CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 3 juin 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9084
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 3 juin 2021 : RG n° 18/26724
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La société P. faisant état d'accords qui auraient été conclus avant le 1er octobre 2016, c'est à juste titre que les premiers juges ont fait application des textes en vigueur avant la survenance de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
2/ « La société M. a maintenu en appel, au visa de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce, sa demande de condamnation de la société P. à lui payer une indemnité symbolique d'un montant d'un euro, en estimant « qu'en tentant d'obtenir une commission d'un montant de 15 % ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, la société P. avait engagé sa responsabilité », tandis que la société P. soutient que ce texte n'est pas applicable à la cause, en ce que, selon l'intimée, il ne concerne que les hypothèses de pratiques restrictives de concurrence, outre que la disproportion alléguée n'existe pas.
L'article L. 442-6, I, 1° du code de commerce dans sa version applicable au litige prévoit que : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients. »
En l'espèce, il ressort de ce qui précède que la rémunération sollicitée par la société P. correspondait à la rémunération au titre de sa mise en relation avec la société Dara Engineering Consultants. Le taux de 15 % du montant du chantier n'apparaît pas manifestement disproportionné à la valeur du service rendu étant précisé qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société P. a, par son intervention et ses conseils, obtenu deux commandes au profit de la société M. et qu'elle a suivi l'exécution des travaux et prodigué ses conseils afin de permettre une exécution des travaux conforme aux très hauts standards de qualité attendus par le maître de l'ouvrage.
En conséquence, aucune responsabilité ne peut être retenue de ce chef à l'encontre de la société P. et le rejet de sa demande indemnitaire par les premiers juges sera confirmé. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 3 JUIN 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/26724 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Y5O. Décision déférée à la cour : jugement du 21 septembre 2018 - tribunal de commerce de PARIS – R.G. n° 2016015608.
APPELANTE :
SARL M. FRANCE
Ayant son siège social [adresse], [...], N° SIRET : XXX, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jean-Didier M. de la SCP B. - C. - M. - G. - M., avocat au barreau de PARIS, toque : P0240, Ayant pour avocat plaidant Maître Anne-Laure M. de la SELAS W., avocat au barreau de PARIS, toque : P0314
INTIMÉE :
SARL CABINET ALBERTO P.
Ayant son siège social [adresse], [...], N° SIRET : YYY, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Nathalie L., avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, Ayant pour avocat plaidant Maître Guillaume Q. de la SELARL 2CG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0426
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine SOUDRY, conseillère, chargée du rapport.
Greffière, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA-PIETREMONT
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre,Mme Christine SOUDRY, conseillère, Mme Camille LIGNIERES, conseillère, qui en ont délibéré,
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre et par Mme Yulia TREFILOVA-PIETREMONT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société M. France exerce une activité de commercialisation, d'installation et de maintenance d'ascenseurs, monte-charges, élévateurs et portes automatiques.
La société Cabinet Alberto P. est un cabinet d'architecture d'intérieur et de décoration.
Alléguant la conclusion d'un accord avec la société M. France pour le paiement d'honoraires d'un montant de 15 % du montant des travaux facturés au titre de son entremise dans le cadre d'un projet immobilier « X. » à [ville] au Qatar, la société Cabinet Alberto P. a émis une facture définitive d'honoraires n°14042F pour un montant de 113.147,61 euros HT.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 février 2015, la société Cabinet Alberto P. a mis la société M. France en demeure de régler le montant de la facture n°14042F.
Par courrier du 16 février 2016, la société M. France a refusé de régler la somme réclamée et contesté être redevable de cette facture.
Par acte en date du 25 février 2016, la société Cabinet Alberto P. a fait assigner la société M. France devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation au paiement de la somme en principal de 101.418,90 euros au titre de ses honoraires, sous déduction d'un avoir en date du 21 mai 2015 d'un montant de 11.728,71 euros correspondant à des surcoûts de travaux qu'elle acceptait de prendre à sa charge.
Par jugement du 21 septembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société M. France à payer à la société Cabinet Alberto P. un montant global de 74.492,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2015, déboutant la société Cabinet Alberto P. pour le surplus,
- débouté la société Cabinet Alberto P. de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi et résistance abusive,
- condamné la société M. France à payer à la société Cabinet Alberto P. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant la société Cabinet Alberto P. pour le surplus,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société M. France aux dépens,
- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires.
Par déclaration du 22 novembre 2018, la société M. France a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a :
- déboutée de l'ensemble de ses demandes,
- condamnée à payer à la société Cabinet Alberto P. un montant global de 74.492,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2015,
- condamnée à payer à la société Cabinet Alberto P. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnée aux dépens,
et plus généralement en toutes ses dispositions lui causant grief.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 6 août 2019, la société M. France demande à la cour de :
Vu l'article 1315 alinéa 1 du code civil (dans sa version applicable au litige),
Vu l'article L. 123-18 alinéa 5 du code de commerce,
Vu l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce,
- dire et juger qu'aucun accord n'a été conclu entre la société Cabinet Alberto P. et la société M. France quant au paiement d'une commission relative aux travaux effectués par la société M. France dans le cadre de l'opération dénommée « X. »,
- dire et juger que la société Cabinet Alberto P. a engagé sa responsabilité envers la société M. France en tentant d'obtenir de la société M. France une commission d'un montant de 15 % ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu,
En conséquence,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 septembre 2018 en toutes ses dispositions,
- débouter la société Cabinet Alberto P. de toutes ses demandes,
- condamner ce dernier à payer à la société M. France la somme d'un montant symbolique de 1 euro,
En tout état de cause,
- condamner la société Cabinet Alberto P. à payer à la société M. France la somme d'un montant de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 12 février 2021, la société Cabinet Alberto P. demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1147, 1153, 1154, 1316-3, 1347, 1165 (numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-131) et 1172, 1173, 1156, 1192, 1383-2 du code civil (numérotation nouvelle issue de l'ordonnance n° 2016-131),
Vu l'article L. 110-3 du code de commerce,
Vu les articles 127, 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à l'infirmer en ce qu'il a :
* limité à une commission de 8 % le droit à commission de la société Cabinet Alberto P. sur le marché supplémentaire de monte-charge au lieu des 15 % convenus,
* débouté la société Cabinet Alberto P. de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
* débouté la société Cabinet Alberto P. de sa demande d'application de l'anatocisme,
Ce faisant, statuant à nouveau,
- condamner la société M. France à payer à la société Cabinet Alberto P., pour les motifs précédemment exposés :
* la somme de 101.418,90 euros en principal, à titre de dommages et intérêts pour non-respect de ses obligations contractuelles par la société M. France,
* la somme de 5.000 euros au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat et de résistance abusive à son obligation de paiement par la société M. France malgré sa parfaite connaissance de celle-ci,
* la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance par confirmation du jugement,
* y ajoutant la somme de 3.000 euros en cause d'appel,
-ordonner l'application des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2015,
-ordonner l'application de l'anatocisme,
En tout état de cause,
- dire et juger la société M. France mal fondée en toutes ses demandes,
- débouter la société M. France de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société M. France aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 février 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la demande en paiement d'honoraires :
Au soutien de sa demande en paiement, la société Cabinet Alberto P. fait état d'une réunion le 7 juin 2012, concernant le projet de [ville], en présence de MM. Marc L. (directeur de la société M.) et François P. (responsable commercial de la société M.), au cours de laquelle les sociétés se seraient mises d'accord sur une commission de 15 % sur le montant global du chantier, en rémunération des prestations du cabinet d'architecture intérieure, sans avoir établi d'écrit. Elle explique qu'à la suite de la réunion du 7 juin 2012, la société M. lui a adressé un devis daté du 13 juin 2012 pour la fourniture et l'installation de deux ascenseurs dans le cadre du projet [ville] pour un prix de 689.686 euros qui a été accepté.
Elle ajoute s'être également entremise, dans le cadre du même projet immobilier, pour la fourniture et l'installation d'un monte-charge hydraulique ayant fait l'objet d'un devis daté du 25 mars 2013 qui lui a été adressé par la société M. pour un prix de 167.000 euros et qui a également été accepté.
Elle explique que sans son intervention, la société M. n'aurait pas obtenu le chantier et que sa prestation a ainsi consisté à lui faire connaître l'existence du projet immobilier, à lui délivrer des conseils pour que son offre soit retenue, à obtenir le marché supplémentaire relatif au monte-charge, et à apporter son entremise dans le cadre de l'exécution des travaux en vue d'assurer la qualité de la prestation (recommandation de miroitiers et de menuisiers).
Faisant valoir que son offre initiale, d'un montant de 689.686 euros, ne mentionne aucune commission due au cabinet P. et que le silence ne vaut pas acceptation, la société M. soutient que ce dernier ne rapporte la preuve ni de l'existence d'un accord sur le paiement d'honoraires ni d'un accord sur le montant desdits honoraires. Elle ajoute en outre que si l'existence d'un tel accord était établie, il n'a en tout état de cause pas été conclu par son représentant légal de l'époque, M. Enrico M. Elle dément à cet égard tout mandat apparent de M. L.
La société P. faisant état d'accords qui auraient été conclus avant le 1er octobre 2016, c'est à juste titre que les premiers juges ont fait application des textes en vigueur avant la survenance de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. À défaut d'écrit et en application de l'article 1315 (ancien) du code civil, il appartient à la société P., qui réclame l'exécution d'une obligation de paiement de la société M., de prouver l'engagement de celle-ci.
Selon l'article L.110-3 du code de commerce, la preuve est libre entre commerçants.
Il n'est pas contesté qu'une réunion a eu lieu le 7 juin 2012 dans les locaux du cabinet P., la société M. y étant alors représentée par :
- M. Marc L., à l'époque associé (à 40 %) mais non gérant de la société M.,
- M. François P., alors responsable commercial salarié de la société M.
Et le cabinet P. par:
- M. Pascal L., chef de projet du cabinet P.,
- M. F. P.
Par ailleurs, est versé aux débats un devis de la société M. daté du 13 juin 2012, soit moins d'une semaine après la réunion du 7 juin 2012, adressé à la société M., à l'attention de M. L., concernant la fourniture et l'installation de deux ascenseurs à [ville], au Quatar.
Est également produite aux débats une lettre d'acceptation du devis de la société M. datée du 5 juillet 2012 par la société Dara Engineering Consultants.
Est ensuite versé aux débats un second devis de la société M. daté du 25 mars 2013 adressé à la société M., à l'attention de M. L., concernant la fourniture et l'installation d'un monte-charge à [ville], au Quatar.
Il est enfin établi que la société Dara engineering consultants a accepté ce second devis de la société M. par lettre du 15 avril 2013.
Ces éléments démontrent qu'après avoir été démarchée par le cabinet P. lors d'une réunion du 7 juin 2012, la société M. a présenté, par son intermédiaire, deux devis en vue de la fourniture et l'installation de deux ascenseurs puis d'un monte-charge dans le cadre du projet immobilier de [ville]. En présentant ces deux devis par l'intermédiaire du cabinet P., la société M. a nécessairement consenti à son intervention en qualité de courtier.
Or le contrat de courtage est un contrat à titre onéreux. Ainsi en consentant à l'intervention du cabinet P. en qualité de courtier, la société M. a consenti à lui verser une rémunération.
La rémunération des courtiers consiste en une commission et le droit à commission est acquis chaque fois que l'opération a été effectivement conclue par l'entremise du courtier et ce, quelle qu'ait été l'exécution qui s'en est suivie par l'une ou l'autre des parties.
Toutefois, le courtier ne peut réclamer le paiement du courtage que s'il apporte la preuve de la nature et la réalité des démarches accomplies par lui pour la réalisation de l'opération dans laquelle il s'est entremis
Par ailleurs, en l'absence de fixation du prix par les parties, le juge procèdera à l'évaluation de la rémunération du courtier en se rapportant aux usages et aux circonstances de la cause
Il ressort des éléments produits aux débats que l'intervention du cabinet P. a été déterminante dans la conclusion des contrats de fourniture et d'installation d'ascenseurs et de monte-charge conclus avec la société Dara engineering consultants. Il est en effet établi que seul le cabinet P. connaissait le projet immobilier « X. » à [ville] au Qatar ainsi que les besoins d'équipements relatifs à ce chantier et qu'en en faisant part à la société M., il a permis la présentation utile d'un devis correspondant aux attentes de la société Dara Engineering Consultants. Dans ces conditions, le cabinet P. a droit à rémunération.
La société M. conteste la conclusion d'un accord sur le paiement d'une commission de 15% du marché.
Toutefois, il ressort d'une attestation précise de M. L. datée du 26 octobre 2015 qu'il y a eu un accord verbal lors de la réunion du 7 juin 2012 pour que des frais d'honoraires à hauteur de 15 % du montant total soient inclus dans l'offre pour la réalisation des ascenseurs destinés à rémunérer le travail du cabinet P.
Par ailleurs, cette attestation est corroborée par un courriel du 26 novembre 2013, soit contemporain des faits, émanant de Mme F., assistante administrative de la société M., adressé en copie à M. Enrico M., alors gérant, ainsi qu'à M. P., responsable commercial. Ce courriel indique, en réponse à l'envoi par le cabinet P. d'une facture d'honoraires d'un montant de 68.968,60 euros HT, « (...) concernant le règlement de votre facture N°13/168F nous aimerions savoir à quoi elle correspond et à quel taux est calculé votre commission. En effet, vu les travaux supplémentaires réalisés sur les 2 ascenseurs, le taux de 15% a été ramené à 8 %, sur le monte-charge par contre il reste à 15 %. »
Ces éléments établissent qu'un accord a bien été conclu entre le cabinet P. et la société M. pour le paiement d'un honoraire de 15% et que cet accord était validé par le gérant de la société M. Le fait que la société M. ait, par le courriel du 26 novembre 2013, tenté de renégocier l'accord en ramenant la commission à 8 % sur les ascenseurs, en raison de travaux supplémentaires, est indifférent. De même, le fait que M. P., une fois devenu gérant de la société M., ait, dans une lettre du 16 février 2015 adressée en réponse à une mise en demeure du cabinet P. en vue du paiement de ses honoraires, dénié toute signature d'accord de la part du gérant de la société M. ne permet pas de remettre en cause cet accord. En effet, dans ce courrier, M. P., ne dénie pas la conclusion d'un accord verbal lors de la réunion 7 juin 2012 qui s'est tenue en sa présence. Or il sera observé qu'il est admis, dans les conclusions de la société M., que M. P. avait le pouvoir d'engager la société en qualité de responsable commercial chargé de négocier et signer les marchés conclus par la société M. et que cet accord verbal a nécessairement été ratifié par le gérant, M. Enrico M., dans la mesure où un devis a été adressé au nom de la société M. à la suite de la réunion du 7 juin 2012 et où M. Enrico M. figure en copie du courriel du 26 novembre 2013 reconnaissant l'intervention d'un accord sur un taux de commission de 15%. En outre, dans le courrier du 16 février 2015, M. P., pour s'opposer au paiement de la commission réclamée, fait surtout état de nombreux surcoûts restés à la charge de la société M. résultant de l'intervention de la société P.
En conséquence, la société P. rapporte la preuve de l'existence de l'engagement pris par la société M. de lui verser des honoraires à hauteur de 15 % du montant facturé tant au titre du devis relatif aux deux ascenseurs que de celui relatif au monte-charge, soit 128.502,90 euros ([689.686 + 167.000] x 15%), dont il convient de déduire une somme de 27.084 euros correspondant aux surcoûts de chantier liés aux deux portes palières du sous-sol et au supplément de vernissage que le cabinet P. a accepté de prendre en charge à la suite des observations de M. P.. Ainsi il sera fait droit à la demande en paiement d'honoraires du cabinet P. à concurrence de la somme de 101.418,90 euros (128.502,90 euros - 27.084 euros) et le jugement entrepris sera réformé sur ce point.
La somme de 101.418,90 euros portera intérêts au taux légal à compter du 10 février 2015 et ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
Sur la responsabilité de la société P. :
La société M. a maintenu en appel, au visa de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce, sa demande de condamnation de la société P. à lui payer une indemnité symbolique d'un montant d'un euro, en estimant « qu'en tentant d'obtenir une commission d'un montant de 15 % ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, la société P. avait engagé sa responsabilité », tandis que la société P. soutient que ce texte n'est pas applicable à la cause, en ce que, selon l'intimée, il ne concerne que les hypothèses de pratiques restrictives de concurrence, outre que la disproportion alléguée n'existe pas.
L'article L. 442-6, I, 1° du code de commerce dans sa version applicable au litige prévoit que :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients. »
En l'espèce, il ressort de ce qui précède que la rémunération sollicitée par la société P. correspondait à la rémunération au titre de sa mise en relation avec la société Dara Engineering Consultants. Le taux de 15 % du montant du chantier n'apparaît pas manifestement disproportionné à la valeur du service rendu étant précisé qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société P. a, par son intervention et ses conseils, obtenu deux commandes au profit de la société M. et qu'elle a suivi l'exécution des travaux et prodigué ses conseils afin de permettre une exécution des travaux conforme aux très hauts standards de qualité attendus par le maître de l'ouvrage.
En conséquence, aucune responsabilité ne peut être retenue de ce chef à l'encontre de la société P. et le rejet de sa demande indemnitaire par les premiers juges sera confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :
Selon l'article 1153 du code civil dans sa version applicable au litige, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Le créancier auquel son débiteur en retard à causé, par sa mauvaise foi un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
En l'espèce, à défaut de preuve de l'existence d'un préjudice indépendant du retard pris par la société M. à exécuter son obligation de rémunérer la société P., déjà réparé par l'allocation d'intérêts moratoires, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société P. de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société M. succombant en appel, ne peut pas prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles, mais il serait, en revanche, inéquitable de laisser à la société P. la charge définitive des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer depuis le début de l'instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société M. France à payer à la société Cabinet Alberto P. un montant global de 74.492,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2015, déboutant la société Cabinet Alberto P. pour le surplus,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société M. France à payer à la société Cabinet Alberto P. un montant global de 101.418,90 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2015,
DIT que ces intérêts porteront intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil,
CONDAMNE la société M. France à payer à la société Cabinet Alberto P. la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
CONDAMNE la société M. France aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par l'avocat de la société P. selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.
Yulia TREFILOVA-PIETREMONT Marie-Annick PRIGENT
Greffière Présidente
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps
- 6189 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Apporteur d’affaires