CA ANGERS (ch. A civ.), 28 septembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9062
CA ANGERS (ch. A civ.), 28 septembre 2021 : RG n° 19/00176
Publication : Jurica
Extrait : « Le litige porte essentiellement sur la question de savoir si le contrat est soumis aux dispositions du code de la consommation.
A titre liminaire, il convient de relever que les parties ne contestent pas le fait que le contrat de location litigieux soit un contrat conclu hors établissement.
La société appelante soutient qu'il s'agit d'un contrat portant sur un service financier, contrat expressément exclu du champ d'application du chapitre relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement d'après les dispositions de l'article L. 221-2 du code de la consommation.
Le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier. La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, indique dans son article 2 point 12) qu'il faut entendre par « service financier », tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
En l'espèce, le contrat litigieux est un contrat de location simple conclu entre un professionnel et une société de financement. La location simple d'un bien mobilier ne peut être considérée comme un service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements quand bien même une société de financement a la possibilité d'effectuer ce type d'opération connexe à son activité.
Aussi, la société appelante soutient que l'objet du contrat, la location d'un défibrillateur automatique externe, entre dans le champ de l'activité principale de l'intimée. Or, c'est par des motifs justes et adoptés par la cour que le premier juge a retenu qu'aucun texte n'impose aux infirmiers exerçant en libéral de disposer d'un défibrillateur, lequel ne constitue donc pas un équipement nécessaire ou spécifique à l'exercice de cette profession. L'activité principale d'un infirmier est de dispenser des soins, il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale de l'intimée. »
COUR D’APPEL D’ANGERS
CHAMBRE A CIVILE
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00176. N° Portalis DBVP-V-B7D-EOKZ. Jugement du 30 novembre 2018, Tribunal d'Instance du MANS : R.G. de première instance n° 11-18-357.
APPELANTE :
SAS LOCAM - LOCATION AUTOMOBILE MATÉRIELS
[...], [...], Représentée par Maître Sébastien H., substituant Maître Dominique B. de la SELARL DOMINIQUE B. ET ASSOCIES, avocats postulants au barreau d'ANGERS - N° du dossier 190024 et Maître Michel T., avocat plaidant au barreau de SAINT-ÉTIENNE
INTIMÉE :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], [...], [...], Représentée par Maître François G., avocat au barreau du MANS - N° du dossier 2018052
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 5 juillet 2021 à 14H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme YEUFLET, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame THOUZEAU, Présidente de chambre, Madame MULLER, Conseiller, Mme YEUFLET, Conseiller.
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRÊT : contradictoire, Prononcé publiquement le 28 septembre 2021 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Catherine MULLER, Conseiller, en remplacement de Marie-Cécile THOUZEAU, Président de chambre empêché, et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 5 mai 2017, Mme Y. a souscrit auprès de la SAS Locam-Location Automobile Matériels (Locam) un contrat de location portant sur un défibrillateur automatique externe moyennant le versement de 60 loyers mensuels de 129 euros hors taxes.
Un procès-verbal de livraison et de conformité a été établi le 23 mai 2017 entre Mme Y. et la société Citycare.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 septembre 2017, Madame Y. a informé la société Locam qu'elle souhaitait exercer sa faculté de rétractation en précisant qu'elle n'avait pas été informée de cette faculté lors de la conclusion du contrat.
Par courrier du 19 septembre 2017, la société Citycare a informé Mme Y. que le contrat souscrit était d'une durée irrévocable de 60 mois, sauf à solliciter une résiliation anticipée du contrat.
Le 1er octobre 2017, Mme Y. a mis fin au prélèvement automatique instauré au profit de la société Locam et a procédé à la restitution du matériel loué le lendemain.
Plusieurs loyers étant revenus impayés, la société Locam a fait assigner Mme Y., par acte d'huissier en date du 15 mars 2018, devant le tribunal d'instance du Mans aux fins de la voir condamnée au paiement des sommes de 9.965,03 euros comprenant la somme de 808,85 euros au titre des loyers échus impayés, 80,89 euros au titre de la clause pénale, 8.250,27 euros au titre des loyers à échoir, 825,03 euros au titre de la clause pénale, outre les intérêts au taux légal ainsi que 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.
Par jugement du 30 novembre 2018, le tribunal d'instance du Mans a :
- prononcé la nullité du contrat de location consenti le 5 mai 2017 à Mme Y. par la SAS Locam-Location Automobile Matériels,
- débouté la SAS Locam-Location Automobile Matériels de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SAS Locam-Location Automobile Matériels à payer à Madame Isabelle R. la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Locam-Location Automobile Matériels au paiement des dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 30 janvier 2019, la société Locam-Location Automobile Matériels a interjeté appel du jugement dans toutes ses dispositions.
Les parties ont régulièrement conclu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2021 et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 5 juillet 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 21 octobre 2019, la société Locam-Location Automobile Matériels demande à la cour de :
- dire bien fondé son appel,
- condamner Mme Y. à lui régler la somme principale de 9.965,03 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 janvier 2018,
- débouter Mme Y. de toutes ses demandes,
- condamner Mme Y. à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Mme Y. en tous les dépens d'instance comme d'appel.
La société Locam demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de location. Elle considère, en effet, qu'il n'y a pas lieu à appliquer au contrat litigieux les dispositions protectrices du code de la consommation, en ce compris la faculté de rétractation, qui ont conduit le premier juge à prononcer la nullité du contrat.
Elle soutient à l'appui de sa demande, d'abord, que la location par la société de financement Locam d'un matériel commandé à la société Citycare constitue un contrat portant sur un service financier, contrat expressément exclu du champ d'application du régime protecteur consumériste d'après les dispositions de l'article L. 221-2 du Code de la consommation.
Puis, que l'extension des dispositions applicables aux relations entre consommateurs et professionnels aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels prévue par l'article L. 221-3 du code de la consommation n'est pas applicable en l'espèce puisque l'objet du contrat à savoir la location d'un défibrillateur entre dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité, l'intimée étant infirmière libérale.
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Dans ses conclusions du 18 juillet 2019, Mme Y., intimée, demande à la cour de :
- dire et juger recevable mais mal fondé la SAS Locam-Location Automobile Matériels en son appel régularisé à l'encontre du jugement contradictoire et en premier ressort rendu par le tribunal d'instance du Mans en date du 30 novembre 2018,
- débouter en conséquence la Locam-Location Automobile Matériels de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement contradictoire et en premier ressort rendu par le tribunal d'instance du Mans en date du 30 novembre 2018,
- condamner la Locam-Location Automobile Matériels à lui payer une somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner en outre la Locam-Location Automobile Matériels aux entiers dépens d'appel.
Mme Y. demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré nul le contrat de location conclu avec la SAS Locam en application des dispositions protectrices de l'article L. 221-3 du code de la consommation. Elle conteste que le contrat litigieux soit un contrat portant sur un service financier au sens de l'article L. 221-2 du code de la consommation.
Elle considère que la location d'un défibrillateur ne peut être considéré comme entrant dans le champ de son activité principale professionnelle. Elle explique qu'aucune obligation légale n'impose aux cabinets infirmiers de s'équiper d'un défibrillateur qui n'est pas un équipement nécessaire à l'exercice de l'activité d'infirmier ; qu'au surplus, toute personne est habilitée à utiliser un défibrillateur automatisé externe. Mme Y. soutient qu'il y a lieu d'appliquer à la relation contractuelle les dispositions du Code de la consommation prévoyant notamment une faculté de rétractation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article L. 221-1 2° du code de la consommation dispose que sont considérés comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur : a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ; b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes.
L'article L. 221-5 du même code précise que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ; 2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État (…)
S'agissant du droit de rétractation, l'article L. 221-9 du même code prévoit que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.
L'article L. 242-1 du code de la consommation dispose que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
Enfin, selon l'article L. 221-3 du même code les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Le litige porte essentiellement sur la question de savoir si le contrat est soumis aux dispositions du code de la consommation.
A titre liminaire, il convient de relever que les parties ne contestent pas le fait que le contrat de location litigieux soit un contrat conclu hors établissement.
La société appelante soutient qu'il s'agit d'un contrat portant sur un service financier, contrat expressément exclu du champ d'application du chapitre relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement d'après les dispositions de l'article L. 221-2 du code de la consommation.
Le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier. La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, indique dans son article 2 point 12) qu'il faut entendre par « service financier », tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
En l'espèce, le contrat litigieux est un contrat de location simple conclu entre un professionnel et une société de financement.
La location simple d'un bien mobilier ne peut être considérée comme un service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements quand bien même une société de financement a la possibilité d'effectuer ce type d'opération connexe à son activité.
Aussi, la société appelante soutient que l'objet du contrat, la location d'un défibrillateur automatique externe, entre dans le champ de l'activité principale de l'intimée.
Or, c'est par des motifs justes et adoptés par la cour que le premier juge a retenu qu'aucun texte n'impose aux infirmiers exerçant en libéral de disposer d'un défibrillateur, lequel ne constitue donc pas un équipement nécessaire ou spécifique à l'exercice de cette profession. L'activité principale d'un infirmier est de dispenser des soins, il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale de l'intimée.
La SAS Locam ne démontrant pas davantage en cause d'appel avoir délivré à Mme Y. les informations pré-contractuelles prévues à l'article L. 111-1 du Code de la consommation ni avoir fourni un formulaire type de rétractation, il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de location conclu le 5 mai 2017 entre la SAS Locam et Mme Y.
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La SAS Locam-Location Automobile Matériels qui succombe en son appel, sera condamnée à payer à Mme Y. la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Locam-Location Automobile Matériels à payer à Mme Y. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Locam-Location Automobile Matériels aux dépens d'appel.
LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT, empêché
C. LEVEUF M. MULLER
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5956 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Autres contrats