteurs
[*]
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé pour un exposé complet des prétentions des parties à leurs dernières écritures.
L'instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance du 9 mars 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la prescription de l'action en nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels :
Le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel tout comme celui de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe, conformément à l'article 2224 du Code civil, au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur invoquée.
C'est au regard de chaque irrégularité qu'il y a lieu d'examiner si l'action est ou non prescrite.
Il appartient au juge de rechercher si l'emprunteur aurait pu personnellement déceler les erreurs affectant le TEG à la lecture de l'acte, étant rappelé que la qualité de consommateur des époux X. n'est pas contestée.
En l'espèce, le contrat de prêt mentionne (page 2) que durant le préfinancement, les intérêts sont calculés sur le montant des sommes débloquées, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours.
Durant la phase d'amortissement, [«] les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».
Contrairement à ce que soutiennent les époux X., une telle clause est claire et compréhensible pour un emprunteur moyen qui sait parfaitement qu'une année civile compte 365 ou 366 jours et non 360 de sorte que l'action des époux X. introduite par exploit du 2 février 2016, soit plus de cinq années après l'acceptation de l'offre le 22 juillet 2009 est prescrite et donc irrecevable.
Sur le caractère non écrit de la clause de stipulation d'intérêt :
La demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
S'il existe une recommandation de la commission des clauses abusives relative aux conventions de compte de dépôt préconisant un calcul quotidien des intérêts, elle ne concerne pas les crédits immobiliers remboursables mensuellement de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause de calcul des intérêts conventionnels du prêt litigieux.
La clause litigieuse n'est pas en elle-même abusive au motif qu'elle priverait le consommateur de la possibilité de calculer le coût réel de son crédit. Il incombe au juge examinant le caractère abusif de la clause d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
En l'espèce, les emprunteurs, s'appuyant sur les calculs effectués par la société Les expertiseurs du crédit, invoquent sur la durée de remboursement du crédit, soit 20 ans, un surcoût de 107,21 €, lequel est contesté par la banque qui souligne que l'analyste a pris en compte des dates de versement des fonds erronées, ce qui a pour effet de minorer le montant des intérêts calculés ; elle relève ainsi par exemple que la date de premier versement des fonds retenue par l'analyste est fixée au 30 juillet 2009 alors que l'envoi des fonds est intervenu le 29 juillet 2009.
En tout état de cause et même à le supposer démontré, le surcoût allégué, qui doit être rapproché d'une part du montant emprunté (200.000 €) mais surtout du coût total du crédit qui s'élève à 109.839,40 €, ne permet pas d'estimer que la clause litigieuse aurait pour effet d'entraîner un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Le jugement sera donc par motifs substitués confirmé en toutes ses dispositions.
Partie perdante en cause d'appel, Monsieur et Madame C. supporteront les dépens et devront indemniser la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE MIDI-PYRENEES des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant après en avoir délibéré ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
CONDAMNE Monsieur X. et Madame Y. épouse X. à payer à la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE MIDI-PYRENEES la somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Monsieur X. et Madame Y. épouse X. aux dépens dont distraction au profit de maître Xavier R. avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le Président
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
- 9744 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier – Année civile et lombarde