TI MONTLUCON, 16 avril 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 91
TI MONTLUCON, 16 avril 2003 : RG n° 02/000415
Publication : Lamyline
Extrait : « Que la lettre de voiture de déménagement, valant contrat, signée par Madame X. le 6 août 2001, précise au-dessus de la signature « Le déménagement s'effectuera aux conditions générales de vente du contrat de déménagement approuvées par le client et figurant au verso, ainsi qu'aux conditions particulières prévues au contrat et rappelées ci-dessus » ; Que les conditions générales de ce contrat figurent au verso, et sont donc opposables à Madame X., qui a apposé sa signature au bas de la mention ci-dessus rappelée ;
Attendu que ces conditions générales prévoient en leur article 15 que « les actions en justice pour avarie, pertes ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier (art. 108 du Code de commerce) » ; Que la livraison a eu lieu le 18 septembre 2001, et que la demande reconventionnelle de Madame X. en dommages et intérêts a été formée par conclusions du 29 octobre 2002 ; Attendu que les parties peuvent valablement convenir d'un délai de prescription, lequel se référait en outre au délai prévu à l'article 108 du Code de commerce et ne peut donc être considéré comme contraire à l'ordre public, même si le contrat en cause peut recevoir une autre qualification juridique que celle visée à cet article ;
Attendu que la clause fixant le délai de prescription d'un an à compter de la livraison des meubles ne peut être qualifiée d'abusive, puisqu'elle laisse un délai largement suffisant pour permettre au client non-professionnel de constater les avaries ou pertes liées à la prestation, et d'exercer toute action en justice en conséquence ; qu'en effet, cette clause ne provoque pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE MONTLUCON
JUGEMENT DU 16 AVRIL 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
No-rôle : 11-02-000415.
DEMANDEUR :
Société Anonyme MAISON ROUSSEAU Père et fils
[adresse], Représentée par Maître COTTIER, avocat
DÉFENDEUR :
Madame X.
[adresse], Représentée par Maître Bernard SOUTHON, avocat
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Société SUISSE ACCIDENTS
[adresse], représentée par Maître THEVENET-CHARRIOT, avocat suppléant Maître RENAUDIN, avocat
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte d'huissier en date du 6 septembre 2002, la SA MAISON ROUSSEAU père et fils a fait assigner Madame X. devant le présent Tribunal, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 953,68 euros outre intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2002, la somme de 500 euros de dommages et intérêts et la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
La SA MAISON ROUSSEAU père et fils expose que le 7 août 2001, elle a établi une facture de garde meubles pour 27 mètres cubes de mobilier et accessoires appartenant à Madame X., pour un montant de 267,66 euros.
Par ailleurs, elle a effectué le déménagement de Madame X. suivant devis accepté du 14 septembre 2001, pour un montant de 686,02 euros facturé le 18 septembre 2001. Madame X. a fait part de son mécontentement sur la prestation de déménagement par lettre du 21 septembre 2001, mais n'a pas répondu à la demande de renseignements émanant de la compagnie d'assurances de la société, la compagnie MARSH, et n'a pas réglé les factures.
Une mise en demeure du 17 mai 2002 a été délivrée à Madame X., mais est demeurée vaine.
Au dernier état de ses conclusions, la SA MAISON ROUSSEAU père et fils reprend à son compte les moyens soulevés par son assureur, et relatifs à la prescription de l'action de Madame X. De plus, au vu du type de prestations choisies par Madame X., celle-ci a elle-même emballé sa vaisselle et démonté ses meubles. Elle considère donc qu'elle ne peut être tenue pour responsable du bris de vaisselle et de la perte des vis du lit. Elle soutient enfin que, le contrat de transport s'appliquant (et non plus le contrat de garde-meubles), Madame X. doit prouver la perte et son préjudice.
En réponse, Madame X. soutient que la facturation de garde-meubles a été faite pour la période du 6 août 2001 au 30 septembre 2001, alors que le déménagement de ces meubles est intervenu le 18 septembre 2001. Elle estime donc que la première facture est pour partie sans cause, pour la période du 18 septembre au 30 septembre 2001. Elle estime que le montant maximum pouvant être réclamé pour la première facture est de 205,52 euros.
En outre Madame X. soutient qu'elle a émis des réserves après le déménagement, en raison du bris de sa vaisselle et de la disparition de plusieurs objets dont elle a fait la liste par lettre du 21 septembre 2001.
Considérant que l'obligation de représenter les meubles confiés est une obligation de résultat, et que le déménageur doit réparation de toute perte ou avarie sauf force majeure établie, elle conclut au débouté de la demanderesse, et sollicite à titre reconventionnel l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 7.700 euros, rappelant qu'un service de vaisselle hérité de son arrière-grand-mère a été détruit.
Elle rappelle que la demande de dommages et intérêts en raison du retard fait double emploi avec celle d'intérêts au taux légal.
Elle soutient que les conditions générales d'assurance du contrat de déménagement, dont les exemplaires produits par la demanderesse et par son assureur intervenant volontaire (la Société Suisse Accidents) sont d'ailleurs différents, lui sont inopposables car elle ne les a pas signés et il n'est pas démontré qu'elle en a eu connaissance. De plus, elle allègue qu'une prescription conventionnelle est nulle car contraire à l'ordre public et constitue une clause abusive réputée non écrite, de même que la clause limitant l'indemnisation au seul préjudice matériel prouvé et des conditions négociées. Elle soutient enfin qu'ayant émis ses réserves dès le 21 septembre 2001, la présomption de livraison conforme ne peut être retenue.
Par ailleurs, même si elle a emballé sa vaisselle et démonté ses meubles, elle soutient que la SA MAISON ROUSSEAU père et fils, qui a gardé, chargé, transporté et déchargé ses meubles, ne justifie pas d'une cause étrangère au manquement à son obligation de résultat.
Au terme du dernier état de ses prétentions, Madame X. demande le débouté de la demanderesse et de son assureur de leurs moyens et prétentions fondés sur les conditions générales du contrat, qui lui sont inopposables. A titre subsidiaire, elle demande que la clause 15 de ces conditions soit jugée contraire à l'ordre public. A titre subsidiaire, elle demande que soient jugées abusives les clauses 14 et 15 et réputées non écrites. Elle conclut au débouté de l'ensemble des demandes, et à la condamnation in solidum de la SA MAISON ROUSSEAU père et fils et de la société SUISSE ACCIDENTS au paiement de 7.700 euros de dommages et intérêts et 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Pour sa part, la SA SUISSE ACCIDENTS, intervenant volontaire, assureur de la SA MAISON ROUSSEAU père et fils soutient que les conditions générales du contrat de déménagement, qui sont des conditions type, figurent sur le devis, la lettre de voiture de chargement et sur la lettre de voiture de livraison. Elle indique que la lettre de voiture de chargement, qui vaut contrat, a été signée avec le visa des conditions générales approuvées par le client. Sur ce fondement, elle indique qu'au regard de l'article 15 qui prévoit un délai d'un an entre l'action en justice pour avarie, perte ou retard, et la date de livraison du mobilier, Madame X. voit son action, intentée par conclusions du 29 octobre 2002 par voie reconventionnelle, prescrite.
A titre subsidiaire, elle soutient que la demande de Madame X. ne peut prospérer que pour les meubles qui ont fait l'objet de réserves sur la lettre de voiture de livraison (vaisselle cassée et absence de vis de lit), car les réclamations supplémentaires portées sur la lettre adressée trois jours plus tard ne permettent pas de combattre la présomption de livraison conforme. Elle soutient à cet égard que les réserves doivent être précises et détaillées pour être efficaces et valoir preuves.
Par ailleurs, elle s'étonne que Madame X. réclame 7.700 euros de dommages et intérêts alors qu'elle avait déclaré une valeur de mobilier de 15.245 euros et qu'elle ne peut prétendre que plus de la moitié de son mobilier a été endommagée. Elle ajoute que le préjudice moral est exclu de la garantie par l'article 14 des conditions générales. Elle soutient également que seuls les objets manquants par le fait d'un vol avec effraction en garde-meubles peuvent faire l'objet de sa garantie et qu'en conséquence, seule la réclamation concernant la vaisselle peut être garantie, pour un montant qu'elle évalue à 5.000 francs, plafond prévu en l'absence de déclaration de valeur.
En réponse aux conclusions de Madame X., la SA SUISSE ACCIDENTS prétend que selon la doctrine, les clauses limitatives de responsabilité ou réduisant le délai de prescription sont valables et non contraires à l'ordre public. Elle estime qu'il n'y a pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties lorsqu'il est laissé un délai d'un an pour agir, et que cette clause ne peut donc être considérée comme abusive.
Elle conclut donc à l'irrecevabilité, et à tout le moins au débouté des demandes reconventionnelles de Madame X., et très subsidiairement, elle demande que sa garantie soit limitée à la somme de 762,24 euros. Enfin, elle demande la condamnation de Madame X. à lui payer une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande principale :
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'en vertu d'une convention entre les parties, la SA MAISON ROUSSEAU père et fils a effectué, au bénéfice de Madame X., une prestation de garde-meubles à compter du 6 août 2001, et une prestation de déménagement le 18 septembre 2001 ;
Que pour la prestation de garde-meubles, il en est comme généralement en matière de location, ainsi qu'il est rappelé à l'exemplaire de contrat de garde-meubles, il est vrai non signé par Madame X., à savoir que tout mois commencé est dû entièrement ; que Madame X., face à ces règles d'usage, et qui ne conteste pas que la prestation de garde-meubles a été demandée « en dernière minute », ne démontre pas de clause dérogatoire convenue entre elle et la prestataire de service ; que la somme réclamée pour la période du 6 août 2001 au 30 septembre 2001 est donc bien due ;
Que le déménagement a été effectué le 18 septembre 2001, et a donnée lieu à l'établissement d'une facture ;
Que le total de ces deux factures est de 953,68 euros TTC ;
Sur la demande reconventionnelle :
Attendu qu’aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Que la lettre de voiture de déménagement, valant contrat, signée par Madame X. le 6 août 2001, précise au-dessus de la signature « Le déménagement s'effectuera aux conditions générales de vente du contrat de déménagement approuvées par le client et figurant au verso, ainsi qu'aux conditions particulières prévues au contrat et rappelées ci-dessus » ;
Que les conditions générales de ce contrat figurent au verso, et sont donc opposables à Madame X., qui a apposé sa signature au bas de la mention ci-dessus rappelée ;
Attendu que ces conditions générales prévoient en leur article 15 que « les actions en justice pour avarie, pertes ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier (art. 108 du Code de commerce) » ;
Que la livraison a eu lieu le 18 septembre 2001, et que la demande reconventionnelle de Madame X. en dommages et intérêts a été formée par conclusions du 29 octobre 2002 ;
Attendu que les parties peuvent valablement convenir d'un délai de prescription, lequel se référait en outre au délai prévu à l'article 108 du Code de commerce et ne peut donc être considéré comme contraire à l'ordre public, même si le contrat en cause peut recevoir une autre qualification juridique que celle visée à cet article ;
Attendu que la clause fixant le délai de prescription d'un an à compter de la livraison des meubles ne peut être qualifiée d'abusive, puisqu'elle laisse un délai largement suffisant pour permettre au client non-professionnel de constater les avaries ou pertes liées à la prestation, et d'exercer toute action en justice en conséquence ; qu'en effet, cette clause ne provoque pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
Qu'en conséquence, la demande reconventionnelle de Madame X. est prescrite ;
Que Madame X. sera donc condamnée à verser à la SA MAISON ROUSSEAU père et fils la somme de 953,68 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2002, date de présentation de lettre recommandée avec avis de réception valant mise en demeure ;
Attendu que la SA MAISON ROUSSEAU père et fils motive sa demande de dommages et intérêts par le retard du paiement ; que celui-ci est déjà valablement indemnisé par l'octroi d'intérêts au tau légal à compter de la mise en demeure ; que cette demande sera donc rejetée ;
Sur l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile :
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse l'intégralité des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ; qu'il lui sera alloué à ce titre une somme de 300 Euros ;
Qu'également, il sera alloué à la SA SUISSE ACCIDENTS qui, intervenant volontairement, a exposé des frais pour assurer sa défense à la demande reconventionnelle, une somme de 200 euros ;
Que les dépens seront mis à la charge de Madame X., qui succombe à la présente procédure ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire, et en premier ressort,
DÉCLARE l'action de Madame X. par voie reconventionnelle prescrite,
CONDAMNE Madame X. à payer à la SA MAISON ROUSSEAU père et fils la somme de NEUF CENT CINQUANTE TROIS EUROS ET soixante-huit centimes (953,68 Euros) outre intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2002, en paiement des factures du 7 août 2001 et du 18 septembre 2001,
DÉBOUTE la SA MAISON ROUSSEAU père et fils de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNE Madame X. à verser à la SA MAISON ROUSSEAU père et fils la somme de TROIS CENTS EUROS (300 Euros) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
CONDAMNE Madame X. à verser à la SA SUISSE ACCIDENTS la somme de DEUX CENTS EUROS (200 Euros) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire,
CONDAMNE Madame X. aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur l'Aide Juridictionnelle.
- 6087 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions figurant sur l’écrit signé par le consommateur - Clauses de reconnaissance et d’acceptation
- 6467 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Transport - Transport de déménagement (7) - Prescription et litiges