CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 24 juin 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9091
CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 24 juin 2021 : RG n° 20/00057
Publication : Jurica
Extrait : « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.
Il est en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre, dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne, le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.
Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
Au surplus si elle s'applique à une prétention formée par voie d'action ou par voie d'exception, la notion de prescription est inopérante s'agissant d'un moyen qui a pour seul objet et pour seul effet de faire échec à tout ou partie de la prétention d'une partie, sans conférer à l'autre partie quelque avantage distinct.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles R. 313-11 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9-A
ARRÊT DU 24 JUIN 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/00057. (4 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBF66. Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 octobre 2019 - Tribunal d'Instance d'IVRY SUR SEINE – R.G. n° 11-19-00197.
APPELANTE :
La société CREATIS, SA
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège N° SIRET : XXX [...], [...], représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H. K. H. H., avocat au barreau de l'ESSONNE
INTIMÉE :
Madame X.
née le [date] à [ville], [...], [...], DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Agnès BISCH, Conseillère, M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller.
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant offre préalable acceptée le 15 mars 2014, la société Creatis a consenti à Mme X. un prêt personnel d'un montant de 17.700 euros destiné à regrouper et solder des crédits antérieurs, remboursable en 84 mensualités de 286,45 euros au taux d'intérêt nominal annuel de 7,44 %.
Saisi par la société Creatis d'une action tendant principalement à la condamnation de Mme X. au paiement du solde du prêt après déchéance du terme, le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine, par un jugement réputé contradictoire rendu le 25 octobre 2019 auquel il convient de se reporter, a :
- déclaré la société Creatis déchue de son droit aux intérêts,
- condamné Mme X. à payer à la société Creatis, en deniers ou quittances valables, la somme de 5 803,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2018, sans qu'il n'y ait lieu à capitalisation des intérêts,
- débouté la société Creatis du surplus de ses demandes.
Après avoir vérifié la recevabilité de l'action du prêteur, le premier juge a principalement retenu que la société Creatis ne justifiait pas avoir remis à l'emprunteuse le document d'information exigé par l'article R. 313-12 du code de la consommation applicable à la date du contrat (désormais R. 314-19).
[*]
Par une déclaration du 14 décembre 2019, la société Creatis a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions remises le 28 février 2020 et signifiées le 4 mars 2020, elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, rejeté la capitalisation des intérêts et la demande d'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner Mme X. à lui payer la somme de 11.899,29 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,44 % l'an à compter de la mise en demeure du 6 novembre 2018,
- d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,
- de condamner Mme X. à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce, l'appelante avance que le moyen soulevé par le premier juge de la déchéance du droit aux intérêts était irrecevable car prescrit.
Elle fait valoir qu'un manquement à l'article R. 313-12 alinéa 1er (devenu R. 314-9) du code de la consommation n'est pas sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts mais tout au plus par une contravention et elle soutient qu'elle a satisfait l'ensemble de ses obligations.
[*]
Régulièrement assignée par un acte d'huissier délivré le 4 mars 2020 selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile, Mme X. n'a pas constitué avocat.
[*]
L'instruction de l'affaire a été close le 25 mai 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.
Il est en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre, dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne, le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.
Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
Au surplus si elle s'applique à une prétention formée par voie d'action ou par voie d'exception, la notion de prescription est inopérante s'agissant d'un moyen qui a pour seul objet et pour seul effet de faire échec à tout ou partie de la prétention d'une partie, sans conférer à l'autre partie quelque avantage distinct.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles R. 313-11 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige.
* * *
A l'appui de son action, la société Creatis produit devant la cour le contrat de regroupement de crédits signé par Mme X., la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche de dialogue, le justificatif de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, la notice d'assurance, le tableau d'amortissement ainsi que le document d'information propre aux regroupements de crédits exigé par l'article R. 314-19 du code de la consommation (anciennement R. 313-12) qui recense l'ensemble des caractéristiques des crédits antérieurs destinés à être remboursés par le prêt litigieux. Le prêteur justifie donc avoir satisfait ses obligations.
En conséquence, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.
* * *
La société Creatis justifie que la déchéance du terme du contrat a été régulièrement prononcée le 6 novembre 2018, après délivrance en vain à la débitrice d'une mise en demeure de payer les mensualités échues dans le délai de trente jours.
A cette date, la créance du prêteur s'établit ainsi :
- mensualités échues impayées : 3.625,83 euros
- capital restant dû : 7.397,07 euros
- indemnité de 8 % : 591,76 euros (calculée sur le seul capital rendu exigible par la déchéance du terme)
soit la somme totale de 11.614,66 euros.
Mme X. est condamnée à payer cette somme à la société Creatis outre intérêts au taux contractuel de 7,44 % l'an sur la somme de 11.022,90 euros et intérêts au taux légal sur le surplus, à compter du 6 novembre 2018.
La société Creatis est déboutée du surplus de ses demandes en application de l'article L. 312-39 du code de la consommation qui limite strictement les sommes dues par l'emprunteur défaillant.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,
- Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- Condamne Mme X. à payer à la société Creatis la somme de 11.614,66 euros augmentée, à compter du 6 novembre 2018, des intérêts au taux contractuel de 7,44 % l'an sur la somme de 11.022,90 euros et intérêts au taux légal sur le surplus ;
- Déboute la société Creatis de toutes autres demandes ;
- Condamne Mme X. aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Creatis la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5721 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Loi du 17 mars 2014
- 5725 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Conditions - Respect de la prescription